quinta-feira, 26 de julho de 2012

LANDRÉ 6

C- LA SOUFFRANCE DES PRODUCTIONS MENTALES
Réfléchir à cette troisième sorte de souffrance permet de produire le désir de la libération. Généralement, ce qu'on appelle souffrance des productions mentales est le mouvement incessant produit par l'effet des sensations éphémères, y compris les moments de neutralité, et par (la soif) de l'existence, mouvement qui agite ce rassemblement d'agrégats (le corps), et qui le pousse vers de mauvais états où il demeure immergé dans la souffrance. Bien que plongé dans cette souffrance, il est emporté par le tourbillon des autres souffrances (plus apparentes) et, comme un être infantile, il ne reconnaît pas cette souffrance comme telle et au contraire, s'illusionne en la prenant pour un vrai bonheur. Les êtres suprêmes, eux, la voient bien comme souffrance et s'en détachent toujours.
"Un poil placé dans la paume de la main ne cause aucun inconfort ni aucune douleur; le même poil dans l'oeil, cause inconfort et douleur. Les êtres infantiles sont comme la paume de la main. Ils ne voient pas le poil des productions mentales comme douleur; les êtres suprêmes sont comme l'oeil. Toujours, ils s'en éloignent." (mDzod 'Grel ou Abhidharmakosha Tika)
Afin de bien percevoir le caractère de souffrance de ce phénomène des productions mentales, nous réfléchirons, premièrement, à la souffrance du caractère inachevé de l'action, deuxièmement, à la souffrance de l'inassouvissement du désir, et, troisièmement, à la souffrance de devoir sans relâche subir la ronde des naissances et des morts.
 
 
 
 

1) LA SOUFFRANCE DU CARACTERE INACHEVÉ DE L'ACTION
"Après avoir peiné pour achever un projet ou une action, on le voit spontanément se défaire. Tout en le sachant, personne pourtant ne demeure libre d'attachement." (dBu ma bZhi brGya pa ou Catuhshataka)

Même si l'on travaille jusqu'à sa vieillesse ou jusqu'à l'heure de sa mort, il n'y a aucune chance de terminer ce que l'on a entrepris. Alors même qu'il en est ainsi, le paysan pourtant, sans abandonner l'attachement, continue à tacher la pierre du sang de ses jambes et le bois du sang de ses mains. Les marchands font de leur propre pays un pays étranger et du pays étranger, ils font leur lieu de résidence, sans jamais avoir le loisir de vivre avec ceux qu'ils aiment, et ils doivent continuer ainsi à endurer ces souffrances.
"Ceux dont l'attachement est fort, s'épuisent la journée entière au travail. De retour chez eux, ils s'effondrent le corps brisé, comme un cadavre. D'autres endurent les épreuves des voyages et la douleur de devoir vivre loin de la femme et des enfants qu'ils chérissent." (sPyod 'Jug)
Il est dit dans le 'Phags pa lhag pa'i bSam pa bSkul ba ou Arya adhyashaya samcodana, concernant les malheurs de l'attachement aux actes:

