quarta-feira, 30 de setembro de 2009

Ngor Tchen Konchog Lhundrup: LA TRIPLE VISION

LA VOIE INCLUANT SON FRUIT

Tome 1

LA TRIPLE VISION





Instructions sur la voie développées à partir du traité racine de la Voie Incluant son Fruit ou Lamdré



par Ngor Tchen Konchog Lhundrup
(1497-1547)

Traduit du tibétain par Djamyang Khandro Ahni
sous la direction de Son Eminence Ngor Ewam Phendé Rinpoché
Tous droits de reproduction ou de traduction, même partielle, réservés pour tous pays

©1998 Mme Ahni (Collection Ngor Ewam)
Centre bouddhiste tibétain
3 rue du bout de la ville
27180 Les Ventes
ISBN 2-906828-02-5 (édition complète)
ISBN 2-906828-03-3 (vol 1)
PREFACE

Le Lamdré est un cycle d'enseignements complet et fort connu, transmis de nos jours par les seuls maîtres de l'école Sakyapa du bouddhisme tibétain. Lamdré (ou Lam 'Bras selon l'orthographe tibétaine) se traduit en français par "La Voie Incluant Son Fruit". Il s'agit d'un cycle d'instructions très abondantes, (plus de trente volumes) basé sur les Tantras d'Hévajra (tib. Kye rDo rJe), qui décrit la totalité des étapes vers la bouddhéité, depuis les préliminaires communs à tous les véhicules du bouddhisme (Hinayana et Mahayana), jusqu'aux sommets de l'ultime réalisation de l'indifférenciation du Samsara et du Nirvana, essence de la profonde vision atteinte grâce aux méthodes du Vajrayana. C'est certainement l'un des cycles les plus complets explicitant la voie vers l'éveil de Bouddha, et ce dans un esprit de grande rigueur logique. Pour cette raison il est tenu en grande estime par toutes les écoles du bouddhisme tibétain.

Ces enseignements forment le coeur de la tradition Sakyapa qui s'est développée dans le Tibet du 11ème siècle avec l'arrivée au Tibet des nouvelles traductions de Tantras, et en réaction contre le laxisme des pratiquants de l'ancienne école. Le monastère de Sakya fut ainsi fondé en 1O73 par 'Khon dKon mChog rGyal po. Il devint rapidement un centre d'étude et de pratique renommé concernant ces nouvelles traductions des Tantras, ainsi que tous les domaines de la connaissance bouddhiste. C'est sous la direction de Satchen Kunga Nyingpo, fils de 'Khon dKon mChog rGyal po, et de ses fils et successeurs connus comme les cinq Lamas fondateurs de l'école Sakyapa, que ce monastère devint le monastère principal d'une nouvelle école, l'école Sakyapa. Cette école a toujours insisté sur un bon équilibre entre les aspects tous deux indispensables de la connaissance et de la réalisation intérieure grâce à la pratique.

C'est le grand Siddha indien Viroupa ou Birwapa, qui se trouve à l'origine de la diffusion des enseignements du Lamdré. Alors que découragé par de mauvais rêves ressemblant à de mauvais présages et par l'absence de résultats apparents après une pratique tantrique assidue de nombreuses années, il avait jeté son rosaire dans une fosse d'aisance, la déesse Nairatmya (tib. bDag Med ma, parèdre d'Hévajra) lui apparut durant son sommeil. Elle lui conféra les initiations complètes dans le Mandala d'Hévajra et il atteignit ainsi la première des terres de réalisation de la bouddhéité. Au cours des cinq nuits suivantes, il reçut de nouvelles instructions de la déesse qui lui permirent de progresser chaque jour d'une nouvelle terre jusqu'à devenir un grand Bodhisattva jouissant de la sixième terre de réalisation. Son comportement extérieur subit alors un grand changement. Quittant l'état de moine, il devint un yogui errant aux pouvoirs miraculeux, oeuvrant sans relâche pour le bien de la doctrine du Bouddha.

Continuant à progresser dans sa réalisation spirituelle, il formula l'essence de celle-ci dans un court enseignement oral connu sous le nom de Traité Racine des Paroles de Dorjé, basé sur les Tantras d'Hévajra. Ce traité est à la source de tous les développements ultérieurs de l'abondante littérature du Lamdré, oeuvre d'un grand nombre de saints et sages Lamas Sakyapas.

A partir de Birwapa et avant de parvenir au Tibet, ces enseignements furent transmis par quatre autres maîtres indiens successifs. Le grand traducteur 'Brog mi Lo tsa ba (993-1O77) les traduisit en tibétain et de nombreux détenteurs Sakyapas ultérieurs de la lignée écrivirent des commentaires à propos de divers aspects de l'enseignement. Satchen Kunga Nyingpo lui-même composa onze commentaires différents et son troisième fils, rJe bTsun Grags pa rGyal mTshan, rédigea également d'abondance sur le Lamdré.
Avant que n'apparaissent ces commentaires écrits, les enseignements furent pendant longtemps l'objet d'une transmission exclusivement orale et individuelle. Satchen Kunga Nyingpo lui-même demeura huit ans auprès de son maître Zhang sTon Chos 'Bar. Il en reçut les enseignements du Lamdré d'une manière graduelle, puisqu'il dut méditer afin d'accéder à une réalisation intérieure de chaque section déjà transmise avant que de recevoir la suivante. Ayant lors d'une maladie quelque peu oublié certaines des instructions de cet enseignement jusque lors principalement demeuré à l'état de transmission orale, et alors qu'il adressait de ferventes prières à ses maîtres, le puissant yogui Birwapa lui apparut dans une vision et durant un mois entier, entreprit de lui transmettre ce précieux enseignement dans son entier. C'est ainsi que les Sakyapas sont réputés posséder les deux sortes de lignées du Lamdré, la lignée ordinaire dite lointaine et la lignée proche directement du Mahasiddha Birwapa.

Plus tard, le Lama Dam pa bSod Nam rGyal mTshan (1312-1375) rédigea deux textes séparés. L'un concerne la partie préliminaire tandis que l'autre s'attache à la partie principale, donnant ainsi première forme à la manière dont ces enseignements furent ensuite transmis jusqu'à nos jours. Reprenant ce même schéma, Ngor Chen dKon mChog Lhun Grub (1497-1557) composa un traité détaillé dont la première partie, traitant des Trois Visions, est l'objet de la présente traduction. Il existe une version ultérieure et plus courte, qui est l'oeuvre de Nga dBang Chos Grags.

La première partie connue sous le nom de Triple Vision, traite de tous les préliminaires communs au Hinayana et au Mahayana, ainsi que de ceux propres au Mahayana. Leur étude est nécessaire avant d'aborder la transmission des instructions proprement tantriques, objets de la deuxième partie connue sous le nom de Triple Ligne. La Triple Vision est la vision impure, celle des êtres ordinaires; la vision de l'expérience est celle qu'obtient le pratiquant, et la vision pure constitue le propre de ceux qui parviennent au fruit ultime de la bouddhéité. Quant à la Triple Ligne, elle se compose de la ligne de cause qui est l'esprit substrat universel, de la ligne de méthode qui est le corps, enfin de la ligne du fruit qui est le Grand Sceau ou Mahamoudra.

L'AUTEUR

Ngor Chen dKon mChog Lhun Grub naquit à Sakya en 1497 et devint moine dans ce monastère à l'âge de treize ans. Il devint un maître accompli du Vajrayana. A l'âge de trente-huit ans, il reçut la charge d'abbé du monastère de Ngor Ewam Tcheu Den, qu'il détint jusqu'à sa mort en 1557. Il transmit ainsi plus de trente fois l'enseignement du Lamdré, et écrivit de nombreux textes.

LA TRADUCTION

A l'occasion de la première transmission du Lamdré en France en 198O par Son Eminence Phendé Rinpoché, une première traduction écrite des deux parties fut réalisée pour les besoins de l'enseignement. Cette première traduction très imparfaite, fut ensuite reprise et corrigée jusqu'à sa présentation définitive apparaissant dans ce livre, et Son Eminence Phendé Rinpoché a lui-même clarifié un grand nombre de points restés obscurs.

On trouvera dans ce premier tome l'intégralité de la première partie du Lamdré. La deuxième partie, c'est à dire la Triple Ligne, fait l'objet d'un deuxième tome. Après mûre réflexion et en considérant la situation présente du bouddhisme tibétain, Son Eminence Phendé Rinpoché a enfin accepté le principe d'une publication intégrale de cette oeuvre. Le fait qu'une traduction anglaise du Lamdré de Ngawang Chos Grags (plus courte que la présente de dKon mChog Lhun Grub) soit maintenant publiée et accessible à tous, a emporté la décision. Il faut pourtant répéter encore qu'il est indispensable de recevoir ces enseignements directement auprès d'un lama qualifié, et que la pratique d'après les seules indications de ce livre, serait au mieux inutile et au pire, dangereuse.


SON EMINENCE PHENDE RINPOCHE

Il est né en 1934 dans la province du Khams, à l'est du Tibet et fut très tôt reconnu par différents maîtres réputés, comme étant la réincarnation du défunt abbé de Ngor de la Maison des Phendé, le maître Jamyang Kunzang Thupten Tcheu Tchi Gyaltsen. Tous les représentants de cette sainte lignée sont révérés comme étant l'incarnation du grand sage indien Birwapa, qui occupe une place centrale dans la tradition Sakyapa, car il est à l'origine de la diffusion des enseignements concernant les pratiques d'Hévajra. Son Eminence Phendé Rinpoché est l'un des chefs actuels de l'influente branche Ngorpa qui possédait au Tibet, des centaines de monastères et près d'une quinzaine actuellement en Inde et dans les pays avoisinants.

Son éducation religieuse fut particulièrement soignée, couvrant tous les domaines de la connaissance bouddhiste. Il se trouve maintenant, entre autres, être l'un des rares dépositaires de la transmission de la monumentale collection du rGyud sDe Kun bTus ou Collection De Tous les Tantras. Il a accompli toutes les retraites majeures le qualifiant à transmettre les initiations qui sont la racine du précieux véhicule du bouddhisme tantrique, et est un maître du rituel.

Depuis la fondation de Ngor Ewam Phendé Ling en Normandie, Son Eminence a transmis en France, un grand nombre d'enseignements importants, tels ceux du Lamdré et bien d'autres. Il enseigne également régulièrement dans ses centres de Paris, Ngor Ewam Kunzang Ling, au centre de Poitiers Ngor Ewam Tcheu Ling et dans ses autres centres, notamment à Taiwan et dans d'autres pays.


L'ORNEMENT DE LA TRIPLE VISION

Exposé détaillé des pratiques préliminaires, expliquant les instructions essentielles de la "Voie Incluant Son Fruit" en accord avec le traité racine (de Birwapa)

Hommage aux pieds des vénérés Lamas à la grande bienveillance!
Que le maître(1), joyau du ciel, me garde,
lui qui, montant le char des deux accumulations pures,
s'élève ainsi très haut dans le ciel de la connaissance
et fait habilement rayonner l'infinie lumière de sa divine activité!

Que les Victorieux(2) sans pareil
qui ont purifié toutes les visions(3) impures entachées d'illusion grâce à la vision de l'expérience du Samadhi,
protègent les êtres vivants par la vision pure au coeur de toute chose qui est leur pour toujours!

Je m'incline avec respect aux pieds du puissant yogui(4) (épithète qualifiant Birwapa)
éternellement enivré du vin du nectar de grande félicité,
qui retient dans le ciel la course du soleil,
et inverse le cours du grand fleuve des souffrances du Samsara.

Dirigez maintenant votre attention sur ses instructions concernant la pratique des préliminaires,
car elles sont l'expression du sens de tous les Sutras et Tantras,
la voie unique foulée par tous les Bouddhas,
et la méthode suivie par les vénérés sages de Sakya.



INTRODUCTION GENERALE

Cette voie comprend:

1- Les instructions concernant la voie incluant son fruit, qui est le joyau des saints enseignements,
la voie unique foulée par tous les Bouddhas des trois temps,
l'essence de toutes les collections des Sutras et des Tantras qui sont la parole des Bouddhas,
la tradition enseignée par le puissant yogui sans peur Palden Tcheu Tchiong Birwapa,
la voie suivie par tous les sages et érudits,
le flambeau éclairant tous les Sutras et Tantras sans exception,
dont le sens est difficile à réaliser pour les êtres dépourvus de mérites,
l'escalier menant à la cité du Nirvana,
de la nature propre du plus sublime Samadhi de vacuité.

2- Les instructions concernant le fruit incluant la voie,

3- L'instruction selon laquelle si l'on connait une chose, on en connaît plusieurs,

4- L'instruction permettant de transformer les défauts en qualités,

5- L'instruction permettant de transformer les obstacles en pouvoirs,

6- L'instruction selon laquelle en reconnaissant le Samadhi, on dissipe les obstacles à la contemplation,

7- L'instruction selon laquelle en reconnaissant les obstacles, on détruit les oeuvres du démon,

8- L'instruction selon laquelle en sachant transformer les défauts en qualités, on sait transformer les obstacles en pouvoirs,

9- L'instruction permettant de connaître sans erreur le sens ultime et véritable des (5)Trois Corbeilles,

1O- L'instruction semblable à la pierre philosophale,

11- L'instruction sur le traité des (6)Paroles de Dorjé semblable au joyau exauçant les souhaits.

Ce sont ces enseignements que nous allons expliquer ici et que l'on devra mettre en pratique.

Pour y parvenir, on trouvera d'abord une explication à propos des moyens de transmission de l'instruction, puis la manière de mettre ces enseignements en pratique selon les instructions reçues; enfin une exhortation au pratiquant à respecter les Dix Secrets accompagnée de la transmission d'instructions bénéfiques aux disciples méritants.

Le premier point comporte trois développements concernant l'enseignement, les moyens de la transmission et la manière dont elle doit s'effectuer.

Le propos de l'enseignement est la Voie incluant son Fruit avec ses onze aspects profonds.

Les moyens de la transmission sont les quatre authenticités et les quatre lignées orales.

Quant à la manière dont elle doit s'effectuer, il convient que le sens du précieux enseignement de la Voie incluant son Fruit, du début à la fin, soit établi par les quatre authenticités et, qu'en particulier le sens de toutes les voies du Vajrayana soit déterminé par les quatre lignées orales.

On pourra se reporter au Lam'Bras Khog Phub, où tout ceci est expliqué en détail.

Le deuxième point portant sur la façon de mettre ces enseignements en pratique selon les instructions reçues, évoque les quatre manières possibles d'élucider la voie pour les disciples: l'élucidation selon le traité complet, l'élucidation au moyen de six points essentiels, l'élucidation au moyen de onze points essentiels et enfin l'élucidation en fonction des trois types d'intelligence, supérieure, moyenne ou inférieure.

Ici, les disciples seront guidés le long de cette voie parfaite au moyen de la première méthode, c'est-à-dire le traité complet. Selon cette méthode, le grand seigneur Sakyapa (Satchen Kunga Nyingpo) enseigne dans son Lam'bras Don bsDus ma que la voie se résume en sept points suivants, à savoir:

"L'établissement de la base, la voie elle-même, la destruction des concepts, les étapes de la progression, ce qui favorise la réalisation, ce qui dissipe les obstacles, et enfin la limite extrême de la réalisation avec son fruit."

Par ailleurs, le grand saint (Djetsun Trapa Djialtsen) pensa que toute la voie pouvait se résumer en deux parties, la première traitant des préliminaires et la seconde de la voie proprement dite. Il écrivit à ce propos:

"Si l'on désire guider un disciple empli de foi et capable d'obéir en tout à son Lama, selon le traité complet de la Voie Incluant son Fruit, il faudra d'abord le guider au moyen de la Triple Vision, puis grâce à la Triple Ligne qui condense le sens de tous les enseignements (du Vajrayana). Il faudra pratiquer selon cette progression qui se fait à deux niveaux."

Voilà également la voie que nous allons suivre.







LA FOI

En premier lieu, il est indispensable que le disciple qui sera guidé grâce à la Triple Vision possède la foi, car il est dit dans le Chos bCu pa'i mDo (Dashadharma Sutra):

"Aucun bon résultat ne pourra apparaître chez les hommes dépourvus de foi, tout comme la semence brûlée par le feu ne donnera aucune pousse verte. "

Si la foi est absente, la fondation même de la vertu se trouve absente. On ne peut alors accéder à la voie de la libération. Nulle qualité propre au Dharma des Bouddhas ne peut être atteinte, nulle bénédiction du Lama ou des trois joyaux ne peut être obtenue. Si on veut mettre le Dharma en pratique, la foi est donc indispensable.

"La foi est un préliminaire indispensable comme la mère qui enfante. Elle est la source de toutes les qualités qu'elle fait prospérer. Elle dissipe les doutes et permet de traverser les fleuves (de la souffrance). La foi est la marque de la cité du bonheur. La foi rend l'esprit clair et pur, elle met fin à la vanité et est la racine de l'humilité. La foi est le meilleur des trésors, des joyaux, elle est comme les jambes qui nous portent, comme les bras qui nous permettent de recueillir les vertus. " (dKon mChog sGron ma'i mDo, Ratna pradipa Sutra)

Qu'est-ce que la foi?

Le Chos mngon pa (Abhidharmakosha) répond:

"Elle est confiance dans les actes, leurs résultats, dans la vérité et dans les joyaux; elle est aussi aspiration et profonde appréciation."

Une personne dotée de ces trois sortes de foi - profonde appréciation, aspiration et confiance - ne devra en aucun cas abandonner le Dharma sous la pression de l'une ou l'autre des quatre causes qui y conduisent. Ces quatre causes sont: le désir, la haine, la peur et l'ignorance. Celui qui n'abandonne pas le Dharma, même sous l'effet de l'une d'entre elles, est une personne dont la foi ne peut être atteinte par les oeuvres du démon. Ne pas abandonner le Dharma sous l'effet du désir signifie que, connaissant les méfaits de l'avidité, jamais on ne se détournera du Dharma, quand bien même une telle conduite nous procurerait les richesses de la royauté.

Le maître Maitreya dit:

"Le bonheur du Samsara est éphémère. Même s'il n'y a rien à en espérer, l'ignorant le recherche pourtant. Le chercheur obstiné de la libération s'en détourne, s'agirait-il même des richesses que procure la royauté. "

Ne pas abandonner le Dharma sous l'effet de la haine signifie que:

"Un seul accès de colère chargée de haine réduit à néant les efforts vertueux tels que la pratique du don, des offrandes aux Sugatas et autres vertus accumulées durant mille éons. Il n'y a pas pire faute que la haine, pas plus grande ascèse que la patience. Appliquez-vous donc à la patience. Entraînez-vous de diverses manières à méditer la patience." (sPyod 'Jug, Bodhicaryavatara)

Se détourner du Dharma sous l'effet de la haine ou de la colère ne fait aucun tort à notre ennemi, elle est par contre la cause de notre propre perte. Reconnaissant les méfaits d'une telle haine, on ne se détournera donc jamais du Dharma à cause d'elle.

Ne pas abandonner le Dharma sous l'effet de la peur signifie que même si quelqu'un menaçait de nous tuer si nous continuions à agir en harmonie avec le Dharma, ou de nous dépouiller de toutes nos possessions, nous ne nous laisserions pas intimider pour autant. Sachant, en effet, que les peurs ou souffrances de cette vie ne sont rien en comparaison de celles des enfers, on veillera à ne jamais se détourner du Dharma. Le même texte nous dit:

"Dussent tous les dieux et anti-dieux se retourner contre moi, ils ne pourraient pourtant réussir à me plonger dans le feu éternel des enfers. Tandis que la rencontre avec ce puissant ennemi que sont les mauvaises pulsions, capables de réduire en cendres la Montagne Centrale, m'y jetterait en un éclair."

Selon ce texte du sPyod 'Jug, ne pas abandonner le Dharma sous l'effet de l'ignorance signifie que:

"Les personnes souffrant de maladie sont incapables d'agir. De même, lorsque l'esprit se trouve sous l'emprise de l'ignorance, on ne peut réussir en rien dans le Dharma."

Comprenant que toutes les fautes proviennent de l'ignorance du bien et du mal, si l'on veut combler cette lacune, il faudra suivre l'exemple des histoires racontées à Nor bZang par le jeune homme dPal Gyi 'Byung gNas et la jeune fille dPal Gyi bLo Gros ma. Celles-ci enseignent à se fier aux conseils d'amis spirituels plus avancés ainsi qu'à lire soi-même les Sutras afin de pouvoir parfaitement distinguer le bien du mal. Le texte du sPyod 'Jug dit encore:

"De la vie de dPal 'Byung, apprenez comment servir votre Lama. Vous le saurez aussi en vous reportant aux discours et Sutras du Bouddha."

En bref, ne pas se détourner du Dharma à cause de l'une de ces quatre conditions contraires, assure le succès dans la voie du Dharma.

Le Rin Chen Phreng ba (Ratnavali) affirme:

"L'être empli de foi est celui qui ne se détourne pas du Dharma sous l'effet d'une conduite liée au désir, à la haine, à la peur ou à l'ignorance. Il constitue le meilleur réceptacle de toutes les réussites."

Reconnaissant ainsi la foi comme la racine de toutes les qualités, pour ne pas en gaspiller le trésor qu'elle constitue et la faire prospérer, on s'appliquera à prier le Lama et les trois joyaux, à comprendre le sens des actes des êtres saints, à lire les Sutras parfaits, à éviter la compagnie de mauvais amis tout en recherchant au contraire, celle d'amis à la conduite pure. Il faudra ainsi s'appliquer à tous les moyens de faire produire au mieux le champ de la foi.

"Celui qui aspire à mettre un terme à la souffrance et à parvenir à la perfection du bonheur, devra affermir la racine de la foi et tourner fermement son esprit vers l'éveil." (bsLab bTus, Shiksha Samuccaya)

Afin de faire naître la foi en ceux qui en sont dépourvus et l'affermir chez ceux qui la possèdent, il est bon d'écouter les récits de la vie des Lamas de la lignée spirituelle que l'on suit, de développer à leur égard ferveur et respect; enfin, de leur adresser les prières que l'enseignement nous transmet.

Une telle personne douée de foi doit embrasser la pratique dans un lieu dont les qualités sont décrites dans le mDo sDe rGyan (Sutralankara):

"Le lieu choisi pour la pratique du sage doit être bien approvisionné, auspicieux. Il doit jouir d'un environnement de qualité, de l'entourage de nobles compagnons et réunir toutes les conditions favorables à la réussite de l'entreprise."

"Bien approvisionné" signifie qu'il doit être facile de s'y procurer de la nourriture telle que celle fournie par les aumônes, ou autre.

"Auspicieux" se réfère à la sécurité du site choisi, celui-ci doit être dépourvu de voleurs ou autres malfaiteurs.

La "bonne qualité de l'environnement" se réfère à la qualité de la terre et de l'eau, etc... qui doit exceller afin de ne pas provoquer de maladies.

La compagnie de "nobles compagnons" signifie que l'entourage humain ne doit pas contribuer à la multiplication des mauvaises pulsions ou des fautes.

"Les conditions favorables à la réussite de l'entreprise" sont l'absence de foules humaines le jour, de même que l'absence de bruit la nuit.

Il est donc conseillé à un débutant de pratiquer dans un lieu tel que nous venons de le décrire. Comment ce dernier doit-il s'asseoir? Il lui faut adopter une posture de méditation correcte, telle que celle des jambes croisées dans la posture du Dorjé ou toute autre, mais éviter de s'allonger, de s'adosser ou d'être penché. Il est dit dans le bsGom Rim Bar ma (Bhavanakrama):

"Ayant placé devant soi une statue ou encore une image de Bouddha ou de Bodhisattva, on accomplira les offrandes et autres pratiques, tout en se maintenant sur un coussin confortable dans la posture du Bouddha rNam par sNang mzad (Vairocana) ou dans la posture du demi-lotus."



LE REFUGE

La méditation telle qu'on doit la pratiquer se compose habituellement d'une partie préliminaire constituée de la prise des refuges et autres prières, de la séquence principale, sujet propre de la méditation, enfin d'une conclusion constituée par la dédicace des vertus acquises ainsi que le maintien dans l'esprit du sens de la méditation. Ces deux parties, le préliminaire et la conclusion devront être ajoutées à toutes les méditations décrites plus avant dans cet ouvrage. Ici, pourtant, le refuge constituant le corps de la méditation principale, nous allons le décrire en détail, en développant les cinq points qui le caractérisent: la cause, l'objet, la manière, les bienfaits et les règles à suivre.

I- LA CAUSE DU REFUGE

Il y a trois causes susceptibles de conduire à la prise de refuge. Ce sont: la peur, la foi et la compassion.

Que signifie prendre refuge sous l'effet de la peur? On cherche un refuge lorsqu'on redoute la peur de la souffrance de l'existence, pour soi-même ou pour autrui.

"Par le passé, j'ai désobéi à tes paroles et me voilà maintenant confronté à une grande peur. Cherchant en toi mon refuge, je te supplie de dissiper rapidement cette peur." (sPyod 'Jug)

On prend ici la résolution de s'appuyer sur un refuge sûr afin d'échapper à la souffrance dans laquelle on se trouve soi-même ou autrui.

Quant à rechercher un refuge sous l'effet de la foi, cela consiste à développer la foi provenant d'une profonde appréciation des qualités de l'objet du refuge possèdant le pouvoir de délivrer de la peur de la souffrance. La foi peut aussi provenir du désir d'obtenir un état identique à celui de l'objet du refuge. Ce peut aussi être la foi de la confiance dans la profonde vérité de la loi de production des évènements en fonction de causes et de conditions. Ces trois sortes de foi incitent à la recherche d'un refuge.

Rechercher un refuge à partir de la compassion est le propre d'une personne appartenant naturellement à la voie du Mahayana. Cette personne est poussée au refuge devant l'observation de la souffrance d'autrui. Elle ne peut la tolérer, imaginant ce qu'elle endurerait si elle était elle-même confrontée à une telle situation. Emue par la compassion, elle cherche un refuge afin de protéger l'autre de la souffrance.

Si l'on veut résumer, on dira qu'il est très important de prendre refuge tout en demeurant lucide par rapport aux trois causes que nous venons de décrire, car prendre refuge sans réfléchir ne peut conduire à aucun bon résultat.

"Toute pratique de récitation de mantras ou autre ascèse, même accomplie durant de longues périodes, si elle est faite avec l'esprit distrait et occupé ailleurs, est dépourvue de sens. Ainsi parle l'omniscient Bouddha." (sPyod 'Jug)

II- L'OBJET DU REFUGE
-Bien qu'on relève des différences concernant les objets du refuge en fonction des véhicules -grand ou petit- ainsi qu'en fonction des limites de réalisation (écoles de pensée) à l'intérieur de ces véhicules, pour ce qui nous concerne ici, les premiers objets du refuge sont le Lama et sa propre lignée de maîtres. Le Lama est le maître qui nous révèle la voie sublime.

-Le deuxième objet de refuge est le joyau du Bouddha qui jouit de toutes les réussites personnelles telles que la possession du corps de Dharma, libre de tout défaut et doué de toutes les qualités. Il possède aussi le pouvoir de la réalisation du bien d'autrui qu'il accomplit dans son corps de la forme aussi longtemps que dure le Samsara.

-Le troisième objet du refuge est le joyau du Dharma qui se compose de la partie doctrinale des Trois Corbeilles et des Douze Membres de la Parole du Bouddha, et de la partie de réalisation sous la forme des Trois Entraînements ou des deux aspects de la cessation de la souffrance et du chemin y conduisant.

-Le quatrième objet de refuge est le joyau de la communauté constituée à la fois par tous les êtres éminents demeurant à un degré d'avancement tel qu'ils n'ont plus à revenir contraints dans le monde, et par tous les êtres ordinaires qui sont entrés dans la voie avant que je ne le sois moi-même.

III-COMMENT PRENDRE REFUGE?

On commence par se prosterner devant les images des Lamas et des trois joyaux, on leur fait offrande, etc.... On s'assoit ensuite sur un coussin confortable dans la posture de méditation. Imaginant que l'assemblée des Lamas, des Bouddhas et de leurs fils ainsi que tous leurs disciples, se trouve réellement présente dans le ciel en face de soi, que l'on est soi-même en compagnie de tous les êtres vivants des six états d'existence dont notre propre père et mère, on joint les mains en signe d'humilité physique. On manifeste également vocalement son respect en récitant les refuges. Ce faisant, on développe en son esprit une grande foi et une grande humilité, tout en s'avouant que par le passé et dans un grand nombre d'existences antérieures, on a négligé de suivre les préceptes de ses maîtres. N'ayant pas pris les trois joyaux pour refuges, cela nous a conduit à endurer un grand nombre de souffrances au sein de la roue de l'existence.

Le pratiquant prend maintenant ces résolutions:
"Désormais, ce jusqu'à l'obtention de l'éveil, je ne placerai plus mes espoirs que dans la compassion du Lama et des trois joyaux.
Dans un esprit de parfaite confiance, je penserai que le Lama et le Bouddha sont les maîtres qui révèlent la voie de la parfaite libération, que le Dharma est la voie même et que la communauté représente les compagnons dans la pratique de la voie. Puis je supplierai le Lama et les trois joyaux pour que, dans leur omniscience, ils fassent en sorte que tous les actes du corps, de la parole et de l'esprit de tous les êtres vivants suivent toujours la voie des Bouddhas.
Je penserai également que, tout comme je prends moi-même refuge, les êtres de l'espace infini suivent mon exemple."

On récitera ainsi un grand nombre de fois et du fond du coeur, la formule des refuges divisés en quatre parties.

Pour conclure, on se prosterne devant le Lama et les trois précieux joyaux, prenant refuge en eux et priant ainsi:

"Je vous prie de bien vouloir accorder vos bénédictions à mon continuum mental. Bénissez-moi afin que mon esprit incline au Dharma; afin que je puisse pratiquer la voie du Dharma; afin que les erreurs sur la voie se dissipent; afin que ces erreurs m'apparaissent en tant que connaissance transcendante; afin que, pas un instant, mon esprit ne soit encombré de soucis contraires au Dharma; afin que les couches profondes de mon esprit voient naître un amour, une compassion et un esprit d'éveil authentiques et afin que j'obtienne rapidement l'état de Bouddha omniscient parfaitement accompli."

Si on désire réciter le refuge en vers:

"Dans le glorieux Lama racine avec sa lignée qui est la quintessence
du corps, de la parole, de l'esprit, des qualités et de l'activité divine
de tous les Sugatas des trois temps et des dix directions,
la source des quatre-vingt quatre mille doctrines du Dharma,
le maître suprême de l'éminente communauté,
à partir de maintenant et jusqu'à l'obtention de l'éveil,
moi-même et tous les êtres des trois sphères de l'espace infini,
nous prenons refuge dans le plus grand respect de nos trois portes.

Dans les Bouddhas qui sont les maîtres ayant atteint la perfection du renoncement et de la réalisation, nous prenons refuge dans le plus grand respect de nos trois portes.

Dans le saint Dharma qui est la doctrine des deux parties théorique et de réalisation, nous prenons refuge dans le plus grand respect de nos trois portes.

Dans la suprême communauté de ceux qui détiennent les enseignements des Bouddhas et de leurs fils, nous prenons refuge dans le plus grand respect de nos trois portes."

Cette prière doit être récitée autant de fois que possible. Puis on poursuit ainsi:

"Devant le Lama et les précieux joyaux, nous nous prosternons tout en prenant refuge. Je les prie de bien vouloir accorder leurs bénédictions à mon corps, parole et esprit ainsi qu'à ceux de tous les êtres vivants.

Bénissez-nous afin que notre esprit incline au Dharma; afin que nous le pratiquions correctement; afin que les erreurs et illusions rencontrées dans la voie s'apaisent; afin que les visions erronées apparaissent comme connaissance transcendante; afin que les préoccupations étrangères au Dharma disparaissent; afin que l'amour et la compassion puissent naître; afin que nous puissions pratiquer les deux esprits d'éveil, et afin que nous obtenions rapidement l'état de Bouddha."

Ayant par trois fois, ou plus, prié de cette manière, on imaginera alors que les objets de refuge nous regardent de leur sagesse transcendante omnisciente; qu'ils nous considèrent avec leur compassion bienveillante; qu'ils nous protègent de leur divine activité; qu'ils nous gardent et nous bénissent avec leur pouvoir de protection.

Pour conclure, on dédie le mérite de cette méditation pour le bien de tous de même qu'on s'efforce de cultiver le souvenir de sa signification de manière suivante:

Au sortir de la méditation, nous devrons souhaiter que la vertu acquise permette à tous les êtres vivants qui ont un jour été nos parents, de réaliser les deux objectifs, le leur et celui d'autrui, et d'atteindre l'état de Bouddha. On pourra également réciter les vers de dédicace composés par le maître Nagarjuna ainsi que les autres paroles de dédicace ou de bons souhaits que l'on connaît.

Dans tous les intervalles entre les séances, il convient de se remémorer les qualités des trois joyaux et de ne jamais se trouver en contradiction avec les règles propres au refuge tout en cultivant toujours le désir de suivre leurs enseignements. Il est très important de toujours se remémorer le sens de la pratique car il est dit qu'une vertu dépourvue de ce souvenir perd tout son sens.

"La non-vigilance est comme un voleur qui, accompagnant notre oubli du sens véritable, nous dérobe l'ensemble des mérites accumulés tout en nous conduisant vers les mauvais états de renaissance." (sPyod 'Jug)

Ainsi donc si l'on désire conserver les règles, il faut principalement s'exercer à contrôler son propre esprit.

"Qui désire garder une discipline devra maintenir un contrôle strict sur son propre esprit. Si l'on ne contrôle pas son esprit, il est impossible de maintenir une discipline". (sPyod 'Jug)

IV- LES BIENFAITS DE LA PRISE DE REFUGE

On décrit ces bienfaits comme étant illimités. Entre autres avantages, le refuge est la source assurant la naissance des voeux reliés aux étapes suivantes de la voie.

"Si le mérite tiré de la pratique du refuge avait une forme visible, les espaces célestes seraient un récipient trop petit pour la contenir." (Sutra)

On se réjouira donc de la manière suivante: "En bref, dans tous les mondes des dieux, impossible de rien trouver qui soit de plus puissants et éminents protecteurs que le sont ces trois joyaux. A partir d'aujourd'hui, j'ai trouvé là les plus excellents des protecteurs."

V- LES REGLES DU REFUGE

"Dans le seul but de favoriser la réalisation de leurs objectifs terrestres, les êtres mondains doivent s'abstenir d'aller contre les désirs ou les lois des puissants. De plus, il leur faut, bien souvent, s'attirer leurs bonnes grâces. Moi qui aspire à la réalisation de l'éveil ultime, il est essentiel que je m'abstienne donc d'enfreindre les commandements des trois joyaux qui en sont les maîtres."

Les règles communes à l'ensemble des trois joyaux sont la nécessité de fréquenter de saintes personnes, et autres actions bénéfiques... S'agissant des règles particulières qui concernent le Bouddha, prendre refuge dans les Bouddhas implique de ne plus se prosterner devant des déités profanes mondaines. Prendre refuge dans le Dharma implique de renoncer à nuire aux êtres vivants. Prendre refuge dans la Communauté demande de renoncer à fréquenter des amis adeptes de mauvaises doctrines. En outre, il convient de ne jamais abandonner le Dharma, même pour sauver sa propre vie, et moins encore contre la promesse d'une récompense. Que maladies ou peines surviennent, il convient de ne jamais tourner le dos aux refuges.

Au lever comme au coucher, on se prosternera devant les supports des trois joyaux. Lors des repas, on se conformera aux paroles du maître Atisha:

"Divisez la nourriture en quatre parts; la première part -la plus pure- sera offerte aux déités, puis on offrira des gâteaux rituels en abondance aux Protecteurs du Dharma. On prendra ensuite soi-même sa part de nourriture et de boisson. Ce qui restera sera enfin offert à tous les esprits élémentaux."

En procédant de la sorte, on offrira donc une part de nourriture aux Lamas, Yidams, trois joyaux, Protecteurs du Dharma et divinités de richesse. Afin de respecter les paroles du Bouddha, on présentera également une part à la démonesse Throma ('Phrogma appartient à la catégorie des Yakshas) et à ses enfants, ainsi qu'aux esprits ayant droit aux offrandes.

"Ce corps humain doit être utilisé au mieux". (sPyod 'Jug)

Se nourrissant de façon modérée et en accord avec le Dharma, prendra la résolution de consacrer en toutes circonstances son corps à la vertu. Le restant de nourriture sera offert aux esprits y ayant droit.

Le texte du sPyod 'Jug conseille:

"La nourriture sera offerte aux affamés, à ceux qui sont privés de protection ainsi qu'à ceux qui pratiquent les austérités."

Ayant ainsi agi, il y aura lieu de dédier la vertu recueillie en formulant le voeu qu'elle soit la fontaine de bienfaits immédiats et de bonheur ultime pour tous. Tout en s'entraînant de cette façon, même dans les plus petits détails, on s'efforcera de toujours placer sa confiance dans les trois joyaux sans jamais douter un seul instant de la réussite. En effet, de par sa connaissance transcendante, le Bouddha connaît toutes les voies s'accordant aux différents tempéraments des êtres. Il possède la compassion qui permet de les éloigner du mal et de les établir au contraire dans la bonne voie. Il possède également le pouvoir suprême dû à son accumulation du mérite et de la sagesse transcendante ainsi que la force de son voeu pour le bonheur des êtres. Il est donc à même de protéger ceux qui obéissent à ses commandements.

"Si par le passé, je ne suis pas parvenu à me libérer du Samsara, c'est parce que j'ai manqué de foi envers les trois joyaux et que je n'ai pas suivi leurs commandements. Ceci n'est pas imputable à un manque de compassion de leur part."

"De même qu'une semence gâtée ne produira rien même si le roi des dieux faisait tomber la pluie en abondance, de même les infortunés n'ayant pas amassé le mérite nécessaire ne ressentiront rien de bon à la venue du Bouddha". (mNgon rTogs rGyan)

"Si, dès aujourd'hui, on ne s'applique pas avec la plus grande persévérance (à la vertu), on tombera de plus en plus bas. Bien que d'innombrables Bouddhas se soient manifestés pour accomplir le bien des êtres, je n'ai pas su profiter de leur oeuvre de salut à cause de mes fautes". (sPyod 'Jug)

En bref, il est fort incertain que je puisse parvenir à la réalisation de mes espoirs de par mes seuls efforts ou ma seule astuce qui ne s'appuieraient pas sur la confiance dans les trois joyaux. Quand bien même y parviendrais-je pour un temps, la réussite ne peut en être assurée définitivement. Il est donc essentiel de s'en remettre aux trois joyaux avec la plus grande confiance.



L'ENSEIGNEMENT PRINCIPAL

Afin de mettre l'enseignement principal en pratique, trois points seront évoqués: les instructions concernant la vision impure en vue de produire le renoncement au monde, les instructions concernant la vision de l'expérience en vue de produire de nobles aspirations et enfin les instructions sur la vision pure permettant le développement d'une grande joie.



CHAPITRE I

LES INSTRUCTIONS CONCERNANT LA VISION IMPURE AFIN DE PRODUIRE LE RENONCEMENT AU MONDE

Ces instructions se divisent en trois parties: la première instruit des maux liés au Samsara afin de produire le renoncement, la seconde, en vue de produire l'effort nécessaire, insiste sur la difficulté d'obtenir un corps muni de toutes les conditions favorables à la pratique, et la troisième partie traite de la loi de rétribution des actes mauvais ou vertueux, afin d'éclairer la conduite à suivre.

I- LES INSTRUCTIONS CONCERNANT LES MAUX LIÉS AU SAMSARA, AFIN DE PRODUIRE LE RENONCEMENT

Le Traité (Traité Racine de Birwapa) fait référence "aux êtres vivants" dans la souffrance.
En effet, si on examine la nature des êtres vivants, on comprend que nul n'échappe à la souffrance. Ceux qui désirent cependant échapper définitivement à la souffrance et parvenir à l'Au-delà de la Souffrance, (traduction littérale du terme Nirvana) doivent d'abord rejeter tout désir du Samsara. Afin d'y réussir, ils doivent être convaincus des maux liés au Samsara. Ils doivent comprendre, grâce à l'enseignement de leur saint Lama, que tout ce qui est du domaine du Samsara est de la nature de la souffrance.

Djetsune Rinpoché (Trapa Djialtsène, rJe bTsun Rin po che Grags pa rGyal mTshan) enseigne cette vérité dans ses chants:

"Afin de réaliser le Nirvana, il faut s'efforcer de rejeter tout désir à l'égard des trois sphères. Pour rejeter tout désir envers les trois sphères, il faut s'efforcer de réfléchir aux maux liés au Samsara."

"La sphère du désir est imparfaite, la sphère de la forme aussi est imparfaite et également imparfaite est la sphère du sans-forme. Seul le Nirvana est dépourvu de défauts." (Sutra)

"Il n'y a pas de bonheur au royaume des cinq états d'existence, de même qu'un objet sale ne peut sentir bon. La souffrance y est partout tout comme elle est présente dans le contact avec le feu, les armes ou l'ingrédient dit "sel chinois". (le maître mGon po Byams pa)

Si l'on s'interroge sur la souffrance, les défauts et les maux que l'on rencontre dans le Samsara, le Sutra Dran pa Nyer gZhag (Smrytupasthana Sutra) en donne cette description:

"Dans les enfers, les êtres subissent le feu des enfers, les Prétas subissent les affres de la faim et de la soif, les animaux s'entredévorent, les humains peinent à assurer leur subsistance et les dieux se perdent dans l'insouciance. Il n'y a pas même la valeur d'une pointe d'aiguille de bonheur dans le Samsara."

Dans la réflexion sur toutes ces souffrances, il convient de produire du chagrin à l'évocation de la souffrance des souffrances, puis, à l'énoncé de la souffrance du changement, il faut rejeter l'attachement et enfin il faut produire le désir de la libération à l'évocation de la souffrance des productions mentales.

A- LA SOUFFRANCE DES SOUFFRANCES

Djétsune Rinpoché enseigne dans ses Chants:

"La souffrance des souffrances est celle qu'on ressent dans les trois plus mauvais états d'existence. L'évoquer dans ses détails donne la chair de poule. Si elle venait à tomber sur moi, il serait impossible de la soutenir. Quelle misère que ceux qui ne s'appliquent pas à la vertu et dont les actes, au contraire, ne préparent qu'aux mauvais états de renaissance."

"La souffrance des souffrances est celle que l'on trouve dans les trois mauvais états; elle ressemble à celle qu'éprouve le lépreux lorsque sa chair se met à bourgeonner sur une plaie existante. A y réfléchir, comment la supporter? Pensez-y et abstenez vous de tout acte contraire à la vertu." (Réponse à Pra sTon)

Afin d'examiner en détail cette souffrance, nous allons évoquer celle des enfers, puis celle des Prétas et enfin celle des animaux.

1) LA SOUFFRANCE DES ENFERS

Elle est de trois sortes, celle qui affecte les enfers froids, celle des enfers chauds et enfin, celle des enfers dits avoisinants et autres.

a) Les Enfers Froids

Ils sont au nombre de huit qui se nomment: Enfer de la Chair Bourgeonnante, Enfer de la Chair Bourgeonnante qui Crevasse, Enfer Grelottant, Enfer des Lamentations, Enfer des Claquements de Dents, Enfer de la Fleur Oupala, Enfer de la Fleur de Lotus et Enfer de la Fleur de Lotus qui se Crevasse Entièrement.

L'Enfer de la chair bourgeonnante

Cet enfer se trouve être un lieu ceinturé d'une guirlande de montagnes neigeuses. Le sol est une grande plaine de glace où tourbillonne une tempête incessante de flocons de neige qui vous transpercent de froid. L'endroit n'est pas même éclairé de la lueur des étoiles et on n'y a pas le moindre morceau d'étoffe permettant de se réchauffer. Le damné que ses actes passés destinent à ce lieu, y naît tout seul spontanément d'une naissance miraculeuse, avec un corps de taille pleinement développée. Sous l'effet de la sensation du froid qu'il y subit, sa chair se met à bourgeonner d'une infinité de cloques.

L'Enfer de la chair bourgeonnante qui crevasse

Ici, la sensation de froid est vingt fois plus intense que dans l'enfer précédent. Toutes les cloques crèvent en laissant s'écouler du sang et de la lymphe qui gèlent instantanément.

L'Enfer grelottant

Cet enfer est si froid qu'on y grelotte et y gémit constamment.

L'Enfer des lamentations

La sensation de froid étant encore plus intense que dans l'enfer précédent, on s'y lamente sans cesse.

L'Enfer des claquements de dents
Le froid encore plus vif provoque un claquement des dents incessant et le corps se rigidifie.

L'Enfer où la chair crevasse comme une fleur Oupala

C'est un enfer où le froid encore plus vif fait bleuir la peau et la fait se crevasser.

L'Enfer où la chair crevasse comme une fleur de lotus

Ici, le froid encore plus vif fait que la peau se trouve emportée en lambeaux par la tempête de neige et le damné se retrouve tout rouge, la peau à vif qui continue pourtant à se crevasser.

L'Enfer où la chair crevasse entièrement comme une fleur de lotus

Dans cet enfer, le corps subit les mêmes épreuves que précédemment avant de se crevasser en cent et mille morceaux. Les organes internes sont mis à vif et se crevassent également.

Le maître Tsandra Gomi s'exprime à ce sujet:

"Un vent sans égal vous transperce jusqu'à l'os; tout le corps tremble et la peau s'en va en lambeaux. Des centaines de cloques qui crèvent, apparaissent des êtres qui vous transpercent de leurs armes et font couler votre sang et votre lymphe."

Quelle est la durée de vie dans ces enfers?

"La durée de vie dans l'Enfer de la chair bourgeonnante équivaut au temps qui serait nécessaire pour vider une barrique pleine de sésame en en retirant un grain tous les cent ans. Chaque enfer dure ensuite vingt fois de plus que l'immédiatement précédent." (mDzod ou Abhidharma Kosha)

Il faut préciser ici que la barrique de sésame en question est le récipient contenant quatre-vingt mesures (ou Khal) de sésame de la variété dite Bre bo en usage au pays de Magadha. Le temps passé à la vider en extrayant un grain de sésame une fois toutes les cent années humaines, équivaut à la durée de vie dans l'Enfer de la Chair Bourgeonnante. Chacun des sept enfers suivants dure vingt fois plus longtemps que le précédent. Ainsi l'Enfer de la Chair Bourgeonnante qui Crevasse équivaut à la durée de vingt fois l'Enfer de la Chair Bourgeonnante. Par rapport au premier de ces huit enfers, l'Enfer Grelottant dure quatre cent fois plus longtemps, l'Enfer des Lamentations dure huit mille fois plus, l'Enfer des Claquements de Dents dure cent soixante mille fois plus longtemps, l'Enfer de la Fleur Oupala dure trois million deux cent mille fois plus, l'Enfer de la Fleur de Lotus dure soixante quatre millions de fois plus et l'Enfer de la Fleur de Lotus qui Crevasse Entièrement dure un milliard deux cent quatre-vingt millions de fois plus longtemps. Cette estimation de la durée de ces enfers n'est qu'approximative. Si on la calculait avec plus de précision, on obtiendrait des durées encore bien supérieures, car il est dit dans un Sutra:

"Si par exemple, moines, on emplissait à ras bord une barrique du Magadha pouvant contenir quatre-vingt mesures de sésame et qu'on en extrayait ensuite un seul grain tous les cent ans afin de la vider, le temps total passé à cette tâche est relativement court. Je ne saurais dire que la durée de vie dans l'Enfer de la Chair Bourgeonnante est aussi courte. "

Le Sutra poursuit ensuite en annonçant que chacun des enfers dure vingt fois plus longtemps que le précédent.

Comment mener la réflexion sur ce sujet? Il faut d'abord prier sincèrement les refuges en préliminaire, puis songer ainsi:

"Hélas, depuis un temps immémorial jusqu'à maintenant, j'ai erré dans toutes sortes de renaissances au sein de la roue. J'ai sans cesse dû affronter le cours incessant de la souffrance. Ce serait supportable si je pouvais me dire que les souffrances subies appartiennent désormais au passé et qu'à présent, plus la moindre d'entre elles ne m'affectera. Malheureusement, et ce jusqu'à ce que l'illusion d'un sujet et d'un objet ne se dissipe, je devrai renaître contre mon gré, dans les six états d'existence où je serai de nouveau en proie à toutes sortes de sensations douloureuses. Que faire alors? Que ferais-je donc si demain matin, je devais renaître dans ces enfers froids dont on vient tout juste de décrire l'apparence, les conditions et la durée?"

Se remémorant dans leur détail les conditions de vie dans ces enfers, il faudra ainsi poursuivre la réflexion:

"Moi qui maintenant sous cette forme humaine, ne puis même pas un seul jour, supporter la plus petite sensation de froid, comment donc pourrais-je soutenir la souffrance de ces enfers froids si elle devait tomber sur moi? Je ne puis aucunement être certain qu'une telle douleur ne sera pas mon lot. Tous les jours et plusieurs fois par jour, je tombe sous l'emprise de la colère et de l'agressivité qui sont les causes d'une telle renaissance. Si une telle souffrance m'échoit et que je ne puis la supporter, que va-t-il se passer? La seule chose à faire pour éviter une telle situation est de me mettre dès maintenant à la pratique d'un saint Dharma authentique, antidote à la souffrance."

Réfléchissez-donc ainsi dans la profondeur de votre coeur. Le Dharma qu'il convient de pratiquer n'est pas n'importe quoi de votre fabrication, il doit être en accord avec la doctrine des Victorieux et doit provenir d'une lignée de transmission ininterrompue. Vous penserez:

"J'ai maintenant la chance insigne de pouvoir mettre en pratique ce précieux enseignement du Lamdré, et il me faut absolument y parvenir. Puissent l'omniscient Lama et les trois joyaux m'y aider!"

Si on le souhaite, on peut réciter les trois stances de la prière des refuges (voir plus haut le paragraphe concernant la manière de prendre refuge) commençant par les mots "bLama mChog Dang...." En toutes circonstances, il convient d'agir conformément au Dharma, comme le conseille la Précieuse Guirlande (Rinchen Phreng ba):

"Abstenez-vous d'alcool, adoptez de bons moyens d'existence, ne faites de mal à personne, offrez des dons avec humilité, ayez du respect envers les meilleurs (Bouddhas et Bodhisattvas), et ayez toujours de l'amour envers les inférieurs. Voici en bref ce qu'est le Dharma."

Parce que le bienfait tiré du seul désir de pratiquer le Dharma dès maintenant, est immense, il est bon de le dédier pour le bénéfice de tous les êtres vivants. En toute circonstance et grâce à une vigilance sans faille, il faut cultiver un fort renoncement à la roue de l'existence et adopter un comportement conforme au Dharma.

b) Les Enfers Chauds

"Le Retour à la Vie, les Lignes Noires, l'Ecrasement, les Hurlements, les Grands Hurlements, l'Enfer Brûlant, l'Enfer Extrêmement Brûlant et l'Infinie Souffrance."

Le Retour à la Vie

Dans cet enfer, le sol est fait de métal en fusion où brûle en permanence un énorme feu. Le damné y naît lorsque mûrit pour lui le fruit des actes passés qui l'y destinent. Il y naît d'une naissance miraculeuse, avec un corps de taille pleinement développée, et peu de capacité à supporter la chaleur et la crainte. Sitôt né dans cet endroit, son esprit le déteste et s'afflige:

"Quel malheur d'être né là! J'espère que personne ne viendra me faire du mal dans un tel endroit."

Sous l'effet justement de cette pensée, il voit venir de toutes les directions, un grand nombre de puissants serviteurs de gShin rJe (le maître des morts) qui brandissent des armes et ont un aspect des plus terrifiants. Ils se mettent à poursuivre le damné, comme un chasseur ses proies, et lui font tout ce qu'un boucher fait aux animaux qu'il tue. Ils le frappent de leurs armes, le tranchent en morceaux, le transpercent, etc.... en lui infligeant toutes sortes de souffrances. Finalement, alors qu'il est à peu près mort et évanoui, et sous l'effet de son karma, un vent portant le son "Reviens à la Vie" souffle dans le ciel sur son corps. Il a pour effet de le ranimer et de nouveau, les serviteurs de gShin rJe se mettent à sa poursuite, lui infligeant sans fin de nouvelles tortures.

"Les serviteurs de gShin rJe qui vous écorchent tout entier vous font atrocement souffrir. Ils vous versent sur le corps du cuivre fondu dans un brasier ardent et tranchent votre chair en cent morceaux avec leurs épées et leurs lances brûlantes, vous faisant tomber sur le sol de métal incandescent. Toutes sortes de tortures vous sont ainsi infligées." (sPyod 'Jug)

Les Lignes Noires

La situation de base est la même que dans l'enfer précédent, mais en plus, les serviteurs de gShin rJe dessinent sur le corps du malheureux damné un réseau de lignes noires, comme les lignes servant de repère à un menuisier. Se saisissant alors de scies acérées et à l'acier incandescent, ils découpent suivant le tracé de ces lignes et achèvent leur travail à la hache.

"Certains vous découpent à la scie tandis que d'autres arrachent les morceaux avec une hache insupportablement aiguisée. " (bShes sPring, Suhrillekha)

L'Ecrasement

Dès que le damné naît sur le sol de fer incandescent, il ressent une insupportable sensation de brûlure et cherche partout un endroit où fuir. D'énormes montagnes à la face de yak et de buffle se rapprochent alors jusqu'à l'écraser et le réduire en poussière, tout comme on écrase des graines de sésame. Un flot de sang incessant coule. Lorsque les deux montagnes s'écartent enfin légèrement, sous l'effet de son karma, son corps reprend sa forme primitive, et de nouveau la même situation se reproduit sans fin. Le même texte nous dit:

"Vous êtes écrasés comme des graines de sésame ou réduits en poussière comme des grains de sable."

Les Hurlements

La situation se présente comme dans l'enfer précédent, mais en plus, on aperçoit au loin une maison. Dans le désir de s'y réfugier, on avance sur le sol de métal incandescent au prix de terribles brûlures. Lorsqu'on parvient enfin dans la maison, les portes se referment sur soi et on se retrouve cerné de tous côtés par un feu ardent qui vous dévore. Il n'y a alors plus rien à faire que de hurler de cris qui semblent sortir de votre coeur même.

Les Grands Hurlements

Tout se présente ici comme dans l'enfer précédent, sauf que le damné pénètre dans une double enceinte de maison incandescente. Les sensations de brûlure étant deux fois plus fortes que dans le cas précédent, les hurlements sont encore plus forts.

L'Enfer Brûlant

Là, les serviteurs de gShin rJe se saisissent du damné et lui transpercent le corps de l'anus jusqu'au sommet de la tête d'un pieu incandescent. On voit alors des flammes s'échapper par la bouche et les narines.

L'Enfer Extrêmement Brûlant

Ici, c'est un pieu en forme de trident qui est enfoncé dans le corps du damné par l'anus et les deux fesses et qui ressort par les deux épaules et le sommet de la tête, en laissant s'échapper un flot de sang, de graisse et des flammes par la bouche et les narines. Le même texte s'exprime ainsi:

"Certains sont complètement transpercés par un pieu incandescent."

L'Infinie Souffrance

Le damné est placé dans un énorme chaudron empli de métal en fusion, dont la dimension est de vingt mille Patsé (dPag Tshad, unité de mesure égale à huit unités dites rGyang Grags, le rGyang Grags équivalent lui-même à cinq cent brassées, une brassée valant quatre coudées). Tout son corps s'enflammant alors, il y endure sans fin une souffrance insoutenable.

"Tout comme la félicité éprouvée dans la libération de l'attachement à l'existence, est la plus grande de toutes, la souffrance endurée dans l'enfer de l'Infinie Souffrance est la plus insupportable de toutes les souffrances." (Même texte)

C'est là la plus affreuse de toutes les souffrances possibles pour un être vivant.

Quelle est la durée de ces enfers?

"Cinquante années d'une vie humaine équivalent à une journée de vie chez les dieux des plus bas étages de la sphère du désir, qui vivent eux-mêmes cinq cents de leurs années. Chacun des royaumes plus élevés atteint un nombre d'années double de celui qui le précède. Un jour de vie dans chacun des six enfers à partir du premier Retour à la Vie équivaut à la durée entière de la vie dans l'un des six royaumes des dieux de la sphère du désir, à partir du plus bas." (mdZod)

Ainsi, cinquante années humaines équivalent à un jour de vie au royaume des quatre Grands Rois. Trente de ces jours font un mois, douze de ces mois font une année et la vie dans ce royaume dure ainsi cinq cents de ces années. La durée totale de leur vie équivaut à un jour de vie dans le premier enfer Retour à la Vie. Les damnés dans cet enfer vivent cinq cents de leurs propres années ainsi calculées.
De la même manière, cent années humaines équivalent à un jour de vie dans le royaume suivant appelé Trente Trois et les dieux de ce royaume vivent mille de leurs années. Cette durée équivaut à un jour de vie dans l'enfer des Lignes Noires qui dure mille de leurs propres années.
La durée de vie dans le royaume céleste dit Libre de Querelles (Tib. 'Thab Bral) est de deux mille ans et un jour de ces années équivaut à deux cents années humaines. Cette durée entière égale un seul jour passé dans l'enfer de l'Ecrasement où la durée de vie est de deux mille de ces années.
La durée de vie dans le royaume céleste dit de la Joie (Tib. dGa' lDan) est de quatre mille ans et un jour de ces années équivaut à quatre cents années humaines. Cette durée entière égale un seul jour passé dans l'enfer des Hurlements où la durée de vie est de quatre mille de ces années.
La durée de vie dans le royaume céleste dit de la Joie Miraculeuse (Tib. 'Phrul dGa') est de huit mille ans et un jour de ces années équivaut à huit cents années humaines. Cette durée entière égale un seul jour passé dans l'enfer des Grands Hurlements où la durée de vie est de huit mille de ces années.
La durée de vie dans le royaume céleste dit de la Puissance par le Miracle des Autres (Tib. gZhan 'Phrul dBang Byed) est de seize mille ans et un jour de ces années équivaut à mille six cents années humaines. Cette durée entière égale un seul jour passé dans l'enfer Brûlant où la durée de vie est de seize mille de ces années.
La vie dans l'enfer Extrêmement Brûlant dure un demi éon moyen et celle de l'enfer de l'Infinie Souffrance est d'un éon moyen.

Pour résumer tout cela, les durées de cinq cent années, mille, deux mille, quatre mille, huit mille, seize mille, un demi éon moyen et un éon moyen, s'appliquent à la suite des huit enfers chauds.

Comment donc réfléchir à tout cela? En premier lieu il convient d'accomplir les préliminaires comme indiqué plus haut, puis de penser:

"Hélas, cette roue de l'existence est brûlante, fort brûlante, extrêmement brûlante et en son sein, se trouvent les enfers chauds dont le lieu, les conditions et la durée sont tels qu'on vient de les décrire. Moi qui maintenant ne puis supporter même la plus petite sensation de souffrance du fait d'une arme ou d'une étincelle, que ferais-je donc si je devais subir la souffrance des enfers chauds.?"

C'est par une telle réflexion prolongée qu'il convient comme tout à l'heure de produire le désir de la pratique du Dharma.

c) Les Enfers Avoisinants et Autres

Ce sujet comprend deux parties, celle qui concerne les Enfers Avoisinants et celle concernant les Autres (enfers).

Les Enfers Avoisinants s'appellent: les Fosses de Feu, la Boue de Cadavres Putréfiés, le Chemin de Lames, la Forêt d'Epées, les Arbres Shalmali et la Rivière.

"Aux huit enfers principaux s'ajoutent seize autres. Il s'agit, dans chacune des quatre directions, des enfers des Fosses de Feu, de la Boue de Cadavres Putréfiés, du Chemin de Lames, etc... et de la Rivière." (mDzod)

En plus des quatre enfers expressément nommés, "etc..." indique la Forêt d'Epées et les Arbres Shalmali. Ces six enfers entourent donc les huit enfers chauds dans toutes les directions. Lorsque finalement s'épuise le karma ayant conduit à endurer les souffrances des huit enfers chauds principaux, il faut pourtant encore subir une fois dans chacune des quatre directions, les souffrances des enfers avoisinants.

De quelle manière le damné subit-il ces souffrances? Lorsque pour lui prennent fin les souffrances subies dans l'enfer principal, il forme le désir de s'enfuir vers un endroit agréable et d'y demeurer. Il s'enfuit rapidement dans une direction, l'Est par exemple et là, très vite, sa route est barrée par une immense fosse de feu terrible. Croyant y voir une plaisante plaine, il s'y engage sans hésiter et s'y enfonçant jusqu'au sommet de la tête, tout son corps et sa peau sont brûlés jusqu'à l'os, dans d'atroces souffrances.

Au sortir de cet endroit, il croit voir une mare d'eau stagnante et trouble. Espérant pouvoir soulager les douleurs des brûlures qu'il vient de subir et s'y rafraîchir, il s'y engage. Il s'enfonce et tout son corps se trouve pris dans une boue de cadavres en décomposition à l'odeur fétide. Alors, des vers au corps jaune et à la tête noire, habitants de la mare, lui transpercent le corps de part en part et le dévorent tout entier jusqu'à la moelle, lui infligeant d'atroces souffrances.

Au sortir de cet endroit, il croit apervevoir comme une prairie verte. Lorsqu'il s'y engage, cette prairie devient un large chemin hérissé de lames qui lui déchirent le pied à chaque pas. Ne pouvant soutenir cette douleur, il perd l'équilibre et tombe; c'est tout son corps alors qui se trouve découpé.

Plus loin, il croit voir une forêt profonde. Désirant s'y reposer, il se dirige vers elle et lorsqu'il y parvient, un grand vent se lève qui secoue fortement les arbres. Ceux-ci perdent alors leurs feuilles, qui, en tombant, se transforment en une pluie d'épées acérées qui découpent son corps en mille morceaux, lui infligeant une souffrance terrible.

Il aperçoit alors une grande montagne. En parvenant à son pied, il se fait déchirer par les chiens effrayants des enfers. Malgré ses hurlements et ses appels déchirants et terribles, personne ne vient à son aide. Finalement, les chiens le déchirent et le dévorent tout entier jusqu'à lui infliger la torture de le réduire en petits morceaux. Il croit alors entendre les cris d'appel de son ou de sa bien-aimée de la vie précédente, lui parvenant du sommet de la montagne. Entreprenant de la gravir, sa chair se fait déchirer par les épines métalliques dirigées vers le bas, des arbres Shalmali poussant partout sur le flanc de cette montagne. Parvenant enfin malgré tout au sommet, il ne voit plus aucune trace de sa bien-aimée, mais il se fait arracher les yeux par d'effrayants oiseaux infernaux qui dévorent aussi sa cervelle et lui déchirent le ventre. Après avoir ainsi subi ces effrayantes tortures, de nouveau, il croit entendre les appels de sa bien-aimée, venant cette fois du bas de la montagne. Alors qu'il se met à redescendre la montagne, les épines des mêmes arbres se tournent alors vers le haut et, comme tout à l'heure, le transpercent et lui déchirent la chair.

"Certains, les bras étirés vers le ciel, se font dévorer par d'effroyables dogues aux crocs d'acier, d'autres sont déchirés, impuissants, par les becs d'acier acérés et les serres de corbeaux." (bShes sPring)

Le corps, reprenant alors son apparence initiale, cherche de nouveau un lieu où se réfugier. Croyant voir de l'eau dans un grand fleuve de cendres brûlantes, il s'y engage sans hésitation et éprouve alors d'atroces sensations de brûlure. Parvenant près de la rive opposée, il la trouve malheureusement gardée par des serviteurs infernaux portant toutes sortes d'armes. N'osant s'en approcher, il doit faire demi-tour et se retrouve alors, comme s'il avait perdu le sens de l'orientation, dans le lieu des souffrances principales de l'enfer chaud d'où il vient. Se rappelant la douleur endurée dans cet endroit, il s'enfuit très vite vers le Sud et de nouveau, comme précédemment, il rencontre les Fosses de Feu et autres lieux avoisinants, dont il endure une nouvelle fois les tortures avant de se retrouver dans le même lieu central de l'enfer principal. Il doit alors encore subir une fois à l'Ouest et une fois au Nord, toutes les tortures des enfers Avoisinants.

C'est ainsi que les tortures subies dans l'enfer du Chemin de Lames, celui de la Forêt d'Epées et celui des Arbres Shalmali, l'étant au moyen de la même arme, ces trois enfers comptent pour un dans la classification, et l'on compte donc quatre fois quatre enfers Avoisinants, soit seize.

"Chacun des huit enfers chauds se trouve ainsi entouré par seize enfers avoisinants." (Dran pa Nyer gZhag)

Deuxièmement, il convient maintenant d'évoquer les Autres Enfers:

"Le damné cuit dans d'énormes chaudrons de cuivre, il avale des morceaux de métal en fusion, doit boire de la fonte en fusion, se fait labourer la langue par des socs de métal. On l'enveloppe dans des pièces de métal et on l'attache dans des chaînes, puis on le fait rôtir avec de la poudre de métal incandescent."

Ainsi donc, on le fait cuire dans de la fonte en fusion dans les énormes chaudrons des enfers. Les gardes infernaux lui enfournent dans la bouche de gros morceaux de fonte en fusion qu'il est forcé d'avaler. Il doit aussi boire le liquide de la fonte en fusion, puis on lui étire la langue sur une longueur d'un dPag Tshad environ et on la lui laboure d'un soc de charrue de métal incandescent. On l'enveloppe dans des feuilles de métal incandescent, puis on l'enserre de chaînes de la même matière. On le fait frire avec du sable de métal incandescent.

Il y a aussi d'autres enfers indescriptibles, tels que ceux où l'on se retrouve comme dans un pilier, comme dans un tapis servant de siège, comme dans un balai, des enfers où l'on est heureux le jour et torturé la nuit, d'autres où l'on est heureux la nuit et torturé le jour, etc.... A cette occasion, et selon le temps dont on dispose, on pourra rapporter l'histoire de Gro bZhin sKyes se rendant au bord de l'océan.

Ainsi, même la plus intense souffrance humaine ne peut égaler la plus petite des tortures des enfers.

"La souffrance à se trouver frapper de trois cents coups de lance en un jour dans ce monde, ne saurait égaler même la plus petite souffrance subie dans les enfers." (bShes sPring)

Quelle est la cause conduisant à de telles souffrances? Elle est essentiellement les pulsions de haine et d'agressivité. Ceux donc qui désirent leur propre bonheur seront bien avisés de s'entraîner à éviter la haine et la colère.

"Moi qui ne puis même supporter cette petite souffrance que j'endure maintenant, pourquoi donc ne m'appliqué-je pas de toutes mes forces à rejeter la colère qui me conduira dans les tortures infernales?" (sPyod 'Jug)

Comment bien réfléchir à tout cela? "Hélas, ces souffrances qu'on rencontre dans les enfers sont insupportables. Sans parler même des immenses souffrances dans les enfers chauds et froids, comment affronter celles qu'on doit subir dans les enfers avoisinants et autres? Moi qui maintenant, ne puis supporter la moindre piqûre d'aiguille, comment donc envisager de pouvoir soutenir les tortures des enfers avoisinants et autres?"
En réfléchissant de cette manière, comme tout à l'heure, on s'efforce de produire le désir de la pratique du Dharma.

2) LA SOUFFRANCE DES PRETAS (Tib. Yi Dvags ou Avides)

"Les Prétas aussi, subissent continuellement la souffrance de ne pouvoir satisfaire leurs désirs. Ils sont sans cesse confrontés à d'insoutenables souffrances dues à la faim, la soif, le froid, la chaleur, la fatigue et la peur." (bShes sPring)

Bien que le Sutra de Dran pa Nyer gZhag enseigne qu'il existe trente-six sortes de Prétas, on peut les regrouper en trois catégories, à savoir les Avides affectés de voiles extérieurs, les Avides affectés de voiles intérieurs et ceux qui sont affectés de ces deux sortes de voiles.

a) Les Avides Affectés de Voiles Extérieurs

L'endroit où ils naissent ressemble à un pâle désert de sable ou de caillou, privé de la moindre source d'eau. Les êtres ayant accumulé des actes similaires renaissent là ensemble.

"Certains ont des bouches minuscules comme le chas d'une aiguille et des ventres énormes comme une montagne. De par leur conformation, la faim sans cesse les tenaille. Ils ne peuvent trouver aucune nourriture, ne serait-ce que des déchets malpropres. D'autres vont nus, n'ayant que la peau et les os sur leur corps décharné, pareils aux hautes branches desséchées de l'arbre Tala". (bShes sPring)

Leur bouche est aussi petite que le chas d'une aiguille, leur gosier est fin comme un crin de cheval, leurs membres sont grêles comme des brins d'herbe, mais leurs ventres sont énormes comme des montagnes. Leurs cheveux sont emmêlés, tout leur corps est décharné et s'enfonce dans leurs os, c'est pour cette raison qu'ils ressemblent aux hautes branches desséchées de l'arbre Tala. Pourtant, cela ne les empêche pas d'être toujours affamés et assoiffés. Cette sensation qui ne leur laisse aucun répit, les pousse à marcher sans cesse pour de la nourriture ou de la boisson qu'ils ne trouvent jamais. Leur marche est comme celle d'un vieux char tout rouillé; en avançant, ils émettent des craquements et des grincements et leurs articulations frottant l'une contre l'autre leur causent des douleurs aussi vives qu'un feu brûlant. Malgré ce qu'ils endurent, la plupart du temps, ils ne trouvent pas la moindre nourriture. Quand exceptionnellement, il leur arrive d'en trouver une petite quantité, elle se trouve sous la garde de plus forts qu'eux portant des armes, qui les frappent et les maltraitent. Ne pouvant se nourrir, ils endurent alors une grande souffrance physique et morale.

b) Les Avides Affectés de Voiles Intérieurs

"Ils ont la bouche comme le chas d'une aiguille et un ventre mesurant de nombreux Patsé et ceci est cause de souffrance. Même si pour boisson, ils disposaient de toute l'eau du grand océan, elle ne pourrait passer par leur gosier rétréci. De plus, leur souffle empoisonné assèche la moindre goutte d'eau." (sLob sPring)

Outre toutes les souffrances énumérées plus haut, quand au bout d'énormes efforts, ils sont parvenus à trouver quelque vomissure ou déchet pour se nourrir, sous l'effet de l'empreinte que les habitudes d'avarice ont laissée sur leur esprit, ils n'osent pas le consommer de prime abord. Alors qu'ils entreprennent enfin de se sustenter, la nourriture entre difficilement dans leur bouche; si elle y entre, elle ne peut ensuite passer le seuil du gosier; si elle y pénètre et qu'elle parvient dans leur ventre, elle ne leur est d'aucun réconfort et ne supprime pas la sensation de faim et de soif qui les torture sans cesse.

c) Les Avides Affectés Des Deux Sortes De Voiles

"Certains ont des flammes qui leur sortent par la bouche et ils avalent la nourriture de sable brûlant qui y tombe. Ils frappent le visage des autres, et ils boivent le pus qui s'échappe du goître mûr à leur gorge." (bShes sPring)

Outre les souffrances énumérées plus haut, sitôt qu'ils sont parvenus à avaler quelque vomissure, des flammes surgissent alors de leur bouche et de leur nez, leur arrachant des cris de douleur. Ils mangent du sable brûlant, se frappent les uns les autres pour de la nourriture et mangent le pus qui s'échappe du goître à leur gorge, en le prenant pour de la nourriture.

En outre, pour tous les Prétas, même la lune d'été est chaude et le soleil d'hiver froid. Quand par hasard, ils parviennent près d'un arbre portant des fruits ou près d'une rivière, ceux-ci s'assèchent dès que le désir d'en jouir leur vient à l'esprit.

"Chez les Prétas, même la lune est chaude en été et le soleil froid en hiver. Les arbres perdent leurs fruits et les rivières s'assèchent sous leur regard." (bShes sPring)

Quelle est la durée de vie chez les Prétas? Le texte du mDzod dit:

"Un mois équivaut à un jour et ils vivent cinq cents ans."

Un mois humain équivaut donc à un jour chez les Prétas et ils vivent cinq cents de leurs propres années, ce qui équivaut à peu près à quinze mille années humaines.

Quelle est la cause principale conduisant à une renaissance chez les Prétas? Elle est l'avarice due à un attachement excessif aux objets de désir.

"Le Bouddha enseigne que ces diverses souffrances d'une saveur commune subies par les Prétas, proviennent de l'avarice et de l'attachement des êtres." (bShes sPring)

Comment y réfléchir en détail? "Hélas, tel est le lieu où vivent les Prétas, telles sont leurs souffrances, telle est la durée de leur vie. Moi qui maintenant supporte mal la sensation de faim ou de soif même pendant une seule journée, comment pourrais-je soutenir une telle souffrance si sous l'effet de mes mauvais actes, je devais renaître au royaume de gShin rJe et subir ce tourment? Je ne puis être sûr d'éviter une telle renaissance. Au contraire, chaque jour qui passe et un nombre incalculable de fois, je tombe sous l'emprise de l'attachement et de l'avarice qui en sont la cause. Si je ne puis supporter cette souffrance, que ferais-je alors? Pour l'éviter, il me faut absolument mettre en pratique le saint Dharma authentique qui lui seul, me donne l'assurance d'échapper à une telle perspective."

3) LA SOUFFRANCE CHEZ LES ANIMAUX

"Ceux qui rejettent les vertus conduisant à l'apaisement, doivent chez les animaux, subir aussi toutes sortes de souffrances, comme de s'entretuer, de se déchirer, de se frapper, de s'entredévorer, etc..." (bShes sPring)

Il y a principalement trois sortes de royaumes animaux, ceux qui se trouvent dans les océans extérieurs, ceux qui vivent dans les ténèbres intercontinentales et ceux qui vivent dans les domaines des états supérieurs.

a) Ceux qui vivent dans les océans extérieurs:

Il est dit qu'il en existe une infinité d'espèces et de formes. Ils partagent une énorme stupidité et une ignorance qui les écrase comme une montagne. Il y a la souffrance que causent les monstres marins qui font une seule bouchée d'un grand nombre de plus petits animaux; celle que causent un grand nombre de petits animaux s'attaquant ensemble à un grand, en le transperçant et le dévorant peu à peu; il y a la souffrance infligée par les animaux comme les conques, aux crocodiles marins qu'elles transpercent et déchirent, les Nagas (sorte d'être à l'apparence de serpent) souffrent d'une pluie de sable brûlant et des attaques des Garoudas (sorte d'aigle). Tous souffrent de la cruauté et de mauvaises odeurs, de l'incertitude concernant leur habitat et leurs compagnons, de la crainte à la rencontre d'ennemis et de prédateurs, du froid en hiver et de la chaleur en été, de la chaleur le jour et du froid la nuit, etc... et de bien d'autres tourments indescriptibles.

b) Ceux qui habitent les ténèbres intercontinentales:

Outre les tourments décrits plus hauts, ils souffrent de l'obscurité qui ne leur permet même pas de distinguer les mouvements de leurs propres membres. Ils souffrent aussi de devoir se contenter pour seule nourriture de ce qui passe dans leur immédiate proximité.

c) En ce qui concerne la troisième catégorie de ceux qui vivent dans les états supérieurs:

Les animaux sauvages qui n'appartiennent à aucun maître, souffrent pourtant de se voir chasser pour leurs perles, leurs poils, leurs os, leur chair, leur peau, etc.., soit par d'autres animaux, soit encore par des hommes ou des non-humains. Ceux qui ont un maître doivent subir, en plus des souffrances décrites maintenant, le tourment de devoir peiner à la tâche, de se faire enchaîner, frapper et pour finir, tuer. Ils endurent ces souffrances et d'autres en nombre infini.

"Certains se font tuer pour leurs perles, leurs fourrures, leurs os, leur chair ou leur peau. D'autres, impuissants, sont attachés dans des chaînes et des entraves et doivent peiner à la tâche sous la crainte d'aiguillons métalliques." (bShes sPring)

Quelle est la durée de la vie dans ces royaumes?

"Certains vivent la durée d'un éon." (mDzod)

Bien que certains puissent vivre tout un éon, il en est d'autres qui ne vivent qu'un très bref instant.

La cause principale productrice des tourments animaux est la complète ignorance et le manque de discernement entre le bien et le mal. Il convient donc de se tourner vers la lumière de la doctrine qui est l'antidote de l'ignorance.

Comment réfléchir à cette situation? "Hélas, je sais quels sont les lieux où vivent les animaux, je sais quelles sont leurs souffrances, quelle est la durée de leur vie. Si maintenant, même un seul jour, il m'est pénible de devoir me préoccuper d'obtenir de quoi assurer ma subsistance, comment ferais-je pour supporter la condition animale si mon mauvais karma m'y conduit? Je ne puis pourtant être sûr d'échapper à une telle destinée et au contraire, je ne cesse d'accumuler les actes sous l'emprise de l'ignorance, qui est la cause d'une renaissance animale. Si un tel malheur s'abattait sur moi et que je ne puisse le supporter, que se passerait-il alors? Je dois à tout prix m'efforcer envers la pratique du saint Dharma, seul capable de prévenir le malheur d'une telle renaissance."

B- LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT

La réflexion sur cette souffrance permet de rejeter l'attachement.

On se trompe si l'on estime certain de trouver la souffrance au rendez-vous dans les trois mauvais états d'existence, mais que le bonheur au contraire nous attend dans les trois états supérieurs.

"Tous les plaisirs sont éphémères, sans aucun caractère de certitude, inconstants et changeants comme le rêve, comme le mirage, comme la cité de l'illusion, comme l'éclair et les bulles." (Sutra de rGya Cher Rol pa ou Lalitavistara Sutra)

Tout ce qui apparaît comme bonheur dans ce monde est éphémère, inconstant, sujet au changement et producteur d'illusion trompeuse pour celui qui se fait prendre.

Pour y réfléchir dans le détail, nous évoquerons d'abord la douleur du changement en général, puis la douleur du changement affectant l'humanité et enfin, la douleur du changement affectant les dieux et anti-dieux.

1) LA DOULEUR DU CHANGEMENT EN GÉNÉRAL

Même la condition d'Indra, le roi des dieux, est impermanente, car il se peut qu'il doive finalement revenir sur la terre. Même la condition de souverain universel chez les hommes est instable car un jour, peut-être renaitra-t-il comme humble serviteur dans la roue de l'existence. Même la condition du grand Brahma est instable et il peut renaître dans l'enfer de l'Infinie Souffrance. Il ne sert à rien de renaître comme fils des dieux, sous forme de déité solaire ou lunaire, car un jour, il se peut que l'on doive renaître dans les ténèbres intercontinentales. Quelque soit donc la condition enviable et heureuse obtenue dans les états supérieurs, on ne peut y arrêter son esprit car elle est essentiellement instable.

"Même Indra, digne des louanges et des prières du monde, peut retomber sur terre sous l'effet de son karma. Même le souverain universel peut redevenir un humble serviteur au sein de la roue..."

Bien que l'on obtienne la grande félicité de la satisfaction des désirs chez les dieux ou la félicité libre d'attachement de Brahma, à nouveau il faudra (peut-être) endurer les tourments incessants et brûler comme une bûche dans l'enfer de l'Infinie Souffrance. Même la lune et le soleil qui éclairent, de la lumière de leur propre corps, l'univers tout entier, peuvent un jour renaître dans de profondes ténèbres où ils ne distingueront même pas leurs propres mains." (bShes sPring)

"Si on réfléchit à la souffrance du changement, on comprend qu'Indra peut redevenir un être ordinaire, que le souverain universel peut redevenir serviteur, que le soleil et la lune peuvent devenir ténèbres. Bien que les êtres ordinaires croient à la vérité de ces paroles parce qu'elles sont paroles (des Bouddhas), ils ne peuvent eux-mêmes directement en constater le caractère fondé. Qu'ils regardent donc dans leur expérience du changement humain!" (Chants de rJe bTsun Rinpoche)

2) LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT CHEZ LES HUMAINS

"Ecartez-vous avec tristesse de la roue car elle est la source de toutes sortes de souffrances, telles que la séparation d'avec les objets désirés, la mort, la maladie, la vieillesse, etc... Ecoutez quels sont ces maux. Les pères deviennent des fils, les mères des épouses, les ennemis de chers amis, et le contraire également. Il n'y a aucun caractère de stabilité dans la roue de l'existence." (bShes sPring)

"Les hommes entourés trouvent la solitude, les tyrans ne sont plus obéis, les riches deviennent pauvres, et ainsi de suite à l'infini." (Chants de rJe bTsun Rinpoche Grags pa rGyal mTshan)

Si on examine la condition humaine, on la trouve sujette à tous les changements énumérés. Si on regarde tout près de soi, ses proches, ses voisins et ses compatriotes, on constate qu'aucun ne reste dans la même condition qu'avant et que nul n'échappe à la souffrance du changement. En outre, chacun est soumis, impuissant, aux mouvements des quatre grands fleuves de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, et en souffre. La naissance est souffrance de devoir passer au travers d'un étroit passage, la vieillesse est souffrance de la perte de la jeunesse, la maladie est souffrance de la perte de l'état de santé et la mort est souffrance de la perte de la vie.

a) La souffrance de la naissance

La naissance est la racine de toutes les souffrances et comme elle est elle-même le fruit de la loi de l'origine (de l'existence ou de la souffrance), elle est aussi souffrance de par sa nature propre. Si l'on considère la naissance dans une matrice, elle est affectée de toutes sortes de souffrances comme la sensation suffocante de mauvaises odeurs lorsqu'on y pénètre, la sensation d'être écrasé lorsque la mère se nourrit, la sensation de tomber dans un abîme lorsqu'elle se lève ou s'assoit, la sensation de chaleur ou de froid lorsqu'elle prend une nourriture trop chaude ou trop froide. Lors de la naissance proprement dite, on ressent la souffrance d'être tiré dans un trou et sitôt la naissance, on souffre comme si l'on tombait au milieu d'épines.

"Etant entré dans l'enfer de la matrice, on suffoque sous l'effet de terribles odeurs insupportables et on est plongé dans les profondes ténèbres d'un lieu étroit. Il faut endurer la douleur de devoir sans cesse demeurer le corps plié." (sLob sPring)

b) La souffrance de la vieillesse

"La vieillesse change une jolie forme en vilaine forme; en vieillissant, on perd ses forces, sa vigueur et son rayonnement; la vieillesse fait perdre la bonne mine et elle fait mourir. La vieillesse enlève le bonheur et produit la souffrance." (rGya Cher Rol pa)

Comment agit la vieillesse sur une forme agréable? Elle la change, la fait se plier et se tordre, elle blanchit les cheveux et rend chauve.

Comment se produit la perte de la force? En perdant sa force physique, on devient incapable de tout effort. Il faut s'appuyer sur un support pour se lever ou s'assoir. La voix perd aussi sa vigueur et se met à chevroter. Le discours que l'on marmonne perd sa clarté. L'esprit, en perdant ses forces, ne trouve plus plaisir à rien, on oublie aussitôt ce qui vient d'être dit ou d'être fait. On se trompe et fait des erreurs en tout, l'esprit confus.

On perd tout rayonnement: dans le passé, on était l'objet des louanges d'autrui et de leur respect mais maintenant on devient un objet de ridicule même pour les enfants. Nos propres enfants nous méprisent et toute l'autorité passée nous quitte. Le corps perd sa chaleur naturelle et le palais ne trouve plus de saveur agréable. La parole que l'on prononce ne trouve plus d'auditeurs pour y croire. On en vient à souhaiter la mort.

Comment se manifeste la perte de la bonne mine? Perdant peu à peu l'éclat du corps, il prend une teinte bleutée ou se met à pâlir; la bouche et le nez aussi pâlissent.

Comment la vieillesse entraîne-t-elle la mort? La vieillesse est la première des maladies mortelles. En nous écrasant, elle entraîne aussi avec elle toutes sortes d'autres maladies. La nourriture consommée ne peut être digérée. Respirant péniblement, la parole devient hachée et rauque. Parce que toute chose composée doit se défaire à son heure, on meurt même sans avoir de maladie particulière. Telle est la nature de cette longue vie à laquelle les êtres mondains aspirent tant et qu'ils tiennent pour le plus grand des bonheurs.

c) La souffrance de la maladie

Cette souffrance est aisément perceptible puisque c'est en tant que telle qu'est ressentie la maladie. Il est recommandé cependant d'examiner soigneusement la maladie lorsqu'elle apparaît pour soi ou pour autrui, afin de développer le détachement de l'existence. De manière commune, la maladie se manifeste par une douleur difficilement supportable, par la douleur d'examens ou de traitements brutaux, par la souffrance de devoir avaler des remèdes amers, par celle de ne pouvoir consommer ou boire ce que l'on désire, par celle de devoir au contraire faire ce qu'on ne désire pas. Il y a la souffrance de ne pas supporter la nourriture, quelle qu'elle soit, la souffrance, si on a passé le jour, de craindre ne pouvoir passer la nuit et le contraire, la souffrance à la crainte de ne pas guérir, la souffrance à la crainte de mourir, la souffrance à l'idée que ses richesses s'épuisent, la souffrance à l'idée que médecins et infirmiers vont vous abandonner, etc....

"Ces êtres qui souffrent de centaines de maladies, sont comme des Prétas humains." (sLob sPring)

d) La souffrance de la mort

Comme l'annonce le texte du sPyod 'Jug:

"Vous n'avez pas encore commencé ceci et vous êtes occupé à faire autre chose quand subitement le maître de la Mort s'annonce et détruit d'un coup tous vos espoirs. Le visage enflé de douleur, les yeux rougis et les larmes ruisselant sur leur visage, vos proches perdent espoir et vous affrontez la face des messagers de gShin rJe. Pensant à toutes vos fautes, vous vous affligez. Terrifié en entendant le son des enfers, vous souillez votre corps d'excréments et perdez l'esprit. Que faire alors?"

Vous ne vous êtes jamais préparé qu'à la perspective de vous installer dans cette vie pour longtemps et vous n'avez jamais songé que la mort viendrait. Lorsque la maladie mortelle vous frappe, aucune prière ou aucun rituel ne peuvent vous aider, les remèdes et traitements demeurent sans effet. Vous savez votre mort certaine mais vous refusez cette pensée. Vous cherchez en vain un moyen d'y échapper et les messagers de gShin rJe vous effraient. Vous vous rappelez toutes les fautes commises, la douleur de la maladie vous étreint. C'est la dernière fois que vous êtes couché dans ce lit, la dernière fois que vos proches vous entourent, la dernière fois que vous parlez, c'est la dernière bouchée de nourriture que vous avalez à la cuillère, la dernière goutte d'eau que vous buvez. Vous ne pouvez plus rester dans la maison que vous avez construite, ne pouvez emporter aucune de vos richesses avec vous, ne pouvez emmener aucun des êtres aimés avec vous. Bien que dans l'ignorance de votre prochaine destination, vous devez pourtant tout laisser derrière vous et vous diriger tout seul vers une terre inconnue et solitaire. Telles sont quelques unes des souffrances infinies de la mort.

C'est ainsi que nul homme n'échappe aux souffrances causées par le changement et les quatre grands fleuves de la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort.

"La maladie vient, détruisant l'état de santé; la vieillesse vient, détruisant la jeunesse; l'affaiblissement vient, détruisant toute réussite; la mort vient, détruisant la vie." (Sutra)

Il y a aussi la souffrance de ne pouvoir conserver ses richesses. Préoccupé par ce souci, le jour, on ne peut se détendre un moment et la nuit, on ne peut dormir. Si on les perd, alors il faut se faire le serviteur d'autrui. Tous les autres sont considérés comme des ennemis. Plus que tout autre, on se méfie de ses chefs et de ses proches car ils vous dépouillent de ces richesses par autorité ou par ruse. On peut même perdre sa vie pour sauver ses richesses. Telles sont quelques unes parmi beaucoup d'autres, des souffrances subies dans cette situation.

Ceux qui sont privés de richesses souffrent vainement pour en obtenir. Les pauvres n'ont pas de quoi manger le petit déjeuner le matin et le soir, ils sont aussi dépourvus. Les étoiles sont leur coiffe et le givre leur tient lieu de souliers, leurs mollets sont leurs seuls coursiers et ils sont impuissants comme des animaux à qui l'on a passé un anneau dans le nez. Leurs mollets servent de pâture aux chiens tandis que leur visage est offert aux hommes. Bien qu'ils mendient, supplient ou s'efforcent de diverses manières, ils ne trouvent rien à manger le jour, et la nuit, n'ont rien pour se couvrir. Même si au prix de grands efforts, ils parviennent à amasser quelque bien, ils n'ont pas le loisir d'en profiter car ils le perdent au profit des collecteurs de taxes ou le dépensent dans les services de transport qu'ils doivent rendre aux puissants.

Il y a aussi la souffrance ou la crainte de rencontrer un ennemi détesté, la souffrance ou la crainte d'être séparé d'un proche ou d'un ami aimé, la souffrance de ne pas voir se réaliser ses espoirs. Les grands souffrent plus de douleurs morales et les petits, plus de douleurs physiques. Il y a la souffrance de la difficulté à contrôler le grossier esprit humain, la souffrance de se voir rejeter par ses proches si l'on se rapproche de ses ennemis et la souffrance de se voir attaquer par l'ennemi si l'on s'entend avec ses proches, etc... toutes sortes de souffrances indicibles.

En résumé, les six sortes de souffrances affectant les divers états d'existence, sont éprouvées dans l'état humain.

3) LA SOUFFRANCE DES DIEUX ET DES ANTI-DIEUX

L'état d'anti-dieu n'est pas non plus un état heureux.

"Les anti-dieux détestent naturellement la richesse des dieux et endurent une immense souffrance morale. Bien qu'intelligents, ils ne voient pas la vérité à cause du voile de leurs obscurcissements." (bShes sPring)

Les anti-dieux, sous l'empire de la jalousie qu'ils éprouvent naturellement à l'égard des richesses que possèdent les dieux, portent toujours armes et armure, sont toujours prêts à se quereller, à se battre et à en découdre avec les dieux. Ni leur corps, ni leur esprit ne trouvent un instant de repos. Malgré tous ces efforts, les dieux dont le mérite est bien plus grand, sortent toujours vainqueurs. Ils leur tranchent le corps, leur infligeant aussi une immense souffrance morale. Lorsqu'ils finissent par mourir, le fruit des mauvais actes qu'ils ont commis sous l'empire de la haine et de la jalousie, les conduit à la douleur d'une renaissance dans les mauvais états.

Quant aux dieux de la sphère du désir, lorsqu'apparaissent pour eux les cinq signes de la mort et les cinq signes de l'approche de celle-ci, la souffrance morale qu'ils endurent est infiniment plus grande encore que la souffrance physique subie dans les enfers.

"Même dans les états supérieurs chez les dieux jouissant d'une grande félicité, la douleur à l'approche de la mort est plus grande que celle (des enfers). C'est pourquoi les personnes bien avisées ne doivent pas aspirer aux états supérieurs éphémères." (bShes sPring)

Quels sont les cinq signes de la mort?

Le même texte les décrit ainsi:

"Les couleurs corporelles se dégradent, on ne trouve plus son siège plaisant, les colliers de fleurs se fanent, les vêtements prennent une mauvaise odeur et le corps est touché d'une transpiration inconnue jusque là. Tels sont les cinq signes indiquant la mort dans les états supérieurs."

Les cinq signes de l'approche de la mort sont les suivants:

"La luminosité du corps diminue, lors des bains, l'eau colle au corps, les vêtements et les ornements émettent des sons déplaisants, les yeux cillent et bien que d'une nature remuante, ils s'attachent à un seul endroit." (Sutra de Drang Srong rGyas pas Zhus pa ou Rishivyasa Paripriccha Sutra)

A la manifestation de ces signes, les amis, dégoûtés, et même les proches vous rejettent. Ils vous lancent de loin une fleur mais n'osent s'approcher. A cet instant, on comprend alors que la mort est proche et on fait l'examen de ses trois vies (la précédente, la présente et la prochaine). Parce que, dans le passé et sous l'empire d'une forte attirance envers les objets de plaisir, on s'est laissé aller à en jouir sans souci du lendemain, on comprend que l'on va maintenant renaître dans les mauvais états et on tressaille de douleur comme le poisson qui bondit de douleur lorsqu'il est jeté sur du sable chaud. On meurt alors et on renaît dans les mauvais états où il faut subir toutes sortes de tourments.

"La douleur qu'éprouvent les dieux lors de la mort est plus de seize fois supérieure à celle qu'endurent les êtres dans l'enfer de l'Infinie Souffrance." (Dran pa Nyer gZhag)

Le Sutra continue:
"Hélas, ô chars et bosquets,
Hélas, ô paisibles cours d'eau,
Hélas, ô dieux bien-aimés! "
Se lamentant ainsi, ils tombent vers les abîmes."

En ce qui concerne les dieux de la sphère de la Forme et de la sphère du Sans-forme, ils n'ont pas à endurer une telle souffrance. Cependant, comme un oiseau qui sitôt pris son envol retomberait à terre, les bienfaits de leurs vertus mondaines viennent à expirer. Alors, à cause d'un esprit trompé par des vues fausses, ils tombent plus bas. Renaissant dans les mauvais états, ils doivent y endurer de terribles tourments.

"Si ceux qui quittent les royaumes des dieux à leur mort, ont épuisé toutes leurs vertus karmiques, ils devront alors renaître, impuissants, chez les animaux, les Prétas ou les enfers." (bShes sPring)

On pourra alors s'interroger: N'est-il pas dit que les dieux des sphères supérieures jouissent du Samadhi de l'apaisement? Quelle peut donc être la cause les conduisant à une renaissance dans les mauvais états? Bien que ces dieux demeurent longuement dans ce Samadhi qu'ils prennent pour la libération ou le chemin de la libération, il arrive un moment où expire le bienfait de ce Samadhi. Au sortir de cet état, ils s'interrogent: "J'ai passé toutes ces années totalement absorbé dans ce Samadhi. Malgré cela, si je n'ai pu échapper aux trois Sphères, c'est que ce qu'on appelle libération du monde n'est qu'un mensonge." La vue fausse qui aveugle alors leur esprit détruit toutes leurs racines de vertu et les conduit à une renaissance dans les mauvais états.

"Les êtres aveuglés par l'ignorance, qui tournent le dos à ta doctrine, même s'ils ont atteint les sommets de l'existence, retomberont dans les souffrances de celle-ci." (Lan mi Lon par bStod pa)

"Même s'il agit et pratique correctement, celui qui entretient des vues fausses en récoltera abondamment les fruits." (bShes sPring)

Comment réfléchir en détail à ceci? Hélas, j'ai tenu les états supérieurs comme des lieux de grand bonheur et j'ai aspiré à ces états. Quelle stupide erreur due à un défaut d'examen sérieux. Cette apparence de bonheur ne dure qu'un court instant. Il est essentiellement sujet au changement, inconsistant et dépourvu de tout fondement durable. Il n'est que trompeuse apparence. N'ai-je pas été plus fou que les fous de croire vraiment à la réalité d'un tel bonheur et de m'efforcer, au prix de grands efforts afin d'y parvenir, de me conformer aux pratiques d'acceptation (de la vertu) et de rejet (du mal) concernant ces illusions? Je comprends maintenant quelles sont les conditions que doivent affronter les plus grands parmi tous les royaumes supérieurs, tels que Brahma, Indra, le souverain universel, le soleil, la lune, etc... Je sais ce que doivent vivre même les plus heureux parmi les hommes, qu'aucun n'échappe aux souffrances de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, telles que nous les avons décrites. Je sais les tourments endurés par ceux qui sont dans la misère, les craintes de rencontrer (un ennemi), d'être séparé (d'un ami) ou de ne pouvoir réaliser ses souhaits. Je connais les conditions affectant la vie chez les anti-dieux, les dieux du désir, de la forme et du sans-forme. Hélas, quel est l'homme avisé qui pourrait aspirer à un tel semblant de bonheur dans la roue? L'univers des états supérieurs est en réalité semblable au pays des Ogres, qui amène la destruction pour quiconque y aspire et s'y attache. Il convient d'en écarter tout désir de son esprit, comme l'oiseau qui se détache à jamais de la forêt brûlée par le feu, ou le canard qui évite le lac pris dans les glaces. Du fond du coeur, je dois maintenant me consacrer à la pratique du saint Dharma capable de me libérer de la roue de l'existence.





C- LA SOUFFRANCE DES PRODUCTIONS MENTALES

Réfléchir à cette troisième sorte de souffrance permet de produire le désir de la libération. Généralement, ce qu'on appelle souffrance des productions mentales est le mouvement incessant produit par l'effet des sensations éphémères, y compris les moments de neutralité, et par (la soif) de l'existence, mouvement qui agite ce rassemblement d'agrégats (le corps), et qui le pousse vers de mauvais états où il demeure immergé dans la souffrance. Bien que plongé dans cette souffrance, il est emporté par le tourbillon des autres souffrances (plus apparentes) et, comme un être infantile, il ne reconnaît pas cette souffrance comme telle et au contraire, s'illusionne en la prenant pour un vrai bonheur. Les êtres suprêmes, eux, la voient bien comme souffrance et s'en détachent toujours.

"Un poil placé dans la paume de la main ne cause aucun inconfort ni aucune douleur; le même poil dans l'oeil, cause inconfort et douleur. Les êtres infantiles sont comme la paume de la main. Ils ne voient pas le poil des productions mentales comme douleur; les êtres suprêmes sont comme l'oeil. Toujours, ils s'en éloignent." (mDzod 'Grel ou Abhidharmakosha Tika)

Afin de bien percevoir le caractère de souffrance de ce phénomène des productions mentales, nous réfléchirons, premièrement, à la souffrance du caractère inachevé de l'action, deuxièmement, à la souffrance de l'inassouvissement du désir, et, troisièmement, à la souffrance de devoir sans relâche subir la ronde des naissances et des morts.





1) LA SOUFFRANCE DU CARACTERE INACHEVÉ DE L'ACTION
"Après avoir peiné pour achever un projet ou une action, on le voit spontanément se défaire. Tout en le sachant, personne pourtant ne demeure libre d'attachement." (dBu ma bZhi brGya pa ou Catuhshataka)

Même si l'on travaille jusqu'à sa vieillesse ou jusqu'à l'heure de sa mort, il n'y a aucune chance de terminer ce que l'on a entrepris. Alors même qu'il en est ainsi, le paysan pourtant, sans abandonner l'attachement, continue à tacher la pierre du sang de ses jambes et le bois du sang de ses mains. Les marchands font de leur propre pays un pays étranger et du pays étranger, ils font leur lieu de résidence, sans jamais avoir le loisir de vivre avec ceux qu'ils aiment, et ils doivent continuer ainsi à endurer ces souffrances.

"Ceux dont l'attachement est fort, s'épuisent la journée entière au travail. De retour chez eux, ils s'effondrent le corps brisé, comme un cadavre. D'autres endurent les épreuves des voyages et la douleur de devoir vivre loin de la femme et des enfants qu'ils chérissent." (sPyod 'Jug)
Il est dit dans le 'Phags pa lhag pa'i bSam pa bSkul ba ou Arya adhyashaya samcodana, concernant les malheurs de l'attachement aux actes:

"Constamment, jour et nuit, sans autre pensée, ils ne se préoccupent que d'obtenir boisson et nourriture. Ils ne désirent pas les nobles qualités; de telles fautes proviennent d'un grand attachement aux actes. Leurs désirs sont très grands, ils convoitent les fortes saveurs et ne se satisfont pas des saveurs ordinaires. Ces fautes proviennent d'un grand attachement aux actes. Ils aiment avoir une suite nombreuse et sont malheureux lorsqu'ils viennent à la perdre, errant comme des ânes. Ces fautes proviennent d'un grand attachement aux actes."

Il faut s'efforcer de se débarrasser de l'attachement aux actes qui sont comme les rides renaissant sans cesse sur l'eau.

2) LA SOUFFRANCE DE L'INASSOUVISSEMENT DU DÉSIR

Il est dit dans le rGya Cher Rol pa:

"Le désir est la racine de la souffrance, il détruit la concentration et l'ascèse. Le désir est comme un breuvage salé; plus on en boit et plus on a soif."

Bien que dans nos vies, depuis un temps immémorial, il n'est pas un seul objet de plaisir dont nous n'ayons joui, nous sommes loin d'en être satisfaits pour autant. Au contraire, notre désir n'a fait que grandir et, sous l'effet d'un appétit de jouissance insatiable, nous sommes devenus étroitement attachés à la roue. Il n'y a pas non plus un seul tourment que nous n'ayons subi. Si l'on rassemblait tout le lait que nous avons bu au sein d'une mère après nos naissances successives d'une matrice, le liquide accumulé serait encore plus abondant que l'eau des quatre océans. Comme le dit le bShes sPring:

"Bien que chacun ait déjà bu plus de lait que les quatre océans n'en contiendraient, il en boira encore bien plus s'il continue à suivre les voies de l'existence ordinaire."

De manière similaire, on a mangé des morceaux de fonte en fusion et bu le liquide de la fonte en fusion, un nombre incalculable de fois au cours de nos existences dans les enfers. Nous nous sommes nourris de pus et de sang en quantité infinie, au cours de nos renaissances chez les Prétas. En tant qu'animaux, nous avons dévoré notre propre chair et celle de nos frères, un nombre incalculable de fois.

"Même si un homme avait pour lui tous les objets de plaisir possibles, il ne s'en sentirait pas pour autant comblé. Celui qui vit dans les plaisirs en désire toujours plus. Les esclaves du plaisir sont déchirés." (rGya Cher Rol pa)

Quels sont en particulier les malheurs produits par l'attachement aux richesses?