"Constamment, jour et nuit, sans autre pensée, ils ne se préoccupent que d'obtenir boisson et nourriture. Ils ne désirent pas les nobles qualités; de telles fautes proviennent d'un grand attachement aux actes. Leurs désirs sont très grands, ils convoitent les fortes saveurs et ne se satisfont pas des saveurs ordinaires. Ces fautes proviennent d'un grand attachement aux actes. Ils aiment avoir une suite nombreuse et sont malheureux lorsqu'ils viennent à la perdre, errant comme des ânes. Ces fautes proviennent d'un grand attachement aux actes."
Il faut s'efforcer de se débarrasser de l'attachement aux actes qui sont comme les rides renaissant sans cesse sur l'eau.
2) LA SOUFFRANCE DE L'INASSOUVISSEMENT DU DÉSIR
Il est dit dans le rGya Cher Rol pa:
"Le désir est la racine de la souffrance, il détruit la concentration et l'ascèse. Le désir est comme un breuvage salé; plus on en boit et plus on a soif."
Bien que dans nos vies, depuis un temps immémorial, il n'est pas un seul objet de plaisir dont nous n'ayons joui, nous sommes loin d'en être satisfaits pour autant. Au contraire, notre désir n'a fait que grandir et, sous l'effet d'un appétit de jouissance insatiable, nous sommes devenus étroitement attachés à la roue. Il n'y a pas non plus un seul tourment que nous n'ayons subi. Si l'on rassemblait tout le lait que nous avons bu au sein d'une mère après nos naissances successives d'une matrice, le liquide accumulé serait encore plus abondant que l'eau des quatre océans. Comme le dit le bShes sPring:
"Bien que chacun ait déjà bu plus de lait que les quatre océans n'en contiendraient, il en boira encore bien plus s'il continue à suivre les voies de l'existence ordinaire."
De manière similaire, on a mangé des morceaux de fonte en fusion et bu le liquide de la fonte en fusion, un nombre incalculable de fois au cours de nos existences dans les enfers. Nous nous sommes nourris de pus et de sang en quantité infinie, au cours de nos renaissances chez les Prétas. En tant qu'animaux, nous avons dévoré notre propre chair et celle de nos frères, un nombre incalculable de fois.
"Même si un homme avait pour lui tous les objets de plaisir possibles, il ne s'en sentirait pas pour autant comblé. Celui qui vit dans les plaisirs en désire toujours plus. Les esclaves du plaisir sont déchirés." (rGya Cher Rol pa)
Quels sont en particulier les malheurs produits par l'attachement aux richesses?
"La richesse qu'on accumule dans la peine, et qui cause souci pour sa garde et tourment quand on la perd, sachez donc que cette richesse est la source de votre perte. Ceux qui sont pris dans l'attachement à la richesse, ne pourront jamais se libérer de la souffrance de l'existence. Pour bien peu de bénéfice, le désir apporte de grands tourments. Comme le bétail tirant une charrette, qui broûte au passage un peu d'herbe sèche, et pour atteindre une richesse qui n'est pas si rare et que même les bêtes peuvent obtenir, on détruit, par la soif douloureuse des actes, ce qu'il est si difficile d'obtenir, à savoir les conditions d'une vie humaine propices à la pratique." (sPyod 'Jug)
En ce qui concerne les malheurs produits par le désir des femmes, le Dran pa Nyer gZhag dit:
"Les femmes sont la source de la destruction de vos richesses, elles sont la source des mauvais états d'existence. Comment ceux qui désirent les femmes pourraient-ils trouver le bonheur? Les femmes causent votre perte. Ceux qui désirent leur bien dans cette vie et les autres devront rejeter le désir des femmes." (7)
Ainsi, il convient d'abandonner la convoitise et l'attachement envers les objets de plaisir, qui sont la source de toutes les pertes.
"Dans cette vie et les autres, le désir est la cause de toute perte. C'est lui qui tue, qui lie et qui détruit. Il conduit aux enfers et aux autres mauvais états dans les vies ultérieures." (sPyod 'Jug)
3) LA SOUFFRANCE DE DEVOIR SANS RELACHE SUBIR LA RONDE DES NAISSANCES ET DES MORTS
"Il n'y a aucun endroit que je n'ai déjà habité, ni aucune race dont je n'ai jamais occupé le ventre." (sLob sPring)
Depuis des éons infinis jusqu'à maintenant, sous l'effet de mes actes et de mes pulsions négatives, j'ai erré au sein des différents états d'existence. Il n'est pas un seul lieu que je n'aie déjà habité, pas une seule sorte d'être dans le ventre duquel je n'ai vécu, pas un seul état au sein des six états d'existence dans lequel je ne sois rené. Si l'on empilait tous les squelettes laissés après ma mort dans l'un seulement de ces états d'existence, le tas serait plus haut que le monde de Brahma. S'il fallait utiliser la terre de cet univers pour représenter par une boulette de la taille d'une graine de genèvrier chinois, chacune des naissances où j'ai été mère, la terre n'y suffirait pas.
"L'amoncellement de mes squelettes atteindrait ou dépasserait la hauteur de la Montagne Centrale. Toute la terre disponible ne suffirait pas à représenter par une graine de genèvrier, le nombre de fois où j'ai été mère." (bShes sPring)
rJe bTsun Rinpoche dit dans ses Chants:
"Si l'on réfléchit à la souffrance des productions mentales, les actes restent toujours inachevés, il y a souffrance d'être trop entouré et souffrance d'être seul, souffrance d'être riche et souffrance si l'on a faim. La vie humaine s'épuise en préparatifs et tous meurent au beau milieu d'entre eux. Même une fois mort, les préparatifs ne cessent pas car on commence à se préparer à la vie suivante. Combien malheureux sont ceux qui aspirent à ce cercle de la souffrance dans la roue."
En bref, la roue est comme un malade qui ne guérit pas, comme une prison dont on ne sort jamais, comme un voyageur qui n'arrive jamais à destination. Quoi que l'on fasse, où que l'on se trouve, qui que soient nos compagnons et quelque soient nos richesses, toutes les actions sont souffrance de par leur nature propre. Elles sont la cause de souffrances et nous engagent toujours plus avant dans la roue de la souffrance. Il faut le savoir. Les êtres sages s'efforceront à tous les moyens de se libérer de la prison de la roue, de toutes leurs forces comme ils s'efforceraient d'éteindre le feu ayant pris à leurs cheveux ou à leurs vêtements. Il n'y a pas plus grande urgence que cela.
"Sachez que renaître dans la roue, chez les dieux, les hommes, dans les enfers, chez les Prétas ou chez les animaux, n'est pas une bonne renaissance, mais bien plutôt la source de nombreux malheurs. Comme vous abandonneriez toute autre activité pour éteindre le feu qui aurait pris à vos cheveux ou à vos vêtements, il faut vous efforcer de mettre un terme à la roue des existences. Il n'y a pas de plus grande urgence que celle-ci." (bShes sPring)
Il est donc essentiel de développer le désir de pratiquer le saint Dharma afin de se libérer de la roue de l'existence.
"C'est parce que maintenant et par le passé, j'ai été dénué de ferveur envers le Dharma, que je me trouve ainsi dans cet état misérable. Qui donc souhaiterait être dénué de ferveur envers le Dharma?" (sPyod 'Jug)
Comment réfléchir à tout ceci? "Hélas, depuis des vies immémoriales, j'ai tenu cet assemblement d'agrégats se perpétuant au cours des vies comme quelque chose de désirable. Tous ces actes liés aux productions mentales et qui sont toujours recommencés comme les incessantes rides sur l'eau, n'ont produit que souffrance. Il n'y a aucun fruit dont je puisse dire qu'il est le résultat de mes efforts. Bien que j'ai usé et abusé de tous les objets de plaisir intérieurs et extérieurs, l'attachement à ces objets n'en a pas pour autant diminué; au contraire, je me retrouve avec une soif pour les plaisirs aussi brûlante que le feu auquel on rajoute des bûches. Bien qu'ayant repris naissance dans les six états d'existence, un nombre infini de fois, je n'ai pas été capable de saisir un seul bout de la voie de la libération, mais au contraire je me retrouve devoir errer pour longtemps au sein de la roue de l'existence. Et cette situation, j'en suis le seul responsable; la faute n'incombe à personne d'autre. Je me suis moi-même fourvoyé, je me suis moi-même induit en erreur, je suis le seul responsable de mes souffrances. Je n'ai pas eu confiance dans les refuges infaillibles du Lama et des trois joyaux, j'ai tenu pour heureuse la nature propre de souffrance de la roue de l'existence, j'ai tenu pour permanent le bonheur des états supérieurs, essentiellement éphémère. Je me suis laissé distraire par les actes liés aux productions mentales, qui sont comme les incessantes rides sur l'eau. J'ai désiré les objets de plaisir qui sont tromperie du démon. Tout ceci est arrivé parce que je ne me suis pas lassé de la douloureuse illusion des naissances et des morts. Maintenant et dans cette vie, je vais rejeter, comme on rejette un crachat, tous les actes mondains dépourvus de sens. Je vais confier mon esprit au Lama et aux trois joyaux et, en m'appuyant sur les instructions d'un maître de vertu, je vais saisir un bout de la voie de libération. Je m'en vais du fond du coeur, pratiquer le saint Dharma authentique capable d'apaiser le feu de la souffrance."
Il faudra réfléchir ainsi jusqu'à ce qu'on ressente dans sa chair et dans ses os, la vérité de ces paroles. Priant les omniscients Lama et trois joyaux pour que la pratique du saint Dharma vous engage sur la voie de la libération, vous développerez une immense force de foi et de ferveur. Il faut méditer ainsi jusqu'à ce que des pleurs coulent de vos yeux, jusqu'à ce que votre voix tremble d'émotion et jusqu'à ce que vous ayez la chair de poule ou toute autre expérience. Si une telle chose survient, il convient de ne pas la laisser s'en aller; il faut, au contraire, l'associer à la méditation de son objet et un authentique et inébranlable désir de se libérer du Samsara, naîtra en vous.
Finalement, tout en dédiant les vertus acquises, il faut cultiver lucidité et vigilance dans tous ses actes et ne jamais faillir à considérer la roue comme une prison et la libération comme une noble demeure. On s'efforcera toujours aux moyens de tranformer toute étude, toute réflexion et toute méditation en antidote à la souffrance. Le vénéré rJe bTsun Rinpoche a dit, concernant les bienfaits d'une telle réflexion:
"Quelque soit le lieu où renaisse un être, s'il le considère toujours comme un lieu imparfait et malheureux, toutes ses actions alors iront dans la voie du Dharma."
 