"La richesse qu'on accumule dans la peine, et qui cause souci pour sa garde et tourment quand on la perd, sachez donc que cette richesse est la source de votre perte. Ceux qui sont pris dans l'attachement à la richesse, ne pourront jamais se libérer de la souffrance de l'existence. Pour bien peu de bénéfice, le désir apporte de grands tourments. Comme le bétail tirant une charrette, qui broûte au passage un peu d'herbe sèche, et pour atteindre une richesse qui n'est pas si rare et que même les bêtes peuvent obtenir, on détruit, par la soif douloureuse des actes, ce qu'il est si difficile d'obtenir, à savoir les conditions d'une vie humaine propices à la pratique." (sPyod 'Jug)

En ce qui concerne les malheurs produits par le désir des femmes, le Dran pa Nyer gZhag dit:

"Les femmes sont la source de la destruction de vos richesses, elles sont la source des mauvais états d'existence. Comment ceux qui désirent les femmes pourraient-ils trouver le bonheur? Les femmes causent votre perte. Ceux qui désirent leur bien dans cette vie et les autres devront rejeter le désir des femmes." (7)

Ainsi, il convient d'abandonner la convoitise et l'attachement envers les objets de plaisir, qui sont la source de toutes les pertes.

"Dans cette vie et les autres, le désir est la cause de toute perte. C'est lui qui tue, qui lie et qui détruit. Il conduit aux enfers et aux autres mauvais états dans les vies ultérieures." (sPyod 'Jug)

3) LA SOUFFRANCE DE DEVOIR SANS RELACHE SUBIR LA RONDE DES NAISSANCES ET DES MORTS

"Il n'y a aucun endroit que je n'ai déjà habité, ni aucune race dont je n'ai jamais occupé le ventre." (sLob sPring)

Depuis des éons infinis jusqu'à maintenant, sous l'effet de mes actes et de mes pulsions négatives, j'ai erré au sein des différents états d'existence. Il n'est pas un seul lieu que je n'aie déjà habité, pas une seule sorte d'être dans le ventre duquel je n'ai vécu, pas un seul état au sein des six états d'existence dans lequel je ne sois rené. Si l'on empilait tous les squelettes laissés après ma mort dans l'un seulement de ces états d'existence, le tas serait plus haut que le monde de Brahma. S'il fallait utiliser la terre de cet univers pour représenter par une boulette de la taille d'une graine de genèvrier chinois, chacune des naissances où j'ai été mère, la terre n'y suffirait pas.

"L'amoncellement de mes squelettes atteindrait ou dépasserait la hauteur de la Montagne Centrale. Toute la terre disponible ne suffirait pas à représenter par une graine de genèvrier, le nombre de fois où j'ai été mère." (bShes sPring)

rJe bTsun Rinpoche dit dans ses Chants:

"Si l'on réfléchit à la souffrance des productions mentales, les actes restent toujours inachevés, il y a souffrance d'être trop entouré et souffrance d'être seul, souffrance d'être riche et souffrance si l'on a faim. La vie humaine s'épuise en préparatifs et tous meurent au beau milieu d'entre eux. Même une fois mort, les préparatifs ne cessent pas car on commence à se préparer à la vie suivante. Combien malheureux sont ceux qui aspirent à ce cercle de la souffrance dans la roue."

En bref, la roue est comme un malade qui ne guérit pas, comme une prison dont on ne sort jamais, comme un voyageur qui n'arrive jamais à destination. Quoi que l'on fasse, où que l'on se trouve, qui que soient nos compagnons et quelque soient nos richesses, toutes les actions sont souffrance de par leur nature propre. Elles sont la cause de souffrances et nous engagent toujours plus avant dans la roue de la souffrance. Il faut le savoir. Les êtres sages s'efforceront à tous les moyens de se libérer de la prison de la roue, de toutes leurs forces comme ils s'efforceraient d'éteindre le feu ayant pris à leurs cheveux ou à leurs vêtements. Il n'y a pas plus grande urgence que cela.

"Sachez que renaître dans la roue, chez les dieux, les hommes, dans les enfers, chez les Prétas ou chez les animaux, n'est pas une bonne renaissance, mais bien plutôt la source de nombreux malheurs. Comme vous abandonneriez toute autre activité pour éteindre le feu qui aurait pris à vos cheveux ou à vos vêtements, il faut vous efforcer de mettre un terme à la roue des existences. Il n'y a pas de plus grande urgence que celle-ci." (bShes sPring)

Il est donc essentiel de développer le désir de pratiquer le saint Dharma afin de se libérer de la roue de l'existence.

"C'est parce que maintenant et par le passé, j'ai été dénué de ferveur envers le Dharma, que je me trouve ainsi dans cet état misérable. Qui donc souhaiterait être dénué de ferveur envers le Dharma?" (sPyod 'Jug)

Comment réfléchir à tout ceci? "Hélas, depuis des vies immémoriales, j'ai tenu cet assemblement d'agrégats se perpétuant au cours des vies comme quelque chose de désirable. Tous ces actes liés aux productions mentales et qui sont toujours recommencés comme les incessantes rides sur l'eau, n'ont produit que souffrance. Il n'y a aucun fruit dont je puisse dire qu'il est le résultat de mes efforts. Bien que j'ai usé et abusé de tous les objets de plaisir intérieurs et extérieurs, l'attachement à ces objets n'en a pas pour autant diminué; au contraire, je me retrouve avec une soif pour les plaisirs aussi brûlante que le feu auquel on rajoute des bûches. Bien qu'ayant repris naissance dans les six états d'existence, un nombre infini de fois, je n'ai pas été capable de saisir un seul bout de la voie de la libération, mais au contraire je me retrouve devoir errer pour longtemps au sein de la roue de l'existence. Et cette situation, j'en suis le seul responsable; la faute n'incombe à personne d'autre. Je me suis moi-même fourvoyé, je me suis moi-même induit en erreur, je suis le seul responsable de mes souffrances. Je n'ai pas eu confiance dans les refuges infaillibles du Lama et des trois joyaux, j'ai tenu pour heureuse la nature propre de souffrance de la roue de l'existence, j'ai tenu pour permanent le bonheur des états supérieurs, essentiellement éphémère. Je me suis laissé distraire par les actes liés aux productions mentales, qui sont comme les incessantes rides sur l'eau. J'ai désiré les objets de plaisir qui sont tromperie du démon. Tout ceci est arrivé parce que je ne me suis pas lassé de la douloureuse illusion des naissances et des morts. Maintenant et dans cette vie, je vais rejeter, comme on rejette un crachat, tous les actes mondains dépourvus de sens. Je vais confier mon esprit au Lama et aux trois joyaux et, en m'appuyant sur les instructions d'un maître de vertu, je vais saisir un bout de la voie de libération. Je m'en vais du fond du coeur, pratiquer le saint Dharma authentique capable d'apaiser le feu de la souffrance."

Il faudra réfléchir ainsi jusqu'à ce qu'on ressente dans sa chair et dans ses os, la vérité de ces paroles. Priant les omniscients Lama et trois joyaux pour que la pratique du saint Dharma vous engage sur la voie de la libération, vous développerez une immense force de foi et de ferveur. Il faut méditer ainsi jusqu'à ce que des pleurs coulent de vos yeux, jusqu'à ce que votre voix tremble d'émotion et jusqu'à ce que vous ayez la chair de poule ou toute autre expérience. Si une telle chose survient, il convient de ne pas la laisser s'en aller; il faut, au contraire, l'associer à la méditation de son objet et un authentique et inébranlable désir de se libérer du Samsara, naîtra en vous.

Finalement, tout en dédiant les vertus acquises, il faut cultiver lucidité et vigilance dans tous ses actes et ne jamais faillir à considérer la roue comme une prison et la libération comme une noble demeure. On s'efforcera toujours aux moyens de tranformer toute étude, toute réflexion et toute méditation en antidote à la souffrance. Le vénéré rJe bTsun Rinpoche a dit, concernant les bienfaits d'une telle réflexion:

"Quelque soit le lieu où renaisse un être, s'il le considère toujours comme un lieu imparfait et malheureux, toutes ses actions alors iront dans la voie du Dharma."



II- LES INSTRUCTIONS SUR LA DIFFICULTE D'OBTENIR UN CORPS MUNI DE TOUTES LES CONDITIONS FAVORABLES

Cette réflexion permet de produire l'effort nécessaire
Dans le Traité, c'est par les mots "Avec les pulsions négatives..." que ce sujet est évoqué. On comprend en effet que le fruit des actes commis sous l'empire de la toute puissance des pulsions négatives ne peut être autre qu'une renaissance dans les mauvais états et qu'on ne saurait en aucun cas obtenir de cette façon une renaissance dans les états supérieurs. Connaissant la nature de souffrance de la roue, il faut pratiquer le saint Dharma comme moyen de s'en libérer. Mais pour le pratiquer, il est indispensable de posséder une incarnation humaine munie de toutes les conditions favorables à la pratique et exempte de défaut. Une telle incarnation ne s'obtient pas souvent.

"Il est difficile de ne pas se trouver dans l'une des huit conditions empêchant (la pratique). Il est difficile de renaître homme. Il est difficile d'obtenir les auspicieuses conditions (de la pratique). La venue d'un Bouddha aussi est difficile et rare." (sDong po bKod pa ou Ganda vyuha)

"Ces conditions favorables sont extrêmement difficiles à obtenir. Si jamais celui qui a eu la chance d'obtenir cette opportunité de réaliser le sens de la vie, la gaspillait, il ne pourrait plus tard obtenir de si précieuses conditions." (sPyod 'Jug)

Ces instructions se répartissent en trois sections: premièrement, la réflexion sur la difficulté d'obtenir une incarnation humaine munie des conditions favorables, deuxièmement, la réflexion sur les immenses bienfaits que peut procurer une telle incarnation, et, troisièmement, la réflexion que les conditions obtenues ne sont pas éternelles.







A- LA REFLEXION SUR LA DIFFICULTÉ D'OBTENIR UNE INCARNATION HUMAINE FAVORABLE

Elle comporte aussi trois parties, à savoir la réflexion sur la difficulté du point de vue de sa cause, du point de vue de son nombre et du point de vue de son essence propre.

1) Difficulté du point de vue de sa cause

Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Si l'on n'accomplit pas les pures vertus, et que l'on accumule les mauvais actes, le son des états heureux ne pourra être entendu durant des millions d'éons."

C'est l'accomplissement de vertus qui est cause de l'obtention d'une incarnation humaine favorable, support pour la pratique du saint Dharma. Si l'on n'accomplit pas de vertus et qu'on accumule les mauvais actes, comment pourrait-on obtenir les conditions favorables? Il deviendrait alors difficile d'entendre ne serait-ce que le son des états heureux et ce, durant de nombreux éons. Ainsi, comme il est rare de trouver quelqu'un qui réunisse cette cause de vertu, il est également rare d'obtenir son fruit qui est cette précieuse existence aux conditions favorables. Cette cause de vertu nécessaire à l'obtention de ces précieuses conditions, consiste dans le maintien d'une pure discipline éthique. Il ne s'agit en aucun cas de quelques actes isolés, comme quelque pratique du don ou autre, car ceci n'est pas suffisant pour l'obtention d'un état supérieur d'existence.

"Même si maintenant on est riche, grâce à une pratique du don antérieure, si on brise les jambes (le support) que représente la discipline éthique, on tombera dans les mauvais états." ('Jug pa ou Madhyamakavatara)

Comme le maintien d'une pure discipline éthique est quelque chose de rare, l'obtention d'un état heureux d'existence est aussi très rare.

2) Du point de vue de son nombre aussi, cette précieuse incarnation est difficile à obtenir:

Est-ce qu'une telle incarnation est vraiment si difficile à obtenir? Il y a beaucoup d'êtres humains... Penser ainsi est signe qu'on n'a pas examiné la situation avec suffisamment de détail. De façon générale, il y a dans les états intermédiaires du Bardo (état intermédiaire entre deux existences successives) un bien plus grand nombre d'êtres privés de corps, qu'il n'y a d'êtres vivants dans les différents domaines d'existence. Pour preuve, il suffit de constater ce qui se passe si on abandonne pour quelques jours d'été, un cadavre (d'animal par exemple). On voit qu'il grouille bien vite d'un énorme nombre d'insectes, et ce nombre d'insectes se multiplie à l'infini en fonction du nombre de cadavres qu'on abandonne ainsi. Or, il n'y a pas dans le Bardo que des êtres destinés à renaître sous la forme d'insectes, il y a tous les autres en nombre infini.

Comme le disent les Sutras sans défaut, les êtres doivent errer longtemps dans le Bardo, et cette parole est tout à fait exacte. En effet, on ne peut retrouver un corps avant que la chaîne des conditions nécessaires à cette obtention, ne soit complète. Quant aux corps ainsi obtenus, ceux des mauvais états sont bien plus nombreux tandis que ceux des états heureux sont rares.

"Le nombre de ceux qui se dirigent des états heureux vers les mauvais états, est égal au nombre de particules constituant la matière terre de cette planète. Le nombre de ceux qui se dirigent des mauvais états vers les bons, est égal aux particules de terre contenues sur la surface d'un ongle. Egalement équivalent à la quantité de terre contenue sur un ongle, est le nombre de ceux qui vont des états heureux vers les états heureux. Quant au nombre de ceux qui vont des mauvais états vers les mauvais états, il est comme la terre de cette planète. De la même manière, le nombre des êtres dans les enfers est infini comme la terre de cette planète, le nombre de ceux vivant chez les Prétas est égal au nombre de flocons d'une tempête de neige, et les animaux sont comme la lie du vin nouveau." ('Dul ba Lung ou Vinayagama)

Ainsi, au regard du nombre des autres êtres, l'humanité existe à peine. Même si l'on ne regarde que les animaux des royaumes supérieurs, l'été, ils sont une infinité sur les flancs des montagnes et parmi eux, les fourmis par exemple, pour ne parler que d'une seule espèce, sont en nombre indescriptible.

Nous allons illustrer cela par un exemple tiré du sPyod 'Jug:

"Le Bhagavan (Bouddha) dit que la difficulté à obtenir une existence humaine est aussi grande que pour une tortue, de réussir à passer son cou dans un joug de bois flottant à la surface du grand océan."

Si l'on veut savoir où le Bouddha s'exprime ainsi, c'est dans le Sutra de dGa' bo Rab tu Byung ba ou Nanda parivrajya Sutra, que le Bouddha dit:

"Nobles moines, imaginez que ce monde soit un grand océan habité d'une tortue aveugle et d'une grande longévité. Imaginez qu'elle ne vienne à la surface de l'eau qu'une fois tous les cent ans. Un joug de bois à l'unique trou flotte à la surface de ce grand océan, balloté d'est en ouest et d'ouest en est par les vents."

Le Bouddha parle ainsi longtemps. Il ajoute:

"Nobles moines, il peut arriver que cette tortue aveugle parvienne à passer son cou au travers de ce joug. Nobles moines, j'affirme que l'obtention d'une vie humaine est encore bien plus difficile que cela."

Cela signifie qu'infini comme l'immensité de la surface de ce grand océan, se trouve le nombre des autres lieux de naissance possibles. Par contre, l'existence humaine est rare comme le trou unique de ce joug de bois. De même que la tortue n'apparaît à la surface qu'une fois tous les cent ans, le karma conduisant à l'existence humaine est rare. De même que les yeux de la tortue sont aveugles, ce karma est de faible force. De même que ce joug de bois est balloté par le vent dans toutes les directions, il existe de nombreux obstacles à ce que la réunion des conditions favorables à une telle naissance s'accomplisse.

"Plus difficile encore que la rencontre entre le cou de la tortue et le trou du joug de bois dans le grand océan, est la réalisation d'une vie humaine à partir des états animaux. O Puissants, pratiquez le saint Dharma et récoltez le fruit (de cette bonne incarnation)." (bShes sPring)

3) Comment réfléchir que cette incarnation est difficile à obtenir du point de vue de son essence propre?

Si on demande ce que sont les conditions favorables d'une telle existence humaine, elles se résument dans les huit libertés et les dix réunions. Il s'agit donc d'une vie réunissant dix-huit conditions.

Que sont les huit libertés? Il s'agit d'être libre des huit états interdisant la pratique du Dharma. Quant à ces huit états, ce sont les enfers, les Prétas, les animaux, les dieux de grande longévité, l'état de barbare, l'état de ceux qui maintiennent des vues fausses, l'état de ceux qui habitent une terre où le Bouddha est inconnu et enfin, l'état d'arriéré mental. Ces huit se divisent en quatre états non-humains et en quatre états affectant les humains.

Les enfers sont caractérisés par le tourment d'une terrible souffrance, les Prétas endurent une brûlure mentale incessante, les animaux sont dans la plus totale stupidité et ils n'éprouvent jamais ni honte ni pudeur, les dieux à la longue vie sont caractérisés par leurs vues fausses qui font obstacle (à la pratique) et par une grande vanité. Quant aux barbares, ils agissent en fonction d'une vue erronée sur ce qu'il convient d'accepter et de rejeter et prennent, par exemple, leur propre mère pour femme, et ils peuvent difficilement rencontrer des êtres saints. Ceux qui maintiennent des vues fausses pensent par exemple, que la vertu n'est pas cause de la libération ou des états heureux; ils ne croient pas dans la vérité de la loi de rétribution des actes et ils doutent des joyaux. Les hommes qui naissent sur une terre où le Bouddha est inconnu, n'ont pas accès à la pratique du saint Dharma car il est inconnu chez eux. Quant aux arriérés mentaux, leur organe de la parole est défectueux (et ils sont stupides). Tous sont ignorants de ce qu'il convient d'accepter et de rejeter. Il leur manque donc la première qualification pour accéder au Dharma et ils demeurent dans un état qui leur en interdit la pratique.

Ainsi donc, il est rare d'avoir la liberté de pratiquer, car la plupart des êtres au sein des six états d'existence se trouvent dans une situation leur interdisant l'accès au Dharma.

En ce qui concerne les dix réunions, il s'agit des cinq réunions personnelles et des cinq réunions générales. Les premières sont comme suit: une naissance humaine, une naissance dans un pays central, la possession d'organes sains, la foi dans les lieux sacrés et ne pas avoir commis d'actes terribles.

Nous avons déjà montré qu'une naissance humaine était rare. Naître dans un pays central est également rare. Le suprême Thogs med (Asanga) définit un pays central comme un pays où demeure l'une des quatre assemblées (moines, nonnes, pratiquants mariés et pratiquantes mariées), et un pays barbare comme une terre où aucune de ces assemblées ne demeure. Les régions où ces quatre assemblées sont absentes sont vastes comme le ciel, et celles où elles se trouvent, peu étendues comme la roue d'un char. La pleine possession d'organes sains est également rare. Il est dit dans le sDong po bKod pa:

"Etre libre d'organes défectueux est aussi rare. Il est également rare de pouvoir entendre la doctrine du Bouddha."

Avoir foi dans les lieux sacrés est rare car pas plus d'une personne sur cent n'acquiert une foi sincère envers la discipline éthique du saint Dharma. Ne pas avoir commis d'actes terribles est également rare. En effet, il y en a beaucoup qui ont soit eux-mêmes commis ces cinq actes(8) de portée infinie, soit ont induit autrui à les commettre, soit se sont réjouis de les voir commettre par autrui.

Quant aux cinq réunions générales, elles sont les suivantes: la venue d'un Bouddha, sa prédication de la doctrine, la persistance de la doctrine, la présence d'adeptes et enfin la présence de ceux qui se soucient d'autrui.

La venue d'un Bouddha dans le monde est extrêmement rare. Un Sutra dit:

"Obtenir un corps humain lors de la présence très rare du Bouddha (ou de sa doctrine), est très difficile. Hélas, comme sont rares dans ce monde ceux qui écoutent avec foi le Dharma!"

De façon générale, on qualifie d'éon de "lumière" un âge qui voit la venue d'un Bouddha et d'éon de "ténèbre" un âge où il n'apparaît pas. L'éon actuel, qui doit voir la venue de mille Bouddhas, est appelé Bon Eon. Il sera suivi de soixante éons de ténèbres au terme desquels un seul éon de lumière nommé l'Etablissement des Qualités, surviendra. Puis, dix mille éons de ténèbres suivront, suivis d'un seul éon de lumière appelé Grande Renommée. Après trois cents éons de ténèbres viendra l'éon de lumière nommé Comme une Etoile. Ainsi, il n'y a que quatre éons de lumière pour dix mille trois cent soixante éons de ténèbres. Puisqu'il est également dit que le Bouddha n'apparaît pas dans un éon de lumière aux temps d'accroissement de la longévité des êtres, la plupart du temps se passe donc sans la venue d'un Bouddha.

"Si la venue d'un Tathagata, la foi, l'obtention d'un corps humain et l'habitude de la vertu sont si rares, comment donc les obtenir?" (sPyod 'Jug)

La prédication de la doctrine est également très rare. En effet, il est dit qu'en l'absence de disciples dignes réceptacles de son enseignement du Dharma, le Bouddha ne prêchera pas.

Notre propre maître lui-même (le Bouddha Shakyamuni), après avoir manifesté la réalisation de la bouddhéité, prononça les paroles suivantes:

"J'ai découvert la doctrine qui est comme un nectar, profonde et paisible, libre de toute manifestation, claire lumière et incomposée. Comme personne ne pourrait la comprendre, je m'en vais plutôt demeurer sans parler au fond des bois."

Alors qu'il demeurait ainsi découragé, le dieu Brahma, maître du royaume de Mi mJed, lui offrit une roue d'or à mille rayons en le suppliant de bien vouloir accepter de tourner la Roue du Dharma (de transmettre son enseignement).

Que la doctrine se maintienne est également rare: en effet, même dans notre Bon Eon, entre l'avènement de la doctrine de Bouddhas successifs, il se passe des périodes où il n'y a pas de doctrine accessible.

La présence d'adeptes est également rare: il y a beaucoup d'êtres dans ce monde qui suivent des doctrines hérétiques et qui tournent le dos au Dharma. La plupart de ceux qui clament leur appartenance au Dharma se sentent malades au seul énoncé des paroles véritables des Trois Corbeilles, des Tantras et de leurs commentaires authentiques. Ils refusent simplement de les entendre et préfèrent suivre des maîtres ignorants du sens des textes, mais qui les expliquent et qui conseillent en fonction de leurs fantasmes personnels. Et nombreux sont ceux qui écoutent, qui expliquent et qui méditent suivant ces fantasmes erronés. D'autres qui prétendent aussi sans fondement, connaître les Trois Corbeilles, courent après de tels enseignements vains, comme le lièvre fuit au son de "tchal".(9)

Rares aussi sont ceux qui se soucient du bien d'autrui: ceux qui vivent du mauvais moyen d'existence qu'est le don systématique afin de s'attirer de plus grandes faveurs en retour, trouvent toujours à se faire payer en retour. Mais on renâcle à donner des aumônes au véritable renonçant qui n'aime vivre ni dans la foule, ni dans la famille et qui, ne vivant que d'aumônes pour nourriture, passe son temps dans l'étude et la méditation.

"Rares sont ceux qui possèdent des moyens d'existence purs. Rares aussi sont ceux qui ont à coeur de suivre les enseignements du Dharma." (sDong po bKod pa)

Le seigneur du Dharma Sakya Pandita dit aussi:

"La plupart de ceux qui gardent strictement leurs voeux, reçoivent peu d'honneurs; peu nombreux sont ceux jouissant d'honneurs, qui gardent leurs voeux. Il y a peu de donateurs ayant foi dans le Dharma et les fidèles donnent souvent à d'indignes réceptacles. Ces offrandes sont source de mauvais moyens d'existence. Pour autant qu'il se trouve des pratiquants du Dharma qui n'acceptent pas ces mauvais moyens d'existence, on les honore encore moins."

Sachez donc que voir réunies dans une seule et même existence, ces dix-huit conditions favorables, est aussi rare que la vue d'étoiles en plein jour.

B- LES IMMENSES BIENFAITS QUE PROCURE UNE TELLE INCARNATION

Il est bien certain que sous de nombreux aspects, il est très difficile d'obtenir un corps humain avec toutes ces précieuses conditions, mais quel est le profit que l'on peut en espérer? Si on réussit, les bienfaits de cette existence humaine seront plus grands encore que si l'on était entré en possession d'un joyau exauçant les souhaits. Si on prie un tel joyau, il se peut qu'on obtienne quelque réussite mondaine. Par contre, si on pratique le Dharma en tirant profit d'une existence pourvue de toutes ces conditions favorables, on peut dès lors, non seulement réussir dans tous les domaines de cette vie, mais surtout, on peut espérer obtenir une renaissance future dans les états supérieurs, ou bien le Nirvana (Au-delà de la Souffrance) auquel aspire le véhicule inférieur, ou bien même l'incomparable éveil.

"Celui qui l'obtient peut traverser l'océan des naissances successives et semer la graine de vertu pour le sublime éveil. Ayant obtenu cette incarnation humaine dont les qualités sont plus précieuses encore que celles d'un joyau exauçant les souhaits, qui donc pourrait envisager de la gaspiller?" (sLob sPring)

Le sPyod 'Jug dit aussi:

"Celui qui a obtenu cette opportunité de réaliser le sens de la vie d'un homme..."

Le terme sanskrit désignant homme est Puruksha; il signifie pouvoir ou force. Donc, le sens de la vie munie des conditions favorables, d'une personne de moindre puissance, sera l'obtention d'une renaissance humaine ou chez les dieux; pour une personne de force moyenne, il sera la libération, et pour une personne de force supérieure, il sera le pouvoir d'obtenir l'omniscience. Les autres incarnations n'ont-elles pas ce pouvoir? Elles ne l'ont pas; en effet, de manière générale, les fautes ou les vertus accomplies sous l'état humain ont plus de force. Parmi l'état humain, celles des hommes du continent de Dzambuling (c'est à dire notre terre) ont plus de poids car il s'agit là de la terre de l'accumulation du karma. Et les actes qui ont le plus de force sont ceux des humains pourvus de toutes les conditions favorables.
"La voie des humains à la grande force mentale, capables de guider les autres êtres en s'appuyant sur le chemin des Sughatas, n'est pas à la portée des dieux, ni des Nagas, des Yakshas, des Gandharvas, des Détenteurs de la Connaissance, de Mi'am ci ou de lTo 'Phyes." (sLob sPring)

En tant qu'incarnation permettant la pratique du saint Dharma, l'incarnation humaine munie de toutes les conditions favorables est bien supérieure à toute autre incarnation au sein des six états d'existence. Lorsqu'on a obtenu cette précieuse incarnation humaine munie des conditions favorables, qui est si difficile à obtenir et dont les bienfaits peuvent être si grands, si on ne pratique pas alors véritablement le saint Dharma, il n'est pas sûr du tout que l'on pourra de nouveau obtenir une telle opportunité dans le futur.

"En vous appuyant sur ce vaisseau de l'incarnation humaine, traversez donc le grand fleuve de la souffrance. Comme il sera difficile d'obtenir à nouveau un tel vaisseau par la suite, ne vous endormez pas dans votre ignorance!" (sPyod 'Jug)

Si l'on pense ne pas pratiquer véritablement le saint Dharma dans la présente incarnation, mais au moins se contenter d'éviter de commettre des fautes, et ce, dans l'espoir d'obtenir ensuite une nouvelle incarnation humaine et de se mettre alors à la pratique, on se trompe grandement. En effet, bien que maintenant l'on évite toute faute importante, on ne peut être certain de ne pas avoir par le passé dans tout le cycle de ses vies, accumulé des actes conduisant à une renaissance ultérieure dans les enfers. Telle peut en effet être la destinée pour la vie suivante. Comment pourrait-on être sûr de renaître dans les états supérieurs? Le même texte dit:

"Si une seule faute peut nous conduire dans les enfers de l'Infinie Souffrance durant un éon, comment les fautes accumulées depuis un temps immémorial au sein de la roue nous conduiraient-elles vers les états heureux?"

Le Dharma qu'il convient de pratiquer doit être une pratique en accord avec les paroles des Victorieux; ce ne doit pas être un Dharma des apparences ou de la bouche seule avec le coeur n'aspirant qu'aux désirs de cette vie. Un Dharma des apparences ne saurait nous assurer de trouver plus tard les conditions favorables, et il ne nous assurerait même pas une incarnation humaine. Si nous n'obtenons pas une telle incarnation, aucune autre incarnation ne nous permettra de pratiquer les pures vertus, et en conséquence, nous serons condamnés à endurer la souffrance durant de longs cycles. Le sPyod 'Jug dit:

"Mes actes actuels ne m'assureront même pas une incarnation humaine. Si je ne l'obtiens pas, ma destinée ne sera alors faite que de fautes, elle sera sans vertu."

"Il sera difficile d'obtenir de nouveau les conditions favorables; il est très difficile d'obtenir la venue d'un Bouddha; il est difficile de renoncer au fleuve des pulsions négatives. Hélas, la souffrance m'attend et pour longtemps!"

En bref, j'ai obtenu ce corps humain aux précieuses conditions, si difficile à obtenir; j'ai rencontré la doctrine du Bouddha, qu'il est si difficile de rencontrer; alors que maintenant, j'ai la possibilité de mettre en pratique la voie profonde de l'essence de la doctrine, si je ne donne pas un sens à mon obtention de ces conditions favorables, c'est comme si, étant parvenu dans un pays plein de joyaux, j'en revenais les mains vides. Il n'y a pas de plus grande erreur que je pourrais commettre pour me tromper moi-même. Le sPyod 'Jug dit encore:

"Si, ayant obtenu de telles conditions favorables, je n'en profite pas pour m'entraîner à la vertu, je ne pourrais pas me tromper plus moi-même. Rien ne serait plus stupide que cela."

Comment réfléchir à tout cela? Hélas, depuis un temps immémorial jusqu'à maintenant, je n'ai fait que prendre et reprendre naissance dans la roue. Contre ma volonté, j'ai dû endurer nombre de souffrances. Si je continue à ne pas être capable de traverser ce grand océan de la roue, les quatre grands fleuves de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, m'attendent pour m'emporter. Je n'aurai plus alors la possibilité de me libérer de la gueule du monstre des pulsions négatives. Quoi qu'il arrive, il me faut me libérer de ce grand océan de la souffrance au sein de la roue. Pour parvenir à l'autre rive de l'océan de la roue, il me faut utiliser le vaisseau des conditions favorables. Je connais maintenant la cause de l'obtention de ces conditions, je sais quel en est le nombre, et quelle en est l'essence. De ces différents points de vue et de bien d'autres encore, ces conditions sont difficiles à obtenir. Les posséder est bien plus précieux encore que posséder le joyau exauçant les souhaits. Si je réussis, je pourrai aisément obtenir la libération et l'omniscience. Une telle incarnation est bien supérieure à toute autre existence au sein des six états. Moi qui, maintenant, ai pu obtenir à peu près ce qu'on appelle ces conditions favorables, je m'en vais les utiliser pour le bien durable de toutes mes existences futures. Je vais m'efforcer de me libérer de l'océan de la roue, je vais m'efforcer de saisir un bout de la voie de libération. Si maintenant dans cette incarnation, je ne puis donner un sens à mon obtention de ces conditions favorables, je ne suis même pas sûr d'obtenir de nouveau une existence humaine. Je m'en vais donc m'efforcer de donner tout leur sens à ces conditions favorables.

Voilà ce qu'il faut penser du fond du coeur et il faut prier pour qu'un tel espoir se réalise.

C- LA REFLEXION QUANT AU CARACTERE EPHEMERE DES CONDITIONS OBTENUES

Un Sutra dit:

"Nobles moines, penser à l'impermanence est faire offrande aux Bouddhas. Penser à l'impermanence est l'enseignement même des Bouddhas. Penser à l'impermanence est la pensée bénie des Bouddhas. Nobles moines, de toutes les empreintes, celles de l'éléphant sont les meilleures (les plus grandes); de tous les sentiments, celui de l'impermanence est le meilleur."

Ainsi, la pensée de l'impermanence apporte d'immenses bienfaits: elle permet de contrôler le désir des objets, elle est l'aiguillon de l'effort, elle est l'antidote à la souffrance et elle est l'alliée permettant de comprendre la vacuité ultime.

Comment permet-elle le contrôle du désir des objets? Par la méditation de l'impermanence, on comprend qu'on ne peut durablement poser son esprit sur aucun objet extérieur ou intérieur et ainsi, il n'y a rien que l'on vienne à désirer très violemment.

Comment est-elle l'aiguillon de l'effort? Sachant que l'heure de la mort demeure une incertitude, cette pensée est d'abord la cause de l'entrée dans le Dharma. Plus tard, elle ramène sans cesse l'esprit dans la direction du Dharma et, finalement, elle aide à imprimer dans le continuum mental, le véritable Dharma bénéfique à l'heure de la mort. Si on ne comprend pas l'impermanence, et même si on pratique un Dharma des apparences, on demeure comme un laic ayant indûment endossé des vêtements de moine. Si on ne comprend pas l'impermanence, et bien qu'on se proclame pratiquant du Dharma, comme tous les efforts sont dictés par l'espoir d'une récompense dans cette vie, on est pris par l'aspiration envers les honneurs ou la nourriture et les richesses. Tous les efforts dans l'étude, la réflexion et la méditation, sont uniquement tournés dans la direction d'une réussite mondaine. Si, au contraire, on comprend l'impermanence, on est alors comme le bon coursier que le cavalier cravache et celui qui n'avait pas le Dharma, entre dans la doctrine, le dernier des pratiquants devient moyen, le moyen devient bon et le bon devient extrêmement bon. L'extrêmement bon devient alors Bouddha.

Comment la pensée de l'impermanence est-elle l'antidote à la souffrance? Celui qui comprend que tous les composés sont impermanents n'est même pas envahi par la crainte de la souffrance de la mort. Que dire donc des plus petites souffrances? Il s'agit ainsi là du moyen le plus efficace pour se libérer de la souffrance.

Comment cette pensée est-elle l'alliée pour la compréhension de la vacuité ultime? En effet, si tous les phénomènes existaient réellement de par leur nature propre, ils ne seraient pas soumis au changement. Or, comme sous l'effet de diverses conditions et actions, on les voit constamment se transformer, on comprend qu'ils sont dépourvus de toute essence propre réelle. Le maître Byams pa (Maitreya) dit:

"Le sens de l'impermanence est que rien n'existe; il est que tout ce qui est né doit aussi se défaire."

Comment y réfléchir? Trois points seront évoqués: en réfléchissant à la certitude de la mort, on abandonne la saisie d'une permanence. Deuxièmement, en réfléchissant à l'incertitude de l'heure de la mort, l'esprit ne se projette plus si loin dans le futur et, troisièmement, en réfléchissant sur l'absence de tout fruit positif si on ne pratique pas le Dharma, on se met à pratiquer.

1) REFLECHIR A LA CERTITUDE DE LA MORT

La réflexion va être ici menée par la discussion de trois points:
puisqu'après la naissance, il est impossible de demeurer pour toujours en vie, on est soumis à la mort. Deuxièmement, comme le corps est impermanent, il est soumis à la mort, et troisièmement comme la vie est impermanente, elle est soumise à la mort.

a) Puisqu'après la naissance, il est impossible de demeurer pour toujours en vie, on est soumis à la mort:

Tout d'abord, on se trompe en pensant bien certain qu'il faille pratiquer le saint Dharma lorsqu'on a pu obtenir une incarnation humaine munie de toutes les conditions favorables, mais qu'on peut le faire sans hâte car on a tout le temps nécessaire devant soi. C'est en effet dès maintenant et avec toute l'intensité requise, qu'il convient de commencer la pratique. On ne peut se permettre de prendre son temps ou de pratiquer de manière nonchalante, car la mort est certaine.

"C'est la mort qui se trouve au bout de toute naissance. Avez-vous déjà vu, entendu dire ou douté que quelqu'un, que ce soit sur cette terre ou dans les états supérieurs, puisse échapper à la mort après être né?" (Mya Ngan bSal ba ou Shoka vinodana)

En effet, personne ne peut prétendre avoir jamais vu quelqu'un qui, une fois né dans ce monde, y demeure éternellement sans jamais mourir. Personne n'a jamais non plus entendu rapporter un tel évènement digne de foi et personne n'a jamais pu avoir aucun doute sur la certitude de la mort. Il est donc certain que la mort attend tous les êtres après leur naissance et elle viendra sûrement. C'est ainsi que lorsqu'on est entré dans la matrice maternelle, et sans que l'on ait la possibilité de prendre un autre chemin, on est aussi entré sur la voie qui nous rapproche du maître de la mort. Il est dit dans le sKyes Rabs (Jataka):

"Dans ce monde, le soir même de l'entrée dans la matrice, et sans possibilité d'y échapper, on commence à se rapprocher à toute vitesse du maître de la mort."

Afin de faire savoir aux êtres que si l'on naît, il faudra aussi mourir, les êtres suprêmes qui ne sont plus soumis aux naissances et aux morts sous l'effet d'un mauvais karma, montrent tous, après leur naissance, l'apparence du trépas. Il est bien certain que nous, qui sommes enchaînés par nos actes et nos mauvaises pulsions, ne saurions échapper à ce sort.

"Si même les fils des Bouddhas, les Bouddhas Solitaires, les Bouddhas Parfaits, les Auditeurs, si tous abandonnent leur corps, il va de soi que les êtres ordinaires ne sauraient l'éviter." (Mya Ngan bSal ba)

C'est ainsi que nulle part, il n'existe de lieu où l'on échappe à la mort après être né, ni de région, que ce soit sous la terre, sur la terre ou au-dessus d'elle, qui échappe à l'emprise du maître de la mort.
Le même texte reprend:

"Même le plus puissant des ermites possédant les cinq perceptions supranormales et pouvant voler haut dans le ciel, ne saurait trouver de terre échappant à la mort."

Il est dit dans le sKyes Rabs:

"Où que l'on demeure, on ne saurait trouver un endroit qui ne soit pas soumis à la mort. Il n'en existe pas dans le ciel, ni non plus dans les profondeurs de l'océan, ni non plus dans aucune montagne."

En résumé, soyez convaincus qu'à partir du moment où vous avez dû renaître dans un corps sous l'effet de votre karma et des mauvais actes passés, la destinée qui vous attend ne peut être autre que la mort.

b) Il faut réfléchir que la mort vous attend car le corps est dépourvu de tout fondement:

"Hélas, les composés sont impermanents. La naissance est aussi annonciatrice de la mort. Né, il faut mourir. Mieux vaut donc aspirer au bonheur de l'apaisement." (Tshoms ou Udana varga)

De manière générale, les objets composés que causes et conditions amènent à l'existence, sont soumis à l'impermanence et peuvent aussi se défaire en un éclair. On ne peut donc durablement y reposer son esprit. En particulier, même cet univers solide et dur de montagnes, de continents et d'océans, issu de la force du karma collectif des êtres accumulé depuis un temps extrêmement long, se consumera finalement un jour en une langue de feu et sera réduit en poussière, le ciel devenant vide. Il va donc de soi que mon corps très faible que même les plus petites causes et conditions peuvent troubler, est destiné à disparaître.

"Si même la terre, les montagnes, et l'océan doivent se consumer sous la brûlure de sept soleils, et disparaître en poussière, il va sans dire que la destruction attend le corps humain si faible." (bShes sPring)

De plus, si même le corps de Dorjé (ou corps indestructible) des Bouddhas orné de toutes les marques et qualités, et qui prend forme à partir de l'accumulation sans limite du mérite, si même ce corps montre l'apparence de l'impermanence, il en va certainement de même pour notre corps sans fondement et producteur d'illusion trompeuse.

"Si même le corps de Dorjé orné de toutes les marques et qualités, est impermanent, il en va de même pour ce corps semblable à la bulle d'eau et au "bois d'eau" (sorte de bambou dont la floraison entraîne la mort) dénué d'essence." (Mya Ngan bSal ba)

Ainsi, il vous faut penser avec force que ce corps sans fondement que vous chérissez tant, un jour, sera brûlé par le feu et transformé en poussière, ou bien jeté dans un cours d'eau et dévoré par des animaux qui ne laisseront que des déchets, ou bien desséché sous la chaleur du soleil, ou bien détruit par un grouillement d'insectes, ou bien emporté et dispersé par le vent, ou bien pourrissant sous terre en une boue putride, ou bien dévoré par les animaux.

"Sachez que le sort final de ce corps sans fondement est d'être réduit en poussière, jeté, desséché, transformé en déchets, réduit en une boue putride et dispersé." (bShes sPring)



c) Il faut réfléchir que la mort est certaine car la vie est impermanente:

De manière générale, si on comprend que tous les composés peuvent en un éclair être détruits par l'impermanence, il est aisé d'admettre que la vie humaine aussi est impermanente. Il est dit que la vie humaine s'écoule plus vite que toutes les autres. Pour illustrer cela d'un exemple, le temps est fort court que mettrait un homme très rapide pour attraper en plein vol les flêches lancées dans les quatre directions par un archer habile, et ce, avant qu'elles ne retombent sur le sol. Et bien, il est dit que la vie des Prétas qui se déplacent sur la terre, est plus courte. Plus courte encore est la vie des Prétas qui se meuvent dans le ciel; plus courte encore est la course du char du soleil et de la lune; plus courte est la vie des dieux puissants, et la vie humaine s'écoule encore plus rapidement. Si la vie s'en va donc à ce rythme chaque instant, quelle ne va pas être sa rapidité à s'épuiser au cours des années, des mois, des jours et des minutes. Tout le temps qui s'est écoulé depuis ma naissance jusqu'à ce jour, depuis l'année dernière jusqu'à cette année, depuis hier jusqu'à aujourd'hui, est un temps qui raccourcit d'autant ma vie. La vie ne peut que diminuer et rien ne contribue à l'allonger. La mort est donc une certitude inévitable. Le sPyod 'Jug dit:

"Le jour ni la nuit ne peuvent cesser de s'écouler, et la vie décroît continuellement. Rien ne pouvant contribuer à la rallonger, comment donc pourrais-je échapper à la mort?"

Nous allons illustrer ce propos d'analogies: la vie humaine est comme l'eau d'une cascade au flanc d'une montagne escarpée, elle est comme le prisonnier attendant d'être tué, elle est comme le poisson pris dans le filet et comme le bétail entré à l'abattoir.

L'eau qui coule d'une cascade sur le flanc d'une montagne escarpée coule très rapidement, comme si l'eau venant après craignait de ne pouvoir rattraper celle d'avant. De la même façon, la vie s'écoule très rapidement, comme si le moment d'après voulait rattraper celui d'avant, et la mort survient alors. Le rGya Cher Rol pa dit:

"Les trois sphères sont impermanentes, pareilles aux nuages d'un ciel d'automne, pareilles au spectacle de la danse de naissance et de mort des êtres. La vie humaine est comme un éclair dans le ciel, elle passe rapidement tout comme l'eau d'une cascade de montagne escarpée."

Il ne s'agit là que d'exemples de grande rapidité, mais l'écoulement de la vie humaine est en fait, encore bien plus rapide.

Elle est comme le prisonnier attendant d'être tué: comme un condamné à mort attendant son exécution, que viennent saisir les bourreaux et que chaque pas qu'il fait alors rapproche de sa mort, chaque année, chaque mois, chaque jour, chaque minute qui passe, nous rapproche de la mort. Il est dit dans le Tshoms:

"La vie humaine ressemble au pas du prisonnier qui le rapproche sans cesse de sa mort."

Elle est comme le poisson pris dans un filet: tous les poissons qui se font prendre dans les filets que tirent les pêcheurs sur de grandes étendues, se font tuer l'un après l'autre, sans qu'aucun n'en réchappe. De la même manière, nous naissons dans l'eau de la roue, et pénétrons dans le filet des renaissances jeté par les pêcheurs des mauvaises pulsions. Parvenant jusqu'à la bouche du maître de la Mort, la seule issue est la mort. Le sPyod 'Jug dit:

"Pris dans le filet jeté par les pêcheurs des mauvaises pulsions, et parvenant à la bouche du maître de la Mort, comment continuer à ignorer (celle-ci)?"

La vie humaine est pareille à la condition du bétail mené à l'abattoir: lorsque les animaux destinés à l'abattage, pénètrent dans cette enceinte sans autre issue possible, et bien qu'ils voient leurs compagnons se faire tuer l'un après l'autre, les survivants ne semblent penser à rien d'autre qu'à se frapper ou à manger. Pourtant, finalement, ils se font tous tuer les uns après les autres jusqu'au dernier. De la même manière, nous naissons dans l'abattoir des naissances et nous ne cessons de voir nos proches et nos bien-aimés se faire tuer par les bourreaux du maître de la mort. Pourtant, nous ne considérons pas que le même sort nous attend, et nous intéressons à ce qu'ils (nos proches) laissent derrière eux dont nous puissions jouir, poursuivant dans l'insouciance toutes nos activités comme de boire, nous nourrir ou dormir, etc... Finalement, les bourreaux du maître de la mort nous détruisent de manière soudaine. Le sPyod 'Jug dit:

"Ne voyez-vous donc pas comme tous vos proches se font tuer les uns après les autres? Vous qui dormez sous le regard du maître de la mort, vous êtes pareils aux buffles devant le boucher, dont toutes les issues sont bloquées. Comment pouvez-vous prendre plaisir à manger et à dormir?"

Comment réfléchir à cela? Hélas, je n'ai pas le pouvoir de demeurer longtemps dans ce monde et la mort est un sort inévitable. Dans ce monde, tous ceux qui sont nés sont également morts, tous ceux qui vivent maintenant vont mourir et tous ceux qui naissent maintenant devront aussi mourir. Pourquoi donc serais-je le seul à échapper à ce sort? Si le Bouddha qui n'est pas soumis aux naissances et aux morts sous l'effet de mauvais actes, et qui est la lumière de ce monde, montre lui-même l'apparence du passage dans l'Au-Delà de la Souffrance, et si les êtres suprêmes eux-mêmes abandonnent leurs corps de maturation karmique en exemple pour autrui, comment pourrais-je avoir la certitude de ne pas mourir, moi qui suis enchaîné par les mauvais actes? En outre, tous ces éléments solides et fermes de l'univers, tels que les montagnes, les continents et les océans, apparus de l'immense diversité des actes des êtres, disparaîtront un jour sans laisser de trace, réduits en poussière. Si même le corps de Dorjé orné des marques et des qualités (des Bouddhas), issu de la réunion de centaines de mérites, n'est pas permanent, comment mon corps dépourvu de fondement, creux et sans substance le serait-il? Ainsi, ce corps impermanent que je tiens pour permanent, ce corps dépourvu de fondement que je tiens pour substantiel, un jour, sera consumé par le feu et réduit en cendres, ou bien jeté dans un cours d'eau et dévoré par les poissons ou autres carnivores; il sera placé au pied d'un mur et desséché, ou bien dévoré par les insectes qui laisseront une enveloppe vide; enterré sous terre et transformé en une boue putride, ou bien exposé dans un cimetière et dévoré par les oiseaux et les bêtes fauves. Hélas, le moment viendra inévitablement, ce moment qui apparaît pour tous, où l'impermanence essentielle du corps se révélera.

Si en réfléchissant ainsi, la conviction de l'impermanence et de la mort n'apparaît toujours pas, il faudra alors poursuivre la réflexion de la manière suivante: Me voilà maintenant avec un corps libre de maladie ou de souffrance morale, entouré de tous mes proches et de mes amis, jouissant d'une bonne nourriture, d'habits et d'un logement, prêt à m'installer pour longtemps dans cette vie et ne parlant que de cette perspective. Bien que je ne pense pas à la mort, elle viendra pourtant sans prévenir et anéantira soudainement toutes les préoccupations de cette vie, me forçant à tout laisser derrière moi. Mes proches ne pourront plus me voir, et je ne pourrai même plus les entendre, car nous serons séparés définitivement. Il est certain que viendra ce moment où je devrai m'en aller, seul, vers un lieu inconnu, solitaire et effrayant. Maintenant, au soir de ma vie, il me faut prendre la mort en sérieuse considération et pratiquer le pur Dharma qui me servira au moment ultime et qui s'imprimera dans mon continuum mental. Que le Lama et les trois joyaux qui savent, puissent faire qu'il en soit ainsi. Il convient de prier de cette façon de tout son coeur.

Dans les intervalles entre les sessions de méditation, on pourra réfléchir au sens énoncé dans le Sutra de l'Instruction au Roi (rGyal po la gDams pa'i mDo ou Rajavavadaka Sutra), et qui est le suivant:

Lorsqu'au milieu de ses proches et de son entourage, on est engagé dans une conversation plaisante, il est bon de se rappeler ceci: maintenant, me voilà avec mes proches et mes amis bien-aimés, mais viendra inévitablement le jour où je serai définitivement séparé d'eux.
De la même manière, en prenant un repas, on se dira: me voilà en train de manger toutes sortes de nourritures délicieuses, mais viendra inévitablement le jour où plus aucune boisson ni nourriture ne me plairont et où plus aucune alimentation ni aucun remède ne m'aideront, et il me faudra mourir.
En revêtant de beaux habits, on pense: me voilà maintenant vêtu de ces beaux atours, mais viendra inévitablement le jour où je me retrouverai enveloppé d'une mauvaise étoffe malodorante et où je serai jeté au loin.
En chevauchant une belle monture, on réfléchit: me voilà maintenant sur ce beau coursier, mais viendra inévitablement le jour où un triste croque-mort m'emportera.
Assis sur un siège confortable et plaisant, on se dit: me voilà maintenant assis sur ce coussin confortable et plaisant, mais viendra inévitablement le jour où je serai jeté dans un trou sombre.
C'est ainsi qu'il convient de méditer de toutes sortes de façons, jusqu'à la naissance de l'intime conviction que la mort nous attend.

2) REFLECHISSEZ A L'INCERTITUDE DE L'HEURE DE LA MORT AFIN QUE L'ESPRIT NE SE PROJETTE PLUS SI LOIN DANS LE FUTUR

Trois aspects vont être évoqués: comme la vie n'a pas de durée définie, l'heure de la mort demeure incertaine; comme les conditions provoquant la mort sont nombreuses, l'heure de celle-ci reste incertaine; comme les conditions favorisant la vie sont rares, l'heure de la mort demeure incertaine.

a) Comme la vie n'a pas de durée définie, l'heure de la mort demeure incertaine:

Tout en réfléchissant à la mort sous ses différents aspects, certains se trouvent sûrs de la venue ultime de la mort au terme de plusieurs années, mais ils pensent pouvoir se consacrer à réaliser leurs objectifs de cette vie durant la première partie de celle-ci, tandis qu'ils en dédieraient la dernière partie au Dharma. Certains pensent accumuler des provisions pendant l'année présente, puis ensuite, se mettre à la pratique du Dharma. Pourtant, on ne peut être sûr que tout se passera selon ses plans, et on ne sait pas ce qui viendra en premier, de la partie finale de la vie ou de l'existence suivante. On ne sait pas si on verra l'année prochaine avant la vie suivante. De la même manière, on demeure ignorant de ce qui adviendra d'abord, de la vie suivante ou du mois suivant, ou même de la vie suivante ou du jour suivant. Il est dit dans le Tshoms:

"On ne peut avoir l'assurance que demain viendra avant la vie suivante. Il vaut donc mieux se préparer à la vie suivante qu'au seul lendemain."

A ce sujet, il est dit dans le mDzod:

"Ici, la durée de la vie est incertaine; elle peut être de dix ans ou beaucoup plus longue."

Bien que la vie humaine ait une durée définie dans les trois autres continents, la vie des hommes du continent de Dzambuling (continent généralement assimilé à notre terre) n'a aucune durée précise. Certains meurent après une courte vie dans la matrice maternelle, d'autres meurent sitôt nés ou sitôt qu'ils parviennent à se traîner sur le sol, ou dès qu'ils savent marcher, ou à peine entrés dans l'âge adulte, tandis que d'autres meurent la vieillesse atteinte. Le Tshoms dit:

"Certains meurent au sein de la matrice, d'autres à peine nés, ou sachant à peine se traîner, ou alors qu'ils savent déjà marcher; certains meurent vieux et d'autres, jeunes. Certains meurent en pleine force de l'âge. Ils tombent un à un, comme un fruit mûr."