 

II- LES INSTRUCTIONS SUR LA DIFFICULTE D'OBTENIR UN CORPS MUNI DE TOUTES LES CONDITIONS FAVORABLES
Cette réflexion permet de produire l'effort nécessaire
Dans le Traité, c'est par les mots "Avec les pulsions négatives..." que ce sujet est évoqué. On comprend en effet que le fruit des actes commis sous l'empire de la toute puissance des pulsions négatives ne peut être autre qu'une renaissance dans les mauvais états et qu'on ne saurait en aucun cas obtenir de cette façon une renaissance dans les états supérieurs. Connaissant la nature de souffrance de la roue, il faut pratiquer le saint Dharma comme moyen de s'en libérer. Mais pour le pratiquer, il est indispensable de posséder une incarnation humaine munie de toutes les conditions favorables à la pratique et exempte de défaut. Une telle incarnation ne s'obtient pas souvent.

"Il est difficile de ne pas se trouver dans l'une des huit conditions empêchant (la pratique). Il est difficile de renaître homme. Il est difficile d'obtenir les auspicieuses conditions (de la pratique). La venue d'un Bouddha aussi est difficile et rare." (sDong po bKod pa ou Ganda vyuha)
"Ces conditions favorables sont extrêmement difficiles à obtenir. Si jamais celui qui a eu la chance d'obtenir cette opportunité de réaliser le sens de la vie, la gaspillait, il ne pourrait plus tard obtenir de si précieuses conditions." (sPyod 'Jug)
Ces instructions se répartissent en trois sections: premièrement, la réflexion sur la difficulté d'obtenir une incarnation humaine munie des conditions favorables, deuxièmement, la réflexion sur les immenses bienfaits que peut procurer une telle incarnation, et, troisièmement, la réflexion que les conditions obtenues ne sont pas éternelles.
 
 
 
 
 
 