Ainsi, je ne puis absolument pas être sûr que ma vie s'épuisant aujourd'hui, je ne m'en vais pas mourir ce soir.

"Vous ne pouvez même pas demeurer dans la tranquillité mentale venant de l'assurance de ne pas mourir aujourd'hui. Par contre, il est certain que le jour de votre mort va venir." (sPyod 'Jug)

b) Comme les conditions provoquant la mort sont nombreuses, l'heure de la mort demeure incertaine:

En effet, le corps se trouve facilement privé de vie. Le maître de la Mort est sans pitié et, finalement, les causes de mort telles que les maladies ou les attaques des esprits nuisibles (Tib.gDons, sorte d'être nuisible à l'origine de maladies ou d'attaques subites), sont nombreuses. En raison de tout cela, l'heure de la mort est incertaine.

Le corps se trouve facilement privé de vie: même s'il lui reste un certain capital de vie, il n'est pourtant pas sûr de pouvoir en jouir dans son intégralité. En effet, les obstacles s'opposant à la vie sont nombreux et variés et le corps se trouve facilement privé de vie. Il est semblable par exemple, à la flamme d'une lampe à beurre dans le vent. Bien que la flamme soit capable de brûler jusqu'à ce que le beurre et la mêche soient entièrement consumés, sous l'effet du vent qui l'empêche de brûler, elle peut s'éteindre soudainement. Le sLob sPring dit:

"Comme la langue de feu de la lampe à beurre, soufflée par un vent violent, il n'est même pas sûr que cette vie dure un moment."

Si on pense à la facilité avec laquelle le corps peut se trouver privé de vie, on se sent émerveillé de pouvoir se réveiller au sortir du sommeil, et de pouvoir inspirer après avoir expiré. Il est dit dans le bShes sPring:

"La vie est confrontée à de nombreux obstacles, comme la flamme de la lampe à beurre dans le vent. Si elle est plus éphémère encore que la bulle d'eau, quel miracle que d'inspirer après avoir expiré, ou se réveiller au sortir du sommeil!"

Deuxièmement, comme le maître de la mort est sans pitié, l'heure de la mort reste incertaine: le maître de la mort, pris de compassion à mon égard, ne va sûrement pas penser laisser vivre ce cher malheureux qui n'a pas terminé tout son travail; il ne va pas penser lui accorder encore un peu de temps parce qu'il n'est pas malade, il ne va pas avoir de telles pensées. Au contraire, comme le chasseur poursuivant sa proie, il n'a d'autre pensée que de tuer au plus vite. Le sPyod 'Jug dit:

"On ne peut faire confiance au maître de la mort, qui ne se préoccupera pas de savoir si vous avez ou non fini. Malade ou pas, on ne peut être sûr de cette vie qui peut soudainement s'éteindre."

Troisièmement, comme les obstacles tels que les maladies ou les attaques de esprits nuisibles sont nombreux, l'heure de la mort reste incertaine: on meurt sous l'effet du bouleversement des éléments extérieurs et intérieurs, on meurt sous les attaques d'esprits malins qui vous nuisent, et on meurt sous l'effet des perturbations causées par d'autres esprits nuisibles tels que les dieux mâles ou autres.

En ce qui concerne les éléments extérieurs, on peut mourir enseveli sous terre à la suite d'un mouvement de terrain, ou emporté par les eaux, ou brûlé par le feu, ou encore poussé dans un précipice par le vent.

Quant aux éléments intérieurs, les maladies du phlegme dues à la terre, les maladies de froid dues à l'eau, les maladies de fièvres dues au feu et les maladies comme celle de "l'air dans le coeur" etc..., dues à l'air, toutes peuvent causer la mort.

Quant aux attaques d'esprits malins, il existe quatre-vingt mille sortes d'esprits malins cherchant sans cesse à nuire, et qui peuvent ravir le souffle des êtres, leur éclat et leur rayonnement.

Les esprits nuisibles tels que les dieux mâles et autres, peuvent parfois être bénéfiques si on leur plaît, mais si on leur déplaît, ils sont plus de trois cent soixante espèces à pouvoir nuire et provoquer de nombreuses morts.

Autrement, on meurt dans les querelles avec des ennemis, on meurt trompé par ses proches, on meurt de nourriture impropre, de remèdes néfastes, on meurt étouffé par ses vêtements, sous la vengeance de serviteurs, on meurt frappé par des bêtes domestiques ou dévoré par des bêtes fauves. Bien qu'on se chérisse personnellement plus que tout au monde, certains pourtant provoquent eux-mêmes leur propre mort, en se transperçant d'une lame ou en se jetant dans le vide.

En bref, il n'existe aucun être ou aucun objet extérieur ou intérieur dont on puisse être sûr qu'un jour, il ne causera pas notre mort. En effet, ils ont déjà provoqué la mort d'autres êtres et je ne saurais donc être sûr qu'ils ne provoqueront pas la mienne.



c) Comme les conditions favorisant la vie sont rares, l'heure de la mort demeure incertaine:

Certains penseront qu'il existe au contraire un grand nombre de moyens favorisant la vie, tels que des rituels, des remèdes, des aliments etc... Quelquefois, il est vrai que de tels moyens peuvent éviter une mort précoce, lorsque tous les éléments de celle-ci ne sont pas réunis, c'est à dire lorsque l'un des trois ou deux des trois éléments - la vie, le karma et le mérite - ne sont pas totalement épuisés. Lorsque ces trois éléments se trouvent épuisés et que l'heure a sonné, aucun de ces moyens ne peut plus rien contre la mort et il se trouve au contraire des situations où ils viennent même à provoquer celle-ci.

"Les causes de mort sont nombreuses, les causes de vie existent à peine et quelquefois, elles provoquent même la mort. Mieux vaut donc toujours pratiquer le Dharma." (Rin Chen Phreng ba ou Ratnavali)

Quelques uns qui espèrent vivre encore, penseront: "maintenant, je suis jeune, sans maladie et jouissant d'une bonne alimentation ainsi que de bons vêtements, etc... Aucun ennemi ni esprit malin ne cherche à me nuire, je ne vais donc pas mourir si vite." Mais la jeunesse ne peut vaincre la mort, car on voit des nouveaux nés mourir avant des vieillards courbés marchant avec une canne. Il est dit dans le Tshoms:

"De tous les nombreux êtres qu'on voit le matin, certains ne seront plus là le soir. De tous les nombreux êtres qu'on voit le soir, certains ne seront plus là le matin suivant. Beaucoup d'hommes et de femmes dans la force de l'âge, viennent à mourir. Comment donc penser que la jeunesse puisse constituer l'assurance de demeurer en vie?"

La bonne santé ne peut non plus vaincre la mort car on voit des êtres en bonne santé mourir soudainement avant d'autres qui sont malades depuis des années.

La possession de conditions favorables telles qu'une bonne alimentation ou de bons vêtements, etc... ne peut non plus vaincre la mort. En effet, on voit des riches possédant tout le nécessaire en fait de nourriture et de richesse, mourir avant des miséreux qui doivent, le matin, chercher leur nourriture du matin, et, le soir, se préoccuper d'obtenir celle du soir.

L'absence d'ennemis ne peut non plus vaincre la mort, car l'on en voit qui ignorent même le sens du mot ennemi, mourir avant d'autres entourés d'ennemis dans toutes les directions.

L'absence d'attaque de la part d'esprits malins ou d'esprits nuisibles, ne peut non plus vaincre la mort. En effet, on voit beaucoup d'êtres dont l'équilibre mental est normal, mourir avant d'autres dont tous les actes sont mauvais du fait d'une conscience perturbée et confuse en proie à l'attaque d'esprits nuisibles. Le sPyod 'Jug dit:

"Bien que ce jour, je sois libre de maladie, que j'aie nourriture et que je sois libre de toute attaque nuisible, chaque moment de cette vie est une illusion trompeuse, et ce corps n'est qu'une image éphémère."

Ainsi, si toutes ces conditions ne parviennent pas à vaincre la mort pour autrui, je n'ai aucune raison de penser qu'elles le pourraient pour moi. Si je regarde les choses en détail, je n'ai même aucune certitude de ne pas mourir ce soir, et ni moi ni autrui n'avons aucune raison crédible, pour demeurer l'esprit en paix.

Comment réfléchir à tout cela? "Hélas, depuis l'heure de ma naissance jusqu'à maintenant, je me suis laissé distraire durant toutes ces années, et maintenant, voici que je me suis rapproché de l'heure de ma mort. Nous autres, hommes du Dzambuling, n'avons aucune certitude sur la durée de notre vie. Bien qu'il puisse me rester quelque temps à vivre, il y a aussi beaucoup de morts avant l'heure. Nombreuses sont les conditions faisant obstacle à la vie et ce corps se trouve facilement privé de vie. Le maître de la mort qui est le principal fauteur d'obstacle à la vie, est sans pitié et il n'existe aucun lieu libre de ces obstacles où il soit possible de se réfugier. Chacun de ces obstacles peut à lui seul provoquer la mort et je ne suis pas du tout sûr de ne pas me trouver confronté à de telles circonstances. Ainsi, il n'y a aucun moyen de savoir si je vais mourir aujourd'hui ou demain, et si je meurs maintenant, je n'ai encore pratiqué aucun Dharma qui puisse me servir à l'heure de la mort. Hélas, que va-t-il m'arriver lorsque sonnera celle-ci? A partir d'aujourd'hui, dans cette partie finale de ma vie et alors que je ne connais pas l'heure de ma mort, je vais laisser derrière moi tous ces objectifs mondains dépourvus de fondement et vais désormais m'engager dans la pratique du saint Dharma seul utile à l'heure de la mort. Puissent le Lama et les trois joyaux qui savent, faire que le Dharma utile à la mort s'imprègne dans mon continuum mental."

Ainsi faut-il comme précédemment réfléchir et prier. Dans les intervalles entre sessions, il faut éviter de tomber sous l'emprise des préoccupations liées aux activités du jour ou du lendemain, mais au contraire, s'efforcer de garder constamment une intense vigilance et toujours agir et penser comme si l'on devait mourir aujourd'hui. Ainsi s'efforcera-t-on à la vertu.





3) REFLEXION SUR L'ABSENCE DE TOUT FRUIT POSITIF SI L'ON NE PRATIQUE PAS LE SAINT DHARMA

Cette réflexion est menée dans le but d'induire à la pratique. Trois points seront évoqués: l'alimentation et la richesse ne servent à rien, c'est le saint Dharma qu'il faut pratiquer; les proches et l'entourage ne sont d'aucune utilité, c'est le saint Dharma qu'il faut pratiquer; la puissance et l'autorité ne sont rien, c'est le saint Dharma qu'il faut pratiquer.

a) lorsque s'annonce vraiment l'heure de la mort, aucune possession mondaine de nourriture, de richesse, de bien, etc... aussi auspicieuse soit-elle, n'est utile:
on ne peut en faire cadeau au maître de la mort pour éviter celle-ci et on ne peut non plus s'en servir comme d'une rançon. On ne peut pas non plus les emporter dans l'au-delà, car c'est tout seul et les mains vides qu'il faudra s'en aller, comme le poil qu'on extrait du beurre. Le sPyod 'Jug dit:

"Bien que l'on jouisse pendant longtemps des richesses obtenues, un jour, comme si tout nous avait été dérobé par un voleur, il faudra s'en aller nu et les mains vides."

Non seulement ces possessions ne nous serviront pas, mais en plus, si l'on ressent un fort attachement envers elles, elles nous nuiront. Le même texte dit encore:

"Ainsi l'esprit ignorant s'attache (à des objets) qui, s'il en est séparé, vont lui causer de grands tourments. Le sage ne s'y attachera pas car de l'attachement naît la peur."

b) les proches et l'entourage, même en nombre, ne sont d'aucune utilité à l'heure de la mort:

En effet, ils ne peuvent se battre contre le maître de la mort pour le forcer à abandonner sa proie. Ils ne peuvent pas non plus nous recommander à lui pour qu'il nous en exempte. Ils ne peuvent alléger en le partageant, le fardeau de la souffrance de la mort. Lorsqu'on s'en va pour le grand voyage, ils ne peuvent nous accompagner car c'est tout seul qu'il faut partir.

"Bien que tous mes amis et mes proches soient assemblés autour de ma couche, je suis seul à devoir endurer la sensation du retrait de la vie. Lorsque les messagers de gShin rJe me saisissent, ni les amis ni les proches ne peuvent rien. Seul le mérite (de la vertu) pourrait alors me protéger mais, malheureusement, je ne l'ai pas amassé." (sPyod 'Jug)

Non seulement ils ne servent à rien, mais, en plus, le poids des fautes commises en relation avec eux, me suivra et me nuira. Le même texte dit encore:

"De mon vivant, j'ai vu partir de nombreux proches aimés et d'autres que je n'aimais pas, mais le poids des fautes que j'ai commises de leur fait et pour eux, reste peser sur moi."

c) la puissance et l'autorité, de même que tout autre accomplissement habituellement recherché et apprécié dans ce monde, ne sont d'aucune utilité.

Par exemple, même le lion, roi des animaux, qui est capable d'écraser la force de l'éléphant et dont le moindre rugissement terrifie les petits cervidés qui n'osent plus alors respirer, même ce symbole de la force voit celle-ci ainsi que sa fierté, s'affaiblir et disparaître à la venue du maître de la mort qui l'emporte.

"Les lions anéantissent de leurs griffes la majesté des éléphants dont ils labourent et déchirent le crâne. De leur violent rugissement, ils terrifient l'esprit des autres êtres; pourtant, lorsque gShin rJe se présente, ils doivent se coucher, toute puissance et orgueil anéantis." (sKyes Rabs)

Non seulement puissance et autorité ne sont d'aucune utilité, mais si, en plus, on en éprouve de la vanité et de l'orgueil, le fruit de la maturation de ces sentiments nous suivra et continuera de nous nuire.

"J'ai du bien et beaucoup d'honneurs, beaucoup m'aiment... De telles pensées vaniteuses vous nuiront après la mort." (sPyod 'Jug)

En résumé, toutes ces conditions ne favorisent que temporairement la vie, mais lorsque sonne réellement l'heure de la mort, aucune substance ne peut l'empêcher, ni aucun mantra, ni aucun enchaînement de conditions favorables, ni aucune autorité ou puissance, ni aucune force ou courage, aucune richesse, ni la plus droite des conduites, ni l'habileté dans les discours, ni l'intelligence. La plus grande vitesse ne permet pas de s'enfuir et la ruse ne peut non plus tromper la mort. Il est dit dans le sKyes Rabs:

"Une personne habile est capable de tromper des êtres dans une grande assemblée. Mais aucune ruse quelle qu'elle soit, ne peut tromper gShin rJe."

C'est ainsi qu'à l'heure de la mort, rien d'autre que le Dharma ne sert. Il est dit dans le Sutra de l'Enseignement au Roi (rGyal po gSal rGyal la gDams pa):

"Grand Roi, lorsqu'arrive réellement l'heure de la mort, et que l'on est transpercé de la lance du maître de la mort, tout orgueil vous abandonne, on perd tout protecteur, tout refuge, tout proche. La maladie vous accable, la bouche se dessèche, le teint se défait, les jambes et les bras tremblent, les lèvres noircissent, les dents se serrent. On ne peut plus se lever et le souffle devient rauque; on souille son corps d'urine, d'excréments et de vomissures. Tout docteur, remède ou nourriture deviennent inutiles. C'est la dernière fois qu'on est couché dans son lit. Sombrant dans le fleuve de la roue, les aides de gShin rJe vous terrifient. Le souffle s'interrompt, la bouche et les narines restent grandes ouvertes. On abandonne ce monde pour un autre monde, on s'embarque pour un grand changement, on pénètre dans de grandes ténèbres. On tombe dans un grand précipice, le grand océan vous secoue, le fleuve du karma vous emporte. Vous vous dirigez vers une direction où l'on ne peut faire halte, vous ne pouvez décider du partage de vos richesses. On se lamente: "ô, mon père, ma mère, mes enfants". Grand Roi, à ce moment là, rien d'autre que le Dharma ne peut être un protecteur, un refuge et lui-seul peut vous servir de proche. A ce moment là, le Dharma devient le protecteur, le refuge, le support, le pays et la seule famille."

C'est donc dès maintenant qu'il faut s'efforcer à la pratique du saint Dharma vous permettant de ne pas abandonner le sentiment de l'inéluctabilité de la mort. Si maintenant, alors que mes sens sont clairs et mon corps comme mon esprit capables d'action, je ne pratique pas le saint Dharma, ce n'est pas une fois le corps vieilli, l'esprit obscurci, devenu un cadavre où seul demeure le souffle, ce n'est pas à l'heure de la mort que je le pourrai. Comme Khro Phu Lotsawa le dit:

"Ne pas pratiquer le Dharma maintenant mais attendre la vieillesse et la mort pour le faire, est comme revêtir une armure après avoir été blessé dans la bataille et se frapper la poitrine de désespoir."

Si l'on pense que la pratique du Dharma n'empêche pas la mort, il faut comprendre que la manière de mourir n'est pas la même: le pratiquant supérieur meurt dans le contentement, le pratiquant moyen meurt sans crainte et le pratiquant inférieur meurt sans regret. Il est dit dans le mDo sDe rGyan:

"Comprenant que tous les phénomènes sensibles sont comme l'illusion et comme la promenade des êtres dans divers jardins, même dans les temps d'affluence ou de pauvreté, on demeure hors d'atteinte de la souffrance due aux mauvaises pulsions."

"Mieux vaut donc enfourcher la monture de l'esprit d'éveil qui dissipe toute tristesse et fatigue et vous conduit de bonheur en bonheur. Sachant cela, qui se laisserait aller à la paresse?" (sPyod 'Jug)

Lorsque meurt une personne qui n'a pas pratiqué le Dharma, elle commence par regretter les fautes commises et de ne pas avoir pratiqué le Dharma, ensuite elle souffre de la destruction de ses fonctions vitales et finalement, elle meurt terrifiée par le maître de la mort. Le même texte dit:

"Celui qu'on emmène aujourd'hui pour lui couper les membres, est terrifié, la bouche desséchée et les yeux mornes, les traits changés. Est-il besoin de dire ce que l'on ressent lorsque, saisi par les terrifiants messagers de gShin rJe, la terreur vous emporte et vous affole?"

Comment réfléchir à tout cela? Hélas, la mort va venir, mais j'en ignore le moment. Seul le Dharma pourra m'être utile à cette heure. Pourtant, je n'ai fait qu'aspirer à des fins mondaines et me suis laissé distraire par les actes inutiles de ce monde. Tenant pour essentielles des choses dépourvues de tout fondement, je ne me suis jamais soucié du moindre Dharma prenant la mort pour préoccupation. Hélas, comment ferai-je à l'heure de la mort?"
Il faut ainsi méditer jusqu'à ce que naisse un violent renoncement et détachement ne permettant plus de supporter la situation existante. "Jusqu'à maintenant, je me suis laissé dominé par les préoccupations de cette vie; si du fond du coeur, je ne me mets pas de suite à la pratique du saint Dharma, alors, comme quelqu'un revenant les mains vides d'un endroit empli de pierres précieuses, ce serait la plus grande erreur que je pourrais jamais commettre. Il me faut absolument me mettre à la pratique du Dharma qui ne me faillira pas à l'heure de la mort. Je ne dois pas prendre de retard dans cette tâche, ni ne me laisser aller à la paresse. C'est dès maintenant que je dois commencer, et rapidement. Il me faut y mettre la même hâte que j'emploierais à éteindre un feu qui aurait pris à mes cheveux ou à mes vêtements. A l'heure de la mort, aucune nourriture, aucune richesse ni aucune possession de cette vie, de même qu'aucun ami ni aucun proche, ne pourront m'être utiles. Je dois donc rejeter, comme on rejette un crachat, tout souci d'accumuler ou de garder de telles choses. Mettant toute ma confiance dans le Lama et les trois joyaux, je ne me consacrerai plus qu'à la pratique du Dharma. Puissent le Lama et les trois joyaux qui savent, faire qu'elle imprègne mon esprit.
Il faut ainsi poursuivre cette réflexion jusqu'à ce que sa vérité soit ressentie jusqu'au plus profond de soi, et prier en aspirant fortement (à la réalisation de ces souhaits).

Dans les intervalles entre sessions, il faut maintenir sans cesse sa vigilance en pensant que la mort est inéluctable, qu'on en ignore la date et l'heure et que rien d'autre que le Dharma ne pourra nous servir à ce moment. Autrement, chaque fois que l'on voit ou entend parler de la mort d'autrui, et chaque fois que l'on voit le cadavre ou les ossements d'un animal, il faut penser que le même sort nous attend et que nul ne peut y échapper. On se détachera ainsi des préoccupations de cette vie. Chaque fois que naît une pensée mondaine, il faut l'observer avec vigilance et retrouver une meilleure disposition mentale. Il faut aussi éviter la compagnie de mauvais amis entièrement occupés par les désirs de cette vie, et savoir se contenter des circonstances favorables temporaires qui se présentent sous forme de nourriture, de vêtements ou autres. Toute pratique sera précédée de la pensée de l'impermanence qui nous stimulera. Toute pratique d'étude, de réflexion et de méditation accomplie sous le crochet de cette pensée de l'impermanence, permettra d'avancer dans le Dharma et de réussir rapidement. Ceux qui désirent la libération la garderont sans cesse à l'esprit.
III- INSTRUCTION SUR LES ACTES VERTUEUX ET NON VERTUEUX AVEC LEURS FRUITS RESPECTIFS AFIN DE CLARIFIER LA CONDUITE A TENIR OU A REJETER

Le Traité l'évoque par les mots "vision impure". En effet, on comprend que tout ce qui dans une vision impure, est perçu comme bonheur ou souffrance, ne provient que des actions vertueuses ou non-vertueuses. La vision impure comporte deux aspects: la vision illusoire et la vision karmique. La vision illusoire est la vision dualiste de la perception d'un sujet et d'un objet, alors que rien de tel n'existe. La vision karmique est un aspect de la vision illusoire: elle consiste dans la perception de divers bonheurs et souffrances tels qu'une vie courte ou longue, la richesse ou la pauvreté, etc...., parce que ces perceptions sont le fruit de divers actes vertueux et non-vertueux.

Comment le démontrer? Certains pourraient penser que puisqu'au moment de mourir, aucun bonheur ou souffrance de ce monde, ni aucun proche, ami, ou aucun de nos biens, ne nous suivront, les résultats de nos actes vertueux et non-vertueux ne nous suivront sans doute pas non plus. Ce raisonnement est erroné. Il est dit dans le Sutra de l'Instruction au Roi:

"O Roi, lorsque sous la pression du temps qui passe, s'approche la mort, ni vos richesses, ni vos amis, ni vos proches ne vous suivront. Par contre, les actes (commis) suivent la personne qui meurt, partout où elle va, comme son ombre."

"Les actes ne mûrissent pas dans la terre, ils ne mûrissent pas dans la pierre; ils ne mûrissent que dans les agrégats dont se saisit (le futur être)." (Sutra de Mdo sDe Las brGya pa ou Karma Sataka)

Ainsi, les actes que l'on a commis ne restent pas derrière soi, ils ne suivent pas d'autres êtres, ils ne disparaissent pas. Comme l'oiseau que son ombre suit même lorsqu'il s'envole dans le ciel, les actes suivent leur auteur et ils ne se dissolvent pas même durant un éon ou plus.

"Les actes commis par les êtres en possession d'un corps, ne s'épuisent pas même au terme de cent éons. Le moment et les conditions venus, ils produisent un fruit." ('Dul ba Lung ou Vinayagama)

La réflexion à ce sujet sera conduite par l'examen des trois points suivants: premièrement, produire le désir de rejeter la non-vertu par l'examen des fruits qu'elle engendre; deuxièmement, produire le désir de pratiquer la vertu par l'examen des fruits qu'elle engendre; troisièmement, transformer les actes neutres en vertus.



A- PRODUIRE LE DESIR DE REJETER LA NON-VERTU PAR L'EXAMEN DES FRUITS QU'ELLE ENGENDRE

Trois points sont à considérer, les actes de non-vertu eux-mêmes, leurs fruits et comment les éviter.

1) Les actes non vertueux

"Les actes produits par le désir, la haine-agressivité et l'ignorance sont des non-vertus." (Rin Chen Phreng ba)

Il s'agit de tous les actes des trois portes (corps, parole et esprit) commis sous l'emprise de l'attachement à soi-même et à son propre clan, de l'hostilité envers autrui et enfin, de l'ignorance envers la loi des actes et de leurs fruits. De même que toutes les feuilles, les fleurs et les fruits issus d'une racine empoisonnée, le sont aussi, de même tous les actes commis sous l'emprise de ces trois pulsions, sont des non-vertus. Si l'on veut en établir la classification, il y a les actes du corps qui sont l'acte de tuer, celui de prendre ce qui n'a pas été donné et l'inconduite sexuelle. Les actes de la parole sont au nombre de quatre: le mensonge, la calomnie, le langage fait pour blesser et le vain bavardage. Les actes de l'esprit sont au nombre de trois: l'envie, la méchanceté et les vues fausses. En tout, il y a dix actes non-vertueux.

L'acte de tuer consiste à soi-même supprimer ou induire autrui à supprimer la vie d'un autre être vivant, par le poison, le feu, les armes ou tout autre moyen.

Prendre ce qui n'a pas été donné consiste à s'approprier par la force ou la ruse, tout objet grand ou petit appartenant à autrui.

L'inconduite sexuelle consiste à avoir des relations avec une femme appartenant à autrui. Même s'il s'agit de sa propre femme, l'inconduite sexuelle consiste dans les relations avec un objet inapproprié tel qu'une parente proche jusqu'à sept degrés, les relations à un moment inapproprié tel que lors de la grossesse ou lors de la prise des voeux d'abstinence, dans un endroit inapproprié tel qu'un temple ou au vu de ses propres parents, par un orifice inapproprié tel que la bouche ou l'anus, etc...

Ainsi les textes décrivent-ils l'acte de tuer comme l'acte volontaire commis par soi-même ou par un autre qu'on a induit à agir ainsi; prendre ce qui n'a pas été donné est s'approprier soi-même la richesse d'autrui, par la force ou la ruse; l'inconduite sexuelle est de prendre la femme d'autrui ou bien d'avoir des relations avec un objet, à un moment, dans un lieu et par un orifice inappropriés.

Le mensonge est l'énoncé volontaire de paroles fausses dans le but de tromper autrui.

La calomnie est l'énoncé de diverses paroles mauvaises, fausses ou vraies, dans le désir de créer des dissensions entre les gens, qu'ils soient ou non en harmonie les uns avec les autres.

Le langage blessant est l'énoncé de paroles dont le sens vise à blesser autrui.

Le vain bavardage consiste dans les discours concernant l'écoute ou la réflexion sur de mauvaises histoires; il s'agit aussi de toutes les paroles de mauvaise inspiration, telles que les paroles de dénigrement, les chansons, les ballets, les histoires politiques, militaires ou sexuelles.

Ainsi, les écritures décrivent-elles le mensonge comme le fait de prononcer volontairement des paroles fausses dans le but de tromper autrui; la calomnie est l'énoncé de paroles dictées par les mauvaises pulsions, afin de séparer les gens; le langage blessant est désagréable, il vise à toucher et blesser autrui; le vain bavardage consiste à rapporter de mauvaises histoires; il s'agit aussi de tous les discours inspirés par les mauvaises pulsions, consistant dans le dénigrement, les commentaires sur les chansons et ballets, etc...

L'envie est le désir de s'approprier ce qui appartient à autrui.

La méchanceté est l'esprit dominé par le mal, qui désire nuire à autrui.
Les vues fausses sont le fait de ne pas croire à la vérité des trois joyaux et de la loi du karma, etc...

Ainsi les textes décrivent-ils l'envie ou convoitise comme le désir de s'approprier ce qui appartient à autrui; la méchanceté est un esprit dominé par le mal et qui cherche à nuire à autrui; les vues fausses consistent dans le fait de ne pas croire aux trois joyaux et à la loi de rétribution des actes.

2) Comment réfléchir aux fruits de ces actes?

"Des non-vertus naissent la souffrance et tous les mauvais états d'existence." (Rin Chen Phreng ba)

Chacun des actes de non-vertu porte un fruit de la maturation, un fruit en accord avec sa cause, et un fruit de la propriété.

a) Le fruit de la maturation

Ce fruit commun à toutes ces non-vertus est la souffrance des trois mauvais états d'existence, comme le dit le Rin Chen Phreng ba. Si on les détaille en fonction de la motivation guidant l'acte, les actes commis sous l'emprise de la haine-agressivité conduisent aux enfers; sous l'emprise du désir-attachement, ils conduisent aux Prétas; sous l'emprise de l'ignorance, ils conduisent aux animaux. Le même texte dit encore:

"La haine-agressivité conduit aux enfers, l'attachement conduit chez les Prétas, et l'ignorance conduit habituellement chez les animaux."

Si on les détaille en fonction de leur essence, si on commet ces dix non-vertus de façon intensive, les enfers nous attendent; de manière moyenne, ce sont les Prétas et de manière limitée, les animaux.

b) Le fruit en accord avec sa cause est double:

Il y a le fruit en accord avec sa cause, en tant qu'expérience et le fruit en accord avec sa cause en tant que tendance à la reproduire.

En ce qui concerne le fruit en accord avec sa cause en tant qu'expérience, il apparaît à celui qui devra plus tard endurer les souffrances des trois mauvais états d'existence en tant que fruit de la maturation, de même qu'à celui qui, les ayant déjà endurées, renaît maintenant au sein des états supérieurs. Celui qui a tué aura une vie courte et pleine de maladies, même s'il a obtenu une renaissance dans un état supérieur. Celui qui a volé souffrira de la pauvreté et de l'impuissance à jouir du peu qu'il a. Celui qui a eu une mauvaise conduite sexuelle aura beaucoup d'ennemis et une épouse infidèle et peu accommodante. Celui qui a menti aura beaucoup de diffamateurs, on lui parlera durement et les autres parviendront aisément à le tromper. Celui qui a calomnié aura peu d'amis et de proches, et le peu qu'il aura se détachera facilement de lui. Celui qui a usé d'un langage blessant devra supporter des discours déplaisants et verra toutes ses paroles devenir cause de querelle. Celui qui a abusé du vain bavardage ne sera pas cru par autrui, même lorsqu'il parlera la vérité. Le résultat de l'envie sera que l'esprit ne pourra pas satisfaire ses désirs et qu'il ne saura s'en contenter au cas où il les satisferait. Le résultat de la méchanceté sera un esprit de crainte constante et la peur qu'autrui vous nuise. Des vues fausses produiront la rencontre avec de mauvaises vues et donneront une faible capacité de sagesse, ou bien même une sagesse erronée. Le Rin Chen Phreng ba dit:

"Tuer produit une vie courte, voler produit la pauvreté, l'inconduite sexuelle amène de nombreux ennemis, le mensonge apporte de nombreux diffamateurs; la calomnie provoque la séparation d'avec les êtres aimés; le langage blessant oblige à supporter des discours déplaisants; parler à tort et à travers donnera une parole qui ne sera pas respectée; l'envie empêchera la réalisation des désirs, la méchanceté engendrera la peur et les vues fausses produiront encore de mauvaises vues."

Le fruit en accord avec sa cause en tant que tendance à la reproduire se décrit ainsi: après avoir commis des actes non-vertueux, et sous la force de l'habitude ainsi créée, on prend naturellement plaisir à renouveler de tels actes dans toutes ses existences ultérieures. Par exemple, celui qui, maintenant, aime tuer, obtiendra le résultat en accord avec sa cause d'une tendance à l'habitude de tuer d'autres êtres dans de nombreuses existences. Et les mêmes résultats correspondants découleront des autres actes.

c) Quant au fruit de la propriété, il est dit qu'il mûrit et porte ses fruits dans le monde extérieur où l'on naît et l'on vit.

Il est dit dans le Rin Chen Phreng ba:

"L'environnement est peu majestueux, avec de fortes tempêtes de grêle, de poussière, des mauvaises odeurs, de fortes dénivellations de terrain, une terre salée, une inversion des saisons, des fruits minuscules, ou amers ou pas de fruits du tout."

Expliquons ces résultats: tuer produit un environnement sans beauté; prendre ce qui n'a pas été donné produit un environnement sujet à la grêle et au gel; l'inconduite sexuelle produit des tempêtes de poussière; le mensonge produit une terre sale et malodorante; la calomnie produit une terre aux fortes dénivellations de terrain; le langage blessant produit une terre salée; le vain bavardage produit un changement et une inversion des saisons; l'envie produit (une terre ne portant que) des fruits minuscules; la méchanceté produit des fruits au goût amer, tandis que les vues fausses produisent (une terre) sans aucun fruit. Ainsi, ceux qui demeurent dans de tels endroits comprendront qu'il s'agit là du fruit de la propriété produit par leurs actes non-vertueux.

"Bien que celui qui commette de telles fautes, désire le bonheur, où qu'il aille, il lui faudra supporter la souffrance de ses fautes marquant (son environnement)." (sPyod 'Jug)

3) Comment éviter ces actes?

"Comme l'accomplissement de mauvais actes n'apporte que la souffrance des mauvais états d'existence ou bien toutes sortes de conditions défavorables au sein des états supérieurs, dût-il m'en coûter la vie, j'éviterai désormais de commettre des fautes." C'est ainsi qu'il faut réfléchir. Le sPyod 'Jug dit:

"Des non-vertus surgit la souffrance. Jour et nuit, la seule pensée qui devrait nous occuper est de savoir comment se libérer (de ces fautes)."

Accumuler des fautes alors qu'on a obtenu une incarnation munie de toutes les conditions favorables (à la pratique), est encore plus stupide qu'utiliser un précieux récipient d'or serti de pierres précieuses, pour vider des vomissures et autres impuretés.

"Il est encore plus stupide de mal agir alors qu'on a obtenu une incarnation humaine, qu'il ne serait stupide de se servir d'un récipient d'or serti de pierres précieuses pour vider des vomissures." (bShes sPring)

Si l'on croit vrai que commettre intensivement des actes non-vertueux, conduit dans les mauvais états de renaissance, mais que l'accomplissement de petites fautes ne saurait conduire à un tel résultat, on s'illusionne. On rapporte l'histoire d'une nonne qui avait appelé ses compagnes des "chiennes" et qui dut renaître elle-même chienne durant cinq cents existences. Il y a aussi cette histoire d'un roi qui faisait habituellement offrande à de nombreux Pratyeka Bouddhas. L'un d'entre eux avait le dos tout courbé. Alors qu'il était absent, une des filles du roi avait signifié son absence en imitant sa posture et elle était plus tard renée plusieurs fois le dos courbé. Il est dit également dans le Sutra de Nges pa Dang ma Nges pa la 'Jug pa'i Phyag rGya (Niyata aniyata gati mudra avatara sutra):

"Regarder de travers et avec irrespect un Bodhisattva, est une faute plus grave encore que d'arracher les yeux de tous les hommes du Dzambuling et de dérober tous leurs biens."

Il est dit aussi:

"Si on se met en colère une fois contre un Bodhisattva, il faudra endurer la souffrance des enfers durant autant d'éons que de secondes se sont écoulées dans cet accès de colère."

Le sPyod 'Jug dit:

"Le Bouddha a déclaré que si l'on développe une mauvaise pensée à l'égard d'un tel donateur Bodhisattva, on devra alors demeurer dans les enfers autant d'éons que d'unités de temps dont a persisté cette mauvaise pensée."

Comme on ne sait pas toujours distinguer qui est un Bodhisattva, il convient de surveiller la façon dont on se comporte. Le sPyod 'Jug dit:

"Si la faute de quelques secondes peut vous conduire dans les enfers durant des éons, il n'est pas besoin de préciser que les fautes accumulées durant des existences sans nombre, ne vous conduiront pas vers les états heureux d'existence."

"Ne traitez pas les petites fautes par le mépris en pensant qu'elles ne sauraient vous nuire. La plus infime étincelle peut enflammer une montagne d'herbe." ('Dul ba Lung)

En résumé, depuis des existences sans commencement jusqu'à maintenant, il ne s'est pas passé un seul jour sans que vous n'accumuliez des fautes. Le poids de leur maturation ne sera pas supporté par un autre que vous-même. Il faut donc tout d'abord vous efforcer d'éviter toute faute, mais s'il arrive que vous en commettiez, il faut aussitôt la confesser dans un esprit d'intense regret, et prendre la ferme résolution de ne pas la renouveler. Il est dit dans un Sutra:

"Il y a deux catégories de personnes saintes, celles qui évitent les fautes et celles qui les confessent après les avoir commises."

La confession en effet est capable de purifier les actes commis. Il est dit dans le bShes sPring:

"Celui qui dans le passé, s'est montré insouciant, et qui, plus tard, devient vigilant et conscient, sera aussi beau que la lune sans nuages, tout comme dGa' bo, Sor Phreng, mThong lDan et bDe bZhin (Ananda, Angulimala, Ajatashatru et Udayana)."

Le jeune cousin (du Bouddha) Ananda était dominé par sa passion des femmes, Angulimala avait tué un grand nombre d'hommes; pourtant, tous deux, étudiant la doctrine, devinrent des Arahat (tib. dGra bCom pa). Ajatashatru (tib. mThong lDan ou Ma sKyes dGra) qui avait tué son père, un roi religieux et Udayana, qui avait tué sa mère, purent ainsi se libérer rapidement du fruit de leur faute, en s'appuyant sur la doctrine des Sugatas.

B- PRODUIRE LE DESIR DE PRATIQUER LA VERTU PAR L'EXAMEN DES FRUITS QU'ELLE ENGENDRE

Comme tout à l'heure, ce sujet comporte trois développements: premièrement, la réflexion sur les actes vertueux, deuxièmement, la réflexion sur les fruits qu'ils engendrent, et, troisièmement, la réflexion sur leur accomplissement.

1) Les actes vertueux

A ce sujet, il est dit dans le Rin Chen Phreng ba:

"Tout ce qui naît d'un esprit libre d'attachement, de haine et d'ignorance, est vertu."

Il s'agit donc de tous les actes accomplis au moyen des trois portes, dans un esprit libre d'attachement à soi-même et à son propre clan, libre d'hostilité envers les autres, et empreint de sagesse sans trace d'ignorance envers la loi de rétribution des actes. De même que toutes les feuilles, les fleurs et les fruits issus d'une racine médicinale, portent également ces mêmes propriétés, de même, tous les actes induits par cette triple motivation (absente des trois poisons), s'appellent des actes vertueux. Si l'on en établit le détail, il s'agit des trois actes du corps dont le rejet de l'acte de tuer, etc..., les quatre actes de la parole dont le rejet du mensonge, etc...., et les trois actes de l'esprit dont le rejet de l'envie, etc..., en tout, dix actes.

Quelle est leur essence respective? Il s'agit du serment fait d'un esprit libre des trois poisons, de renoncer à tuer, de renoncer au mensonge, etc..., donc de renoncer à l'ensemble des dix non-vertus. Ainsi, les actes vertueux sont-ils le fait de celui dont l'esprit formule le voeu de renoncer aux dix non-vertus.

2) Les fruits qu'ils engendrent:

il est dit dans le Rin Chen Phreng ba:

"La vertu engendre l'obtention des états heureux de renaissance ainsi que le bonheur dans toutes les existences."

Chacune de ces dix vertus porte également un fruit de la maturation, un fruit en accord avec sa cause, et un fruit de la propriété. En ce qui concerne le fruit de la maturation, tous apportent le bonheur des états supérieurs. Le même texte dit encore:

"Ce Dharma libère de la perspective des enfers, des Prétas et des animaux. Il apporte la royauté, la gloire et le bonheur au sein de l'humanité ou chez les dieux."

Si l'on pratique intensivement la vertu, une renaissance divine en sera le fruit; de manière moyenne, ce sera une renaissance chez les anti-dieux, et de manière restreinte, une renaissance humaine. Si l'on objecte alors que, lors des commentaires concernant la difficulté de l'obtention d'une incarnation munie de toutes les conditions favorables (à la pratique), on a dit que l'incarnation humaine était la meilleure de toutes, c'est vrai du point de vue de la meilleure incarnation possible pour la pratique du Dharma. Maintenant, il s'agit d'expliquer quels sont les bons et les mauvais fruits des actes commis dans les existences passées, et ces deux points de vue sont différents.

En ce qui concerne le fruit en accord avec sa cause, en tant qu'expérience, il est une vie longue pour l'abandon de l'acte de tuer, une richesse abondante pour le rejet du vol, et ainsi de suite pour les autres vertus qui produisent donc des fruits contraires aux fruits engendrés par les non-vertus précédemment décrites. Le Rin Chen Phreng ba dit:

"Les fruits décrits comme étant le résultat des actes dits non-vertueux, sont exactement le contraire des fruits de la vertu."

En ce qui concerne le fruit en accord avec sa cause, en tant que tendance à la reproduire, il est une répulsion à tuer, et ainsi de suite pour les dix actes.

Le fruit de la propriété se manifeste par une naissance dans un pays à la grande beauté, soit les dix fruits opposés à ceux précédemment décrits.

"Le mérite accumulé grâce à la vertu volontairement accomplie, vous fera honneur partout où que vous alliez." (sPyod 'Jug)

Il faut ajouter que si de tels actes vertueux ont pour préliminaire la pensée d'éveil, pour support à leur accomplissement, la sagesse qui perçoit la vacuité et pour conclusion, la dédicace (du mérite pour le bien d'autrui), ils seront alors la cause de la libération et de l'omniscience.

3) Comment réfléchir à leur accomplissement?

"Puisque ces actes procurent tant de bienfaits, je m'efforcerai donc envers la vertu sans jamais négliger les plus petites d'entre elles." Le sPyod 'Jug dit encore:

"Il est donc bien d'amasser les vertus et de les pratiquer avec dévotion. Grâce au rituel de la Bannière de Victoire du Dorjé (c.à.d. la pratique victorieuse du Vajrayana), méditez avec confiance et assurance en vous."

Pour autant que l'on se demande si de telles vertus infimes produisent un résultat quelconque, la réponse est positive. Il est dit dans le 'Dul ba Lung:

"Ne méprisez pas les petites vertus en pensant qu'elles sont inutiles, car c'est l'accumulation de petites gouttes d'eau qui emplit peu à peu un grand récipient."

Comment évaluer le poids des fautes et des vertus? Il faut considérer leur durée dans le temps: la vertu ou la faute que l'on accomplit en ayant promis de toujours le faire, ou que l'on accomplit toujours même sans avoir rien promis, porte un poids plus lourd. Celle que l'on accomplit de manière soudaine et en réaction à des circonstances particulières, a moins de poids.

La motivation est aussi à prendre en compte: l'acte qu'on accomplit dans un violent désir et qui réunit les trois parties, la préparatoire, celle de l'acte lui-même et sa conclusion, est appelé "acte provenant d'un désir de son accomplissement", et porte une grande force. Quant aux actes que l'on accomplit contre sa volonté parce que par exemple, il faut obéir à un puissant souverain ne tolérant pas la désobéissance et qui sont dits "actes provenant d'un esprit d'obéissance", de même que les actes commis sous l'effet de la prière de proches auxquels on ne peut résister, et qu'on dit "actes provenant de la supplication", ces deux sortes d'actes sont de moindre force. La finalité de l'acte importe aussi: les actes commis d'un esprit accroché à des vues fausses, comme les sacrifices d'êtres vivants dans le but d'atteindre la libération par exemple, portent une grande force, tandis que ceux commis dans un esprit de jeu ou d'amusement enfantin et qui sont accomplis dans l'ignorance, portent peu de poids.

Le point de vue de l'antidote (c.à.d. la présence ou l'absence du sentiment contraire) importe également: quelle que soit l'action vertueuse ou mauvaise accomplie, si elle n'entraîne aucun regret, que l'on demeure satisfait et réjoui de l'avoir commise, et qu'on la tienne cachée d'autrui, elle porte une grande force. Celle qui n'a pas ces caractéristiques, porte moins de force. Ainsi, il est important de ne pas se vanter devant autrui, de ses propres vertus, tandis que si l'on a commis une faute, il est important, par contre, de ne pas demeurer l'esprit satisfait; il faut dire à autrui qu'on a commis telle et telle faute et la confesser avec un regret intense.

"Après avoir accompli des actes me conduisant aux enfers, comment pourrais-je rester l'esprit en paix?" (sPyod 'Jug)

L'objet visé par l'action doit aussi être pris en compte: ainsi, l'acte vertueux ou mauvais qu'on accomplit à l'égard des champs de vertu que sont le Lama, les trois précieux joyaux, les abbés et les instructeurs du Dharma, portent une grande force. Celui qu'on accomplit à l'égard des êtres ordinaires a moins de poids. Les actes commis à l'égard des objets de respect que sont les parents, les aînés ou ceux envers lesquels on a une dette de gratitude, portent plus de force; les autres en ont moins. Si l'on fait du bien ou du mal à ceux qui sont objet de compassion, tels les malades, les faibles, ceux qui souffrent et ceux qui nous font confiance, le poids de cet acte sera plus grand. Pour les autres, il sera plus faible. Le bShes sPring dit:

"Les vertus et non-vertus accomplies dans la présence des cinq facteurs de la constance, du désir, de l'absence d'antidote, de la qualité de l'objet et de sa prééminence, portent une grande force. Il vaut mieux s'efforcer de réaliser le bonheur."

Les deux facteurs les plus importants sont ceux du champ et de la motivation. Il est dit dans le mDzod:

"Les actes marqués du champ et de la motivation sont actes aux résultats visibles."

Quant aux actes commis de manière indiscutable, mais dont les deux autres parties constituantes, la partie préparatoire et la conclusion, sont absentes, ce sont des actes accomplis mais néanmoins non porteurs de karma. En conséquence, il n'est pas certain qu'on endurera le fruit de leur maturation. Quant à ceux qui ne sont pas vraiment commis, mais dont les deux autres parties, la préparation et la conclusion, sont désirées par l'esprit, et dont on se réjouit de voir autrui les commettre, que ce soit des vertus ou des fautes, ce sont là des actes non commis mais néanmoins porteurs de karma. Le fruit de leur maturation devra donc certainement être supporté.

Du point de vue du nombre des auteurs aussi, si un acte est commis par un grand nombre de personnes en harmonie d'esprit, il aura plus de force. Commis par un seul ou de manière isolée, il en aura moins. Ainsi, si une grande assemblée de moines récite ensemble un Sutra une seule fois, il est dit que le mérite est multiplié par le nombre de tous les récitants. Si on le récite tout seul une seule fois, on n'obtiendra que le bienfait d'une seule récitation. De la même manière, si cent hommes se mettent d'accord pour tuer une personne, chacun devra personnellement porter la faute d'avoir tué une personne et la faute sera donc plus lourde. Si un homme seul, sans concertation avec quiconque, en tue un autre, la faute sera plus légère.

Du point de vue du lieu où est commis la faute, s'il s'agit d'un temple ou auprès des supports des trois joyaux (images ou statues), ou encore un endroit où se trouvent le Lama et la communauté, du point de vue du moment, s'il s'agit des quatre jours fastes de la partie déclinante ou montante de la lune (c.à.d. des deux moitiés du mois), ou lors des jours de célébration du Bouddha, ou lors des jours anniversaires des grands maîtres, etc..., dans toutes ces circonstances, les actes vertueux ou non-vertueux ont plus de poids; autrement, ils en ont moins.

Du point de vue de l'auteur, les fautes ou vertus commises par un moine ou tout autre ayant formulé des voeux de discipline, ont un poids plus lourd que celles commises par ceux qui n'ont fait aucun voeu ou qui sont de simples chefs de famille. Un Sutra déclare:

"Plus grand que le mérite rassemblé par un Bodhisattva chef de famille en offrant à un Stupa des Tathagatas des lampes à beurre emplissant tout l'Univers des Trois Mille, est le mérite rassemblé par un Bodhisattva moine qui offrirait quelques mèches trempées dans l'huile pour éclairer le vestibule d'un temple où se trouverait un Stupa des Tathagatas."

De la même façon, il y a des fautes très lourdes qui affectent plus spécialement les moines: ce sont les "quatre dharmas qui projettent dans les mauvais états à la vitesse de la flèche", les "quatre dharmas qui y conduisent rapidement" et les "quatre dharmas qui en bloquent toute sortie".

En ce qui concerne le premier de ces trois groupes de quatre, et résumant ce qu'en dit le Sutra de Byams pa Senge sGra (Maitreya Simhanada Sutra), il s'agit de:

"Pour ceux qui ont rompu leur discipline, faire usage des objets offerts avec foi; transgresser allègrement les règles alors qu'on les connaît; s'associer un jour entier avec des transgresseurs; détester la bonne fortune des autres; tels sont les quatre dharmas qui projettent dans les enfers à la vitesse de la flèche."

En ce qui concerne le deuxième groupe, voici ce qu'en dit en substance le sPyod 'Jug:

"S'enorgueillir de ses possessions et honneurs, s'enorgueillir de beaucoup d'étude, s'enorgueillir de son accomplissement dans la discipline éthique, et s'enorgueillir d'avoir beaucoup d'amis donateurs, tels sont les quatre dharmas qui conduisent rapidement aux enfers."

Quant au troisième groupe, voici le résumé de ce qu'en disent le Sutra de lTung ba sDe lNga'i lCi yang bStan pa et les autres:

"Demeurer souillé des transgressions racines, dire du mal d'un Bodhisattva, avoir de mauvais sentiments à l'égard du saint Dharma, et entretenir des vues fausses, tels sont les quatre dharmas qui préviennent toute sortie des enfers."

Les citations à ce sujet étant extrêmement abondantes, de peur que ce ne soit trop long, nous n'en avons noté que quelques unes.

Du point de vue de l'impulsion dominante, les actes commis sous l'emprise de la haine-agressivité sont plus lourds que les autres. Il est dit dans le Sutra de Nye ba 'Khor Gyis Zhu pa (Upali paripriccha sutra):

"Plus lourde que les fautes commises durant cent mille éons par un Bodhisattva entré dans le Grand Véhicule, sous l'emprise du désir, est la faute de la haine commise une seule fois contre n'importe quel être vivant."

De la même façon, il est dit aussi que l'acte de colère envers un être particulièrement éminent, commis dans l'espace d'une seconde, détruit en un instant toutes les vertus accumulées durant des centaines et des milliers d'éons. Ainsi, le sPyod 'Jug annonce-t-il:

"Les vertus accumulées durant mille éons..."

Le 'Jug pa (Madhyamakavatara) dit:

"Les vertus du don et de la moralité accumulées durant cent éons, sont détruites en une seule seconde. Il n'y a pas de plus grande faute que les actes d'impatience."

Du point de vue du but, les actes vertueux ou mauvais commis dans un but lié à autrui, ont plus de poids que ceux commis dans un but uniquement personnel. Ainsi, même si l'on accomplit une faute dans l'intérêt d'autrui, la maturation de l'acte se produira pour son auteur et les autres n'en prendront pas leur part.

"Ne commettez aucune faute dans l'intérêt d'un Brahmane, d'un moine, d'un dieu, d'un hôte, d'un père, d'une mère, d'un enfant, d'une épouse ou d'un membre de votre entourage, car personne ne partagera avec vous le fruit de la maturation dans les enfers." (bShes sPring)

"Dans cette courte vie, on voit passer beaucoup d'amis et d'autres qui ne sont pas des amis, mais les fautes qu'on a commises pour eux ou envers eux, ne s'épuisent pas, elles, et restent devant soi." (sPyod 'Jug)

En bref, il convient de mesurer la plupart des vertus et des fautes, grâce au critère principal de l'impulsion dominante, plus importante encore que l'essence de l'acte lui-même. Par exemple, il en est comme de l'acte du capitaine habile qui tua Mi Nag mDung Thung Can (afin d'éviter la mort d'un plus grand nombre d'hommes). Bien que l'acte lui-même apparaisse comme une non-vertu, comme sa motivation est extrêmement noble, la vertu ainsi acquise équivaut au mérite accumulé au cours de nombreux éons. Le seigneur Sakya Pandita dit:

"Si, d'un esprit entièrement occupé du bien des autres, on commet même les quatre fautes les plus lourdes (pour un moine, les quatre fautes les plus lourdes sont de tuer, de voler, d'avoir des relations sexuelles et de mentir, car ces fautes lui font perdre ses voeux), cette attitude qui demeure une faute pour les Auditeurs (le Petit Véhicule) constitue, par contre, une grande vertu pour les Bodhisattvas."

De la même manière, l'attitude qui consisterait à s'appliquer à la pratique de la vertu du corps, de la parole et de l'esprit, dans le but de s'attirer la confiance d'autrui afin de gagner honneurs et offrandes pour soi-même, pourrait apparaître dans l'instant comme une vertu, mais ne serait en réalité qu'une non-vertu et une telle attitude est connue comme un détournement. Elle est comparable au comportement d'un chasseur qui partirait à la chasse en ayant revêtu les habits monastiques, ou à celui d'un charlatan qui chercherait à vendre de la chair d'âne en présentant au client la queue d'un cerf. Le seigneur Sakya Pandita dit aussi:

"Comme un marchand qui ne parviendrait pas à vendre sa viande d'âne s'il ne présentait la queue d'un cerf, de la même façon, celui qui ne montrerait pas une attitude vertueuse ne parviendrait pas à tromper par ses vues erronées."

C'est ainsi que la racine de toute faute ou vertu dépendant de l'esprit de non-vertu ou de vertu qui guide l'action, il convient de s'efforcer constamment à la vertu.

"O vous qui ne craignez rien, à quoi bon en dire plus? Le sens de l'instruction essentielle bénéfique est celui-ci; maîtrisez votre esprit car le Bhagavan a justement dit que l'esprit était la racine de toute activité." (bShes sPring)

"Celui qui désire garder la discipline éthique, devra fermement contrôler son esprit. Si on ne contrôle pas l'esprit, comment pourrait-on maintenir une discipline quelconque? Un éléphant sauvage et fou ne pourrait faire autant de mal que l'éléphant du mental lâché sans contrôle et qui conduit au pire des enfers. Si l'on attache fermement l'éléphant de l'esprit par les liens de la vigilance constante, tous les risques de destruction disparaissent et toutes les vertus viennent à vous." (sPyod 'Jug)







C- TRANSFORMER LES ACTES NEUTRES EN VERTUS PAR LA REFLEXION
Cette réflexion sera menée par l'énoncé de trois points: réfléchir à ce qu'ils sont, deuxièmement, réfléchir qu'ils sont dépourvus de fruit et, troisièmement, les transformer en vertus.

1) Ce qu'ils sont:

Ce qu'on nomme des actes neutres ne sont ni des vertus ni des fautes. Il s'agit des actes de se déplacer, de dormir, de s'assoir, etc... c'est à dire des actes requis par la vie quotidienne. Il s'agit donc des actes du corps, de la parole et de l'esprit qui ne sont motivés ni par les trois poisons des mauvaises pulsions décrites plus haut, ni par leurs contraires.

2) Ils sont dépourvus de fruit:

Aucun de ces actes ne peut amener un fruit de bonheur ou de souffrance, car ils sont justement nommés neutres. Le Seigneur Sakya Pandita dit:

"Comme ils sont indifférents, ni (vertu ni faute), ils ne peuvent produire ni (bon ni mauvais) résultat."







3) Les transformer en vertus:

de tels actes qui ne produisent pas de souffrance, pourraient être dits bons; mais comme ils ne produisent pas non plus de bonheur, ce sont des actes produits en vain. Avec habileté dans la méthode, il convient donc de les transformer en vertus. Comment y parvenir? Le maître mGon Po Byams Pa (Maitreya) conseille:

"Lorsque le Bodhisattva agit, il émet le souhait du bien d'autrui qui s'accorde avec l'action demandée par le type d'objet que rencontrent ses sens."

Ainsi, il faut dire les mots qui conviennent au type de perception induite par les divers objets rencontrés par les organes sensoriels, et ces mots doivent accompagner la pensée de la réalisation du bien d'autrui, dans l'accomplissement vigilant de l'acte nécessaire. On apprendra la manière correcte de procéder dans le commentaire résumé au Sutra de sPyod Yul Yongs Su Dag Pa'i mDo, composé par le maître Ye Shes sNying Po, et dans le texte de la Noble Voie du Bodhisattva (rGyal Sras Lam bZang). Si l'on ne peut consulter ces textes, on pourra pratiquer selon les conseils suivants.
Lorsque vous êtes chez vous, vous souhaiterez que tous les êtres puissent être établis dans la cité de la libération; lorsque vous êtes assis sur un siège, vous souhaiterez qu'ils puissent jouir du siège de Dorjé (c'est à dire celui de l'éveil); lorsque vous êtes couché, vous souhaiterez qu'ils jouissent du corps de Dharma du Bouddha; lorsque vous êtes debout, vous souhaiterez qu'ils jouissent du corps de la forme; lorsque vous vous habillez, vous souhaiterez qu'ils puissent jouir de l'habit de la modestie et de la pudeur; lorsque vous vous lavez, vous souhaiterez que tous soient débarrassés des souillures des mauvaises pulsions; lorsque vous prenez un repas, vous souhaiterez que tous obtiennent la nourriture du Samadhi; lorsque vous sortez de chez vous, vous souhaiterez que tous puissent se libérer de la cité du Samsara; lorsque vous prenez une route, vous souhaiterez que tous obtiennent la voie des êtres suprêmes; lorsque vous rencontrez quelqu'un, vous souhaiterez que tous puissent rencontrer le Bouddha parfaitement accompli; lorsque vous agissez, vous souhaiterez que tous puissent accomplir les deux objectifs (le leur personnel et celui du bien d'autrui); lorsque vous entrez dans la maison, vous souhaiterez que tous parviennent dans la cité de la libération; lorsque vous arrivez quelque part, vous souhaiterez que tous parviennent auprès du Bouddha. C'est ainsi que vous devez vous efforcer de procéder en toutes circonstances. Le Sutra sDud Pa dit:

"Demeurez toujours vigilants même dans l'acte de vous mouvoir, de marcher, de vous coucher et de vous assoir."

Comment réfléchir à cela? Hélas, lorsque viendra l'heure de ma mort, rien de mes richesses de cette vie en nourriture, biens, amis, parents ou serviteurs, ne pourra m'accompagner. La seule chose qui me suivra dans la mort sera les actes vertueux ou mauvais que j'aurai accomplis. Parmi tous ces actes, les actes de non-vertu commis sous l'emprise des trois poisons, sont tels que nous venons de les décrire. Tels sont les trois actes non vertueux du corps, les quatre de la parole et les trois actes non vertueux de l'esprit. Ainsi faut-il se les remémorer en détail. Le fruit de la maturation de tels actes ne peut être qu'une renaissance au sein des trois mauvais états d'existence, à l'exclusion de toute autre direction. Le fruit de l'expérience en accord avec sa cause, est une vie courte, la pauvreté, etc... toutes sortes de souffrances et ce, même si l'on a repris naissance dans l'un des états supérieurs. Le fruit en accord avec sa cause en tant que tendance, est la cause de souffrances sans fin dans la ronde des existences. Quant au fruit de la propriété, il est une renaissance dans un endroit déplaisant et plein d'imperfection. Ainsi donc, ce qu'on appelle non-vertu n'est en fait qu'un autre nom pour désigner le mal que l'on peut se faire à soi-même. Mais ignorant de cela, j'ai accompli dans cette vie telle et telle non-vertu dont je me souviens, et celles que j'ai accomplies et dont je ne me souviens plus, sont innombrables. Celles que j'ai induit autrui à commettre et les fautes d'autrui dont je me suis réjouies, sont aussi innombrables. En outre, il est certain qu'au cours de toutes mes autres existences, ma conscience a amassé toutes sortes d'innombrables tendances à la non-vertu. Ainsi, ma destination ne peut être que celle des mauvais états. Par le passé, comme un fou ignorant de tout cela, je me suis ainsi fait tout ce mal. Hélas, mon esprit était-il donc enveloppé de ténèbres, ou était-il sous l'emprise du démon, ou était-il privé de toute conscience? Que s'est-il donc passé?" Ainsi faut-il réfléchir avec regret et lucidité. A partir de maintenant, je vais renoncer à toute non-vertu importante et même à la plus petite d'entre elles, dût-il pour cela m'en coûter la vie. En résumé, jamais plus je ne commettrai de mauvaise action. Si, sous l'emprise de l'ignorance, il m'arrivait d'en commettre, je m'efforcerai de la confesser au plus vite sans laisser passer les jours.

De manière analogue, on réfléchit à ce que sont les actes vertueux commis d'un esprit libre des trois poisons. Parmi eux, telles sont les vertus du corps, de la parole et de l'esprit, et il convient de les passer en revue. Le fruit de leur maturation est une renaissance dans les états supérieurs; le fruit de l'expérience en accord avec sa cause est une vie longue et toutes sortes de résultats heureux dans les états supérieurs. Le fruit des tendances en accord avec sa cause est une propension à la vertu dans tout le cycle des existences et cette attitude est cause de bonheur. Quant au fruit de la propriété, il est de jouir d'un environnement plaisant. En résumé, ce qu'on appelle vertu n'est en fait qu'un autre nom pour désigner le bien et le bonheur qu'on s'apporte à soi-même. Les vertus que j'ai accomplies par le passé, celles que j'ai incité autrui à accomplir et celles dont je me suis réjoui qu'autrui les accomplisse, toutes ces vertus sont bonnes, mais il me faut encore continuer à amasser, sans les dédaigner, même les plus petites vertus et les accomplir humblement. Il faut m'y appliquer sans retard et sans paresse. C'est immédiatement, dans l'instant même que je dois m'y efforcer. Ainsi faut-il réfléchir du fond du coeur.

De la même façon, ce qu'on appelle actes neutres, et qui sont les actions de la vie quotidienne, telles que se mouvoir, marcher, se coucher ou s'assoir, etc..., étant des actions dépourvues de fruit mais néanmoins fatigantes, je dois aussi m'efforcer aux moyens habiles de les transformer en vertus. En résumé, toutes ces diverses souffrances que j'ai endurées depuis des existences innombrables jusqu'à maintenant, ne sont dues qu'à une pratique erronée concernant les fautes à rejeter et les vertus à accomplir. Désormais, dans cette vie courte et sans certitude quant à l'heure de ma mort, si je me laisse tomber sous l'emprise des non-vertus et des actes neutres, je serai alors comme celui qui, d'un pays empli de joyaux, ne rapporte que des plantes empoisonnées. Comme il s'agit là du plus grand mal que je puisse m'infliger à moi-même, je serai vigilant à toujours rejeter les non-vertus, accomplir les vertus et transformer les actes neutres en vertus, évitant ainsi de tomber sous l'emprise du démon. Je prierai pour que le Lama et les trois joyaux omniscients m'aident dans cette tâche.
En ce qui concerne les intervalles entre sessions, le sPyod 'Jug dit:

"Toujours faire l'examen du corps et de l'esprit, telle est en résumé la caractéristique du maintien de la vigilance et de la lucidité."

Examinant sans cesse les actions de mes trois portes, si elles ont été en accord avec le Dharma, je cultive un esprit de joie et en attribue le bienfait à la bienveillance des joyaux. Je décide de faire en sorte qu'il en soit ainsi dans tout le cycle de mes existences et consolide mon action vertueuse. Si par contre, les non-vertus et les actes neutres prédominent dans mon action, il faut alors prolonger la réflexion et penser: C'est à cause de telles mauvaises pensées et conceptions que par le passé, je n'ai pas pu me libérer du Samsara. Si je continue encore à agir de la sorte, non seulement toute possibilité de libération et d'omniscience m'échapperont mais encore je ne pourrai même être certain d'obtenir une incarnation dans les états supérieurs. Et dans cette vie, je serai certainement l'objet de la risée des dieux et autres êtres mondains.

Si mon comportement immédiat apparaît comme noble et que je semble m'efforcer diligemment envers une attitude religieuse, envers l'étude et la réflexion, si une telle attitude est dictée par la seule motivation de récompenses dans cette vie ou par le seul souci de paraître aux yeux des autres, il s'agit là d'une apparence de Dharma qui n'est pas vraiment capable de servir d'antidote à mes mauvaises pulsions fondamentales. Quel bien peut alors me faire le fait de paraître noble aux yeux d'autrui ou quel mal celui de ne pas le paraître? Une pratique qui détruirait l'antidote (aux mauvaises pulsions) ou la perte de la bonne attitude religieuse à garder, sont comme un remède mal digéré qui se transforme en poison. Si un tel Dharma de la bouche ou des apparences peut tromper autrui car les êtres ordinaires sont en proie à l'ignorance, il ne saurait en aucun cas demeurer caché des Bouddhas et Bodhisattvas dont le regard est libre de tout voile. Ils me considéreront alors avec déplaisir et le seul espoir stable de tout le cycle de mes existences sera ainsi anéanti. Quelle plus grande misère pourrait m'affliger?

"Les Bouddhas et les Bodhisattvas voient tout sans obstacle. Si l'on pense demeurer sans cesse sous leur regard, il est plus aisé de conserver pudeur, respect et crainte. Ce faisant, le souvenir du Bouddha surgira encore et encore." (sPyod 'Jug)

De plus, s'il est nécessaire de consulter le médecin pour guérir d'une petite maladie ordinaire, il va sans dire que pour me guérir de cette maladie du karma et des mauvaises pulsions qui me confine dans le lit du Samsara, me forçant ainsi à me rouler de douleur sous l'effet des trois souffrances, il est indispensable que j'obéisse aux prescriptions du Bouddha qui est le premier des docteurs. Quel plus grand fou que moi si je ne suivais pas ses préceptes concernant le bien à accomplir et le mal à rejeter?

"S'il faut écouter les conseils du médecin quand il s'agit de guérir d'une petite maladie ordinaire, est-il besoin de dire (qu'il faut aussi le faire) quand il s'agit de combattre la maladie sans cesse renaissante des cent fautes dont celle du désir-attachement, etc... Si l'un seul de ces maux peut anéantir tous les hommes dans ce monde et que nulle part l'on ne parvienne à trouver un autre remède (que le Dharma), l'esprit qui envisagerait de ne pas suivre les conseils de l'omniscient médecin capables d'extirper la douleur, serait celui du pire des ignorants et digne objet de blâme." (sPyod 'Jug)

En résumé, comme tout bonheur et toute souffrance dans ce monde et les vies ultérieures, dépend de la pratique des vertus ou des fautes antérieures, il est extrêmement important de pratiquer en sachant reconnaître l'action juste à adopter et la mauvaise à rejeter. Il est dit dans un Sutra:

"Les êtres qui naissent ici sont produits par le karma, expérimentent une part de karma et sont propriétaires de leurs actes."

En effet, comme c'est le karma qui engendre un bon ou un mauvais état de renaissance, il est dit ici que les êtres "sont produits par le karma". Comme de vertus ou de fautes particulières, naissent les bonheurs et souffrances particuliers correspondants, il est dit qu'ils "expérimentent une part de karma". Comme c'est l'auteur des actes qui devra goûter les fruits de ceux-ci, il est dit que les êtres sont "propriétaires de leurs actes". Il est dit dans le Las brGya Pa (Karma Shataka):

"Le Bouddha a dit que le bonheur ou la souffrance des êtres dépendait de leurs actes. Ainsi les actes divers des êtres produisent-ils divers états d'existence au sein desquels les vivants errent et se prennent dans les filets du karma."

Si l'on s'interroge alors au sujet de certains qui, malgré les mauvais actes qu'ils commettent, jouissent pourtant dans cette vie de grands bonheurs, ils ne jouissent pas là des fruits des actes de la vie présente mais bien des fruits d'actes vertueux accomplis dans leurs vies antérieures, alors qu'ils devront subir les fruits des mauvais actes de cette vie dans leurs existences futures. Quant au petit nombre de ceux qui, bien que commettant de très lourdes fautes, semblent pourtant jouir de plus grands bonheurs que la moyenne, c'est que le fruit de l'expérience des vertus passées à goûter dans des vies ultérieures, s'épuise dans le seul bonheur de la vie présente sous l'effet des grandes fautes qu'ils commettent maintenant. Il s'agit d'un signe annonçant que désormais seule la souffrance sera leur lot. Un exemple l'illustrant est l'histoire du royaume de Nyi'og. Il est dit que ce royaume était un royaume mauvais. Après qu'une pluie de riz, d'orge et de pierres précieuses fût chacune tombée durant une semaine, la pluie de sable qui se déversa ensuite engloutit tout. De manière analogue, les maladies ou autres malheurs affligeant ceux qui pratiquent la vertu, ne sont pas les résultats des vertus de cette vie, mais plutôt le reste des fruits de la maturation résultant des mauvais actes commis dans des vies antérieures. Quant à ceux qui, bien qu'accomplissant de grandes vertus, ont à endurer de plus grands malheurs que la moyenne, c'est que sous l'effet de la force des vertus qu'ils accomplissent maintenant, ils épuisent là dans cette vie, toute la souffrance qu'autrement ils auraient eu à endurer dans leurs existences futures en tant que fruit de l'expérience. Il s'agit donc là du signe que désormais, ils ne devront plus subir de souffrances. Il est dit dans le rDo rJe gCod pa (Vajracchedika):

"Rab 'Byor (Subhuti), (il peut arriver que) les nobles fils et les nobles filles qui recueillent, mémorisent, maintiennent, lisent et incorporent le sens de tels Sutras, souffrent grandement. Pourquoi en-est il ainsi? Rab 'Byor, c'est que les mauvais actes qu'ils ont commis dans leurs vies passées et qui les auraient conduits vers les mauvais états de renaissance, s'épuisent dans les souffrances de cette vie. Les mauvais actes passés sont ainsi purifiés et ils peuvent même obtenir l'éveil des Bouddhas."

C'est ainsi que si de tels malheurs s'abattent sur ceux qui pratiquent le Dharma du fond du coeur, il ne faudra pas penser que de telles choses ne devraient pas arriver ni croire alors que la loi de rétribution des actes n'est pas vraie. Au contraire, il convient de se sentir heureux car il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Si un homme promis à la mort s'en tire avec un bras coupé, de quoi se plaindrait-il? Si la petite souffrance humaine peut empêcher le fruit des enfers, n'est-elle pas désirable?"

Si, tout en gardant confiance dans la loi de rétribution des actes, on agit de manière correcte en ce qui concerne les (fautes) à rejeter et les (vertus) à accomplir, on peut être sûr d'éviter les mauvaises renaissances. Le maître Aryadeva dit:

"Celui qui possède la parfaite vue pure de ce monde, peut être assuré de ne pas renaître dans les mauvais états durant mille éons."

Ici se termine l'instruction commune aux Auditeurs (Petit Véhicule) et (aux Bodhisattvas).

CHAPITRE II

LES INSTRUCTIONS SUR LA VISION DE L'EXPERIENCE POUR PRODUIRE DE NOBLES ASPIRATIONS

Le Traité dit: "La vision de l'expérience est pour le yogui avec le samadhi."

Le sens de ces mots va être éclairé par les deux points suivants: -la méditation jusqu'à ce que naissent dans le continuum mental, les expériences communes(10) et -dès maintenant, la méditation de la joie envers les expériences non-communes qui vont naître dans la voie des Mantras (du Vajrayana).

I- MEDITATION JUSQU'A LA NAISSANCE DES EXPERIENCES COMMUNES

A ce sujet le Traité précise: "La vision de l'expérience commune est pour le yogui commun avec le samadhi commun."

Le yogui commun est celui qui se contente de la seule pratique de la voie commune avec celle des Paramitas. Le samadhi commun est celui de l'amour, de la compassion et de l'esprit d'éveil. La vision de l'expérience commune consiste dans la naissance d'un véritable désir de réaliser le bien et le bonheur de tous les êtres de l'espace infini, désir qui naît de la disparition du souci exclusif de soi-même par la pratique de cette voie.

Quant à la méthode pour engendrer un tel désir, elle est triple. Il s'agit de la méditation de l'amour qui est le désir du bien d'autrui, de la méditation de la compassion qui est le désir de soulager autrui de la souffrance et de la méditation de l'esprit d'éveil qui désire l'état de Bouddha pour le bien d'autrui.

A- MEDITATION DE L'AMOUR

Puisque la roue de l'existence est de la nature de la souffrance, on peut se demander alors s'il ne faudrait pas, en la rejetant, aspirer à l'espace de l'anéantissement de tous les agrégats, comme le font les Auditeurs et les Bouddhas Solitaires, et passer dans le Nirvana (Au-delà de la Souffrance) où toute souffrance s'éteint comme le feu consumant la bonne bûche. Une telle vue est incorrecte. Si l'on abandonnait tous ces êtres qui, depuis un temps immémorial, m'ont servi de mère bienveillante, et que l'on aspire pour soi seul au bonheur de l'apaisement, on serait comme celui qui, voyant sa mère emportée dans un fleuve, ne fait rien pour l'aider alors qu'il possède les moyens de le faire et se satisfait de rester bien au sec, l'esprit en paix. Tout en étant soi-même honteux de ne pas répondre à sa bienveillance, on deviendrait l'objet des risées d'autrui.

"Alors que nos proches paraissent submergés dans un océan (de souffrances), ne serait-ce pas honteux de les abandonner derrière soi sans les reconnaître comme tels sous l'effet des naissances et des morts successives, et de s'efforcer à la libération pour soi seul? Quel enfant, si indigne qu'il soit, pourrait avec plaisir abandonner celle qui de son amour, l'a nourri de son sein alors qu'il était un petit enfant impuissant, celle dont les efforts et l'amour ne lui ont jamais été comptés?" (sLob sPring)

Le vénéré Grags pa rGyal mTshan dit aussi dans ses Chants:

"Quel est le bénéfice à obtenir la libération pour soi seul? Les êtres des trois sphères ont été mes parents. Comment les abandonner au sein de la souffrance et gagner le bonheur pour soi seul. Quelle honte!"

On peut alors se demander: C'est peut-être vrai mais comme nul autre être ne m'est plus précieux que moi-même, ne convient-il pas mieux de me consacrer à ma propre libération de la roue de l'existence, alors que je dispose maintenant peut-être de la seule vie munie de toutes les conditions favorables à la pratique? Cette pensée non plus n'est pas correcte car, en effet, l'éveil des Auditeurs et des Bouddhas Solitaires ne permet pas même le parfait accomplissement des vertus personnelles de l'abandon (du mal) et de la réalisation intérieure. Il ne permet pas non plus un grand accomplissement du bien d'autrui. De même qu'il est difficile de corriger les défauts d'une mauvaise fabrication, de même (cet état) retarde l'avènement du parfait éveil. Les êtres sages feront bien de ne pas aspirer à un tel état car si l'on rejetait la possibilité de tirer le meilleur bénéfice de ces conditions favorables et que l'on aspire à la voie inférieure, on pourrait se compter parmi les plus ignorants et stupides de tous. Si l'on pense maintenant qu'il est difficile de mettre en pratique la voie du Grand Véhicule, il faut savoir que d'une part celle du Petit Véhicule n'est pas beaucoup plus facile et, d'autre part, la voie du Grand Véhicule, en fait, n'est pas difficile. En effet, il s'agit d'un véhicule qu'il est aisé de conduire et où il est facile de s'engager. Tous les êtres vivants sont des amis dans la pratique de la voie; en effet, les êtres privés de bonheur sont les amis qui m'aident à faire naître l'amour, ceux qui sont dans la souffrance m'aident à faire naître la compassion, les pauvres sont ceux qui m'aident à pratiquer le don, et les êtres méchants sont les amis qui m'aident à développer la patience. Ainsi, tout comme les Bouddhas sont ceux qui montrent la voie, les êtres vivants sont les amis favorisant la réalisation de l'éveil; en conséquence, je leur dois le même respect et les mêmes honneurs qu'aux Bouddhas.

"Si les êtres vivants et les Victorieux (épithète qualifiant les Bouddhas) sont égaux en ce qu'ils permettent la réalisation du Dharma des Bouddhas, pourquoi ne devrait-on pas aux premiers le même respect qu'aux Bouddhas?" (sPyod 'Jug)

En conséquence, il convient d'aimer les êtres vivants comme une mère aime ses enfants et de méditer du fond de son coeur, l'amour qui désire leur bonheur à tous.

Quels sont les bienfaits de la méditation de l'amour? Il est dit que le bénéfice de la méditation d'un seul moment d'amour envers les êtres vivants est plus grand encore que celui qu'il y aurait à emplir d'offrandes les milliards de paradis des Bouddhas et de renouveler cette offrande chaque jour. Il est dit dans le Sutra de zla ba sGron Ma (Candradipa sutra):

"L'offrande chaque jour renouvelée envers les Bouddhas, de milliards de paradis emplis d'objets d'offrande, ne saurait égaler la valeur de l'esprit d'amour."

La raison en est que tout bien ou tout mal fait à l'égard d'un être vivant est bien ou mal fait à l'égard d'un Bouddha, elle est aussi que les êtres vivants sont les protégés des Bouddhas et que les êtres vivants, de leur nature propre, ont la bouddhéité pour essence.

"S'ils sont heureux, tous les Puissants (les Bouddhas) aussi sont heureux; si on leur nuit, on nuit aussi aux Bouddhas... Même si une foule d'êtres me frappait sur la tête et cherchait à me tuer, je ne répondrai pas. Que le Seigneur du monde (épithète qualifiant en général Tchenrezi) se réjouisse! Il ne fait aucun doute que les Compatissants tiennent tous les êtres pour leurs. Ceux-là même que l'on voit sous l'apparence d'êtres vivants ont pour véritable nature celle du Seigneur (Bouddha). Comment ne pas les honorer?" (sPyod 'Jug)

En ce qui concerne l'essence de l'amour, il s'agit, en se représentant les êtres, de souhaiter qu'ils puissent toujours jouir du bonheur et de ses causes. Le maître zLa ba déclare:

"S'efforcer d'accomplir le bien des êtres est ce qu'on appelle le grand amour."

En ce qui concerne la méditation de l'amour, il faudra d'abord le développer envers ceux à l'égard desquels il naît aisément, c'est à dire à l'égard de ses proches. Il faudra ensuite le développer envers ceux à l'égard desquels il naît difficilement, c'est à dire à l'égard de ses ennemis. Finalement, on méditera l'amour à l'égard de tous les êtres vivants.

1) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS LES PROCHES

Il convient de le méditer d'abord à l'égard de sa propre mère, puis d'y associer ses autres proches et d'y associer les êtres ordinaires.

a) A l'égard de sa propre mère

Cette méditation comprend trois étapes: penser à sa mère, se remémorer ses attentions et développer le désir de lui rendre les bienfaits qu'elle a prodigués.

- Penser à sa mère: il s'agit de se représenter sa mère, qu'elle soit morte ou vivante, dans l'aspect de son visage, de ses mains, de son teint etc... et de se remémorer comme elle m'aimait et de quelle façon elle me chérissait. Il faut penser avec force qu'il s'agit là de ma mère aimante.

- Se remémorer ses attentions: elles sont principalement de trois sortes, le don de la vie et du corps, le don d'une éducation permettant de reconnaître la bonne attitude à suivre et la mauvaise à rejeter, et son dévouement inlassable pour mon bien, au prix de grandes difficultés.

En ce qui concerne le don du corps: elle m'a porté neuf mois entiers en son sein. Elle s'est souciée d'adopter une alimentation et un mode de vie qui me soit bénéfique, et de rejeter toute mauvaise alimentation ou mauvaises habitudes. Elle m'a apporté ce grand bienfait d'une vie dotée de toutes les conditions favorables à la pratique.

Quant au don de ma vie: après la naissance, mon corps était incapable de se nourrir, ma parole incapable de communiquer et mon esprit était incapable de reconnaître l'attitude à suivre ou à rejeter. J'étais comme un long ver nu et elle m'a protégé de son amour, m'évitant ainsi de mourir. Elle m'a regardé avec amour, m'a appelé de noms agréables, m'a soulevé de ses cinq doigts, m'a nourri de sa bouche, a nettoyé de ses mains les souillures de mon corps, m'a réchauffé de la chaleur du sien, m'a nourri de son doux lait, m'a gardé des dangers du feu, de l'eau et des précipices, m'a protégé des atteintes de la chaleur et du froid. N'osant me quitter une seconde, elle m'a chéri comme un morceau de son propre coeur tombé à l'extérieur. Telles furent ses bontés.

Elle m'a aussi fait le don d'une éducation me permettant de reconnaître la bonne attitude à suivre et la mauvaise à rejeter: elle m'a appris ce qui était bon à manger et à boire pour moi, alors que je l'ignorais, m'a appris à me mouvoir et à me tenir, à parler et à m'exprimer alors que je l'ignorais, m'a enseigné le sens de tous les mots dans leurs détails et m'a inculqué toutes sortes de bonnes habitudes à suivre tout en m'enseignant quelles étaient les mauvaises à éviter.

Quant aux difficultés endurées, elle a souffert de la crainte que je tombe malade tout en s'oubliant complètement elle-même, elle a craint pour ma vie, elle a craint que je ne puisse égaler les autres; elle a fait faire des divinations à mon intention, des calculs astrologiques, a fait appeler le médecin et a fait réciter toutes sortes de prières pour mon bien. Pour moi, elle s'est privée de repos le jour et de sommeil la nuit et a travaillé si dur que ses mains et ses pieds se sont crevassés. Elle s'est privée de nourriture pour moi, a refusé d'en donner aux autres dans le même but, s'est privée de la jouissance de ses biens dans cette vie et n'a rien osé dépenser pour sa vie future de tout ce qu'elle avait comme nourriture, comme biens et comme richesse. Elle a tout dépensé sans compter pour mon bien et elle n'a pas agi ainsi contre sa volonté mais selon son propre désir. Si elle avait eu le pouvoir de le faire, le don de la royauté universelle même ne lui aurait pas semblé trop grand à me faire. Elle s'est sans cesse préoccupée de mon bonheur. Je n'ai été absent d'aucune de ses pensées ni d'aucune de ses méditations et elle m'a toujours chéri plus qu'elle-même. Telles ont été ses bontés. En outre, et alors qu'il est rare d'entendre même le nom des trois joyaux au sein de la roue de l'existence, c'est elle qui m'a donné l'occasion de pratiquer le saint Dharma qui est le moyen permettant toujours d'aller de bonheur en bonheur, et de jouir du bonheur dans son corps dans cette vie, du bonheur dans son esprit dans l'état intermédiaire et d'un chemin aisé et heureux dans les vies ultérieures. En plus, il n'y a pas que dans cette vie qu'elle m'a servi de mère, mais elle l'a été à plusieurs reprises tout au long de mes existences, me comblant alors des mêmes bontés que celles que nous venons de décrire. C'est à de multiples reprises aussi que, né dans une famille très pauvre, elle a mendié pour moi nourriture et vêtements. Plusieurs fois né dans une famille de pêcheurs ou de bouchers, elle m'a nourri de nourritures mal obtenues. Plusieurs fois rené comme animal, elle est morte afin de me protéger du même sort. Si l'on amassait tout le lait bu à son sein, la quantité égalerait le volume de liquide contenu dans le grand océan. Elle a aussi été mon père de multiples fois, me fournissant nourriture, richesses et biens. Elle a été mes frères et soeurs et mes proches de multiples fois et m'a aimé de tout son coeur et les larmes qu'elle a versées lors de nos séparations empliraient le même volume que le grand océan. C'est ainsi qu'un éon entier ne suffirait pas à énumérer toutes les bontés qu'elle m'a manifestées. Même si j'emplissais tout l'univers avec de l'or et que je le lui donne, cela ne suffirait pas à la payer de ses bontés. Il est dit:

"Le lait que j'ai bu du sein de celle qui m'a servi de mère (de multiples fois) dépasse même la quantité d'eau contenue dans les quatre océans. Les dons de chevaux et d'éléphants reçus de ceux qui ont été mon père, dépasseraient même la hauteur du royaume de Brahma. Et il en est de même des autres êtres."

Il convient maintenant de développer le désir de lui rendre les bienfaits qu'elle m'a prodigués: Si je ne rends pas à ma mère les bienfaits innombrables qu'elle m'a prodigués, je serai le plus indigne des hommes. Je dois donc m'efforcer de lui rendre ses bienfaits et ses bontés. Quel serait le plus grand bienfait pour ma mère? Ce serait qu'elle puisse jouir du bonheur et de ses causes. Or, maintenant, elle s'en trouve privée. Il me faut donc avoir cette pensée associée à un désir, qui est celui que ma mère puisse jouir du bonheur et de ses causes. Puis il faut développer la pensée associée à la production d'une résolution qui est celle de tout faire pour l'établir dans cet état (de bonheur). Et enfin, il faut produire la pensée associée à la prière qu'il en soit ainsi. Il faut donc méditer sur ces trois aspects selon ce qui m'est le plus désirable. Finalement, je penserai que ce pouvoir d'établir ma mère dans le bonheur et dans ses causes, je ne le possède pas; seuls le Lama et les trois joyaux le détiennent. De même qu'une mère infirme devra crier à l'aide pour sauver son fils emporté par les eaux, de même, il faudra prier le Lama et les trois joyaux omniscients afin que ma mère puisse enfin posséder le bonheur et ses causes. Méditant ainsi, un amour authentique pour ma mère se développera.

b) Associer les autres proches à cette méditation

On se représente progressivement son père et ses autres proches dont les bienfaits à mon égard furent importants. Passant en revue chacune de leurs bontés dans cette vie, on pense qu'ils m'ont aussi été bénéfiques dans nombre de mes autres vies en me servant de parents. Je me souviens de toutes les fois où ils m'ont protégé du malheur. Comme précédemment, je développe le désir de leur rendre leurs bienfaits et je médite jusqu'à ce que le même amour que pour ma mère se développe à leur égard.

c) Associer tous les êtres ordinaires à cette méditation

On se représente maintenant ses voisins et tous ceux avec lesquels on a eu des relations de nourriture et de richesse et on pense en détail aux occasions où ils m'ont rendu service. Puis, comme précédemment, on se représente qu'ils ont été mes parents dans nombre de mes existences et m'ont accordé leurs bienfaits à de multiples reprises.

2) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS LES ENNEMIS

On commence d'abord par se représenter des ennemis ou des esprits nuisibles qui m'ont nui et qui sont l'objet de ma haine. Puis on pense que durant nombre de mes existences, ils m'ont servi de mère. Ils m'ont ainsi été d'un grand bienfait et m'ont souvent protégé du danger, mais comme je n'ai pas répondu à leurs bontés et à leurs bienfaits, j'en viens maintenant à considérer comme des ennemis ces êtres qui me harcèlent en raison des dettes passées, tout comme un débiteur considère son créditeur comme le harcelant quand il insiste pour être payé de sa dette. Parce que nos deux esprits sont brouillés et obscurcis par le karma et la succession des naissances et des morts qui empêche que nous nous reconnaissions, l'un des deux est tenu pour être l'auteur du mal et l'autre est la victime. Nous ne pouvons ainsi nous empêcher de nous faire mutuellement du mal et nous éloignons toujours plus l'un de l'autre, alors qu'en réalité, nous sommes des parents très chers. Le puissant yogui (Birwapa) dit:

"Ces êtres qui me nuisent sont en fait ma mère qui m'a par le passé comblé de toutes sortes de bienfaits. Malgré cela, comme des fous privés de tout libre arbitre, nous accomplissons toutes sortes de non-vertus qui nous conduiront dans l'Enfer Sans Fin."

Ainsi, ces êtres m'ont non seulement comblé de nombreux bienfaits par le passé, mais ils continuent à m'être bénéfiques. En effet, d'un esprit plein de vanité et d'orgueil, alors que je commets toutes sortes d'actions indisciplinées et contraires au Dharma, ils m'aident à briser cet orgueil et sont les amis qui m'incitent à me tourner vers le Dharma. Il faut donc parvenir à penser du fond du coeur et non seulement de manière superficielle que cet ennemi m'a vraiment montré et à de nombreuses reprises, de multiples bienfaits, et méditer ainsi jusqu'à ce que naisse réellement le désir de lui rendre ses bienfaits, etc... tout comme précédemment. Il est dit:

"Celui qui devient capable de percevoir un maître de vertu dans les objets qui font naître de mauvaises passions, tels que les ennemis ou les proches, celui-là, où qu'il se trouve, jouira du bonheur."

Bien que méditant de cette façon, si l'amour ne naît pas et qu'au contraire, la haine renaît et que l'on désire faire du mal à cet ennemi, il faudra alors se remémorer les méfaits de la haine tels que nous les avons décrits lors de l'explication concernant les actes et leurs fruits. Si je ne suis pas moi-même capable de maîtriser cet ennemi de la haine, je ne pourrai, même si je m'y efforçais, venir à bout de tous mes ennemis extérieurs. Si je maîtrise ma haine, tous les ennemis extérieurs s'apaiseront d'eux-mêmes. Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Les êtres mauvais sont (infinis) comme l'espace et jamais je ne parviendrai à les détruire tous; si je me contente de vaincre mon esprit de haine, c'est comme si j'avais vaincu tous mes ennemis. Où pourrais-je trouver assez de cuir pour en entourer toute la terre? Pourtant, le cuir que je mets sous mes souliers a le même effet (de protection)."

3) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS TOUS LES ETRES VIVANTS

"Aussi éloignée que la limite de l'espace, se trouve la limite des êtres vivants." (bZang sPyod ou Bhadracarya)

De même que l'espace est dépourvu de toute limite, de même les êtres vivants sont sans limite. Il ne se trouve aucun de tous ces êtres vivants sans limite, qui n'ait un jour été mon père ou ma mère. Et tous m'ont servi de parents un grand nombre de fois. Bien qu'ils m'aient alors montré de grandes bontés et protégé de nombreux dangers, d'un esprit obscurci par les mauvais actes et la succession des naissances et des morts, je ne les reconnais plus comme tels et je demeure indifférent à leur égard. Ceci n'est pas bon, il me faut plutôt m'efforcer de répondre par des bienfaits à tous les bienfaits et les bontés qu'ils m'ont montrés. Il faut ensuite continuer la réflexion de la même manière que celle développée à l'égard de sa propre mère, en se demandant quel bienfait pourrait leur être le plus bénéfique, etc... S'il est difficile de faire naître l'amour, il faudra d'abord commencer par se représenter les êtres des enfers, puis ensuite chacune des autres catégories des six états d'existence et penser que si tous ces êtres pouvaient jouir du bonheur et de ses causes, mon plus cher désir serait ainsi réalisé. Comme précédemment, il faut méditer en associant le désir, la résolution et la prière. En méditant ainsi, si l'on parvient à faire naître le véritable et authentique désir de faire le bien de tous les êtres de l'espace infini, cette méditation de l'amour aura été accomplie avec succès. Il est dit dans le mDo sDe rGyan (Sutralankara):

"Le Bodhisattva qui agit envers tous les êtres comme envers un fils unique, possède au fond de son coeur, le grand amour caractérisé par le désir de toujours réaliser leur bonheur et leur bien."

Comment réfléchir à tout cela? On concentre d'abord ses pensées sur sa propre mère et l'on réfléchit: Hélas, il s'agit là de ma mère dévouée et aimante. Elle m'a tout d'abord donné ce corps chéri, puis m'a donné cette vie chérie, et enfin elle m'a donné sans regret toutes ces nourritures, ces richesses et ces biens si plaisants. Alors que j'ignorais tout de l'attitude et du comportement à suivre ou à rejeter, elle me les a enseignés. Elle m'a fait comprendre alors que je ne comprenais pas, m'a fait connaître alors que je ne connaissais pas, m'a fait obtenir des choses alors que je n'avais rien, m'a permis de devenir l'égal d'autres qui me dépassaient, etc... c'est à dire toutes ces choses que nous avons précédemment décrites. Me rappelant également toutes ses autres bontés, je penserai qu'il s'agit là de ma mère si aimante. En bref, si j'ai un jour la possibilité d'atteindre à l'état de Bouddha parfaitement accompli, c'est à ma mère bien-aimée que je le dois aussi. Elle n'a pas été ma mère que dans cette seule vie, mais l'a été à de multiples reprises au cours de mes existences. A chaque fois, elle m'a montré les mêmes bontés que ma mère actuelle et m'a protégé du danger de la même façon. Si en retour, je ne suis pas capable de lui apporter un grand bienfait, je serais le plus misérable des êtres. Il me faut donc lui rendre bontés et bienfaits. Le plus grand des bienfaits serait qu'elle puisse immédiatement jouir du bonheur dans son corps et dans son esprit et qu'elle puisse jouir aussi de la vertu qui serait la cause du bonheur dans toutes ses existences. Malheureusement, pour le moment, elle est privée de bonheur et de joie et toute son action va à l'encontre de la vertu qui est la cause de la joie et du bonheur. Du fond de mon coeur, il me faut souhaiter et espérer qu'elle puisse jouir d'un bonheur et d'une joie immédiats et qu'elle puisse aussi jouir de la vertu qui est la cause lui garantissant joie et bonheur dans toutes ses existences. Ainsi convient-il de méditer en associant désir, résolution et prière et de s'appuyer sur le plus fort d'entre ces sentiments pour développer les autres. Finalement, bien qu'il me faille tout faire pour établir ma mère dans le bonheur et ses causes, je n'en possède pas le pouvoir. Il me faut alors prier et supplier du fond du coeur, le Lama et les trois joyaux qui savent, de m'aider à établir ma mère dans le bonheur et sa cause de vertu. Méditez jusqu'à ce que la pensée que votre mère bien-aimée puisse jouir du bonheur, puisse être heureuse, jouir de toutes les réussites et d'une action vertueuse, jusqu'à ce que cette pensée soit ressentie dans votre chair et vos os. Si une expérience intérieure naît, il faudra la maintenir. On se remémore ensuite son propre père actuel et l'on pense à toutes ses bontés qui, à part de m'avoir porté dans son ventre et de m'avoir nourri de son sein, sont les mêmes à mon égard que celles de ma mère. On pense aussi qu'il m'a servi de parents durant un nombre incalculable d'existences et qu'il m'a toujours fait don des mêmes bonheurs et des mêmes bontés. Il faut ainsi méditer comme on l'a expliqué plus haut. De la même manière, on se remémorera ses proches et les autres êtres ordinaires avec qui on a eu un lien quelconque et on passera en revue le détail de leurs bontés dans cette vie. On réfléchira qu'ils m'ont servi de parents dans nombre de mes existences et on développera ainsi l'amour à leur égard. De la même manière, à l'égard de ses ennemis ou des esprits nuisibles, etc..., on pense qu'ils m'ont servi de parents dans beaucoup de mes existences et qu'ils m'ont alors comblé de bienfaits. C'est parce que je n'ai pas répondu à leurs bontés et à leurs bienfaits que je les vois maintenant comme un ennemi ou un esprit nuisible désirant se faire payer de la dette que j'ai envers eux. Même maintenant, celui que je considère comme un ennemi, est en fait l'ami qui critique les défauts de mon comportement contraire au Dharma. Celui que je considère comme un esprit nuisible m'aide à tourner mes trois portes vers la vertu. Dans la vie présente et dans mes autres vies, il m'a comblé et me comble de ses bontés. Ainsi faut-il méditer l'amour de la manière précédemment décrite.

Si l'amour est difficile à faire naître et que des pensées de colère se développent, il faut penser de la manière suivante: la méditation de l'amour est la seule méthode pour la réalisation de l'éveil. En quoi le méditer ferait-il du bien à mon ennemi? Alors que maintenant, je ne suis pas même capable de supporter la plus petite souffrance du corps ou de l'esprit, si j'accomplissais des actes me conduisant dans une vie future, dans les abîmes des mauvais états de renaissance dont on ne se libère jamais, qui pourrait donc être un plus mauvais pratiquant de la voie du Grand Véhicule que moi? Comment me faire du mal à moi-même pourrait-il nuire à mon ennemi? Méditant ainsi, il faut se faire honte à soi-même. De la même manière, on poursuivra la méditation en se représentant chacun des six états d'existence et on pensera que depuis des existences sans nombre jusqu'à maintenant, j'ai erré au sein de tous les états supérieurs ou mauvais et ce, à de multiples reprises. Il n'y a pas un lieu sur cette terre où je n'ai repris naissance, il n'y a pas un être vivant qui ne m'ait un jour servi de mère et ceci, de multiples fois. Ce faisant, ils m'ont donné la vie, m'ont donné ma nourriture, des richesses et m'ont été bienfaisants de nombreuses façons. Ils m'ont protégé du danger et ils sont tous des êtres qui m'ont été arrachés (par la mort) alors que je les chérissais. Il faut ainsi méditer jusqu'à ce qu'un amour authentique et véritable pour tous les êtres vivants, vienne à naître.

Dans tous les intervalles entre les sessions de méditation, il faut s'efforcer de rejeter la colère envers les êtres vivants et considérer chacun comme une mère dévouée considère son fils bien-aimé. Efforçons-nous de libérer de la crainte ceux qui sont dans un état de peur ou de danger, et de protéger les vies ainsi que d'autres actions similaires. Il faut aussi donner aux pauvres et à ceux qui sont privés de protecteurs, nourriture, vêtements, abri, etc... et les réconforter par des paroles douces et agréables. On doit aussi faire entendre le nom des Bouddhas dans les oreilles des animaux et faire résonner le son des mantras. En bref, la racine du Dharma du Grand Véhicule est l'amour. Si l'amour naît, la compassion naîtra aisément, c'est pourquoi il convient de s'appliquer avec assiduité au samadhi de l'amour.

"Le fleuve de la compassion court au travers (du canal) de l'amour." ( mDo sDe rGyan)
B- MEDITATION DE LA COMPASSION, DESIR DE LIBERER AUTRUI DE LA SOUFFRANCE

Quels en sont les bienfaits?
"Tchenrézi dit: -Bhagavan, celui qui aspire à la bouddhéité n'a pas besoin de s'entraîner à beaucoup d'enseignements. L'entraînement dans un seul Dharma suffira, et il est celui de la grande compassion. Il en est ainsi, Bhagavan: là où se trouve la précieuse roue du monarque universel, se trouvent aussi ses armées. Bhagavan, là où se trouve la grande compassion du Bodhisattva, se trouve aussi tout le Dharma des Bouddhas." (Chos Yang Dag Par sDud pa'i mDo ou Dharma samgiti sutra)

Ainsi, la racine de toutes les voies du Grand Véhicule se trouve être la grande compassion.

"Tout d'abord la racine, puis les excellents fruits, voici comment apparaît le merveilleux arbre de la compassion. Quand la racine de compassion n'existe pas, nul ne peut supporter les rigueurs de la discipline (religieuse)." (mDo sDe rGyan)

Le même texte dit aussi:

"La grande compassion est source de toutes les qualités. Qui donc ne voudrait pas de la compassion à l'égard des êtres vivants? Bien que l'on puisse souffrir pour eux, (la compassion) produit une joie incomparable."

Si l'on distingue maintenant entre les diverses sortes de compassion dont les bienfaits sont si grands, on observe la compassion qui se représente les êtres vivants, celle qui voit son objet dans le Dharma et celle qui voit qu'elle n'a pas d'objet.

1) LA COMPASSION QUI SE REPRESENTE LES ETRES VIVANTS

Il s'agit de la compassion qui, se représentant les êtres vivants en proie à la souffrance, désire les libérer de celle-ci en toutes circonstances. Le maître zLa ba annonce:

"Protéger tous les êtres dans la souffrance, c'est ce qu'on nomme la grande compassion."

Comment la méditer? Me représentant ma mère, je réfléchis comme précédemment à ses bontés et au fait qu'elle m'a servi également de mère dans nombre de mes autres vies. Après s'être tant efforcée pour mon bien, elle erre pourtant dans la roue de l'existence et doit y endurer toutes sortes de souffrances. Ressentant de la compassion à son égard, je pense qu'il me faut absolument répondre à ses bontés et à ses bienfaits. Ce qui lui ferait du bien serait de se trouver libérée de ses souffrances actuelles et de la non-vertu, cause de souffrances dans ses autres vies. Pourtant, maintenant, elle endure toutes sortes de souffrances et elle accumule en grand nombre les actes de non-vertu, cause de toutes sortes de malheurs ultérieurs sans fin . Emu de compassion, je développe le désir qu'elle puisse être libérée de la souffrance et de ses causes; j'associe aussi à ce désir la résolution de travailler à l'établir dans la libération de la souffrance et puis j'ajoute la prière qu'elle puisse en être libérée. Après l'une de ces trois pensées, je prie le Lama et les trois joyaux qui savent, de veiller à ce qu'il en soit ainsi.

Je procède ensuite de la même façon à l'égard des proches dont mon propre père, puis à l'égard des êtres ordinaires. Pensant qu'ils endurent maintenant de nombreuses souffrances, et qu'ils accumulent sans cesse la cause de souffrances futures, je me sens ému de compassion et je médite comme précédemment décrit. En ce qui concerne mes ennemis, je pense qu'ils ont été ma mère et ceci, à de multiples reprises. Ce faisant, ils m'ont comblé de nombreux bienfaits et protégé du danger. Je poursuis ainsi la méditation comme tout à l'heure puis en me disant qu'ils me font du mal sous l'effet d'un esprit qui, sous l'emprise de l'illusion, ne me reconnaît plus, je me sens ému de compassion à leur égard. Il est dit:

"Même si on répond par du mal au bien que vous avez fait, votre réaction devrait être celle de la grande compassion. Les meilleurs êtres dans ce monde, répondent au mal par le bien."

En outre, je suis aussi ému de compassion à l'idée que leur esprit impuissant et échappant à tout contrôle, étant amené à nuire à autrui, ils devront en supporter le résultat, à savoir la souffrance dans l'enfer d'Infinie Souffrance. Le puissant yogui dit:

"Développez la compassion à l'égard de tous les êtres bienveillants qui vous ont chéri depuis un temps sans commencement. Même s'ils vous ont par le passé, comblé de leurs bienfaits, maintenant ils sont comme des fous sans contrôle, et accumulent toutes sortes de non-vertus qui les conduiront aux enfers. Si l'on sait cela, une compassion extrême naît à l'égard des êtres vivants."

De la même manière, on se représentera chacun des six états d'existence et chacun en proie à leurs douleurs propres. Tous ont été ma mère et m'ont comblé de leurs bienfaits. Comme tout à l'heure, on méditera en désirant leur rendre leurs bienfaits et on se réjouira à la pensée qu'ils soient libérés de la souffrance et de ses causes.