A- LA REFLEXION SUR LA DIFFICULTÉ D'OBTENIR UNE INCARNATION HUMAINE FAVORABLE
Elle comporte aussi trois parties, à savoir la réflexion sur la difficulté du point de vue de sa cause, du point de vue de son nombre et du point de vue de son essence propre.
1) Difficulté du point de vue de sa cause
Il est dit dans le sPyod 'Jug:
"Si l'on n'accomplit pas les pures vertus, et que l'on accumule les mauvais actes, le son des états heureux ne pourra être entendu durant des millions d'éons."
C'est l'accomplissement de vertus qui est cause de l'obtention d'une incarnation humaine favorable, support pour la pratique du saint Dharma. Si l'on n'accomplit pas de vertus et qu'on accumule les mauvais actes, comment pourrait-on obtenir les conditions favorables? Il deviendrait alors difficile d'entendre ne serait-ce que le son des états heureux et ce, durant de nombreux éons. Ainsi, comme il est rare de trouver quelqu'un qui réunisse cette cause de vertu, il est également rare d'obtenir son fruit qui est cette précieuse existence aux conditions favorables. Cette cause de vertu nécessaire à l'obtention de ces précieuses conditions, consiste dans le maintien d'une pure discipline éthique. Il ne s'agit en aucun cas de quelques actes isolés, comme quelque pratique du don ou autre, car ceci n'est pas suffisant pour l'obtention d'un état supérieur d'existence.
"Même si maintenant on est riche, grâce à une pratique du don antérieure, si on brise les jambes (le support) que représente la discipline éthique, on tombera dans les mauvais états." ('Jug pa ou Madhyamakavatara)
Comme le maintien d'une pure discipline éthique est quelque chose de rare, l'obtention d'un état heureux d'existence est aussi très rare.
2) Du point de vue de son nombre aussi, cette précieuse incarnation est difficile à obtenir:
Est-ce qu'une telle incarnation est vraiment si difficile à obtenir? Il y a beaucoup d'êtres humains... Penser ainsi est signe qu'on n'a pas examiné la situation avec suffisamment de détail. De façon générale, il y a dans les états intermédiaires du Bardo (état intermédiaire entre deux existences successives) un bien plus grand nombre d'êtres privés de corps, qu'il n'y a d'êtres vivants dans les différents domaines d'existence. Pour preuve, il suffit de constater ce qui se passe si on abandonne pour quelques jours d'été, un cadavre (d'animal par exemple). On voit qu'il grouille bien vite d'un énorme nombre d'insectes, et ce nombre d'insectes se multiplie à l'infini en fonction du nombre de cadavres qu'on abandonne ainsi. Or, il n'y a pas dans le Bardo que des êtres destinés à renaître sous la forme d'insectes, il y a tous les autres en nombre infini.
Comme le disent les Sutras sans défaut, les êtres doivent errer longtemps dans le Bardo, et cette parole est tout à fait exacte. En effet, on ne peut retrouver un corps avant que la chaîne des conditions nécessaires à cette obtention, ne soit complète. Quant aux corps ainsi obtenus, ceux des mauvais états sont bien plus nombreux tandis que ceux des états heureux sont rares.
"Le nombre de ceux qui se dirigent des états heureux vers les mauvais états, est égal au nombre de particules constituant la matière terre de cette planète. Le nombre de ceux qui se dirigent des mauvais états vers les bons, est égal aux particules de terre contenues sur la surface d'un ongle. Egalement équivalent à la quantité de terre contenue sur un ongle, est le nombre de ceux qui vont des états heureux vers les états heureux. Quant au nombre de ceux qui vont des mauvais états vers les mauvais états, il est comme la terre de cette planète. De la même manière, le nombre des êtres dans les enfers est infini comme la terre de cette planète, le nombre de ceux vivant chez les Prétas est égal au nombre de flocons d'une tempête de neige, et les animaux sont comme la lie du vin nouveau." ('Dul ba Lung ou Vinayagama)
Ainsi, au regard du nombre des autres êtres, l'humanité existe à peine. Même si l'on ne regarde que les animaux des royaumes supérieurs, l'été, ils sont une infinité sur les flancs des montagnes et parmi eux, les fourmis par exemple, pour ne parler que d'une seule espèce, sont en nombre indescriptible.
Nous allons illustrer cela par un exemple tiré du sPyod 'Jug:
"Le Bhagavan (Bouddha) dit que la difficulté à obtenir une existence humaine est aussi grande que pour une tortue, de réussir à passer son cou dans un joug de bois flottant à la surface du grand océan."
Si l'on veut savoir où le Bouddha s'exprime ainsi, c'est dans le Sutra de dGa' bo Rab tu Byung ba ou Nanda parivrajya Sutra, que le Bouddha dit:
"Nobles moines, imaginez que ce monde soit un grand océan habité d'une tortue aveugle et d'une grande longévité. Imaginez qu'elle ne vienne à la surface de l'eau qu'une fois tous les cent ans. Un joug de bois à l'unique trou flotte à la surface de ce grand océan, balloté d'est en ouest et d'ouest en est par les vents."
Le Bouddha parle ainsi longtemps. Il ajoute:
"Nobles moines, il peut arriver que cette tortue aveugle parvienne à passer son cou au travers de ce joug. Nobles moines, j'affirme que l'obtention d'une vie humaine est encore bien plus difficile que cela."
Cela signifie qu'infini comme l'immensité de la surface de ce grand océan, se trouve le nombre des autres lieux de naissance possibles. Par contre, l'existence humaine est rare comme le trou unique de ce joug de bois. De même que la tortue n'apparaît à la surface qu'une fois tous les cent ans, le karma conduisant à l'existence humaine est rare. De même que les yeux de la tortue sont aveugles, ce karma est de faible force. De même que ce joug de bois est balloté par le vent dans toutes les directions, il existe de nombreux obstacles à ce que la réunion des conditions favorables à une telle naissance s'accomplisse.
"Plus difficile encore que la rencontre entre le cou de la tortue et le trou du joug de bois dans le grand océan, est la réalisation d'une vie humaine à partir des états animaux. O Puissants, pratiquez le saint Dharma et récoltez le fruit (de cette bonne incarnation)." (bShes sPring)
3) Comment réfléchir que cette incarnation est difficile à obtenir du point de vue de son essence propre?
Si on demande ce que sont les conditions favorables d'une telle existence humaine, elles se résument dans les huit libertés et les dix réunions. Il s'agit donc d'une vie réunissant dix-huit conditions.
Que sont les huit libertés? Il s'agit d'être libre des huit états interdisant la pratique du Dharma. Quant à ces huit états, ce sont les enfers, les Prétas, les animaux, les dieux de grande longévité, l'état de barbare, l'état de ceux qui maintiennent des vues fausses, l'état de ceux qui habitent une terre où le Bouddha est inconnu et enfin, l'état d'arriéré mental. Ces huit se divisent en quatre états non-humains et en quatre états affectant les humains.
Les enfers sont caractérisés par le tourment d'une terrible souffrance, les Prétas endurent une brûlure mentale incessante, les animaux sont dans la plus totale stupidité et ils n'éprouvent jamais ni honte ni pudeur, les dieux à la longue vie sont caractérisés par leurs vues fausses qui font obstacle (à la pratique) et par une grande vanité. Quant aux barbares, ils agissent en fonction d'une vue erronée sur ce qu'il convient d'accepter et de rejeter et prennent, par exemple, leur propre mère pour femme, et ils peuvent difficilement rencontrer des êtres saints. Ceux qui maintiennent des vues fausses pensent par exemple, que la vertu n'est pas cause de la libération ou des états heureux; ils ne croient pas dans la vérité de la loi de rétribution des actes et ils doutent des joyaux. Les hommes qui naissent sur une terre où le Bouddha est inconnu, n'ont pas accès à la pratique du saint Dharma car il est inconnu chez eux. Quant aux arriérés mentaux, leur organe de la parole est défectueux (et ils sont stupides). Tous sont ignorants de ce qu'il convient d'accepter et de rejeter. Il leur manque donc la première qualification pour accéder au Dharma et ils demeurent dans un état qui leur en interdit la pratique.
Ainsi donc, il est rare d'avoir la liberté de pratiquer, car la plupart des êtres au sein des six états d'existence se trouvent dans une situation leur interdisant l'accès au Dharma.
En ce qui concerne les dix réunions, il s'agit des cinq réunions personnelles et des cinq réunions générales. Les premières sont comme suit: une naissance humaine, une naissance dans un pays central, la possession d'organes sains, la foi dans les lieux sacrés et ne pas avoir commis d'actes terribles.
Nous avons déjà montré qu'une naissance humaine était rare. Naître dans un pays central est également rare. Le suprême Thogs med (Asanga) définit un pays central comme un pays où demeure l'une des quatre assemblées (moines, nonnes, pratiquants mariés et pratiquantes mariées), et un pays barbare comme une terre où aucune de ces assemblées ne demeure. Les régions où ces quatre assemblées sont absentes sont vastes comme le ciel, et celles où elles se trouvent, peu étendues comme la roue d'un char. La pleine possession d'organes sains est également rare. Il est dit dans le sDong po bKod pa:
"Etre libre d'organes défectueux est aussi rare. Il est également rare de pouvoir entendre la doctrine du Bouddha."
Avoir foi dans les lieux sacrés est rare car pas plus d'une personne sur cent n'acquiert une foi sincère envers la discipline éthique du saint Dharma. Ne pas avoir commis d'actes terribles est également rare. En effet, il y en a beaucoup qui ont soit eux-mêmes commis ces cinq actes(8) de portée infinie, soit ont induit autrui à les commettre, soit se sont réjouis de les voir commettre par autrui.