2) LA COMPASSION QUI VOIT SON OBJET DANS LE DHARMA

En se représentant les êtres vivants en proie à la souffrance et à l'ignorance, cause de la souffrance, il faudra produire le désir qu'ils puissent être libérés des deux. En effet, si l'on ne se débarrasse pas de l'ignorance, cause de la souffrance, on ne pourra pas non plus éviter son fruit de souffrance. Il est dit dans le rNam 'Grel (Pramanavarttika):

"Toute faute a l'ignorance pour racine et l'ignorance est la vue (fausse) concernant la nature impermanente (des choses)."

Le sPyod 'Jug dit:

"Bien que les êtres aient le désir d'éviter la souffrance, ils se précipitent pourtant vers elle; bien qu'ils aspirent au bonheur, l'ignorance qui les enveloppe détruit ce bonheur comme s'il s'agissait d'un ennemi."

Puisque la souffrance surgit du karma et des mauvaises pulsions dont la racine est l'ignorance, je m'émeus de tous ces êtres en proie à l'ignorance.

3) LA COMPASSION SANS OBJET DE REPRESENTATION

En se représentant les êtres vivants qui, bien que n'existant pas de leur propre essence, sont pourtant solidement entravés par les liens serrés de leur attachement à l'égo, cause de la souffrance, on produit le désir qu'ils puissent être libérés de la souffrance et de sa cause qu'est l'attachement à l'égo.

"Les êtres sont comme un rêve. Un examen approfondi révèle qu'ils sont (creux) comme un roseau." (sPyod 'Jug)

"Si l'on s'interroge alors à l'égard de qui ou de quoi il convient de développer cette compassion, puisque les êtres vivants n'existent pas réellement, c'est pour le fruit (d'une telle méditation) qu'on accepte pour objet ce que l'ignorance appelle ainsi (êtres vivants)." (sPyod 'Jug)

Ainsi, l'on se sent ému de compassion à l'égard de tous ces êtres vivants qui, bien que dépourvus d'existence réelle dans leur essence propre, ignorent la vérité et ont l'esprit fermement entravé par les liens serrés de l'attachement à l'égo. En effet, tout le temps qu'ils croiront à la réalité d'un moi, ils devront reprendre naissance au sein de la roue de l'existence, sous l'emprise de leurs actes et passions.

"Tout le temps que persiste la croyance dans (la réalité) des agrégats, persiste aussi l'attachement au moi. L'attachement au moi engendre les actes et les actes, les renaissances." (dBu ma)

Comment réfléchir à cela? Hélas, ma mère dévouée m'a rendu maintenant tel et tel bienfait. Elle a été ma mère tout au long de mes vies durant d'innombrables éons et m'a toujours comblé de ses bienfaits et protégé du danger. Comme je compatis à la voir ainsi subir mort après mort et endurer toutes sortes de souffrances au sein de la roue de l'existence, dont elle n'est pas encore parvenue à se libérer. Elle subit maintenant, contre sa volonté, toutes sortes de souffrances. Etant ignorante des moyens pour se libérer de la souffrance, elle accumule sans cesse la cause de futures souffrances. Du fond de mon coeur, je souhaite et me réjouis à la perspective qu'elle puisse être libérée de la souffrance et de ses causes.
On médite ainsi en développant comme avant, le désir, la résolution et la prière. Il faut poursuivre jusqu'à ce que l'esprit ressente le poids insupportable du fardeau des souffrances de sa mère, comme pesant sur soi. Quel malheur de la voir ainsi subir telle et telle souffrance dans la roue et de la voir encore continuer à accumuler les actes mauvais, causes de futurs malheurs. Quelle pitié que de la voir ainsi se tromper et se perdre. Bien qu'il me faille absolument l'aider à se libérer de la souffrance et de ses causes, nul autre que le Lama et les trois joyaux ne possédant un tel pouvoir, il me faut supplier le Lama et les trois joyaux pour qu'ils oeuvrent en ce sens .

Il faut ensuite méditer de manière analogue à l'égard de mon père et des autres êtres, en consacrant beaucoup de temps pour la méditation concernant les ennemis.

Ensuite, je médite avec compassion sur les êtres vivant dans les enfers, et qui ont été ma mère dévouée, en passant en revue les souffrances des enfers chauds et froids. Je poursuis cette méditation jusqu'à ce que mon esprit ressente le poids insupportable du fardeau des souffrances des enfers comme pesant sur moi.

Puis on médite de la même manière à l'égard des Prétas et des autres sortes d'êtres vivants. Lorsque le désir authentique de les libérer de la souffrance se fait sentir, je réfléchis que cette souffrance provient des mauvais actes et que ceux-ci proviennent à leur tour de l'ignorance; je m'émeus de compassion à l'égard de ces êtres qui sont en proie à la souffrance et à l'ignorance qui en est la cause. Je pense: "Puissent tous ces êtres se libérer de la souffrance et de l'ignorance qui en est la cause." Comme l'ignorance elle-même provient de l'attachement à l'égo, je me sens ému de compassion à l'égard de ces êtres qui, bien que dépourvus de toute réalité dans leur essence propre, l'ignorent et sont ainsi fermement enserrés par les liens de la croyance (en leur réalité). Je réfléchis et souhaite qu'ils puissent donc se trouver libérés de la souffrance et de sa cause qu'est l'attachement à l'égo.

Dans les intervalles entre sessions, il faudra constamment se préoccuper de développer la compassion à l'égard des ennemis et autres envers qui il est difficile de la développer, à l'égard des esprits nuisibles et autres dont l'esprit est sous le pouvoir de l'illusion, à l'égard des rois, bouchers et autres qui commettent des fautes particulièrement lourdes et enfin, à l'égard des malheureux, des pauvres, des malades et des êtres sans protection. Il faudra aider les malheureux à se délivrer de leurs souffrances. Et si l'on n'y parvient pas, il faudra au moins les leur rendre moins lourdes en les aidant. C'est ainsi qu'il faut réfléchir à tous les moyens possibles pour soulager ces êtres de la souffrance et s'entraîner à ne jamais abandonner le souci du bien d'autrui.

C- MEDITATION DE L'ESPRIT D'EVEIL, OU DESIR DE L'ETAT DE BOUDDHA POUR LE BIEN DES ETRES

Est-ce que l'effort à l'accumulation des vertus et au rejet des fautes, l'amour du désir du bien d'autrui et la méditation de la compassion, désir de soulager autrui de la souffrance, suffisent pour obtenir le parfait éveil? Tout ceci est indispensable à la réalisation de l'incomparable éveil, mais pas suffisant. Par exemple, il en est comme de la racine d'une plante qui repousse toujours, même si on coupe ses branches et ses feuilles. De la même façon, si l'on n'extirpe pas la racine de la roue de l'existence qui est l'attachement à l'égo, comment pourrait-on trouver l'éveil? En effet, la souffrance de la roue provient des actes, les actes proviennent des mauvaises pulsions et les mauvaises pulsions proviennent de l'attachement à l'égo.

"Tous les malheurs qu'il y a dans le monde, toutes les craintes et toutes les souffrances proviennent de l'attachement à l'égo; à quoi donc ce démon pourrait-il me servir? Si je ne m'en débarrasse pas entièrement, je ne pourrai éviter la souffrance, de même que si l'on ne détruit pas le feu, on ne peut éviter qu'il brûle?" (sPyod 'Jug)

Si l'on se demande comment les mauvaises pulsions peuvent bien provenir de l'attachement à l'égo, l'explication est la suivante: sous l'emprise de l'ignorance de sa propre nature, de même qu'on prend une corde rayée pour un serpent, de même on croit à un moi là où il n'y en a pas et à un soi là où il n'y en a pas non plus. C'est ainsi que vient, dépourvu de tout fondement, le sentiment d'un moi. Sous son emprise, et par rapport à ce sentiment, se développe la croyance (à la réalité) d'autrui. Ainsi naissent l'attachement envers le moi et l'aversion envers autrui, ainsi que l'ignorance envers sa propre nature. On se met à accumuler des actes sous l'effet de l'emprise de ces trois poisons et à reprendre indéfiniment naissance au sein de la roue de l'existence où toutes sortes de fautes sont alors commises.

"S'il y a un "moi", c'est que l'on connaît aussi "un autre"; de ces deux concepts, naissent attachement et aversion, et en relation avec ces passions, toutes sortes de fautes sont commises." (rNam 'Grel ou Pramanavarttika)



Ainsi, puisque la racine de tous les malheurs est l'attachement à l'égo, les êtres intelligents et avisés qui aspirent à leur propre bonheur, feront bien de tenir pour un ennemi cet attachement à l'égo et de s'efforcer à la méditation des deux esprits d'éveil qui permet de dompter (cet ennemi). Par la méditation de l'esprit d'éveil du sens relatif, on peut écraser la tête de l'attachement à l'égo et, grâce à la méditation de l'esprit d'éveil du sens ultime, on peut en extirper la racine. Le même texte dit encore:

"L'amour et le reste ne peuvent totalement venir à bout de toutes les fautes, car ils n'empêchent pas l'ignorance."

Il est dit aussi:

"Comme (l'ignorance) contredit la vision de vacuité, la nature propre (de l'ignorance se manifeste dans) toutes les fautes qui s'accomplissent en opposition (à cette vision)."

Ainsi, la méditation de l'esprit d'éveil apporte d'innombrables bienfaits. Il est dit dans le Sutra de dPa' Byin Gyis Zhus pa'i mDo ou Viradatta paripriccha sutra:

"Si l'on donnait une forme au mérite tiré de l'esprit d'éveil, elle ne pourrait tenir à l'intérieur de toutes les sphères célestes."

Le sPyod 'Jug dit:

"Si l'esprit d'éveil naît, dans l'instant le malheureux enchaîné dans la prison de la roue de l'existence, est reconnu comme un fils des Bienheureux (Bouddhas) et devient le digne objet des prosternations de tous les dieux et les hommes."

Lorsque naît l'esprit d'éveil, on change de nom et de but. Comme il est dit dans le sPyod 'Jug:

"A l'instar de la pierre philosophale, cet excellent (esprit d'éveil) permet de transformer ce corps impur dans le joyau sans prix du corps d'un Bouddha. Maintenez donc fermement ce que l'on nomme esprit d'éveil."

Ainsi, l'esprit d'éveil est comme la pierre philosophale qui transforme ce corps misérable en un corps excellent. Il est dit aussi:

"La sagesse infinie du seul guide des êtres a bien mesuré ce joyau sans prix (de l'esprit d'éveil). Ceux qui désirent se libérer de l'existence conditionnée seront bien avisés de maintenir fermement le joyau de l'esprit d'éveil."

Ainsi, il est difficile à obtenir et porteur d'immenses bienfaits, pareil au joyau (de l'esprit) exauçant les désirs. Il est dit aussi:

"Toutes les autres vertus, semblables en cela au roseau creux, produisent des fruits qui s'épuisent un jour; l'arbre de l'esprit d'éveil, quant à lui, produit sans cesse des fruits qui ne font que croître."

Comme il a le pouvoir de produire des fruits en abondance, il est tel l'arbre merveilleux exauçant les souhaits. Il est dit aussi:

"Même si l'on a commis des fautes dites de gravité infinie, et de même que le courage vient à bout de la plus grande crainte, si l'on s'appuie (sur l'esprit d'éveil), on se libère en un instant (de ces fautes). Comment des êtres lucides pourraient-ils le rejeter?"

Ainsi, il écrase les fautes avérées, pareil à un courageux chef de guerre. Il est dit aussi dans le sPyod 'jug:

"En un éclair il consume entièrement les plus grandes fautes, comme le feu de la fin d'un éon."

Il extirpe donc aussi à leur racine les fautes (dont le résultat) n'est pas avéré, pareil au feu de la fin d'un éon.

Comme les bienfaits qu'il produit sont infinis, il n'y a dans aucun autre monde, y compris celui des dieux, de Dharma plus parfait que l'esprit d'éveil.

La caractéristique de cette pratique si bénéfique est la réalisation du parfait éveil. En effet, détruisant à la fois les deux aspirations dissemblables de l'esprit mondain de la roue de l'existence et celle de (l'apaisement) du Nirvana, l'esprit d'éveil est la réalisation du Nirvana Où l'on ne Demeure Pas. Le seigneur Sakya Pandita a dit:

"Comme la particularité de cette pratique est de prendre sa propre finalité pour pratique, il n'est pas faux de la considérer comme l'esprit d'éveil ayant rejeté les obscurcissements."

Obtenir l'esprit d'éveil à partir du rituel (approprié) est appelé développement de l'esprit d'éveil, et l'on en possède les voeux dès lors que le désir constant de rejeter son contraire est présent.

Si l'on cherche à les différencier du point de vue de leur objet, il y a les deux esprits d'éveil, celui du sens relatif et celui du sens ultime; du point de vue de leur genèse, il y a également sa production grâce au verbe et sa production par la (compréhension) de la vérité; du point de vue de son essence, il est également double, à savoir l'esprit d'éveil du souhait et celui de sa mise en oeuvre; du point de vue de ses étapes, on en distingue quatre, à savoir l'obtention grâce à l'intention, la pure aspiration, la maturation totale et le rejet des obscurcissements; du point de vue de l'exemple, ils sont au nombre de vingt-deux, depuis celui dit "semblable à la terre " jusqu'à celui dit "semblable aux nuages"; du point de vue de l'assistance (apportée à son développement), il y a vingt-deux conditions également telles que "accompagné de l'intention" jusqu'à "doué du corps de Dharma (ou corps de vérité)".

Ayant ainsi établi le catalogue général (de l'esprit d'éveil), si l'on désire mettre sa méditation en pratique, trois points seront expliqués: l'esprit d'éveil du souhait, à savoir le désir du fruit pour le bien d'autrui, l'esprit d'éveil en application, à savoir l'entraînement dans la voie en vue du fruit, et l'esprit d'éveil du sens ultime, à savoir l'union indissociable de la stabilité sereine et de la vue pénétrante.

1) L'ESPRIT D'EVEIL DU SOUHAIT

Il s'agit de l'esprit qui souhaite l'éveil parfait pour le bien d'autrui. Le maître Byams pa déclare:

"Développer l'esprit d'éveil, c'est désirer la parfaite bouddhéité pour le bien d'autrui."

Le développement de cet esprit d'éveil du souhait produit d'innombrables bienfaits.

"Si la seule pensée que "puissent les maladies du cerveau affectant les êtres vivants, disparaître", si cette seule pensée pour le bien d'autrui, produit un mérite immense, que dire alors (du bénéfice infini) apporté par le souhait de libérer chaque être vivant du malheur et de permettre à chacun de réaliser d'immenses qualités." (sPyod 'Jug)

Ainsi, la naissance d'un tel esprit du souhait de l'éveil est extrêmement rare et à la fois porteuse d'infinis bienfaits. Le même texte dit encore:

"Est-ce qu'un père ou une mère a jamais eu une telle pensée bénéfique? Est-ce que les dieux, les ermites ou même Brahma ont jamais eu une telle pensée? Si les êtres vivants n'ont même jamais eu pour eux-mêmes une telle pensée, ne serait-ce qu'en rêve, comment pourraient-ils bien l'avoir pour autrui?"

Si l'on s'interroge maintenant sur la cause permettant la naissance de l'esprit d'éveil, il s'agit de la grande compassion. Il est dit dans le Byang Chub Sems dPa'i sDe sNod (Bodhisattva pitaka):

"C'est la grande compassion qui précède le fort désir de l'éveil du Bodhisattva."

Si la cause de compassion n'existe pas, son fruit de l'esprit d'éveil ne peut apparaître; comme la compassion elle-même a pour racine l'amour, il convient de développer à la fois la compassion et l'amour authentiques. Lorsqu'apparaît le désir que les objets que l'on se représente, jouissent du bonheur et qu'ils soient libres de la souffrance, il faut réfléchir de la manière suivante: bien que ce soit mon devoir et mon plaisir d'établir les êtres dans le bonheur et de les libérer de la souffrance, pour le moment, malheureusement, je ne possède pas un tel pouvoir. Les grands de ce monde qui me sont bien supérieurs, tels que Brahma , Indra et les autres, ne l'ont pas non plus. Même les êtres suprêmes tels que les Auditeurs et les Bouddhas Solitaires, n'ont pas ce pouvoir. Seuls les Bouddhas Parfaitement Accomplis et omniscients possèdent ce pouvoir. Car, en effet, les Bouddhas sont libres de tout défaut dû à des fautes, et ils détiennent toutes les qualités; ils ont le pouvoir de jouir de l'état de la plus grande félicité et ils manifestent leur divine activité et la compassion protégeant tous les êtres sans exception des inconvénients de l'existence et de l'extinction. Ils ont aussi le pouvoir de réaliser aisément tous les objectifs immédiats et ultimes, si on les en supplie, et ils sont les seuls à posséder un tel pouvoir. C'est c'est état que je dois absolument obtenir. Si je l'obtiens, je m'efforcerai d'abord, comme l'habile capitaine créant par enchantement une cité merveilleuse sur une île au milieu de l'océan afin de permettre aux marchands épuisés par le voyage de prendre du repos, d'établir temporairement les êtres dans le Nirvana, en fonction de leurs trois sortes d'aspirations et au moyen de celui des trois véhicules leur convenant. Les soulageant ainsi de la souffrance de la roue de l'existence, ils se purifieront peu à peu et finalement, je m'efforcerai de placer tous les êtres vivants dans tous les univers, dans l'état de Bouddha. Il faut ainsi développer sincèrement un tel esprit.

Il est dit que mettre en pratique l'esprit d'éveil du souhait selon des instructions de visualisation, n'appartient qu'à cette lignée.

Comment réfléchir à cela? Hélas, bien que tous les êtres vivants qui ont été mon père et ma mère, aspirent au bonheur, en raison de leur ignorance des moyens d'obtenir ce bonheur, certains sont en proie maintenant à toutes sortes de souffrances, tandis que d'autres accumulent en grande quantité les actes de non-vertu, cause de futures souffrances. La taie de l'ignorance les aveugle, ils sont privés de la cane du soutien de la libération et la présence d'un maître de vertu, qui est comme l'oeil pour l'aveugle, leur fait défaut. Ils s'éloignent des états supérieurs et du chemin de la libération et frôlent les abîmes des trois mauvais états. Quelle pitié!"
Après avoir longuement réfléchi de cette manière, on poursuit: "Compatir à leurs souffrances ne suffit pas; il me faut les libérer de la souffrance et les établir dans le bonheur. Mais je ne possède pas encore un tel pouvoir. Seuls les Bouddhas Parfaitement Accomplis qui ont mené à leur terme les deux objectifs (le personnel et celui d'autrui), possèdent ce pouvoir. Un seul rayon de lumière émané du corps d'un Bouddha a le pouvoir d'établir un nombre immense d'êtres vivants dans l'Au-delà de la Souffrance et un seul de ses enseignements a aussi le même pouvoir. En bref, voir un Bouddha, l'entendre, y réfléchir et le toucher, soit directement soit indirectement, permet de combler aisément les désirs des êtres et seuls les Bouddhas détiennent un tel pouvoir. Comme je serais heureux si je pouvais obtenir cet état de Bouddha parfait et omniscient, pour le bien de tous ces êtres vivants qui ont été ma mère. Je dois absolument m'efforcer d'obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli.
Il faut ainsi méditer jusqu'au développement de ce désir, comme un assoiffé désire de l'eau. Puis, du fond du coeur, développer la pensée: "Après avoir obtenu la bouddhéité, je commencerai par placer temporairement tous les êtres vivants dans l'Au-delà de la Souffrance, au moyen des trois véhicules. Purifiant ainsi peu à peu chacune des trois sortes d'êtres, je les établirai ultimement dans l'état de Bouddha." Puis l'on prie avec ferveur pour que le Lama et les trois joyaux qui savent, nous aident dans cette oeuvre.

Dans les intervalles entre sessions, on se réjouira constamment à l'idée d'obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli, source d'innombrables et précieuses qualités, joyau exauçant les désirs. Il est également important de réciter chaque jour, six fois par vingt-quatre heures ou matin et soir, la prière aux sept membres suivie du refuge et du développement de l'esprit d'éveil du souhait et en application, tels qu'on les trouve dans le texte du sPyod 'Jug. Ceci doit être fait chaque jour sans faute.
2) L'ESPRIT D'EVEIL EN APPLICATION, A SAVOIR L'ENTRAINEMENT DANS LA VOIE EN VUE DU FRUIT

Il s'agit de l'engagement dans l'action pour le bien d'autrui, en vue du parfait éveil. Le sPyod 'Jug dit que la différence entre le souhait et l'action (de l'esprit d'éveil) réside dans le fait qu'il s'agit d'étapes successives:

"Comme l'on connaît la différence entre désirer partir et partir réellement, de même le sage comprendra-t-il la différence entre ces deux étapes."

Mû par une immense compassion ne pouvant supporter les souffrances d'autrui, et alors que naît le désir d'obtenir le parfait éveil pour leur bien, il ne faudra pas se décourager mais au contraire mettre tous ses efforts à son obtention effective. Le maître Byams pa dit:

"O Nobles Etres, porter sur sa tête le fardeau des êtres vivants et marcher sans hâte, n'est pas beau; alors que moi-même et autrui sommes liés par toutes sortes d'entraves, il est raisonnable de développer des efforts encore cent fois plus grands."

Si l'on s'interroge maintenant sur la méthode pour réaliser l'incomparable éveil, elle consiste dans le fait d'abandonner ses propres objectifs égoistes et de se préoccuper d'accomplir le bien d'autrui.

"Tout le bonheur pouvant exister dans le monde, provient du désir du bonheur d'autrui; tout le malheur dans le monde provient du désir de son propre bonheur égoiste. Il n'est nul besoin d'en dire plus: regardez la différence entre l'être infantile ne se préoccupant que de lui-même et le puissant (Bouddha) accomplissant le bien d'autrui." (sPyod 'Jug)

Ainsi, la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas libérés plus tôt de la roue de l'existence et avons dû en conséquence endurer toutes sortes de souffrances, est que nous avons abandonné les êtres qui ont été notre mère et que, d'un esprit ne chérissant que notre propre personne, nous ne nous sommes préoccupés que de nous-mêmes. Croyant depuis un temps immémorial à un "moi" et à un "soi" là où il n'y avait ni "moi" ni "soi", on s'est uniquement chéri et préoccupé de soi-même, et dans ce but, on en est venu à commettre toutes sortes de non-vertus nuisant à autrui. Ainsi, on a dû ensuite endurer toutes sortes de souffrances au sein de la roue de l'existence.

"O mon esprit, ne désirant que ton propre bien, d'innombrables éons se sont ainsi passés; malgré toutes ces épreuves, tu n'as trouvé que la souffrance." (sPyod 'Jug)

Considérant donc ce souci exclusif de soi-même comme l'ennemi à abattre, il convient de s'entraîner à tourner l'action de ses trois portes vers la réalisation du bien d'autrui.

Trois points vont être évoqués, regardant la manière de mettre ceci en pratique: la méditation de l'identité entre soi et autrui, la méditation de l'échange et l'entraînement à ce comportement.

a) La méditation de l'identité entre soi et autrui:

Ceux qui, au départ, se sentent incapables de méditer l'échange, s'entraîneront tout d'abord seulement à la méditation de l'identité entre soi et autrui. Il s'agit là du moyen habile capable d'amener progressivement l'esprit à la méditation de l'échange. Le même texte poursuit:

"Entraînez vous d'abord avec diligence à méditer sur l'identité entre vous-même et autrui. Puisque bonheur et souffrance sont les mêmes pour tous, vous pourrez ainsi vous soucier d'autrui comme vous le faites de vous-même."

En ce qui concerne la signification des termes "identité entre soi et autrui", ils impliquent que de même que je désire le bonheur, les autres êtres également le désirent; je dois donc être l'ami les aidant à obtenir le bonheur. De même que je déteste la souffrance, les autres êtres également la détestent; je dois donc être l'ami leur permettant de se libérer de la souffrance. Le texte du sPyod 'Jug dit:

"Puisque moi-même et tous les autres êtres désirons également le bonheur, qu'ai-je donc de si spécial? Pourquoi ne devrais-je me préoccuper que de mon seul bonheur? Puisque nous sommes pareils à refuser la souffrance, qu'ai-je donc de si spécial? Pourquoi me protéger seul et non pas les autres?"

Si l'on pense qu'il convient que ce soit les autres êtres qui se protègent contre les souffrances qui les affectent et que je dois, moi, me préoccuper de me protéger contre celles qui m'affectent moi-même, ce raisonnement est comparable à celui qui estimerait que la main n'a pas à extirper l'épine blessant le pied, car en effet, il convient qu'aucun autre que celui endurant la douleur (le pied) ne vienne soulager cette souffrance. Le même texte poursuit:

"(S'il faut) que l'on se protège soi-même, alors la main n'a rien à faire de la douleur du pied."

Pourtant, si l'on insiste en prétendant que les deux situations ne sont pas identiques car le pied m'appartient tandis que les êtres sont étrangers, le raisonnement n'est pas juste. En effet, ce pied que j'appelle mien provient en fait du sang et de la semence de mon père et de ma mère, et c'est sous l'effet de l'habitude que j'en suis venu à le considérer comme mien. Si je considère les êtres vivants comme mes êtres vivants, sous l'effet de l'habitude aussi, j'en viendrai vraiment à les considérer comme tels. Le sPyod 'Jug poursuit:

"Tout comme tu en viens à considérer comme tien ce qui est en fait issu du sang et de la semence d'autrui, habitue toi à considérer les autres de la même manière."

"Tout comme sous l'effet de l'habitude à l'égard de ce corps dépourvu d'un moi, j'en suis venu à le considérer comme mon moi, si je m'habitue à considérer les autres êtres de la même manière, pourquoi le sentiment du moi ne naîtrait-il pas à leur égard?" (sPyod 'Jug)

En bref, moi-même et les autres êtres sommes semblables en ce que tous, nous désirons le bonheur et refusons la souffrance; en conséquence, il convient de rejeter tous les actes à l'encontre d'autrui, tels que les comportements faisant obstacle à l'accomplissement de leurs désirs et ceux visant à leur faire du mal. Il faut au contraire, avec un pur esprit de générosité, s'efforcer de soulager leurs souffrances et réaliser leur bonheur.

"Je dissiperai la souffrance d'autrui car, étant souffrance, elle m'affecte également. Je m'efforcerai de faire le bien d'autrui car, comme ils sont des êtres vivants, ils me sont (aussi chers) que mon propre corps." (sPyod 'Jug)

Si je pense que, malgré ma promesse de libérer autrui de la souffrance et de l'établir dans le bonheur, je n'ai pas le pouvoir d'obtenir un tel résultat, le débutant, bien qu'en effet il n'ait pas un tel pouvoir, devra pourtant s'efforcer du fond du coeur, de ne jamais se séparer d'une telle pensée. S'efforçant d'abord d'accomplir le bien d'autrui comme le lui permettent ses capacités, peu à peu, il deviendra capable de réaliser ce même objectif de façon très étendue. Le maître kLu sGrub a dit:

"Même si vos actions pour le bien d'autrui manquent de force, conservez-en pourtant toujours le désir. Celui qui en a la pensée réussira à agir dans ce sens."

Comment réfléchir à cela? Après avoir développé la prière du refuge, on poursuit par la pensée suivante: "Je dois obtenir le précieux état de Bouddha parfaitement accompli pour le bien de tous les êtres vivants de l'espace infini, qui ont un jour été ma mère. Dans ce but, je m'efforcerai à la pratique de la voie profonde."
On peut aussi préférer réciter trois fois les paroles suivantes, tout en réfléchissant à leur sens: "Afin de libérer de l'existence les êtres qui ont été ma mère, je dois obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli. Dans ce but, je mettrai en pratique le profond yoga de la voie des Bouddhas.

Hélas, bien que j'aspire et me réjouisse à l'obtention du grand et incomparable éveil pour le bien de tous les êtres vivants, je ne pourrai pourtant devenir un Bouddha avant d'avoir réussi à maîtriser l'attachement au moi et avant que tous les actes de mes trois portes ne soient dirigés vers la réalisation du bien d'autrui. Ainsi, je vais d'abord rejeter ce souci exclusif de moi-même qui est la source de mon malheur et de mes échecs et je m'en vais demeurer fermement dans la seule voie foulée par les fils des Bouddhas, qui est la méthode de la motivation de toutes les actions par le bien d'autrui. En outre, de même que j'aspire au bonheur, tous ceux que l'on nomme êtres vivants, y aspirent également. A partir de maintenant donc, je vais aider tous les êtres vivants à obtenir le bonheur et ses causes. Puisque comme moi-même, tout ce que l'on nomme être vivant, déteste la souffrance, à partir de maintenant, je vais aider tous les êtres vivants à se libérer de la souffrance et de ses causes.
Réfléchissant longuement de cette manière, on produit une pensée se réjouissant réellement à cette perspective.

b) Méditation de l'échange:

Celui qui désire rapidement obtenir la bouddhéité, devra s'appliquer à la méditation de l'esprit d'éveil de l'échange entre soi et autrui.

"Celui qui désire rapidement protéger autrui et soi-même s'engagera dans ce saint secret de l'échange entre soi et autrui." (sPyod 'Jug)

Mais la seule pensée de l'identité entre soi et autrui ne suffit pas à réaliser l'éveil. Le même texte poursuit:

"Si l'on n'échange pas parfaitement son bonheur avec la souffrance d'autrui, on ne peut devenir Bouddha et on ne peut jouir du bonheur dans la roue de l'existence."

Comment expliquer cela? Comme tous les êtres vivants ont été depuis un temps sans commencement ma mère dévouée, ils m'ont par le passé comblé de leurs bienfaits et maintenant encore, la réalisation de l'incomparable éveil dépendant des êtres vivants, ils me sont toujours d'un grand bienfait. Il convient donc que j'aspire et me réjouisse de prendre sur moi la souffrance de tous les êtres vivants avec sa cause, et de leur donner mon propre bonheur et mes vertus. Si, dans un désir contraire, on inflige des souffrances à autrui afin d'assurer son propre bonheur, comment pourrait-on espérer atteindre l'état de Bouddha? On ne pourrait alors se libérer de la roue de l'existence et l'on devrait y endurer toutes sortes de souffrances.

"En désirant sa propre supériorité, on s'attire les mauvais états, la solitude et la bêtise; en reportant ce même désir sur autrui, on obtiendra le bonheur des états supérieurs. Si je me sers d'autrui pour mes propres fins, je me retrouverai un jour dans une position inférieure de serviteur ou autre; si je me mets au service des autres, je deviendrai un jour seigneur ou autre." (sPyod 'Jug)

Si l'on ne maîtrise pas immédiatement cet immense souci exclusif de soi-même, grâce à une forte vigilance, comment pourrait-on envisager d'obtenir libération et omniscience? On ne pourrait même pas réussir à réaliser les objectifs de cette vie. Quelles que soient les personnes à qui l'on ait à faire, que ce soit des instructeurs, des amis ou des proches, le temps se passe à des disputes sur le rang, le siège, la nourriture et finalement, sur des questions de supériorité ou d'infériorité. Toute la durée de cette vie humaine, aucun de mes désirs ne se réalisera et au contraire, toutes sortes de malheurs m'arriveront, sans que personne ne vienne me consoler. En bref, toute infortune ayant pour source ce souci exclusif de soi-même, il faut le considérer comme un ennemi et lui attribuer toutes les fautes d'autrui, parvenant ainsi à détruire cet ennemi redoutable. Comme tous les bienfaits et bonheurs surviennent en s'appuyant sur les êtres vivants, il faut donc les regarder comme ses proches. Si l'on acquiert le désir de donner tout son bonheur et ses vertus aux êtres vivants qui ont été mon père et ma mère, alors toutes les vertus que l'on accomplira, comme celle de garder la discipline éthique ou la triple activité de l'étude, de la réflexion et de la méditation, etc... deviendront cause de l'éveil. S'il en était autrement, et quelles que soient les qualités d'érudition, de discipline et de noblesse que l'on s'enorgueillisse de posséder, et même si l'on s'efforçait réellement à la vertu, un tel Dharma ne pouvant servir d'antidote au souci exclusif de soi-même, ne permettrait pas de se détacher de la roue de l'existence. C'est pourquoi il est très important que les pratiquants du Dharma connaissent ce point.

Si l'on pense maintenant que prenant sur soi la souffrance d'autrui, on ne va pas pouvoir en supporter le fardeau et par conséquent, on sera incapable de pratiquer cette méditation de l'échange entre soi et autrui, on est dans l'erreur. En effet, c'est le pouvoir de cet esprit du bien qui médite de cette façon, qui va permettre d'apaiser la souffrance d'autrui, mais cette même souffrance ne va pas grandir en moi. Non seulement, elle ne va pas grandir mais sous l'effet de l'habitude d'une telle méditation, on va pouvoir se débarrasser de ce souci exclusif de soi-même. On deviendra ainsi capable, si le bien d'autrui est en jeu, de donner sans même y penser, sa tête, ses jambes ou ses bras, c'est à dire d'accomplir peu à peu les actions d'un Bodhisattva, vastes comme l'océan. Ce faisant, on obtiendra l'état de Bouddha parfaitement accompli.

"Ainsi il convient de s'engager totalement dans l'action en vue du bien d'autrui. Comme les paroles du puissant sont véridiques, on constatera plus tard les qualités obtenues. (sPyod 'Jug)

Comme le Bouddha parfaitement accompli ne ment jamais, c'est l'accomplissement du bien d'autrui qui permet d'accomplir son propre bien. Ainsi, il faut penser que j'ai bien trop tardé à méditer cet esprit d'éveil de l'échange entre moi et autrui, et que si je l'avais médité plus tôt, je serais maintenant devenu Bouddha et ne jouirais plus que du bonheur sans devoir endurer les souffrances qui m'affligent encore. Appliquez-vous donc à cette méditation. Le sPyod 'Jug dit encore:

"Si tu avais agi ainsi beaucoup plus tôt, le parfait accomplissement de la bouddhéité serait tien et les conditions présentes d'infortune n'existeraient pas."

A ce moment de la transmission de l'enseignement, il sera bon de rapporter quelques histoires des vies antérieures du Bouddha comme lorsqu'il était conducteur de charrette dans les enfers ou les récits de la fille de mZa' bo, etc...
En ce qui concerne la mise en pratique, le même texte explique:

"Afin de soulager ma propre peine ainsi que les douleurs d'autrui, je dois me donner aux autres et considérer autrui comme s'il s'agissait de moi-même."

Me représentant tout d'abord ma propre mère, je réfléchis de la manière suivante: Ma mère m'a protégé du malheur et m'a comblé de nombreux bienfaits; il me faut donc moi aussi la protéger de ce malheur et lui rendre ses bienfaits. Qu'est-ce qui fait du mal à ma mère? C'est la souffrance qu'elle endure actuellement et les causes de celle-ci qui continueront à lui nuire au cours de ses existences. Je vais donc les prendre sur moi toutes les deux.
On imagine alors que la souffrance de ma mère et sa cause se reportent toutes deux sans exception sur moi et on développe la joie à cette perspective. Ce faisant, je pense avoir extirpé à sa racine le souci exclusif de moi-même.

On poursuit: Ce qui ferait le bien de ma mère serait de jouir actuellement du bonheur et des vertus qui sont la cause de la persistance du bonheur. Je vais donc les lui donner;
Je m'imagine donnant à ma mère tout mon bonheur et toutes mes vertus, sans me soucier de mes désirs propres, son corps et son esprit jouissent alors aussitôt du bonheur, et désormais, elle possède la vertu cause de son bonheur futur. On développe un esprit de joie à cette perspective.

Il faut ensuite méditer de la même façon à l'égard des autres êtres vivants.

Comment y réfléchir? Me représentant tout d'abord ma mère actuelle, je pense: Hélas, ma mère qui m'est toute dévouée et qui m'aime tant, m'a donné ce corps particulièrement approprié à la réalisation de l'éveil; elle m'a protégé de toutes sortes de malheurs et de craintes tout en me comblant de bienfaits innombrables. Ce n'est pas seulement dans cette vie qu'elle a agi ainsi, mais dans toutes les nombreuses autres où, m'ayant servi de mère, elle m'a pareillement comblé de ses bontés. Quelle pitié que de la voir maintenant errer au sein de la roue de l'existence, malgré son dévouement inlassable à mon égard. Je vais donc m'efforcer d'obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli et omniscient pour le bien de ma mère. Si je ne suis pas plus tôt devenu Bouddha, c'est que j'ai abandonné le souci de ma mère dévouée et que je me suis exclusivement préoccupé de moi-même. Désormais dans cette courte vie, je vais maîtriser ce féroce souci exclusif de moi-même, et rejeter toute action pour son service et sa puissance. C'est par le Dharma que je m'en vais répondre aux bontés de ma mère. Comme c'est la souffrance et sa cause, qui lui nuisent, je vais les prendre toutes deux sur moi.

Tout en prononçant les paroles: "puissent toute la souffrance de ma mère dévouée ainsi que ses causes de non-vertu, porter fruit en moi!" on imagine que cette souffrance ainsi que sa cause se détachent d'elle sous forme de lambeaux noirs, comme l'action du rasoir détachant le cuir (d'une dépouille animale), et qu'elle s'absorbe au centre de mon coeur. Il faut longuement méditer avec joie dans cette perspective. J'imagine que cette pratique fait disparaître entièrement du sein de mon continuum mental, l'illusion de ce féroce souci exclusif de soi-même, pareille à l'illusion prenant une corde rayée pour un serpent. Il disparaît ainsi arraché à sa racine.

Ce qui ferait le bien de ma mère serait la possession du bonheur et de ses causes. En conséquence, je vais lui donner tout mon bonheur et mes vertus. Dans cette pensée, on prononce les paroles: "Puissent tout le bonheur de mon continuum mental et sa cause de vertu, porter fruit en ma mère!
J'imagine alors que tous mes bonheurs et vertus sortent de mon coeur comme un lever de soleil et sont transférés sur ma mère. Alors qu'elle en jouit, elle se sent immédiatement heureuse et, comme elle réunit toutes les conditions favorables à la pratique du Dharma , je médite qu'elle accroit ainsi sa vertu et devient capable d'obtenir l'état de Bouddha. Je réfléchis longuement à ce que serait ma joie si ceci se produisait. Ayant ainsi longuement médité du fond du coeur sur ces deux pratiques du don (de son bonheur) et de la prise sur soi (du malheur d'autrui), lorsque la visualisation acquiert une certaine clarté, il faudra répéter les paroles suivantes tout en gardant constamment une visualisation très claire: "Puisse la souffrance des êtres qui ont été ma mère porter fruit en moi; puisse ma vertu procurer le bonheur à tous ces êtres!" La première moitié de ces paroles se réfère à la prise sur soi (de la souffrance) tandis que la deuxième partie se réfère au don (de son bonheur).
Puis, du fond du coeur, j'émets la pensée suivante: "Après que ma mère jouisse ainsi du bonheur et de sa cause et qu'elle soit libérée de la souffrance et de sa cause, puisse-t-elle rapidement obtenir l'état de Bouddha."

On étend ensuite cette méditation d'abord à son propre père et aux autres proches, puis aux autres êtres dans les six états d'existence en méditant séparément pour chacun des six groupes et on se sent ému de compassion à la pensée que, contrairement à leurs désirs, ils doivent endurer toutes ces souffrances. Comme tout à l'heure, je penserai donc que pour leur bien, il me faut obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli et omniscient. J'accomplirai à leur égard la visualisation du don et de la prise sur soi. Finalement, on réfléchira longuement avec compassion, que bien qu'en vérité ultime, les êtres vivants, bénéficiaires de la pratique de l'échange entre soi et autrui, l'acteur de la pratique, c'est à dire soi-même, et l'objet de l'échange, c'est à dire le bonheur et la souffrance, avec ce souci exclusif de soi-même, bien que ces trois là soient dépourvus de toute réalité ultime, sous l'effet d'un esprit plongé dans l'illusion de la vérité relative, on a pourtant le malheur d'en expérimenter la vision dénuée d'essence. On pensera alors qu'il faut rapidement obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli et omniscient, pour le bien de tous ces êtres. Puis l'on dédiera le bienfait de cette vertu.

Dans toutes les activités, également, il me faudra penser à garder l'esprit d'éveil dans lequel autrui m'est plus cher que moi-même et le renforcer en l'exprimant de la manière suivante: "Puissent toutes les souffrances des êtres mûrir sur moi; puisse ma vertu leur procurer à tous le bonheur!" Je m'efforcerai à ce que tous les actes de mes trois portes soient bénéfiques aux autres. Lorsque naîtra un esprit uniquement préoccupé de mon bien propre, je devrai penser au sens des paroles du sPyod 'Jug, afin d'éviter de tomber sous le pouvoir de l'égoïsme:

"Voilà celui qui t'a fait du mal des centaines et des milliers de fois au sein de la roue de l'existence; te remémorant maintenant qu'il est ton ennemi, emploie toi à vaincre la pensée de ton bien égoïste."

A certaines occasions, lorsque le corps tombera malade ou que l'esprit sera affligé de souffrances insupportables, on pourra réfléchir de la manière suivante, afin de transformer ces souffrances pour qu'elles deviennent bénéfiques à la pratique: "Il y a de par le monde beaucoup d'êtres qui sont comme moi, malades ou qui souffrent terriblement. Quelle pitié que de les voir ainsi souffrir contrairement à tous leurs désirs. Puissent toutes ces souffrances porter leurs fruits dans ma souffrance actuelle." On méditera donc de la même manière que précédemment indiqué.

De la même façon, je penserai avec compassion aux êtres des enfers qui, contrairement à tous leurs désirs, doivent endurer ces terribles souffrances d'un froid et d'une chaleur extrêmes. Comme tout à l'heure, je souhaiterai: "Puissent toutes leurs souffrances de froid et de chaleur porter leurs fruits dans ma souffrance actuelle!"

De manière analogue, on pratiquera avec force la visualisation de la prise sur soi et du don, à l'égard de chacun des six états d'existence. On pensera ainsi: "Si mon corps n'avait pas eu cette maladie ou si mon esprit n'avait pas ressenti cette souffrance, j'aurais continué à me laisser distraire par les actes et les préoccupations de cette seule vie. Fou d'orgueil et d'arrogance, je n'aurais ressenti aucune lassitude de l'existence dans la roue et je ne me serais pas occupé du bien et du mal à suivre ou à rejeter. C'est cette maladie et cette souffrance qui me poussent maintenant à me tourner vers les lieux de refuge et vers le Dharma, qui m'incitent au dégoût (du monde) et à sa lassitude, et qui me permettent de faire mûrir ici de nombreux actes qui auraient autrement porté leurs fruits dans la souffrance des enfers lors d'existences futures. Si l'on procède de cette manière, même la maladie ou la souffrance peuvent devenir une voie pour l'éveil.

"Autrement, les vertus de la souffrance sont la naissance d'un esprit que le monde chagrine et par là-même, l'anéantissement de l'orgueil. Elle fait naître la compassion à l'égard des êtres au sein de la roue de l'existence, fait éviter le mal et aimer la vertu." (sPyod 'Jug)

Si l'on est en proie à l'attaque d'esprits nuisibles (gDon), on méditera de la façon suivante: "Cet esprit m'a servi de mère durant nombre de mes existences au cours desquelles il m'a comblé de ses bienfaits et protégé du malheur. Encore maintenant, alors que mon corps, ma parole et mon esprit oublient la vertu sous l'emprise de la distraction, c'est lui qui incite mes trois portes à se tourner vers la vertu, continuant ainsi à me manifester ses bontés. Pourtant, sous l'emprise de l'ignorance, je le considère comme un ennemi et ceci n'est pas bien. Désormais, je m'en vais répondre à ses bienfaits par le saint Dharma. Ce qui lui serait bénéfique serait la jouissance du bonheur et de sa cause, ainsi que la délivrance de la souffrance et de sa cause. Puisse donc sa souffrance avec sa cause porter fruit en moi!" Ce faisant, même l'attaque d'un esprit nuisible peut contribuer à l'éveil.

"En se voyant soi-même comme plein de fautes et autrui comme un océan de qualités, on méditera sur le total abandon (du souci exclusif) de soi-même et sur la prise (du souci) d'autrui." (sPyod 'Jug)

Si survient le souvenir insupportable du mal causé par autrui tel qu'un ennemi ou autre, comme on l'a dit tout à l'heure lors de la méditation de l'amour et de la compassion, il faudra penser que celui qui me fait du mal maintenant, a été ma mère dans nombre de mes existences et m'a ainsi comblé de ses bontés. Encore maintenant, il m'est une aide pour vaincre la vanité et l'orgueil. Il m'est donc bénéfique. Dans le désir de répondre à ses bienfaits, il faudra méditer cette double pratique de la prise sur soi et du don. On peut aussi réfléchir que cet ennemi comme cet esprit nuisible, ayant été ma mère durant de nombreuses existences, m'ont comblé de leurs bienfaits et protégé du malheur. Quelle pitié que de les voir maintenant me faire du mal, sous l'emprise de l'illusion. C'est dans ces dispositions d'esprit que l'on doit pratiquer la prise sur soi et le don. Ce faisant, les mauvaises conditions elles-même deviennent une voie vers l'éveil. Le même texte dit encore:

"Ainsi, (cet ennemi) est comme un trésor apparaissant sans effort dans ma maison; comme il m'aide dans la pratique de la voie du Bodhisattva, je dois l'aimer."

c) L'entraînement à ce comportement:

Ce point comporte lui-même trois étapes: l'entraînement à la conduite générale d'un Bodhisattva, l'entraînement dans les six Vertus Parfaites (Paramitas) afin de mûrir soi-même, et l'entraînement dans les quatre étapes du rassemblement, afin de faire mûrir autrui.





- L'entraînement à la conduite générale d'un Bodhisattva:

"Afin de réaliser le bien de tous les êtres vivants, je donne sans regret mon corps, mes possessions et toutes mes vertus accumulées au cours des trois temps (passé, présent et futur). Ce faisant, je transcende la souffrance et mon esprit atteint le Nirvana (Au-delà de la Souffrance). Puisqu'il faudra tout abandonner un jour, il est préférable de le faire (dès maintenant) pour le profit des êtres vivants." (sPyod 'Jug)

Selon ce conseil, on développe le désir de donner à tous les êtres vivants qui ont été mes parents, mon corps, mes richesses et toutes les vertus que j'ai pu accumuler au cours des trois temps. En même temps je pense: "Grâce à ce don, puisse chacun de ces êtres obtenir l'inépuisable jouissance des richesses qu'il désire." Je dois aussi m'efforcer réellement à faire le bonheur d'autrui et à le soulager de la souffrance, dans la limite de mes capacités et utiliser ce que je possède pour le bien d'autrui.

Au début, je m'entraînerai à des dons modestes, puis peu à peu leur importance grandira. Ce faisant, progressivement sous la force de l'habitude acquise, je deviendrai capable de renoncer à mon fils, à ma femme, à mon corps ou à ma vie, etc...
"Au début, notre guide prescrit le don de légumes ou autres. En s'accoutumant à cette pratique, plus tard, on devient peu à peu capable de donner même sa propre chair. En effet, si l'esprit en vient à considérer le corps à l'instar d'un légume, quel problème alors que de donner sa propre chair?" (sPyod 'Jug)

- L'entraînement dans les six Paramitas, afin de développer sa propre maturité spirituelle:
Ce développement comporte lui-même trois points: les caractéristiques des six Paramitas, la manière de les accomplir et les bienfaits de cette pratique.

Les caractéristiques des six Paramitas:

la caractéristique définissant la Perfection du don est le don à autrui de tous les objets que l'on possède, qui est un moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction (c'est à dire à la libération).

Il convient de décrire de manière analogue, chacune des cinq Paramitas suivantes.

La discipline éthique est le rejet des fautes qui nuisent à autrui, et c'est un moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction.

La patience est la faculté de garder un esprit non affecté par le mal que lui fait autrui, et ceci est un moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction.

La diligence est un esprit réjoui par la vertu, moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction.

La méditation est la ferme concentration sur le seul point de la visualisation de vertu, moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction.

La sagesse est l'analyse des phénomènes, moyen pour parvenir au-delà des rives de l'existence et de l'extinction.

Il est dit dans le Rin Chen Phreng ba:

"Le don est l'abandon de toutes ses richesses, la discipline éthique fait le bien d'autrui, la patience est le rejet de la colère, la diligence réside dans le maintien de la vertu, la méditation est la ferme concentration libre de toute mauvaise pulsion, et la sagesse est l'affirmation du sens de la vérité."

La manière de les accomplir:

Afin de les accomplir, il convient de produire les quatre qualités, conditions nécessaires et favorables à la naissance des six Paramitas, et de rejeter les sept attachements qui font obstacle à leur naissance.

Les quatre qualités sont les suivantes:

- être libre des six conditions contraires aux Paramitas, à savoir, dans l'ordre, l'avarice, une conduite sans morale, la colère, la paresse, la distraction et une sagesse pervertie.

- la condition que chacune de ces Perfections soit accompagnée de l'aide que constitue la connaissance transcendante de non-conceptualisation.

- la condition d'un fruit qui comble entièrement les désirs d'autrui.

- la condition d'une action qui fait complètement mûrir autrui grâce aux trois véhicules. Il est dit dans le mDo sDe rGyan:

"La destruction des forces contraires au don, la possession de la connaissance transcendante de non-conceptualisation, l'accomplissement parfait de tous les désirs et la triple maturation des êtres vivants."

Les mêmes conditions s'appliquent aussi aux cinq autres Perfections, telle que la discipline éthique etc...

En ce qui concerne les sept attachements à rejeter:
Ils sont ainsi décrits dans le même Sutra:

"La pratique du don d'un Bodhisattva est le détachement, le non attachement et l'absence d'attachement, la liberté de l'attachement lui-même, le détachement, le non attachement et l'absence d'attachement."

Ces paroles s'appliquent à chacune des six Perfections et leur sens est qu'il faut rejeter les sept attachements, à savoir l'attachement à la condition contraire, c'est à dire l'avarice et les autres cinq (contraires à chacune des Perfections), l'attachement à toujours retarder (la pratique), l'attachement à se contenter (d'une petite pratique), l'attachement à une récompense, l'attachement à un fruit, l'attachement à l'inclination aux forces contraires, et l'attachement à la distraction.

Le Seigneur Sakya Pandita dit:

"Le sage rejettera les sept attachements au défaut qu'il faut éviter, au délai, au contentement, à la récompense, au fruit, à l'inclination et à la distraction."

Quels sont leurs bienfaits?

"Le don procure la richesse, la discipline procure le bonheur, la patience donne le rayonnement, la diligence produit la majesté, la méditation donne la paix et la sagesse procure la libération. Un esprit plein d'amour permet de réaliser tous les objectifs." (Rin Chen Phreng ba)

- L'entraînement dans les quatre étapes du rassemblement, dans le but de faire mûrir autrui:

Il est dit dans le sKyes Rabs:

"Appelant les êtres grâce au don, on prononce alors des discours engageants. Grâce à une conduite intentionnelle, on établit autrui dans la vigilance et on demeure dans une action en harmonie avec les discours."
En ce qui concerne le DON, il faut rejeter les trente deux sortes de dons impurs que décrit le Sutra de Drang Song rGyas pas Zhus pa'i mDo, tels que les dons faits dans une motivation impure afin d'obtenir une position importante dans cette vie, ou en vue d'une récompense ou d'un fruit, etc..., les dons faits envers des destinataires impurs tels que les riches, les rois, les prostituées, etc... alors qu'on écarte les êtres humbles dans le besoin, les dons d'objets impurs tels que de la viande, de la bière ou du bétail pour la boucherie, etc... Il convient au contraire, grâce à des dons purs, de rassembler des êtres en vue du Dharma.