Quant aux cinq réunions générales, elles sont les suivantes: la venue d'un Bouddha, sa prédication de la doctrine, la persistance de la doctrine, la présence d'adeptes et enfin la présence de ceux qui se soucient d'autrui.
La venue d'un Bouddha dans le monde est extrêmement rare. Un Sutra dit:
"Obtenir un corps humain lors de la présence très rare du Bouddha (ou de sa doctrine), est très difficile. Hélas, comme sont rares dans ce monde ceux qui écoutent avec foi le Dharma!"
De façon générale, on qualifie d'éon de "lumière" un âge qui voit la venue d'un Bouddha et d'éon de "ténèbre" un âge où il n'apparaît pas. L'éon actuel, qui doit voir la venue de mille Bouddhas, est appelé Bon Eon. Il sera suivi de soixante éons de ténèbres au terme desquels un seul éon de lumière nommé l'Etablissement des Qualités, surviendra. Puis, dix mille éons de ténèbres suivront, suivis d'un seul éon de lumière appelé Grande Renommée. Après trois cents éons de ténèbres viendra l'éon de lumière nommé Comme une Etoile. Ainsi, il n'y a que quatre éons de lumière pour dix mille trois cent soixante éons de ténèbres. Puisqu'il est également dit que le Bouddha n'apparaît pas dans un éon de lumière aux temps d'accroissement de la longévité des êtres, la plupart du temps se passe donc sans la venue d'un Bouddha.
"Si la venue d'un Tathagata, la foi, l'obtention d'un corps humain et l'habitude de la vertu sont si rares, comment donc les obtenir?" (sPyod 'Jug)
La prédication de la doctrine est également très rare. En effet, il est dit qu'en l'absence de disciples dignes réceptacles de son enseignement du Dharma, le Bouddha ne prêchera pas.
Notre propre maître lui-même (le Bouddha Shakyamuni), après avoir manifesté la réalisation de la bouddhéité, prononça les paroles suivantes:
"J'ai découvert la doctrine qui est comme un nectar, profonde et paisible, libre de toute manifestation, claire lumière et incomposée. Comme personne ne pourrait la comprendre, je m'en vais plutôt demeurer sans parler au fond des bois."
Alors qu'il demeurait ainsi découragé, le dieu Brahma, maître du royaume de Mi mJed, lui offrit une roue d'or à mille rayons en le suppliant de bien vouloir accepter de tourner la Roue du Dharma (de transmettre son enseignement).
Que la doctrine se maintienne est également rare: en effet, même dans notre Bon Eon, entre l'avènement de la doctrine de Bouddhas successifs, il se passe des périodes où il n'y a pas de doctrine accessible.
La présence d'adeptes est également rare: il y a beaucoup d'êtres dans ce monde qui suivent des doctrines hérétiques et qui tournent le dos au Dharma. La plupart de ceux qui clament leur appartenance au Dharma se sentent malades au seul énoncé des paroles véritables des Trois Corbeilles, des Tantras et de leurs commentaires authentiques. Ils refusent simplement de les entendre et préfèrent suivre des maîtres ignorants du sens des textes, mais qui les expliquent et qui conseillent en fonction de leurs fantasmes personnels. Et nombreux sont ceux qui écoutent, qui expliquent et qui méditent suivant ces fantasmes erronés. D'autres qui prétendent aussi sans fondement, connaître les Trois Corbeilles, courent après de tels enseignements vains, comme le lièvre fuit au son de "tchal".(9)
Rares aussi sont ceux qui se soucient du bien d'autrui: ceux qui vivent du mauvais moyen d'existence qu'est le don systématique afin de s'attirer de plus grandes faveurs en retour, trouvent toujours à se faire payer en retour. Mais on renâcle à donner des aumônes au véritable renonçant qui n'aime vivre ni dans la foule, ni dans la famille et qui, ne vivant que d'aumônes pour nourriture, passe son temps dans l'étude et la méditation.
"Rares sont ceux qui possèdent des moyens d'existence purs. Rares aussi sont ceux qui ont à coeur de suivre les enseignements du Dharma." (sDong po bKod pa)
Le seigneur du Dharma Sakya Pandita dit aussi:
"La plupart de ceux qui gardent strictement leurs voeux, reçoivent peu d'honneurs; peu nombreux sont ceux jouissant d'honneurs, qui gardent leurs voeux. Il y a peu de donateurs ayant foi dans le Dharma et les fidèles donnent souvent à d'indignes réceptacles. Ces offrandes sont source de mauvais moyens d'existence. Pour autant qu'il se trouve des pratiquants du Dharma qui n'acceptent pas ces mauvais moyens d'existence, on les honore encore moins."
Sachez donc que voir réunies dans une seule et même existence, ces dix-huit conditions favorables, est aussi rare que la vue d'étoiles en plein jour.
 

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