Grâce à un DISCOURS ENGAGEANT qui comble les êtres, on s'emploie à révéler le saint Dharma en vue de faire mûrir autrui selon les capacités de compréhension de chacun.

L'ACTION INTENTIONNELLE consiste dans une action qui, grâce à des moyens habiles, s'emploie à faire mettre le sens du Dharma en pratique à des gens qui, bien qu'ayant déjà entendu le Dharma, n'avaient encore manifesté aucun désir de le mettre en pratique.

Quant à une ACTION HARMONIEUSE, il s'agit de s'engager soi-même avec application, à l'action vertueuse afin d'inciter autrui à s'y engager également. Il est dit dans le mDo sDe rGyan:

"Dans le don, l'enseignement approprié, l'effort pour faire mettre en pratique et l'exemple de la pratique que l'on montre soi-même, on prononce un discours plaisant, on agit intentionnellement et harmonieusement."

Comment réfléchir à cela? "Hélas, par le passé, non seulement je n'ai pu répondre aux bontés des êtres vivants qui ont été ma mère dévouée, par une réponse en accord avec le Dharma, mais, sous l'emprise du souci exclusif de moi-même, je me suis plu à toutes sortes d'actions éhontées dictées par la jalousie envers les supérieurs, le mépris envers les inférieurs et le désir de rivaliser avec les autres êtres. Ce faisant, j'ai dû errer sans fin au sein de la roue de l'existence, affligé de toutes sortes de souffrances. Désormais, abandonnant la seule préoccupation égoiste de mes intérêts, je m'en vais donner sans regret, mon corps, ma parole, mon esprit ainsi que toutes les vertus que j'ai accumulées au cours des trois temps, pour le bien et le bonheur de tous les êtres vivants qui ont un jour été mes parents. Ce faisant, puissent tous les êtres qui désirent de la nourriture en jouir, ceux qui désirent des vêtements en avoir, ceux qui désirent un abri ou des serviteurs trouver l'objet de leur désir. Que les malades trouvent le médecin, les remèdes et les infirmiers qu'il leur faut; que les miséreux découvrent un trésor inépuisable, que les êtres sans protection jouissent de l'aide d'un protecteur , que ceux qui n'ont pas de refuge en découvrent; que les voyageurs trouvent des guides, que ceux qui désirent traverser un fleuve obtiennent des bâteaux, des radeaux ou des ponts. En bref, puisse chacun jouir de la richesse inépuisable qu'il désire."

Comme j'ai déjà donné aux êtres vivants, mon corps et toutes mes possessions, je ne conserve plus désormais aucun droit de propriété sur eux. En conséquence, mon corps est désormais le bien des êtres vivants, et ce qu'ils en feront ne dépend que d'eux. Je m'efforcerai de retenir cette pensée si l'on venait à me tuer, à me critiquer, à me frapper, à me salir, me gêner ou me ridiculiser, etc...

"Comme les Bouddhas et leurs fils, grâce à leur résolution d'accomplir largement le bien d'autrui et le leur propre, ont mis en oeuvre l'immensité pareille à l'océan, des actes de la conduite d'un Bodhisattva, tels que les six Perfections et les quatre étapes du rassemblement, moi aussi, je vais m'efforcer de la manière correcte au grand rassemblement des Perfections depuis le don jusqu'à la sagesse. Je vais m'appliquer à l'accomplissement du don pur d'objets matériels et rassembler de dignes auditeurs du saint Dharma; le leur enseignant alors selon leurs capacités, je les inciterai à le mettre en pratique de manière juste et, et pour les y inviter, je me réjouis moi-même de montrer l'exemple de la pratique du saint Dharma vaste et profond." Je me réjouis dans de telles pensées.
Dans les intervalles entre sessions, on peut si on le désire, réciter les paroles tirées du sPyod 'Jug:

"Puisse la vertu que j'ai accumulée à travers toutes ces pratiques, permettre de dissiper les souffrances de tous les êtres vivants."

3) L'ESPRIT D'EVEIL DU SENS ULTIME, UNION INDISSOCIABLE DE LA STABILITE SEREINE ET DE LA VUE PENETRANTE

Bien que la plupart des textes utilisés diffèrent dans la manière de le méditer, on retrouve les mêmes sujets. Dans quelques textes anciens, on trouve ces paroles: "En ce qui regarde l'esprit d'éveil du sens ultime, il faut penser qu'il est sans égo, libre de toute substantialité ainsi que de la dualité sujet-objet."

Afin de méditer sur cela, on va expliquer l'essence véritable de l'esprit d'éveil du sens ultime, enseigner les vraies méthodes pour le produire dans le continuum mental, et comment il convient de les mettre en pratique.

a) Son essence véritable

Elle n'est pas la réalité ultime du soi ou de l'âme des non-bouddhistes, pas plus que les agrégats ou les sphères sensorielles en quoi croient les deux groupes d'Auditeurs (Hinayana), ni non plus l'ultime conscience de l'école Seulement l'Esprit (tib. Sems Tsam pa, skt. Cittamatra, du Mahayana), elle n'est aucune de ces conceptions saisissant une limite extrême. Il s'agit en réalité de la nature propre de l'esprit, racine de tous les phénomènes à la fois du Samsara et du Nirvana et qui est depuis toujours libre de manifestation. Le maître kLu sGrubs (Nagarjuna) a dit:

"L'esprit d'éveil des Bouddhas a pour caractéristique la vacuité qui n'est jamais obscurcie par les concepts d'un soi, d'agrégats ou d'une conscience."

Comme il est ainsi la racine de tout bonheur et de toute souffrance du Nirvana et du Samsara, si l'on en vient à la réalisation intérieure de sa véritable et ultime essence, on parvient simultanément à la compréhension du sens véritable et ultime de tous les phénomènes. Le maître Aryadéva dit:

"Une entité est l'essence de toutes les entités et cette entité a pour essence toutes les entités; celui qui acquiert la réalisation intérieure d'une seule entité, obtient aussi la réalisation simultanée de toutes les entités."



b) Les méthodes pour faire naître l'esprit d'éveil dans le continuum mental:

Il s'agit des deux pratiques de la stabilité sereine et de la vue pénétrante.

La stabilité sereine est l'apaisement de toutes les conceptualisations portant sur des caractéristiques, obtenue par la méthode de la fixation de l'esprit et ce faisant, le maintien de l'esprit dans son rayonnement propre.

La vue pénétrante consiste, une fois dissipés les voiles obscurcisseurs du sujet-objet et, alors qu'on distingue parfaitement et sans confusion la nature propre de tous les phénomènes, à pouvoir contempler le visage même de l'esprit primordial.

"Qu'est-ce que la stabilité sereine? C'est la concentration de l'esprit sur un seul point. Quant à la vue pénétrante, il s'agit de la parfaite réalisation de chacun (des phénomènes)." (dKon mChog sPrin ou Ratna megha)

Le Sutra mDo sDe rGyan dit aussi:

"Prenant appui sur la parfaite stabilité, l'esprit se fixe sur l'esprit et on analyse parfaitement les phénomènes. C'est pour cela qu'on nomme ces deux mouvements, stabilité sereine et vue pénétrante."

c) Mise en application de ces méthodes:

Il y a trois étapes: la méditation de la stabilité sereine, la méditation de la vue pénétrante et la méditation de leur union.





- LA STABILITE SEREINE

Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Sachant que la vue pénétrante munie de la stabilité sereine, peut totalement détruire les mauvaises pulsions, il faut d'abord rechercher la stabilité sereine et on ne peut la trouver que dans le détachement du monde."

Afin d'extirper à sa racine la pulsion de l'attachement à l'égo, la vue pénétrante est nécessaire, mais il faut la stabilité sereine pour pouvoir la produire. Comme l'isolement physique et mental sont nécessaires à la naissance de la stabilité sereine, il faudra d'abord commencer par rejeter toute préoccupation d'activité mondaine, telle que le travail de son champ, son commerce, et tout attachement envers les objets de plaisir extérieurs et envers des êtres vivants. Si l'on ne se détache pas de ces préoccupations, l'authentique Samadhi de la concentration sur un seul point ne pourra pas surgir.

En ce qui concerne les méfaits de l'attachement aux formations mentales, il est dit dans le Sutra de Lhag pa'i bSam pa bsKul ba'i mDo (Adhyasaya samcodana sutra):

"Si l'on répugne à obéir au Lama, et si l'on refuse de suivre son exemple, la discipline éthique sera rapidement brisée. De telles fautes proviennent de l'attachement aux actes. Si on est un chef de famille dont l'esprit est sans cesse préoccupé des activités liées à sa maisonnée , on sera toujours soucieux et on ne méditera pas ni ne se souciera de rejeter (les fautes..). De telles fautes proviennent de l'attachement aux actes."

En ce qui concerne les méfaits de l'attachement aux objets de plaisir, il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Dans ce monde et au-delà, les désirs sont la cause de toute perte. Ils provoquent la mort, entravent et déchirent dans cette vie; et ils sont cause d'un avenir dans les enfers."

Il convient aussi de se rappeler ici les vers du sPyod 'Jug déjà cités plus haut, concernant "les tourments subis à accumuler, garder (des richesses) et lorsqu'on les perd...".

Quant aux méfaits de l'attachement aux êtres, il est dit dans le même texte:

"Si l'on s'attache aux êtres, la vision de l'ultime pureté s'obscurcit complètement. Même l'esprit de chagrin du monde est détruit et finalement il faudra endurer une grande souffrance. Ne pensant qu'aux êtres chers, cette vie passe dépourvue de sens. Ces amis et ces proches impermanents parviennent à détruire même l'immuable Dharma. Si l'on agit à l'instar d'un être infantile, on peut être certain de tomber dans les mauvais états. Si cela conduit à une condition d'infortune, quel bien peut donc naître de l'association avec les êtres infantiles? En un instant ils deviennent amis et en moins de temps encore, ils se transforment en ennemis. Comme ils se mettent en colère contre ceux qu'ils aiment, il est difficile de plaire aux êtres ordinaires. Même si on prononce des paroles bienfaisantes, ils continuent à s'irriter et cela tend à m'éloignent de mon désir de bienfait. De plus, si l'on n'écoute pas leurs conseils, ils se mettent en colère et tombent alors dans les mauvais états. Ils sont jaloux des supérieurs, toujours désireux de rivaliser avec leurs égaux et méprisants des inférieurs, ils s'enorgueillissent de la louange et sont toujours prêts à la colère dès qu'ils entendent des paroles déplaisantes. Quand pourrait-on tirer un bénéfice de (l'association) avec les êtres infantiles? Si l'on s'associe avec eux, il est certain que toutes sortes de non-vertus en surgiront, telles que la louange envers soi-même, le dénigrement d'autrui et toutes sortes de discours sur les délices du Samsara."

Le vénéré Trapa Djialtsen dit aussi:

"Il faut méditer dans la solitude; si l'on s'associe avec des êtres infantiles, on n'obtiendra pas cette solitude. En conséquence, il convient de se montrer chagriné et circonspect à l'égard des êtres vivants. Ainsi obtiendra-t-on la solitude et le rejet des mauvais moyens d'existence."

De la même façon, il faut aussi rejeter tout esprit d'hostilité envers ses ennemis car il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Si l'on garde au coeur la douloureuse sensation de la haine, l'esprit ne pourra ressentir la paix. On sera privé de joie et de bonheur, on ne pourra trouver le sommeil et on ne sera plus digne de confiance. Même ceux qui s'appuient sur la bienveillance d'un maître qui leur prodigue richesse et reconnaissance, désirent sa mort s'il est haineux. La haine provoque le chagrin chez les proches et les amis et même si la générosité les attire, ils ne manifesteront aucune confiance. En bref, nul ne peut demeurer heureux dans la haine."

Il faut aussi se souvenir ici des citations évoquées lors de l'explication donnée plus haut sur les actes et leur rétribution.

Rejetant ainsi tout attachement envers les objets susceptibles de provoquer l'attachement ou la haine, on s'établit seul dans un ermitage, dans la montagne ou au milieu d'une forêt, afin de méditer le Samadhi.

"On s'en va habiter seul, l'esprit heureux et débarrassé de toutes les distractions, au milieu d'une forêt à l'aspect très plaisant et dépourvue de dangers." (sPyod 'Jug)

Il est dit aussi dans le même texte:

"Ayant réfléchi aux vertus de la solitude sous toutes sortes d'aspects, il faut apaiser toute conceptualisation et méditer sur l'esprit d'éveil."

Demeurant dans la solitude, afin de développer la stabilité sereine, il convient de reconnaître les cinq erreurs à rejeter et de prendre appui sur les huit dispositions mentales antidotes de ces erreurs. On recherchera la stabilité sereine au moyen des neuf méthodes pour fixer l'esprit.

Les cinq erreurs sont:

- la paresse d'un esprit qui ne s'applique pas à la vertu,

- même si l'on s'y applique, l'oubli de l'instruction concernant la méditation du Samadhi,

- même si on ne l'oublie pas, l'esprit s'obscurcit et devient peu clair ou bien on ressent torpeur ou indiscipline qui empêchent l'esprit de se fixer,

- même si l'on reconnaît ces états de torpeur ou d'indiscipline, on demeure dans la passivité sans rechercher l'antidote nécessaire à leur destruction,

- à cause d'une recherche trop forcée de l'antidote, l'esprit en proie à de nombreuses pensées, ne peut se fixer.

"La paresse, l'oubli de l'instruction, la torpeur et l'indiscipline, la passivité et l'hyperactivité mentale, telles sont les cinq erreurs." (dBus mTha' ou Madhyanta Vibhanga)

Les huit dispositions mentales antidotes:

- en ce qui concerne les antidotes de la paresse, première des erreurs à rejeter, elles sont au nombre de quatre, à savoir l'aspiration, la recherche diligente, la foi et la pureté. L'aspiration est la demeure du Samadhi, la recherche diligente est son habitant, la foi est la cause de l'aspiration et la pureté est le fruit de la recherche diligente. Parmi toutes , la recherche diligente est la plus importante car son sens étant celui de l'effort, il est évidemment indispensable pour rejeter la paresse.

"Etant ainsi patient, il faut développer l'effort diligent car ce n'est qu'en s'y efforçant que l'on peut parvenir à l'éveil. De même qu'il ne peut y avoir de mouvement sans air, de même il ne peut y avoir de mérite sans effort. L'effort est la joie à l'accomplissement de la vertu." (sPyod 'Jug)

Il est dit dans le même texte, en ce qui concerne les forces contraires à l'effort diligent:

"Quelles en sont les forces contraires? Il s'agit de la paresse, de l'attachement aux vices, de la nonchalance et du dénigrement de soi-même. Se complaisant dans l'oisiveté et le sommeil, la souffrance du Samsara ne sera pas ressentie et la paresse naîtra."

Rejetant ainsi les causes de la paresse, il faudra s'appliquer à la naissance du Samadhi, grâce à la réflexion sur les maux du Samsara, sur la difficulté d'obtenir les conditions favorables à la pratique et sur l'impermanence et la mort.

L'antidote à l'oubli de l'instruction est l'attention et la vigilance. Se remémorant les étapes de l'instruction essentielle pour méditer le Samadhi, et se les représentant à l'esprit, on évitera de les oublier grâce à la vigilance.

"Quelle que soit l'activité d'écoute, de réflexion et de méditation, si elle est accomplie sans vigilance, elle est alors comme de l'eau versée dans un vase percé et ne peut demeurer dans la conscience." (sPyod 'Jug)

En ce qui concerne les méfaits de la faillite à reconnaître la torpeur et l'indiscipline, comme il s'agit là de la condition principale empêchant le Samadhi, si on ne reconnaît pas ces deux états, on n'est pas capable non plus d'appliquer l'antidote contraire.

Même si on les reconnaît, encore faut-il aspirer à leur antidote car, même si on reconnaît un défaut et qu'on n'applique pas son antidote, les vertus ne pourront naître dans le continuum mental.

Si l'on a trop forcé dans l'exercice de la volonté et que l'esprit soit devenu trop agité, l'antidote à cette incapacité de se fixer sera de laisser la volonté dans l'équanimité. En effet, pareil à l'être avisé qui mesure ses paroles et à l'or qui est soigneusement pesé, demeurer dans le bon équilibre impartial permet la réalisation aisée de tous les objectifs désirés. Il est dit dans le dBus mTha' (concernant ces huit dispositions mentales antidotes):

"La demeure, ce qui l'habite, la cause, le fruit, le non oubli de l'instruction de méditation, la reconnaissance de la torpeur et de l'indiscipline, la volonté de les rejeter et le maintien de l'apaisement."

En ce qui concerne maintenant la vraie méthode pour fixer l'esprit, elle comporte neuf étapes qui sont:

l'établissement, l'établissement dans la durée, le rétablissement après distraction, l'établissement parfait, la maîtrise, l'apaisement, l'apaisement parfait, la concentration sur un seul point, l'établissement dans l'équanimité.

1- L'établissement:

Pour y parvenir, il faut quatre conditions: un support de méditation immobile, un corps immobile, des yeux qui ne cillent pas et une représentation claire du support de méditation.

En ce qui concerne la première de ces conditions, à savoir un support de méditation immobile, il est dit que dans un lieu isolé et très plaisant, il faut disposer comme support de visualisation, une belle représentation inspirante telle qu'une image des Bouddhas, etc... Il est dit dans le Ting Nge 'Dzin rGyal po:

"Demeurer l'esprit fixé sur la représentation d'une belle image du Seigneur des Mondes (Bouddha) dont le corps est pareil à l'or pur, s'appelle l'équilibre méditatif du Bodhisattva."

On peut aussi disposer devant soi, ni trop près ni trop loin et immobile, tout objet convenable tel qu'une fleur bleue ou une pièce de soie bleue.

En ce qui concerne la condition de l'immobilité du corps, il est dit dans le manuel de méditation bsGom Rim écrit par Kamalashila:

"Les yeux ne doivent être ni trop ouverts ni trop fermés, ils doivent se fixer sur la pointe du nez; il faut garder le corps droit et la conscience tournée vers l'intérieur; les deux épaules doivent être au même niveau et la tête ne doit être ni trop haute ni trop basse et ne pas pencher d'un côté déterminé; la pointe du nez se trouve ainsi alignée avec le nombril; les dents et les lèvres doivent se placer naturellement et la langue doit être gardée près des dents. Quant à la respiration, elle ne doit être ni bruyante, ni haletante, ni irrégulière. Il convient d'inspirer et d'expirer lentement, de manière naturelle et silencieuse."

Il faut donc demeurer sur un coussin de méditation, le corps droit, immobile et réunissant tous les points de la parfaite posture.

En ce qui concerne le non cillement des yeux, les globes oculaires doivent être à moitié recouverts par les paupières et se fixer peu ouverts, sans ciller, sur le support de la visualisation. Si des larmes ou autres survenaient, il faudrait les laisser couler librement sans les essuyer de la main. Si la douleur survient, l'esprit ne s'y attardera pas mais demeurera fermement fixé sur le support de la visualisation.

Quant à la forme claire de la visualisation, il s'agit, en évitant tout examen concernant ses défauts ou qualités, etc..., de faire surgir dans la conscience sans examen, la forme telle qu'elle est, de manière claire.

2- L'établissement dans la durée:

Comme un tel établissement ne dure pas longtemps au début, il s'agit de procéder à de courtes tentatives répétées fréquemment.

3- Le rétablissement après distraction:

Si la distraction survient, il faut la reconnaître comme telle et rétablir l'esprit sur l'objet de la méditation.

4- L'établissement parfait:

Afin de ne pas laisser errer l'esprit, il convient grâce à la vigilance, de le concentrer sur l'objet de la visualisation.

5- La maîtrise:

Grâce à la joie ressentie à l'égard des vertus du Samadhi, il s'agit, lorsque survient la torpeur ou l'indiscipline, de maîtriser l'esprit grâce à leur antidote.

6- L'apaisement:

Lorsque l'esprit ressent du mécontentement sous l'effet de circonstances telles que la distraction, etc..., il s'agit de l'apaiser en le rétablissant sur la visualisation.

7- L'apaisement parfait:

Lorsque surgissent des conditions contraires à la méditation, telles que des pensées d'envie, etc..., il convient à ce stade d'apaiser l'esprit en le rétablissant sur la visualisation.

8- La concentration sur un seul point:

Comme la méthode pour se débarrasser de la torpeur et de l'indiscipline est l'application mentale, si l'esprit est libre de distraction, on le laisse tel quel.

9- L'établissement dans l'équanimité:

Par l'habitude, et sans devoir exercer d'effort particulier, l'esprit s'établit naturellement en Samadhi. Jusqu'à la naissance de la félicité de l'accomplissement, on est en présence de la stabilité sereine de la concentration sur un seul point de l'esprit (de la sphère) du désir, puis après la naissance de la félicité, il s'agit de la stabilité sereine authentique appartenant aux terres de l'absorption méditative (sphère de la forme). Il est dit dans le mDo sDe rGyan:

"Ayant fixé son esprit sur l'objet de la méditation, l'esprit ne doit pas se laisser distraire d'y demeurer continuellement. Reconnaissant aussitôt la distraction, il faut le rétablir. Le sage s'efforcera toujours plus à concentrer l'esprit à l'intérieur. Puis, comme il verra ainsi les vertus (de la méditation), l'esprit se soumettra au Samadhi. Comme il verra les méfaits de la distraction, il s'en détournera et s'apaisera. Il apaisera de manière analogue la convoitise, le mécontentement etc..., quand ils surgiront. Puis (le méditant) avec les voeux, établira avec application mentale l'esprit en lui-même. Enfin, sous l'effet de l'habitude, l'esprit n'aura plus besoin de s'appliquer. Ensuite, lorsque le corps et l'esprit obtiennent un grand accomplissement, on déclare cette étape munie "de l'activation de l'esprit".
A chacune de ces neuf étapes, il convient de s'efforcer de rejeter les erreurs décrites plus haut et de développer les huit dispositions mentales antidotes. Parmi celles-ci, la plus importante des erreurs à rejeter est celle de la torpeur et de l'indiscipline qu'il faut reconnaître. Si on reconnaît de la torpeur, il faudra réduire la nourriture avant la méditation, s'assoir dans un endroit élevé, avoir des vêtements et un coussin de méditation minces et la récitation du refuge et des prières devra se faire d'une voix claire et forte. Il faut méditer le corps et l'esprit en éveil. Si on reconnaît de l'indiscipline mentale, il faut s'appliquer aux moyens contraires (aux précédents). Lorsque torpeur et indiscipline s'apaisent, il faut méditer en relaxant l'esprit.

Procédant de cette façon, tout d'abord va surgir un flot ininterrompu de pensées s'enchaînant les unes aux autres, que l'intelligence grossière n'est pas capable de mesurer. En fait, ce cours ininterrompu était déjà là avant, mais du fait d'un esprit qui ne demeurait pas dans la méditation, il restait ignoré. Le reconnaissant maintenant, on pourrait croire que les pensées sont encore plus nombreuses qu'auparavant et douter de la naissance de la méditation. Il s'agit là de la première expérience de reconnaissance des pensées discursives, étape dite semblable à l'eau d'une cascade de montagne abrupte.

Il convient alors de ne pas laisser tomber la méditation mais de poursuivre en s'efforçant à tout prix de rompre le cours des pensées discursives. On constatera alors qu'à la suite de moments d'enchaînement des pensées les unes aux autres, surgissent des moments où celles-ci s'apaisent. On pensera alors que le cours des pensées s'est rompu mais aussitôt après le sentiment contraire surgira avec le retour de celles-ci. Il s'agit là de la deuxième expérience du repos des pensées qu'on dit semblable à l'eau d'une gorge encaissée.

Poursuivant assidûment la méditation, au bout d'un moment, le cours des pensées se trouve renversé comme dans l'arrêt brutal de la respiration, et on se retrouve vide de toute pensée. Méditant alors avec une attention encore plus intense, on expérimente des moments où la conscience est très claire, suivis d'autres moments où revient le cours des pensées. Il s'agit là de la troisième expérience de fatigue des pensées dite semblable à l'eau d'un bassin collectant trois cours d'eau.

Poursuivant encore la méditation de cette façon, la plupart des pensées s'apaisent et l'esprit demeure comme se reposant dans la concentration sur un seul point. Dans cet état, dès que surgissent une ou deux pensées, elles s'apaisent aussitôt. Il s'agit là de la quatrième expérience où les pensées viennent par vagues, dite semblable aux vagues d'un océan.

Poursuivant encore la méditation précédente, le cours de toutes les pensées s'apaise et la concentration de l'esprit sur un seul point est produite, associée à la clarté du mental. Il s'agit de la cinquième expérience qui est celle de l'apaisement des pensées, dite semblable à l'eau d'un océan sans vagues. A ce moment le cours des pensées est interrompu et bien que l'esprit demeure spontanément concentré sur un seul point, si l'on n'obtient pas une éclatante clarté de la conscience, il s'agit là de la stabilité sereine ne faisant qu'étouffer les pensées. Il faut poursuivre la méditation jusqu'à ce que naisse la concentration de l'esprit sur un seul point accompagnée de la clarté de la conscience, pareille à la lueur de la lampe non troublée par le vent. Méditant de cette manière, lorsqu'apparaît une conscience très claire de l'objet de méditation, il faut alors cesser de regarder cet objet et tourner l'esprit vers l'intérieur en le fixant sur cette clarté de la conscience. Si torpeur ou indiscipline surviennent, il faut appliquer les méthodes pour leur destruction. On demeure ainsi relaxé et libre de toute quête dans cette clarté éclatante de la conscience.

Méditant de cette façon approfondie, si la méditation n'est pas bonne au début de la session et qu'elle s'améliore à la fin, c'est le signe qu'il faut resserrer son contrôle et méditer concentré sur un seul point. Après avoir ainsi resserré son contrôle, si l'esprit tend à s'échapper et répugne à demeurer fixé sur un seul point, ou bien que le corps et l'esprit ressentent de l'inconfort, c'est que la tension a été trop forte. Il faut alors méditer de manière plus détendue. On adoptera aussi une alimentation convenant à ses besoins, en quantité limitée de manière raisonnable. Il faudra reprendre des forces grâce à un repos convenable sans inverser le jour et la nuit (c'est à dire qu'il faut dormir la nuit et non le jour). Lorsqu'on se sent reposé, il faut s'appliquer à reprendre la méditation.

Comment réfléchir à cela? S'asseyant dans un lieu isolé sur un coussin de méditation, dans la posture de rNam Par sNang mDzad (skt. Vairocana), on commencera tout d'abord par prendre refuge, puis par la prière complémentaire et par le développement de l'esprit d'éveil. Hélas, depuis des existences immémoriales jusqu'à ce jour, mon esprit s'est laissé emporter par le vent de la conceptualisation et n'a suivi que ses impulsions du moment, sans être capable de demeurer même le temps d'un claquement de doigts, parfaitement concentré sur un objectif de vertu. C'est pourquoi je ne suis pas encore libéré de l'océan de la roue de l'existence et n'ai pas non plus le pouvoir de libérer autrui. Désormais, m'appuyant sur les instructions d'un maître de vertu, je m'en vais réaliser le bonheur de l'accomplissement du corps et de l'esprit. Demeurant dans la méditation du Samadhi de la parfaite concentration sur un seul point, je dois obtenir le grand éveil de la parfaite réalisation"

Evitant toute respiration saccadée, brutale ou bruyante, il faut compter mentalement vingt-et-une inspirations et expirations sans interruption. Gardant le corps et le souffle en équilibre, il faut pendant tout ce temps examiner quelles sont les pensées grossières surgissant à l'esprit. Si les pensées inspirées par le désir et l'attachement sont prédominantes, il faut les apaiser grâce à la méditation d'une forme repoussante ou autres moyens similaires. De manière analogue, la haine est contrée par l'amour et l'ignorance par la réflexion sur l'enchaînement des causes et des effets; la jalousie est contrée par la (méditation) de l'identité entre autrui et soi-même et l'orgueil par l'échange entre soi et autrui ou par la méditation sur la différence des tempéraments (des êtres). Ensuite, de nouveau, il convient d'examiner si le cours des pensées dictées par ces mauvaises pulsions persiste ou s'il s'est interrompu. Au cas où il persisterait, il faudrait appliquer la méditation de l'antidote correspondante. Sans laisser l'esprit tomber sous le pouvoir des mauvaises pulsions ou des préoccupations mondaines, afin de les détruire toutes, il faudra d'abord en se remémorant les instructions précédentes, forcer l'esprit à demeurer sur l'objet de la méditation, sans qu'il ne se laisse submerger ni par la torpeur ni par l'agitation. Si la tension est trop forte, l'esprit risque alors d'échapper à tout contrôle en devenant indiscipliné, et il convient de relâcher entre temps la tension sans pourtant risquer de perdre la vigilance et l'attention. Si on est trop relaxé cependant, on risque de tomber sous l'emprise de la torpeur. Finalement, il faut garder l'esprit dans son état naturel et l'établir avec clarté et sans forcer sur l'objet de la méditation. Les deux premières étapes concernent l'application de l'antidote à la torpeur et à l'indiscipline, tandis que la dernière décrit la manière de laisser l'application mentale dans l'équanimité lorsque torpeur et indiscipline se sont apaisées. Quelque soit le Samadhi médité, ces trois points sont très importants. Méditant ainsi, lorsque s'interrompt enfin le cours des pensées discursives, il faut demeurer longuement concentré dans l'état de clarté de la conscience. Lorsqu'on peut durablement garder cet état, on cesse alors de fixer le regard sur l'objet de la visualisation et on demeure dans la contemplation intense du clair rayonnement propre de l'esprit. Lorsque l'expérience intérieure de cette clarté s'établit, on s'y absorbe de manière relaxée. Sans s'occuper de suivre la trace du passé, ni de faire des plans pour l'avenir ou de réfléchir au présent, il faut détruire toute pensée bonne ou mauvaise, au fur et à mesure de son apparition. Il convient de demeurer détendu à l'intérieur tout en restant très attentif à l'extérieur.

Lorsqu'on termine la séance, il faut le faire en restant dans les meilleures dispositions par rapport à la méditation. Après avoir dédié le mérite (pour le bien des êtres), on prend du repos. Dans les intervalles entre séances également, il convient de ne pas rompre son isolement. Evitant toute cause de distraction, on se hâtera de reprendre la méditation. Au début, les séances seront courtes et nombreuses. Avec l'habitude, on augmentera peu à peu la durée des séances et il faudra continuer ainsi jusqu'à ce que l'on puisse demeurer jour et nuit dans un même Samadhi.

- MEDITATION DE LA VUE PENETRANTE

Ayant ainsi développé la stabilité sereine, le Bodhisattva qui a acquis la félicité de la concentration de l'esprit sur un seul point, doit s'efforcer ensuite à la méthode de production de la vue pénétrante, sagesse discriminante. En effet, ceci constitue le coeur de toutes les instructions énoncées dans les écrits du Puissant (Bouddha). Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"C'est en vue de la sagesse que le Puissant a énoncé toutes ces étapes. En conséquence, celui qui désire apaiser toutes les souffrances, produira la sagesse."

Si l'on est dépourvu de l'intelligence permettant de distinguer parfaitement les dharmas (les phénomènes), et quelque soit l'effort que l'on applique à la méditation de la vacuité ou à la pratique des moyens efficients tels que le don, etc..., on demeurera incapable d'extirper à sa racine la pulsion nuisible de l'attachement à l'égo. Il est dit dans le mDo sDud pa (Sancayagatha Sutra):

"Des millions d'hommes aveugles, ignorant tous le chemin, et sans guide, ne sauraient atteindre la cité. Si l'on est dépourvu de sagesse, les cinq autres Perfections étant alors comme dépourvues d'yeux, ne peuvent sans guide procurer l'éveil."

Il est dit dans le Chos mNgon pa mDzod:

"Si l'on ne distingue pas parfaitement tous les phénomènes, on est alors dépourvu des moyens nécessaires pour supprimer les mauvaises pulsions. Ce faisant, on doit errer dans cet océan de l'existence mondaine. C'est pourquoi le maître (le Bouddha) a enseigné la sagesse."

De la même manière, si l'on médite sur la vision de la vacuité et qu'elle ne soit pas accompagnée d'une large habileté dans la méthode, il est possible qu'on obtienne le seul éveil des Auditeurs ou des Bouddhas Solitaires, mais on n'obtiendra pas plus. Il est dit dans le mDo sDud pa:

"La seule sagesse sans méthode (= sans compassion), fait tomber chez les Auditeurs."

Le Sutra de 'Jam dPal rNam par 'Phrul pa'i mDo (Manjusri vikurvana sutra) dit aussi:

"C'est là l'oeuvre du démon si, comprenant la vacuité de chacun des divers phénomènes, on abandonne les êtres vivants. C'est aussi l'oeuvre du démon si, malgré la parfaite analyse de la sagesse, on reste attaché à l'objet de la grande compassion (= les êtres vivants)."

Le maître Saraha dit:

"La seule vacuité abandonnant la compassion n'est pas le chemin excellent. Et si l'on ne développe que la compassion, comment pouvoir se libérer de la roue de l'existence?"

De la même manière, la seule vacuité dépourvue de la réalisation de l'irréalité des deux types de "soi", de même que le seul pouvoir de stabilité de l'esprit dépourvu de la sagesse discriminante, ne permettent pas de trancher à sa racine la croyance en un soi et ne permettent donc pas de se libérer de la roue de l'existence. Il est dit dans le Ting Nge 'Dzin rGyal po:



"Bien que les êtres mondains méditent sur la vacuité, ils ne peuvent supprimer l'attachement (à la réalité) des objets. Au contraire, ce faisant, ils contribueront au renforcement des mauvaises pulsions, tout comme la méditation en Samadhi par Lhag sPyod (Udraka)."

Bien que Lhag sPyod méditât en Samadhi durant douze années, il finit pourtant par renaître sous la forme d'un chat. Le sPyod 'Jug dit aussi:

"Bien que (la conceptualisation) puisse cesser (un certain temps), elle renaît si l'esprit est dépourvu de (la réalisation) de la vacuité, comme dans le cas de l'esprit établi dans l'équanimité libre de perception. C'est pour cela qu'il faut méditer la vacuité."

Ainsi, afin d'obtenir la bouddhéité, la sagesse est comme la flèche, la compassion est comme l'arc et la personne habile à la méthode qui les met en action, est comme l'archer habile. La présence de ces trois éléments ensemble est indispensable à cette réalisation ultime.

"Ayant grâce à la sagesse, dissipé toute attirance vers un soi, l'être empli d'amour refuse l'apaisement (le Nirvana), par amour pour les êtres. Ainsi les êtres suprêmes, l'esprit sage et plein d'amour, en s'appuyant sur la méthode pour l'éveil, ne demeurent ni dans la roue de l'existence ni dans l'Au-delà de la Souffrance (Nirvana)." (rGyud bLa ma ou Uttara Tantra)

Il est également dit dans le bsLab bTus (Siksha samuccaya):

"Développer la vacuité avec la compassion pour fondement, est source de tout mérite pur."

Ainsi les êtres sages et avisés qui désirent leur propre bien, sans jamais se séparer de la méthode de la grande compassion, s'appliqueront aux moyens de faire naître la sagesse de la réalisation de l'irréalité des deux sortes de soi, sagesse qui est l'antidote à la souffrance ainsi qu'à sa cause.

"L'égoïsme, cause de la souffrance, prospère en raison de l'erreur au sujet du soi. Si l'on s'interroge sur la possibilité de s'en débarrasser, la meilleure méthode est la méditation de l'irréalité du soi." (sPyod 'Jug)

Afin d'affirmer et d'éclairer cela, nous évoquerons trois points: la reconnaissance de la clarté, l'établissement de l'esprit dans l'état libre de concepts extêmes et le développement de la certitude quant au caractère indicible.

- La reconnaissance de la clarté:

Tous les phénomènes extérieurs et intérieurs ne sont en fait que perceptions de l'esprit du sujet sous l'emprise de l'illusion, alors qu'il n'y a rien (en réalité). En fait, il n'y a pas la moindre substance de réalité. C'est ce dont il faut se convaincre. On pourrait faire l'objection suivante: "Il n'est pas vrai qu'ils soient irréels car les non-bouddhistes croient en l'existence d'un soi, auteur du bonheur et de la souffrance. En outre, cette existence d'un "soi" et d'un "sien" est communément acceptée par l'esprit inné de tous les êtres ordinaires." Il n'en est pourtant pas ainsi. S'il existait un soi qui soit l'objet saisi en tant que "moi", alors il faudrait se demander s'il s'agit là d'un nom, de mon corps ou de mon esprit. Il ne peut s'agir du premier de ces trois, car un nom est communément reconnu pour être une convention du langage, dépourvue de toute existence réelle. Il est dit dans un Sutra:

"Le nom est vide, n'étant (justement) qu'un nom. Les noms ne peuvent avoir de nom. Tous les dharmas (phénomènes) sont dépourvus de nom; pourtant, on en parle avec des noms."

Le corps n'est pas non plus le soi car si l'on en fait l'analyse, on ne le trouve (comme tel) nulle part. Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Le corps n'est ni les jambes, ni les mollets, ni les cuisses, ni la taille..... Ainsi, c'est par illusion et ignorance que l'esprit en vient faussement à prendre la main et les autres parties, pour le corps (lui-même). Il en va là comme d'une effigie que, sous l'effet d'un arrangement particulier de sa forme, on appellerait alors "homme".

Ainsi, si le corps lui-même est dépourvu d'existence, comment pourrait-il être le "soi"? Il est dit dans le même texte:

"Ni les dents, les cheveux ou les ongles, ne sont le "soi". Le "soi" n'est pas non plus les os ou le sang...."

L'esprit n'est pas non plus le "soi", car si l'on en fait l'analyse, on ne trouve nulle part d'esprit-en-soi. Le sPyod 'Jug dit:

"L'esprit ne demeure pas dans les organes, ni dans la forme ou le reste. Il ne demeure pas non plus entre eux. L'intérieur n'est pas l'esprit et l'extérieur ne l'est pas non plus. On ne peut non plus le trouver ailleurs."

Ainsi, si l'esprit lui-même n'existe pas, comment pourrait-il être le soi? Le même texte poursuit:

"Même les six consciences ne sont pas le soi... Ni l'esprit passé, ni l'esprit futur ne sont le soi, car ils n'existent pas. Et si l'on supposait que l'esprit présent soit le soi, de nouveau, ce dernier cesserait (d'exister) lorsque cet esprit disparaîtrait."

A ce sujet, il est dit aussi dans le Sutra de rGyal po 'Char Byed la gDams pa'i mDo:

"Le nom n'est pas le soi car ce n'est qu'une simple appellation. Le corps n'est pas le soi car la chair et les os ne sont qu'une collection d'éléments pareille à un mur extérieur. L'esprit n'est pas non plus le soi car il n'est pas un objet en soi."

Analysant et méditant de cette façon, il faut prendre conscience que ni le nom, ni le corps ni l'esprit ne sont le soi. Ce faisant, l'esprit les tenant pour le soi, disparaîtra.

Si le soi n'existe pas, quel est donc cet objet communément saisi en tant que "moi", par la pensée innée? Il ne s'agit là que de la conséquence de l'habitude de prendre cette collection des agrégats pour le "moi", et on considère ainsi sans raison un "moi", de même que l'on prend à tort une corde multicolore pour un serpent. Il n'existe donc pas de "moi"ou de "soi", objet de cette saisie. Ainsi, s'il n'y a pas de "soi", il ne peut non plus y avoir de "sien", et cette croyance en un "soi"et un "sien", racine de toutes les fautes, est donc une illusion. L'esprit investigateur qui obtient cette certitude, s'appliquera aux moyens pour éliminer cette vue d'un "soi". Le maître zLa ba (Chandrakirti) dit:

"Ayant compris que toutes les fautes des mauvaises pulsions apparaissaient à partir de la croyance dans les (composés) soumis à destruction, et ayant réalisé que le "soi" était l'objet (de cette vue), le yogui supprime (la croyance) en un soi."

Ainsi, tout comme il n'existe pas un "soi" des êtres, il faut, grâce aux écritures, à sa propre réflexion et grâce aux instructions de la lignée des Lamas, obtenir la certitude que n'existe pas non plus d'entité extérieure, objet (de la saisie sensorielle), et qui est ce que les deux groupes d'Auditeurs (Vaibhashika et Sautrantika) appellent le "soi des entités".

En ce qui concerne l'affirmation des écritures, il est dit dans le Sutra de 'Phags pa Sa bCu pa (Arya dashabhumi sutra):

"O, Fils des Bouddhas, les trois sphères ne sont qu'esprit."

Le Lang Kar gShegs pa (Lankavatara Sutra) dit:

"L'esprit troublé par les tendances mentales, croit en un objet de sa perception. Rien de tel n'existe et c'est l'esprit lui-même qui se trompe, croyant en une réalité extérieure."

Le Byang Chub Sems 'Grel (Bodhicitta vivarana) dit aussi:

"C'est sous forme d'un objet et d'un sujet que la conscience ressent les perceptions. A part la conscience, il n'existe aucune réalité extérieure."

Le Rigs pa Drug Cu pa (Yuktishashtika) dit:

"Les éléments et tout ce qui est enseigné (dans les traités) se résument dans la conscience. En comprenant cela, ils (ces objets extérieurs) disparaissent. Ne sont-ils donc pas faussement jugés?"

En ce qui concerne la manière d'acquérir la certitude grâce à l'exercice de la réflexion, on réfléchira ainsi: "Ces apparences extérieures ne sont pas vraies car l'on perçoit une chose existante comme non existante, une chose non existante comme existante, une chose unique comme multiple, et une chose multiple comme unique."

Comment donc vérifier les deux premières assertions? Une personne malade de la bile ne verra pas la conque blanche habituellement perçue comme existante, mais percevra une conque jaune inexistante.

En ce qui concerne l'assertion qu'une chose unique est perçue comme multiple, le même objet perçu comme une étendue d'eau par les humains, sera perçu comme un socle de fer en fusion par les êtres des enfers chauds; les êtres des enfers froids y verront une plaine neigeuse, les Prétas verront une étendue de pus et de sang, certains animaux y verront un liquide à boire tandis que d'autres y verront leur habitat; les Antidieux (Asuras) y verront une armure, les dieux de la sphère du désir verront du nectar, ceux de la sphère méditative y verront le Samadhi. Les êtres de la sphère de l'espace y verront l'espace, tandis que ceux de la conscience y verront cette dernière. Les êtres des sphères du néant y verront le néant et ceux qui ne croient ni en la réalité ni en l'irréalité y verront un objet qui n'est ni existant ni non existant.

Le Suprême Thogs Med (Asanga) dit:

"Puisque en fonction de l'espèce à laquelle ils appartiennent, les Prétas, les animaux, les humains, les dieux, etc... voient de manière différente un objet unique, il faut considérer que celui-ci est en réalité non existant."

"Qui a créé ce socle de fer en fusion? D'où proviennent ces montagnes de feu? Le Puissant (Bouddha) a dit que toutes (ces visions) viennent d'un esprit ayant fait le mal." (sPyod 'Jug)

Le même texte poursuit:

"Les formes et tout ce que l'on tient pour réel, sont communément réputés exister, mais aucune sagesse authentique ne peut prouver leur existence. Ils sont faux comme l'impureté et le reste faussement réputé pureté, etc..."

Il advient aussi qu'une chose multiple soit perçue comme unique, car une collection d'atomes multiples est perçue comme objet unique. On peut demander: "Pour autant que l'objet unique n'existe pas, est-ce que des atomes indivisibles existent?" Ils n'existent pas non plus car si on les examine par l'analyse en plaçant un atome au milieu et en l'entourant de six atomes dans chacune des six directions, on ne peut plus parler d'atomes indivisibles. Il est dit à ce sujet dans le Nyi Shu pa (Vimshaka):

"Lorsque six atomes se lient entre eux, le plus petit atome comprend alors six constituants. Bien que chacun d'entre eux existe indépendamment, ils deviennent pourtant une masse ou une molécule. Si ces atomes ne pouvaient se lier, comment leur rassemblement existerait-il?"

La réalisation s'établit aussi grâce aux instructions. Dans toutes les instructions profondes laissées par la lignée des nobles érudits et sages de l'Inde et du Tibet, il est toujours dit que toutes les apparences extérieures, bien que n'existant pas, sont néanmoins perçues. On peut aussi comprendre cette vérité grâce à l'expérience, comme dans l'exemple suivant. Il est dit qu'un grand pratiquant de cet enseignement de la Voie incluant Son Fruit, eut un jour une sensation de soif du fait de son action sur les canaux et les vents (de son corps). Se rendant pour boire près d'une jatte d'eau, puis d'une source et enfin près du fleuve, il les trouva tous asséchés. Le doute se levant dans son esprit, il laissa sa robe sur l'autre rive et s'en retourna s'assoir sur son siège. Le lendemain, alors que sa sensation de soif s'était apaisée, il se rendit dans les mêmes lieux et dut constater que l'eau était bien là partout. Il dut même emprunter un bateau pour aller récupérer sa robe. .
Si l'on se demande alors comment il se fait qu'apparaissent toutes ces diverses perceptions, c'est en fait sous l'effet de la formation des tendances dans un esprit sous l'emprise de l'illusion, qu'elles apparaissent. Il en va comme des perceptions dans un rêve. Il est dit dans le Ting Nge 'Dzin rGyal po:

"Comme les gens qui, chez eux, rêvent qu'ils jouissent des objets de plaisir et qui, au réveil, se trouvent privés de ce plaisir, comprenant par là-même qu'il ne s'agissait que d'un rêve, de la même façon, toutes les choses qui sont vues, entendues, touchées ou connues, sont irréelles comme dans un rêve."

Si l'on objecte: "Quelque soit la force de ces tendances mentales, elles ne sauraient pourtant être aussi solides et durables." Pourtant, elles le sont. Il est dit dans le Sutra de 'Jam dPal rNam par 'Phrul pa'i mDo:

"Le Fils des dieux Padma rNam par Rol pa interrogea 'Jam dPal (Manjushri): "'Jam dPal, comment faut-il regarder ces apparences extérieures?" 'Jam dPal répondit: "Il faut les regarder comme provenant du pouvoir des tendances (impressions) mentales dans un esprit conceptualisateur." Le Fils des dieux poursuivit: "Comment est-il possible que des impressions mentales soient perçues sous une forme aussi solide et durable (que les apparences extérieures)?" 'Jam dPal répondit: "Elles sont pourtant perçues comme telles. Un exemple l'illustrant est ce cas d'un Brahmane de la ville de Varanasi, qui, se prenant pour un tigre, avait fait fuire les habitants apeurés sous l'emprise de la même illusion, vidant ainsi la ville de ses habitants."

Il est dit également dans le Tshad ma Rigs pa'i gTer:

"En fait, les apparences ne sont que le mental lui-même; elles n'ont pas de réalité extérieure. C'est en fonction de la plus ou moins grande solidité des impressions mentales que certains (objets) de la perception sont qualifiés de réels ou d'irréels."

Si ces objets extérieurs sont dépourvus de réalité, l'esprit qui les perçoit comme réels, est-il au moins lui, réel comme le pense l'école des Sakaravadin (Tib. rNam bDen pa)? Il ne l'est pas non plus. Comme l'a dit le maître dByig gNyen (Vasubandhu):

"S'il n'y a pas d'objet à saisir, il n'y a pas non plus de sujet le saisissant."

Chos Kyi Grags pa (Dharmakirti) dit également:

"Ni l'expérience d'une conscience sans objet, ni celle d'un objet sans conscience, ne sont possibles. Il faut donc en déduire que ces deux éléments ne sont pas différents."

"En bref, comprenez que tout comme il n'existe pas d'objet à connaître, il n'y a pas non plus d'esprit." ('Jug pa)

Du fait même qu'il n'y a pas d'objet à saisir, il ne peut y avoir d'esprit le connaissant. La raison en est que sujet et objet sont mutuellement dépendants et cette dépendance mutuelle est la raison même de leur irréalité (ultime). Il est dit dans le 'Jug pa:

"Les êtres saints proclament que toute existence mutuellement interdépendante, est en fait dépourvue de réalité."

Ainsi, il faut comprendre que c'est sous l'effet d'une habitude de la perception dualiste, acquise depuis un temps immémorial, que l'on en vient à cette perception d'un objet et d'un sujet, là où en fait, il n'y a rien de tel.

C'est donc cette conscience vide des deux sujet et objet, cette conscience qui ne connaît et n'éclaire qu'elle-même, pareille à une sphère de cristal transparente, que le puissant yogui (Birwapa) nomme clarté, caractéristique de l'esprit. Dans les enseignements appartenant à la dernière mise en mouvement de la Roue de la Loi par le Bouddha, on l'appelle aussi espace du Dharma (skt. Dharmadhatu).

"Cet espace éternel est le substrat de tous les phénomènes. C'est parce qu'il existe qu'apparaissent êtres vivants et Nirvana." (Chos mNgon pa'i mDo ou Abidharma sutra)

Le mDo sDe rGyan dit aussi:

"L'esprit ayant compris que rien n'existait en dehors de l'esprit, réalise ensuite que l'esprit également est irréel. Le sage, ayant compris l'inexistence des deux, demeure alors dans l'Espace du Dharma libre de ces concepts."

L'Espace du Dharma se dit Dharmadhatu en sanscrit. Le terme Dhatu a plusieurs sens; il peut signifier "cause" ou "espace" ou "sphère". Ici, il a le sens de cause. Il s'agit de la part de clarté cognitive de la conscience qui est la cause de l'apparition de tous les dharmas (phénomènes) du Samsara et du Nirvana. Et c'est la "conscience substrat universel" (tib. Kun gZhi'i rNam par Shes pa ou skt. Alaya Vijnyana). Le rDo rJe Gur (Vajrapanjara) dit à ce sujet:

"L'espace du Dharma est apaisement suprême; on l'appelle le très précieux esprit. Il dispense tous les fruits désirés et est la nature propre de l'esprit-même."

Cet espace du Dharma est aussi connu en tant que claire lumière de la nature propre de l'esprit.

"Quant à l'esprit, il n'existe pas d'esprit, mais la nature propre de l'esprit est claire lumière." (brGyad sTong pa ou Ashtasahashrika Prajnyaparamita Sutra)

Si l'on connaît la nature propre de l'esprit, on connaît aussi la nature propre de tous les dharmas du Samsara et du Nirvana. Il est dit dans le rNam sNang mNgon Byang (Vairocana abhisambodhi):

"Les Victorieux proclament que le Samadhi de tous les Bouddhas est la vacuité. Celui-ci ne s'obtient que par la connaissance complète de l'esprit, et pas autrement."

Le dKon mChog sPrin (Ratna megha sutra) dit:

"L'esprit précède tous les phénomènes. Si l'on connaît totalement l'esprit, on connaît aussi complètement tous les phénomènes."

Le Doha mDzod (Doha kosha) dit:

"L'esprit seul est la semence de toute chose. Je me prosterne devant l'esprit d'où proviennent et l'existence et le Nirvana, qui dispense tous les fruits désirés, pareil au joyau exauçant les souhaits."

Sachant donc que c'est mon propre esprit ne connaissant et n'éclairant que lui-même, qui est la racine de tous les bonheurs et de toutes les souffrances du Nirvana et du Samsara, je ne dois jamais me séparer de la certitude que toutes ces diverses apparences d'objet et de sujet, apparues du fait d'un esprit sous le pouvoir de l'illusion, sont de par leur nature propre, dénuées de toute réalité. Demeurant dans cette réalisation, il faut longuement contempler le rayonnement propre de la claire apparence de l'esprit cognitif. Si apparaissent des pensées, il faut les détruire au fur et à mesure de leur apparition et redoubler l'acuité de l'esprit cognitif dans la clarté. On ressentira alors l'expérience particulière de la clarté de l'esprit et le résultat sera la naissance d'une vigilance et attention particulièrement claires.

Les étapes de la méditation sur la vérité ultime sont partagées jusqu'ici avec l'école du Yogacarya (tib. rNal 'Byor sPyod pa). Il est dit dans le Ye Shes sNying po kun las bTus (Jnyanasara Samuccaya):

"L'océan des traités des Paramitas (Mahayana) des Yogacarya proclame l'existence ultime d'une conscience libre de sujet et d'objet."

- L'établissement de l'esprit dans l'état libre de concepts extrêmes

Il n'est pas exact que, comme le croit l'une des branches de l'école Yogacarya appelée rNam rDzun pa en tibétain, cette conscience libre de sujet et d'objet existe réellement. En effet, puisque les deux objets qu'elle réfute, à savoir le sujet et l'objet, sont dénués d'existence réelle, la conscience libre des deux qui les réfute est en conséquence elle-même dénuée de réalité. Si elle existait, qui aurait conscience de son existence? On pourrait penser que l'expérience de son existence suffise à prouver sa réalité mais la conscience ne peut être à la fois en même temps sujet connaisseur et objet connu, tout comme la lame de l'épée ne peut elle-même se trancher ou la flamme d'une lampe elle-même s'éclairer. Le sPyod 'Jug dit à ce sujet:

"L'esprit est comme le tranchant de l'épée qui ne peut se trancher lui-même."

Il est aussi dit:

"La lampe ne peut s'éclairer car les ténèbres ne l'obscurcissent pas."

Le 'Jug pa dit aussi:

"Pour autant qu'il existe une entité dépendant d'une (condition) autre (qu'elle même), telle que la vacuité des deux, objet à saisir et sujet saisissant, qui donc pourrait avoir connaissance de son existence? On ne peut considérer qu'un objet qu'on ne peut saisir, existe vraiment. L'expérience seule ne peut suffire à prouver la réalité de son objet."

Ainsi, comme l'esprit passé s'est éteint, un objet éteint ne peut exister, comme l'esprit futur n'est pas encore né, il est inexistant et ce qui n'est pas né est également dépourvu de réalité. Quant à l'esprit présent, il n'a ni couleur ni forme propre, il ne demeure ni à l'intérieur ni à l'extérieur du corps et quelques soient les efforts mis à sa recherche, on ne le trouve pas. Il est donc dénué d'existence réelle.

Au sujet de l'esprit dépourvu de couleur ou de forme propre, il est dit dans le rNam sNang mNgon Byang:

"Maître du Secret, l'esprit n'a pas été vu par les Bouddhas, ils ne le voient pas et ne le verront jamais. L'esprit n'est pas bleu, ni jaune, ni rouge, ni blanc ni orange, ni de la couleur du verre (transparent). Il n'est ni court, ni long, ni rond, ni carré. Il n'est ni lumière, ni ténèbres. Il n'est ni homme ni femme, ni hermaphrodite. maître du Secret, l'esprit n'est pas de la nature de la sphère du désir, il n'est pas non plus de la nature de la sphère de la forme, ni de celle de la sphère sans forme. Il ne demeure ni à l'intérieur ni à l'extérieur du corps."

Il est dit dans le Sutra de 'Od Srungs kyis Zhus pa'i mDo (Kashyapa parivarta sutra):

"'Od Srungs, même si l'on cherche partout l'esprit, on ne le trouvera pas. Ce que l'on ne peut trouver est donc imperceptible (inexistant). Ce qui n'est pas perceptible n'existe ni dans le passé, ni dans le futur, ni dans le présent. Ce qui n'existe ni dans le passé, ni dans le futur, ni dans le présent, est donc totalement passé hors des trois temps."

Le Sutra de 'Phags pa gZungs kyi rGyal po (Arya dharani raja nama sutra) dit:

"Devaputra! Tous les phénomènes ne sont que l'esprit et on ne peut montrer l'esprit. L'esprit est sans barrières, sans forme et on ne peut le discerner. Même si l'on recherche l'esprit en recherchant sa vérité propre, on ne le trouve pas. Cet esprit que l'on recherche ainsi partout (sans succès) est donc imperceptible. Etant imperceptible, il faut donc aussi regarder tous les phénomènes comme étant imperceptibles."

Si l'on demande maintenant comment, recherchant partout l'esprit, il se fait qu'on ne le trouve pas, c'est qu'il n'est jamais né. Si l'esprit était né, de quoi serait-il issu? Naîtrait-il de sa cause éteinte ou de sa cause non éteinte? Il ne peut être né d'une cause éteinte. Car ce qui est éteint étant par nature inexistant, une entité ne peut naître d'une non-entité. Il n'est pas non plus né d'une cause non éteinte, car si un fruit naissait d'une cause non éteinte, alors la cause et le fruit seraient existants simultanément. Ainsi, l'esprit est tout d'abord dépourvu d'une cause de naissance; ce faisant, il ne peut donc avoir d'essence propre dans laquelle il demeurerait ensuite, et finalement donc, il est aussi dénué du résultat de l'extinction. Ainsi, l'esprit qui est libre de naissance, de cessation et de demeure propre, est pareil à l'espace. rJe bTsun Rin po che dit dans ses Chants:

"Comment l'esprit dépourvu d'abord de naissance, pourrait-il avoir une demeure (essence) propre et une cessation? Le penser comme dépourvu d'une naissance et d'une cessation, étant encore une pensée conceptuelle, rejetez la. Rejetez aussi le rejet car il s'agit encore d'une pensée conceptuelle."

Si l'on demande alors si l'inexistence de l'esprit est donc la vérité, il faut comprendre que, du fait même qu'on n'a pu établir l'existence de l'esprit, son inexistence qui est à l'opposé, ne peut non plus être établie. Il est dit dans le sPyod 'Jug:

"Lorsque l'on dit d'une entité "qu'elle n'existe pas", et que cette entité demeure imperceptible quand on l'examine, comment donc une telle entité inexistante dépourvue de support, pourrait-elle demeurer devant l'esprit?"

Ainsi, comme l'existence et la non-existence sont toutes deux contradictoires, l'esprit ne peut à la fois exister et ne pas exister. Comme l'esprit n'est pas ces deux à la fois, il n'est pas non plus ni existant ni non-existant, deux conditions qui viennent d'être réfutées. Ainsi, l'esprit est libre des quatre concepts extrêmes.

"Les sages ne tiennent pas l'existence de la conscience comme la vérité ultime. Etant privée de nature propre singulière ou multiple, elle est comme une fleur dans le ciel. Elle n'est pas existante, ni non-existante, ni à la fois existante et non-existante, ni à la fois non-existante et non-inexistante. (La vérité ultime de l'esprit) est donc libre de ces quatre concepts extrêmes. C'est ainsi que l'école du Madhyamika (école du Milieu) la voit au milieu (des extrêmes)." (Ye Shes sNying po kun las bTus pa ou Jnyanasara Samuccaya)

Ainsi, cette vacuité des quatre concepts extrêmes regardant l'esprit, n'est pas vacuité artificiellement fabriquée par le mental, mais elle est la vraie nature authentique et primordiale de l'esprit.

Sans jamais se séparer de la sagesse qui reconnaît cette vacuité de toute conceptualisation, il convient de demeurer avec vigilance mais détendu, dans l'état où même cette sagesse discriminante n'apparaît pas (comme sujet ou objet conceptuel), état dépourvu de toute représentation, qui est claire lumière, libre de toute conceptualisation et où aucune essence substantielle (de l'esprit) n'existe. Ceci constitue l'instruction permettant de supprimer la conceptualisation qui s'attache à saisir des caractéristiques.

"Lorsque ni entité ni non-entité ne demeurent devant le mental, alors, comme il n'a pas d'autre forme (possible), (l'esprit) sans représentation, atteint la paix." (sPyod 'Jug)

Demeurant longuement dans cette méditation sans torpeur ni indiscipline, la méditation est (un état) libre de perception, pareil à l'espace. Le résultat d'une telle méditation est la naissance d'une expérience intérieure de connaissance de tous les phénomènes comme étant à la fois apparences et vacuité, semblables à une illusion.

- Le développement de la certitude quant au caractère indicible

Il n'est pas non plus adéquat de tenir cette nature propre de l'esprit libre des quatre concepts extrêmes, comme la vérité primordiale et ultime. En effet, puisqu'aucun des quatre concepts extrêmes réfutés n'a de réalité, ce qu'on appelle "vide des quatre concepts extrêmes" ne peut non plus avoir de réalité. Ainsi, ce qu'on appelle "le milieu libre d'extrêmes" ne peut non plus être exprimé. Il est donc au-delà de tout domaine du langage ou de la conception. Le Ting Nge 'Dzin rGyal po dit:

"Ce que l'on connaît comme "existence" ou "non-existence" sont des concepts extrêmes, tout comme "propre" et "malpropre". En conséquence, le sage, rejetant chacun de ces deux extrêmes, ne doit pas non plus demeurer dans le "milieu".

rJe bTsun Rin po che dit aussi dans ses Chants:

"Ce qu'on appelle "libre d'extrêmes" est au-delà du domaine de l'exprimable. Des mots tels que Milieu (Madhyamika), Seulement l'Esprit (Cittamatra) ou autres termes, sont encore du ressort de la manifestation, tandis que se les représenter à l'esprit ressort de la conceptualisation."

Il poursuit ensuite:

"Lorsqu'on n'a pas perçu intérieurement la vérité naturelle primordiale et ultime, et que l'on n'a pas de pratique de l'instruction concernant l'absence de saisie, tout ce que l'on pense devient saisie conceptuelle. Même si l'on pense à l'absence de saisie, cette pensée est encore du ressort de la saisie conceptuelle. Il faut comprendre que l'union de la vacuité et de la continuelle clarté (de l'esprit) est la vérité ultime."

Ayant ainsi d'abord tranché tous les doutes et les erreurs grâce à l'étude et à la réflexion, lorsqu'on se met ensuite à la pratique de la méditation, il faut, tout en demeurant au sein de l'incessante clarté de la cognition, établir sans distraction l'esprit dans la reconnaissance de l'inexistence d'un objet à méditer et d'un sujet méditant, sur la certitude qu'on ne peut exprimer la nature propre de l'esprit comme étant libre de toute conceptualisation, ou n'étant pas libre de conceptualisation. Il n'y a rien à réfuter par la réfutation, rien à accomplir par la pratique, rien à rejeter par l'abandon, il n'y a pas d'antidotes sur lesquelles prendre appui, pas de Samsara à abandonner ou de Nirvana à obtenir, pas d'attente à l'égard des Bouddhas ni de crainte à l'égard des démons. Toutes les conceptualisations telles celles concernant une conduite à adopter et à rejeter, réfutation et assertion, attente et crainte, existence et non-existence, vacuité et non-vacuité, etc..., ne sont que des noms, que des signes, ne sont que convention, que discours, sont inconsistantes, sans fondement, pures depuis toujours , vides depuis toujours, libres depuis toujours, au-delà de tous les domaines du langage, de la pensée et de l'exprimable. Le maître Byams pa et le Suprême Klu sGrub (Maitreya et Nagarjuna) disent:

"Ici, il n'y a rien à dissiper ni rien non plus à ajouter. Contemplez avec pureté cette pureté parfaite. Si vous voyez cette pureté parfaite, vous êtes libéré."

Le Seigneur Sakya Pandita dit aussi:

"La vérité ultime des entités est libre d'existence, d'inexistence ou de toute autre caractéristique. Rien de tel qu'une méditation avec un objet à méditer et un sujet méditant, etc..., n'existe. Comme il n'existe aucune essence propre de l'esprit, comment pourrait-il exister une description de cette essence? Comme elle transcende tout le domaine des mots, rien ne peut donc l'exprimer."

Tout ceci se trouve confirmé dans les précieux Sutras. Il est dit dans le Sutra de Yab Sras mJal ba'i mDo (Pitaputra samagama sutra):

"Comme dans la vérité ultime, il n'y a aucun phénomène qui puisse être perçu, il n'y a rien non plus à décrire. Autrement dit, il n'y a que des noms, des signes, des conventions, des expressions, des descriptions, mais en vérité ultime, aucun phénomène n'existe."

Le Sutra de Byang Chub Sems dPa'i sDe sNod kyi mDo (Bodhisattva pitaka sutra) dit:

"Ne saisir ni ne rejeter aucun phénomène permet de ne demeurer au-dedans d'aucun phénomène. Lorsqu'on ne demeure au-dedans d'aucun phénomène, on n'est à l'origine de rien et on ne détruit rien. Lorsqu'on n'est à l'origine de rien et que l'on ne détruit rien, on échappe alors totalement à la naissance, à la vieillesse, à la maladie, à la mort, au chagrin, aux lamentations, à la souffrance, à l'insatisfaction de l'esprit et à son agitation."

Il est dit aussi dans les Sutras de la Prajnyaparamita:

"C'est l'activité conceptualisatrice de l'esprit qui engage dans la sphère du désir, de la forme et du sans-forme. Si l'esprit ne forme aucun concept, on n'est engagé nulle part."

Il est dit aussi plus loin:

"Puisque l'éveil n'a pas d'objet défini perceptible, ce qu'on appelle éveil n'est donc qu'un nom. Puisque Bouddha n'a pas d'objet défini perceptible, Bouddha n'est donc qu'un nom. Le Bouddha parfaitement omniscient est dépourvu de nature propre. Ce qui est dépourvu de nature propre est indicible."

Si l'on demande alors comment donc on peut réaliser le bien d'autrui, puisque en vérité ultime, il n'existe pas d'êtres vivants, et que donc l'on ne saurait parler d'un bien des êtres à accomplir et d'un sujet l'accomplissant, le Sutra de Gang pos Zhus pa'i mDo (Purna paripriccha sutra) répond:

"Lorsque, demeurant dans le coeur de l'éveil, je suis devenu un Bouddha parfait dans l'incomparable et parfait éveil authentique, je n'ai perçu aucun être et je n'ai même pas perçu le nom "être vivant".

Les Sutras de la Prajnyaparamita poursuivent:

"Rab 'Byor (Subhuti)! Je ne perçois aucun être vivant. Cependant, les êtres vivants insubstantiels sont perçus comme substantiels. Accomplir leur bien n'est donc que pur discours conventionnel. Rien de tel n'existe en vérité ultime."

Lorsqu'on acquiert cette réalisation intérieure, même l'esprit qui saisit (la vérité ultime) comme simplement indicible, disparaît. Le sPyod 'Jug dit:

"En s'accoutumant à la tendance mentale à la vacuité, la tendance mentale (à saisir) des objets, s'efface. En s'accoutumant à ce que "rien du tout n'existe", même cette (notion de vacuité) disparaît."

Lorsqu'on médite dans cette connaissance, on obtient dans la méditation, l'expérience de clarté et de vacuité sans saisie. Le résultat d'une telle méditation est la naissance naturelle de la compassion à l'égard des êtres mondains dont l'esprit incline à la saisie. Extirpant ainsi à leur racine les deux sortes d'obscurcissements avec leurs impressions mentales, ceux qui désirent obtenir rapidement l'état d'omniscience, s'appliqueront à la méditation de la sagesse au sens de vacuité. Le même texte poursuit:

"La vacuité est l'antidote aux ténèbres des deux obscurcissements des pulsions négatives et des objets de savoir. Comment celui qui désire rapidement parvenir à l'omniscience pourrait-il ne pas méditer sur la vacuité?"

Afin de parvenir à la réalisation intérieure de la vacuité, il convient de s'entraîner aussi à la large accumulation du mérite. Autrement, la vacuité serait difficile à réaliser et même si l'on y parvenait, on risquerait fort de tomber dans les méprises sur la cessation affectant les Auditeurs, et autres. Le Sutra de mDo sDud pa dit à ce sujet:

"Aussi longtemps que l'on n'a pas accumulé suffisamment de racines vertueuses, on ne peut prétendre à la réalisation intérieure de la vacuité sacrée."

Le seigneur Sakya Pandita dit:

"Les Auditeurs méditent également sur la vacuité, mais le fruit qu'ils en obtiennent est la cessation."

Pratiquer sans jamais se séparer ni de la méthode (= compassion) ni de la sagesse, constitue le coeur de la voie du Grand Véhicule.

Comment mettre tout ceci en pratique? Dans un lieu isolé, on commencera tout d'abord par prendre refuge et prier avec ferveur le Lama et les trois joyaux. On médite ensuite longuement sur l'esprit d'éveil motivé par une grande compassion. Prenant ensuite appui sur l'objet de la méditation de la stabilité sereine, lorsque naît une certaine stabilité de l'esprit, on réfléchit de la manière suivante:

"L'esprit, dans sa nature propre primordiale, est claire lumière. Il est depuis toujours libre de tout concept extrême. Bien qu'il soit ainsi clarté et vacuité sans aucune partialité ou discrimination, ignorant de cette vérité, j'ai hélas pris le "moi" pour un "soi" réel, et je me suis ainsi enfoncé sans fin dans le Samsara. Là, ayant tenu pour vrai ces fausses apparences inconsistantes et creuses surgissant sous l'effet de l'accoutumance à l'égard des impressions mentales de l'illusion d'un objet et d'un sujet, comme un fou, je ne me suis occupé que de l'illusion et j'ai dû ainsi subir sans cesse toutes sortes de souffrances. Désormais, à partir de maintenant, prenant appui sur les instructions du saint Lama , je m'efforcerai de comprendre cet incomparable secret de l'esprit profond, qui est le coeur des quatre-vingt quatre mille articles de l'enseignement de tous les Tathagatas des trois temps. Je ne me laisserai plus tomber sous l'emprise du démon de l'attachement à la réalité des objets."

Dans une discipline rigoureuse du corps et de l'esprit, et dans le maintien d'une expérience de joie libre de tout examen, je réfléchirai que le sentiment de "moi" ou de "mien" à l'égard de cette collection d'agrégats aspirant à la survie, n'est qu'illusion. En effet, si ce qu'on appelle un "soi" existait, serait-il le nom, le corps ou l'esprit? Comme le nom n'est qu'une simple appellation aléatoire, il ne peut être le soi. Le corps quant à lui, n'étant simplement qu'un nom donné à la collection d'agrégats de chair, de sang et d'autres, ne peut non plus être le soi. Et le soi ne demeure nulle part à l'extérieur ni à l'intérieur du corps depuis le sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds. Quant à l'esprit, l'esprit passé a cessé d'être, l'esprit futur n'est pas encore né; quant à l'esprit présent, comme il cesse d'exister aussitôt, il ne saurait non plus être le soi. C'est ainsi que ce que l'on appelle le "soi" n'est qu'illusion dépourvue de tout fondement. C'est ainsi qu'il faut réfléchir souvent.

De même, toutes ces apparences extérieures de montagnes, de maisons, de villages, etc... ne sont aucunement l'oeuvre d'un créateur extérieur tel que le hasard, Vishnou (ou Dieu), ni non plus l'oeuvre des quatre éléments ou des atomes... Ce n'est qu'en prenant appui sur son propre esprit trompé par les impressions mentales du Samsara, que, sous le pouvoir de l'illusion, ces choses sont perçues alors qu'elles n'existent pas. Il convient de réfléchir longuement afin d'obtenir la ferme conviction, qu'il en est en fait comme d'un rêve où l'on croit percevoir des villes, des chevaux, des éléphants et autres choses.

Ainsi donc, comme ces apparences que l'on tient pour des objets sont pareilles aux apparences dans le rêve, la conscience qui les saisit est comme l'esprit au moment du rêve qui expérimente ces perceptions, c'est à dire qu'elle est dépourvue de toute existence réelle. En conséquence, tous les phénomènes du ressort de la perception dualiste d'un sujet et d'un objet ne sont que phénomènes trompeurs, mensongers et simple illusion. Dans cette pensée, on dirige l'esprit vers l'intérieur. Et on contemple longuement le rayonnement propre de la conscience présente libérée des voiles obscurcissants du sujet et de l'objet. Lorsque naît l'expérience de la clarté, il faut alors procéder à l'examen suivant: recherchant tout d'abord d'où naît cette claire conscience, on ne trouve aucune cause à sa naissance. Elle est donc pure vacuité libre de naissance. A l'étape suivante, lorsqu'on recherche dans quelle demeure réside son essence propre, on ne la trouve ni à l'extérieur, ni à l'intérieur du corps, ni entre les deux. On ne lui trouve ni couleur ni forme propre. Comme malgré toutes ces recherches, on ne trouve rien, on en conclut qu'elle ne demeure nulle part et qu'elle est transparente vacuité. Finalement, lorsqu'on recherche un objet dans lequel elle s'éteindrait, on ne trouve aucune résultante de son extinction. On en conclut alors qu'elle est libre de cessation, félicité.

Etant ainsi libre des trois éléments d'une cause, d'un fruit et d'une essence propre, elle est vacuité libre de toute nature propre. Dans cette vacuité, elle est aussi expérimentée comme clarté dont le propre rayonnement ne s'éteint jamais dans aucun objet résultant. Au sein de cette clarté, rien n'existe et au sein de la vacuité, la clarté de la conscience ne s'interrompt jamais dans aucun objet résultant. Elle est donc clarté et vacuité en même temps, sans saisie. Elle est libre de tout concept extrême la limitant, sans définition préférentielle, sans rien pour l'exprimer, et impensable. A l'intérieur de cet état, on garde l'esprit libre même du concept d'inexprimable. Lorsque naissent des pensées conceptuelles, il ne faut pas les laisser suivre leur cours mais il convient de les détruire dès leur apparition et de rétablir l'esprit dans l'absence de saisie. Tout d'abord, il faut maintenir l'esprit avec discipline, puis le relâcher ensuite, et enfin, le laisser placé sans attente ni crainte.

En bref, sans se laisser jamais distraire de la claire et vide conscience sans saisie, il convient de laisser l'esprit placé sans recherche à l'intérieur de l'état où il n'y a aucun objet à méditer. Il faut s'efforcer intensément de cette manière par périodes courtes et répétées. Il faut éviter de ne plus s'intéresser à la méditation et toujours quitter la séance en bons termes avec elle.

A la fin de la séance et avant de quitter la posture de méditation, il convient de penser avec compassion à tous ces êtres qui ont été ma mère et qui ne vivent que dans l'illusion, tout attachés qu'ils sont par les liens serrés du soi, du sujet et de l'objet, ignorant la nature propre de tous les phénomènes pour être libre de concept extrême, de définition préférentielle, inexprimable, impensable, sans fondement, sans racine, pareille à l'espace. Pour le bien de tous ces êtres, il me faut absolument parvenir à l'état de Bouddha accompli et omniscient qui est la réalisation de l'esprit même comme libre de tout concept extrême le limitant. Dans cette pensée, on dédie le mérite acquis.

Dans les intervalles entre séances également, il convient tout en récitant des vers appropriés tels que "Les magiciens créent des formes illusoires...", de ne jamais se départir de la connaissance que toutes les apparences ne sont qu'apparences-vacuité, semblables à l'illusion. Et c'est dans cette connaissance qu'il faut s'efforcer à l'accomplissement du bien d'autrui.



- MEDITATION DANS L'UNION DE LA STABILITE SEREINE ET DE LA VUE PENETRANTE

Il s'agit de la pratique qui mêle stabilité sereine et vue pénétrante dans la saveur unique du yoga de l'absence de tout objet de méditation. Ainsi l'apaisement du cours de toutes les pensées conceptuelles faisant cesser toute activité mentale, se trouve combiné à la destruction de toute conceptualisation par la pure sagesse qui ne trouve aucun objet à la dite activité mentale.

"Sachez que la voie de l'union de ces deux (pratiques) est le voeu (essentiel)." (mDo sDe rGyan)

En ce qui concerne la manière de la mettre en pratique, elle est à peu près semblable à ce qui a été auparavant décrit. Sans jamais se départir de la sagesse qui reconnaît que le yoga de l'objet de la méditation, la méthode de la méditation et le sujet méditant sont tous trois par nature dépourvus de réalité, il convient de développer la stabilité sereine qui établit l'esprit dans une parfaite concentration sur la part de clarté incessante de la cognition, de pair avec la vue pénétrante qui comprend intérieurement que tout n'est qu'apparence dépourvue de naissance. Il convient donc de demeurer ainsi clairement dans l'indifférenciation de l'essence propre de ces deux aspects. Si la stabilité est grande, il faut alors aiguiser le tranchant de la sagesse discriminante. Si l'activité de celle-ci est trop intense et que l'esprit répugne à demeurer concentré, il faut le détendre. Alternant ainsi entre ces deux pôles, et demeurant dans l'union, tous les risques de déviation sur la voie sont évités. Si on ignore ces points essentiels, quelque soit la force de la stabilité sereine, elle demeure du domaine de l'un des quatre états méditatifs mondains, et, quelque soit la justesse et l'acuité de l'examen de la vue pénétrante, elle dévie vers l'un des quatre royaumes du sans-forme. C'est ainsi qu'il est très important de pratiquer en détruisant tout risque de déviation dans le Samadhi.

Dans les intervalles entre séances, sans laisser la conscience des organes sensoriels s'échapper entièrement vers son objet (les divers objets des sens), il faut demeurer dans la connaissance que toute la perception n'est qu'une porte pour le déroulement de la cognition qui ne quitte en fait jamais la sphère de l'espace (de la vacuité). C'est dans cette connaissance qu'il faut accomplir le bien des êtres.

Ici s'achève l'exposé de la voie commune (au Vajrayana) et aux Bodhisattvas.



II- MEDITATION SUR L'INTIME CONVICTION DE LA NAISSANCE D'UNE EXPERIENCE EXTRAORDINAIRE (dans la voie du Vajrayana)

Il est dit (dans le Traité Racine):

"Le yogui extraordinaire en Samadhi extraordinaire, a la vision de l'expérience extraordinaire."

Le yogui extraordinaire est celui qui pratique la voie du Vajrayana qui va plus tard être expliquée (dans la Triple Ligne), le Samadhi extraordinaire est la voie de la maturation et de la libération avec tous ses enseignements annexes, qui va suivre. Quant à la vision de l'expérience extraordinaire, il s'agit de celle qui naîtra alors en s'appuyant sur ces pratiques. Bien que la description détaillée en soit impensable, en bref, il y a trois voies: la voie pour dissiper (les obstacles) prévenant l'entrée (dans la voie), la voie détruisant l'attachement et la voie du grand éveil. Il y a aussi trois expériences (principales), à savoir l'expérience du corps, celle de l'esprit et celle du rêve, trois réalisations de "chaleur", à savoir la chaleur précédée par la conceptualisation, la chaleur qui fait se rassembler les neuf fluides, et la chaleur qui brûle et concentre le nectar. Il y a trois évènements se produisant en interdépendance, à savoir le renversement des airs, une perception visionnaire et les rêves; il y a aussi trois Samadhis (absorption méditative profonde), à savoir le Samadhi des caractéristiques multiples, le Samadhi de la nature propre de vacuité, et le Samadhi de l'essence propre de l'union. Tous ces quinze éléments se trouvent résumés dans le seul Samadhi.

En ce qui concerne la manière de développer la conviction inébranlable à cet égard, rJe bTsun Rin po che dit:

"Dans les intervalles de la méditation sur les deux esprits d'éveil, il faut s'efforcer de lire les Sutras et de faire offrande aux Bodhisattvas."

Le disciple qui ayant purifié son substrat mental par la voie commune, développe une petite expérience des deux esprits d'éveil ou autre, doit alors guider son esprit par la grande compassion en pensant: "Bien que la durée de trois éons incalculables afin de parvenir à la bouddhéité pour le bien des êtres, ne soit pas vraiment très longue, il est probable que les Tathagatas habiles dans les moyens et à la grande compassion, aient enseigné une méthode encore plus rapide pour parvenir à l'état de Bouddha parfaitement accompli. Si on lit, consulte, pense et réfléchit aux précieux Sutras, il en est un qui s'appelle mDo sDe gDams Ngag 'Bogs pa'i rGyal po et qui est aussi connu sous le nom de gSang ba Lung sTon pa'i mDo, dans lequel il est dit ceci:

"Puisque le Bouddha a bien enseigné les trois véhicules qui guident les êtres (il s'agit du Véhicule des Auditeurs, de celui des Bouddhas Solitaires et de celui des Bodhisattvas), pourquoi n'a-t-il pas enseigné un véhicule ultime où l'on pratiquerait à la fois la cause et le fruit sans avoir besoin de chercher ailleurs la bouddhéité? (Le Bouddha) répondit: "Après que la roue de la doctrine de la cause ait été ainsi mise en mouvement pour (le bénéfice) de ceux qui aspirent à la cause, viendra plus tard dans le futur la voie courte du Vajrayana."

Le Lang Kar gShegs pa dit:

"Les détenteurs du mantra qui aspirent à réaliser le mantra s'abstiendront de consommer de la viande car elle fait obstacle à la réalisation du mantra et de la libération."

Lorsqu'on voit ainsi ces paroles des Sutras, on comprend qu'il existe un véhicule supérieur au Véhicule de la cause ou Paramitayana et que ce véhicule est celui du fruit, dit encore Vajrayana ou bien Corbeille des discours des détenteurs du mantra. Le désir de rechercher les enseignements de ce véhicule apparaît alors et on pense ainsi:

"Si, par la seule mise en pratique de la voie de la Perfection des Vertus, j'ai pu obtenir ces expériences intérieures et cette compréhension de l'esprit d'éveil il est certain que si je peux rencontrer et mettre en pratique la voie du Vajrayana qui réalise à la fois la cause et le fruit, une expérience et un Samadhi indescriptibles naîtront en moi. A ce moment, quelques soient les bonnes ou mauvaises expériences qui surgiront, il me faudra les reconnaître et les considérer comme elles surviennent, sans attente ni crainte, sans tenter ni de les stopper ni de les provoquer.

Quant à la raison pour laquelle il est nécessaire de méditer à ce moment des préliminaires, sur la conviction intérieure à l'égard des expériences qui vont naître plus tard, elle s'explique ainsi: lorsque plus tard, on mettra en pratique la voie du Vajrayana, des expériences agréables telles que la vision de Bouddhas ou autres, et des expériences désagréables telles que l'attaque de démons et d'ogres, etc..., surgiront. A ce moment, quelques débutants, ne reconnaissant pas ces visions comme des expériences de méditation, croiront véritablement à la présence des Bouddhas et des démons ou ogres, etc... Ils ne sauront pas conduire dans la voie les sentiments d'attente ou de crainte qui les envahiront alors et ceux-ci feront alors obstacle à la naissance des qualités. C'est pour éviter cela que l'on tranche tous les doutes et les erreurs de jugement à l'égard de ces expériences avant qu'elles ne naissent.

Bien que le Sutra précédemment cité du gSang ba Lung sTon pa'i mDo n'ait pas été réellement traduit en tibétain (du sanskrit), certains extraits tels que "La roue de la doctrine de la cause ayant été mise en mouvement pour ceux qui aspirent à la cause...", ont été cités par Jnyana Shri dans son mTha' gNyis Sel ba (Ecarter les Deux Extrêmes) et par le grand traducteur Rin Chen bZang po dans son sNags Log Sun 'Byin (Réfutation de la Pratique Erronée des Mantras). Bien que certains érudits affirment que le gSang ba Lung sTon et le gDams Ngag 'Bogs pa'i rGyal po sont deux Sutras différents, il s'agit en fait là du même titre sanskrit Awabad byakarana traduit de deux manières différentes, mais se référant au même Sutra.

Comment réfléchir à ceci? "Lorsque j'entrerai dans la voie profonde du Vajrayana, un nombre incalculable de visions d'expérience de la voie surgiront. Il conviendra alors de ne manifester ni joie s'il s'agit d'expériences agréables ni déplaisir s'il s'agit d'expériences désagréables. Car toutes ces expériences variées du Samsara et du Nirvana ne surgissent que sous le pouvoir de l'esprit en interdépendance avec les canaux, les lettres des canaux, les nectars des éléments, et l'essence des vents de sagesse transcendante. Si l'on résume ces expériences, elles se résument en cinq groupes de trois, soit quinze. Si l'on veut encore résumer celles-ci, elles se résument dans les trois Samadhis. Lorsqu'elles surgiront en moi, il me faudra les reconnaître individuellement en pensant par exemple: "ceci est l'expérience du corps, ceci est l'expérience de l'esprit, etc..", et il faudra les laisser surgir sans réaction à leur égard."

En bref, il faut penser: "Je vais m'engager sur la voie du Vajrayana qui est la seule voie foulée par tous les Bouddhas. Je m'efforcerai ensuite à la pratique jusqu'à ce que les expériences correspondantes naissent dans mon continuum mental. Lorsque ces expériences naîtront avec la pratique, je les traiterai en accord avec le Dharma."
CHAPITRE III

LES INSTRUCTIONS SUR LA VISION PURE VISANT A PRODUIRE UNE GRANDE JOIE

Si l'on s'interroge maintenant sur les raisons nécessitant l'application diligente à la voie des mantras et aux expériences des diverses étapes, il est dit dans le Traité:

"La vision pure est en rapport avec la roue ornementale (des qualités) inépuisables du corps, de la parole et de l'esprit des Sugatas (Bouddhas)."

Les raisons d'un tel effort sont donc l'obtention du fruit (de la bouddhéité). Le terme Sugata (Ceux qui Vont dans le Bonheur) désigne ceux qui sont allés avec bonheur de la voie des deux accumulations (du mérite et de la sagesse transcendante) au fruit des quatre corps. Leurs qualités particulières sont: la roue ornementale des inépuisables (qualités) du corps, la roue ornementale des inépuisables (qualités) de la parole, et la roue ornementale des inépuisables (qualités) de l'esprit.

I- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DU CORPS

Celle-ci a deux aspects: l'inconcevable secret du corps et (la manifestation) de toutes les formes.

L'inconcevable secret du corps signifie que personne ne peut prendre la mesure du corps des Bouddhas. Il est dit dans le dKon mChog bTsegs pa (skt. Ratna Kuta):

"Le Bodhisattva Shugs 'Chang (skt. Vegadharin) qui désirait percevoir les limites de la proéminence crânienne du Bouddha, se rendit dans ce but au sommet de la Montagne Centrale, au royaume des Trente-Trois Dieux et au royaume de Brahma. Dépassant les milliards de mondes au-delà de ce monde, il parvint dans le monde Padmo Can (skt. Padmavati) où réside le Tathagata Padmo'i dPal Gyi sNying po (skt. Padma Shri Sara Raja), et il ne vit jamais les limites de la proéminence crânienne."

Manifester toutes les formes signifie que quelque soit la forme nécessaire pour discipliner les divers êtres à entraîner, qu'il s'agisse d'une noble émanation (corps d'émanation) ou d'une forme de lapin, de tigre, de lion, de bateau, de radeau, de pont, etc..., (le Bouddha) la prend et accomplit ainsi le bien des êtres.

II- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DE LA PAROLE

Celle-ci comporte également deux aspects:

En ce qui concerne l'inconcevable secret de la parole, la parole du Bouddha, même si on l'entend de très près, n'est jamais trop forte. Et même si on l'entend d'une très grande distance, elle n'est jamais trop faible. C'est ainsi que Maudgalyayana se rendit au paradis occidental de bDe ba Can (skt. Sukhavati) et par delà un milliard de mondes, jusqu'au royaume de 'Od Zer Can (skt. Prabhavati) où réside le Tathagata 'Od Zer Can nas 'Byung ba (skt. Prabhavat) avec sa suite. Et il entendit la voix du Bouddha toujours aussi forte.

Quant au deuxième aspect, à savoir la manifestation de toutes les voix, il s'agit du pouvoir d'enseigner le Dharma dans les langues de toutes les sortes d'êtres, depuis les pures langues célestes jusqu'aux langues des Nagas, des Rakshas, des ogres etc...

III- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DE L'ESPRIT

Elle comporte également deux aspects:

L'inconcevable secret de l'esprit signifie que personne d'autre que le Bjouddha ne peut connaître la totalité des objets de savoir, comme son esprit les connaît lui-même. A ce sujet, on rapporte l'exemple de l'ignorance de Maudgalyayana qui, bien qu'étant un grand Arahat doué de pouvoirs miraculeux, demeurait dans l'ignorance quant au lieu de renaissance de sa propre mère, alors que le Bouddha le connaissait. Il y a aussi l'exemple du chef de famille dPal sKyes, que les autres Arahats, ne trouvant pas en lui de germe pour sa libération, refusaient d'ordonner. Le Bouddha lui donna sa permission, parce qu'il savait que lors d'une vie antérieure, la septième avant la vie présente, dPal sKyes était né sous la forme d'un chien et ayant alors été chassé par un sanglier, il avait couru autour d'un Stupa sacré, créant ainsi un germe de vertu.

Quant au deuxième aspect de manifestation de tous les esprits, il signifie que le Bouddha possède la connaissance transcendante qui connaît complètement la nature et le détail de tous les phénomènes. Par nature des phénomènes il est entendu que le Bouddha connaît et maîtrise la vérité primordiale et ultime des entités. Quant au détail, il s'agit de la connaissance qui connaît dans leurs détails individuels sans les confondre, les relations de cause à effet de tous les phénomènes tels que le caractère acéré de l'épine, la rondeur du pois, la forme carrée des pierres dites de Phawang, les couleurs variées du paon, etc...

Le terme ornemental signifie ce qui contribue à l'embellissement, et il est utilisé ici parce qu'il est beau que les deux objectifs, le personnel et celui d'autrui, se trouvent spontanément accomplis sans effort.

Quant à la roue, il s'agit de la roue de la divine activité (des Bouddhas). Lorsque les Tathagatas ont réalisé le parfait éveil, ils ont tourné la roue du Dharma et ont ainsi amené à l'éveil cent milliards d'êtres vivants. Chacun de ces êtres enseignant alors la doctrine a aussi amené à l'éveil le même nombre d'êtres qui, chacun à leur tour, ont de nouveau enseigné la doctrine aux générations suivantes avec les mêmes résultats. En bref, il s'agit donc de la roue de l'activité divine pour le bien d'autrui qui ne s'arrêtera pas tant que le Samsara sera plein d'êtres (à libérer) .

En ce qui concerne les termes "vision pure", il faut les comprendre ainsi: réalisant intérieurement (lors de l'éveil) que tous les phénomènes du Samsara comme du Nirvana ne sont en fait que le jeu de notre seule connaissance transcendante immuable, il apparaît alors qu'il n'y a rien de tel qu'un "mauvais" Samsara qu'il faudrait rejeter et un "bon" Nirvana qu'il faudrait chercher ailleurs. Les deux apparaissent donc comme étant d'une seule saveur. Comme ceux qui auparavant étaient de simples êtres ordinaires, deviennent par la méditation de la voie, des Bouddhas, les Bouddhas et les êtres vivants partagent donc la même nature. Le yoga qui était jusqu'à présent la voie, devenant le fruit, la voie et le fruit ont donc une unique saveur. Alors que les pensées conceptuelles devaient auparavant être rejetées, sous l'effet de l'entraînement, toutes les pensées conceptuelles devenant vérité-en-soi, ce qui devait être rejeté (les pensées) et leur antidote sont d'une saveur unique. La conduite à suivre et celle à rejeter ne sont pas deux, ce dont il faut se libérer et ce qu'il faut obtenir ne sont pas deux, le Samsara et le Nirvana sont d'une seule saveur, d'une seule matière, un même état. On obtient donc toutes ces qualités inconcevables.

Comment réfléchir à cela? "Etant entré sur la voie du Vajrayana, et en traitant conformément au Dharma toutes les expériences qui surgiront sur la voie, je deviendrai un tel Bouddha aux qualités inconcevables, telles que ces roues ornementales des inépuisables (qualités) du corps, de la parole et de l'esprit. Ce faisant, je mettrai en branle le mouvement incessant de la roue de la divine activité de l'accomplissement spontané et sans effort du bien des êtres vivants." Il convient donc de méditer dans cette pensée et de produire dès maintenant un esprit de joie.

Le mieux serait de méditer sur les objets de méditation décrits ici (dans ce texte), à raison de quatre séances quotidiennes. Sinon, on pourra se contenter de trois ou au moins de deux séances par jour. Il ne faudra pas passer à la méditation de l'étape suivante avant d'avoir produit l'expérience correspondant à l'étape précédente. Toute séance débutera par les préliminaires de la prise du refuge et par les autres prières. La base de la séance sera constituée par la méditation de l'objet principal de l'étape où l'on est engagé. Toute séance sera conclue par la dédicace du mérite et par le maintien de la vigilance et de l'attention à l'égard du sens de la méditation.

De cette manière, le maître à la grande compassion et habile dans la méthode, enseignera d'abord au débutant la vision impure et amènera ainsi son esprit à renoncer au Samsara. Par la vision de l'expérience commune, il produira l'aspiration à l'éveil parfait pour le bien d'autrui. Par la vision de l'expérience non-commune, il produira la joie à l'égard de la voie des mantras. Par la vision pure, il produira la joie à l'égard du fruit de (la voie) des mantras.

Ainsi viennent donc d'être énoncées toutes les étapes des instructions visant à transformer (le disciple) en digne réceptacle pour l'initiation qui produit la maturation et qui est la première étape sur la voie du profond véhicule tantrique.
COLOPHON

Comme elle concentre le sens profond des Trois Corbeilles dans la Triple Vision préliminaire, cette méthode de la Triple Vision est le moyen pour transformer les êtres pleins de foi en réceptacle pour l'initiation. Elle établit les fondements de la voie.

Comme elle concentre la fondation, la voie et le fruit dans chacune des (visions munie des) trois éléments de la base pour l'apparition des apparences, de la cause des apparences et de l'essence propre de ces apparences, cette manière d'expliquer la Triple Vision est unique.

Si l'on comprend bien ces différentes distinctions, on obtiendra une compréhension claire du sens de nombreux enseignements, tels que la pratique séparée de chacun des sept enseignements communs du Samsara et du Nirvana, ou la pratique de leur ensemble, etc...

J'ai composé ce Bel Ornement de la Triple Vision en introduisant d'abord chaque section par des vers en résumant le sens, puis j'ai abondamment expliqué son sens avec des citations des écritures pour produire la confiance, et enfin j'ai ajouté une méditation résumée de chaque étape.

J'en confesse tous les défauts éventuels aux Lamas racine et de ma lignée, ainsi qu'à tous les Bouddhas et leurs fils. Grâce à cette excellente vertu, puissent tous les êtres qui ont été ma mère, parvenir à la contrée de la félicité de l'union!

Ce Bel Ornement de la Triple Vision, exposé des préliminaires de la voie, en accord avec le Traité Racine (des Paroles de Dorjé), fut composé à la requête du roi du Dharma à la connaissance inégalée Kun dGa' bSam 'Grub bKra Shis rGyal mTshan dPal bZang po, qui est le descendant de la précieuse lignée (des Khon) comptant de nombreux fils et neveux qui furent de grandes incarnations maintenant levé le parasol blanc (de la doctrine) de ceux que l'on connaît sous le nom de vénérés Sakyapas et qui sont les maîtres de la doctrine du Bouddha dans le monde. Moi qui suis né dans cette lignée religieuse, le moine de Shakya (Shakyamuni), dKon mChog Lhun Grub, j'ai eu la bonne fortune de recevoir le nectar des enseignements et d'être constamment sous le regard de compassion de mes saints maîtres aux actes conformes au Dharma. Il s'agit principalement du sublime guide , roi du Dharma, Ratna Wardha qui est sans différence avec Dorjé Chang, des maîtres à l'inégalable compassion Mus Chen Sangs rGyas Rin Chen et 'Jam dByangs Kun dGa' bSod Nams Grags pa rGyal mTshan dPal bZang po à l'infinie connaissance. J'ai pris comme base (de cet écrit) les écrits des vénérés fondateurs qui sont le deuxième Dorjé Chang, j'ai extrait les meilleurs passages des traités explicatifs des autres saints êtres détenteurs de la lignée des fondateurs et j'y ai aussi ajouté les instructions particulières de mes trois saints Lamas. La composition de ce Bel Ornement fut ainsi achevée l'année du Lièvre d'eau femelle du cycle dit mDzes Byed (An 1543 ap. J.C.), le seizième jour du mois de Khrums (huitième mois lunaire), jour où les étoiles étaient dans un alignement auspicieux. Le scribe en fut l'érudit mGon po Rin Chen dPal bZang po.

L'exposé explicatif de la Triple Ligne, qui constitue la base de la voie, fait l'objet d'un autre texte.

Dans sa totalité, il s'agit de l'enseignement développé, sans les citations il s'agit de l'enseignement moyennement développé, et sans les citations ni les explications supplémentaires, il s'agit de l'enseignement résumé. Selon les circonstances et les besoins, on se servira de l'enseignement développé, moyennement développé ou du résumé.


GLOSSAIRE

ARAHAT OU ARHAT-voir Auditeur

ACCUMULATION
Il est fait mention de deux accumulations qu'il convient de rassembler, à savoir l'accumulation de mérite et l'accumulation de sagesse transcendante. La première s'obtient par l'accomplissement d'actes vertueux dans une motivation correcte et la seconde par la contemplation de la vérité profonde de la vacuité.

ADHERENCE (tib. Kha sByor)
Cet état caractérise l'accomplissement de l'ultime bouddhéité symbolisée par le Bouddha Dorjé Chang (skt. Vajradhara). L'état d'adhérence est constitué de sept membres dont le détail est donné en annexe à la fin de la Triple Ligne.

ARAHAT voir AUDITEURS

AU DELA DE LA SOUFFRANCE voir NIRVANA

AUDITEURS et BOUDDHAS SOLITAIRES
Ces deux catégories sont adeptes du Hinayana, pratique visant à l'obtention de leur libération personnelle.
Les Auditeurs (skt. Shravaka et tib. Nyen Theu) sont des disciples qui étudient et pratiquent le Dharma en vue de leur propre libération de la souffrance. Grands renonçants, ils observent scrupuleusement le Vinaya et réalisent l'inexistence du moi grâce à la méditation. Ils deviennent ainsi des Arhats (tib. Datchom, Celui qui a vaincu l'ennemi) lorsque toutes leurs émotions perturbatrices étant vaincues, ils sont libérés du Samsara.
Les Boudddhas Solitaires (skt. Pratyeka Bouddhas, tib. Rang Sandjié) qui réalisent dans la solitude, parviennent à une réalisation plus profonde car elle comprend l'indifférenciation du sujet et de l'objet.
Ces deux réalisations ne sont cependant pas le grand éveil du Vajrayana, il s'agit plutôt d'une quiétude mentale qui leur épargne les souffrances du Samsara. Plus tard, si l'aspiration au grand éveil leur vient, ils pourront développer la compassion et l'esprit d'éveil leur permettant de réaliser le bien d'autrui.

BARDO
Ce mot tibétain désigne un état intermédiaire. On le comprend habituellement comme l'état intermédiaire entre la mort et la vie suivante.

BHAGAVAN (tib. Bcom lDan 'Das)
Ce terme sanskrit est une épithète fréquemment appliquée au mot Bouddha. Il désigne celui qui a vaincu les quatre démons (tib. Bdud, skt. Mara, voir plus loin la définition de ce terme), qui possède toutes les qualités et qui est au-delà des deux extrêmes de l'existence et de l'anéantissement. Ce mot désigne donc un Bouddha parfaitement accompli.

BODHGAYA
Lieu de pélerinage au nord-est de l'Inde dans l'état du Bihar actuel, où le Bouddha Shakyamuni manifesta l'éveil. C'est aussi le lieu où tous les mille Bouddhas de notre "Bon Kalpa" (éon) sont dits devoir manifester l'éveil.

BODHISATTVA
Ce mot sanskrit est employé dans deux sens principaux; il peut désigner:
-ceux dont l'esprit est éveillé, tels les grands Bodhisattvas comme Tchenrézi, Djampeyang, etc... qui choisissent de reprendre naissance et de se consacrer à la libération de tous les êtres plutôt que de jouir seuls de l'éveil.
-ceux qui ont fait le voeu de l'éveil en vue du bien de tous et qui sont engagés dans la pratique du Grand Véhicule.
Les Bodhisattvas qui ont totalement voué leur vie à l'accomplissement de la parfaite réalisation ont fait le voeu de n'entrer dans le Nirvana qu'une fois tous les êtres établis dans la libération.
A la fois dans le Nirvana par sagesse et dans le Samsara par compassion, ils y demeurent toujours intentionnellement afin de réconforter les êtres et de les conduire sur la voie de la libération. L'ultime signification de cette attitude conclut à l'indifférenciation d'un Samsara qu'il n'est plus besoin de rejeter et d'un Nirvana auquel il n'est plus nécessaire d'aspirer.
Les huit grands Bodhisattvas sont: Manjushri (tib. Djampeyang), Avalokiteshvara (tib. Tchenrézi), Vajrapani (tib. Tchana Dorjé), Maitreya (tib. Djialwa Tchampa), Samantabhadra (tib. Kuntou Zangpo), Kshmitigarbha (tib. Sayi Nyingpo), Sarva Nivaram Vishkambin (tib. Dribpa Namsel), et Akashagarbha (tib. Namkhai Nyingpo).

BOUDDHA
Ce mot désigne l'état de celui qui a atteint l'éveil en se libérant de tous les conditionnements du monde sensible et notamment de celui du karma.
L'équivalent tibétain est Sandjié qui se décompose en deux parties:
Sang représente la purification de toute faute et de tout voile grossier ou subtil entravant la vision de vacuité tandis que Djié signifie l'épanouissement de toutes les vertus et les qualités.
Les Bouddhas, car leur nombre est infini dans leurs manifestations diverses, agissent spontanément et sans entrave pour le bien de tous les êtres vivants.
Le Bouddha historique, quatrième du cycle des mille Bouddhas dont notre éon doit voir la naissance, naquit à Lumbini au sixième siècle avant notre ère selon la tradition du Petit Véhicule et au neuvième siècle avant notre ère selon la tradition du Vajrayana. Son successeur le cinquième du cycle, sera Maitreya, Bodhisattva prêchant actuellement au paradis de Tushita.

CANAUX, SOUFFLES ET NECTARS tib. Tsa, Loung, Dutsi
sanskrit: Nadis, Prana, Amrita
Les trois principaux canaux sont connus sous leurs noms tibétains de Roma, Ouma et Tchiangma dont les équivalents sanskrits sont Lalana, Avadhuti et Rasana.
Le corps entier est parcouru d'un réseau de canaux plus ou moins subtils dans lesquels circulent souffles et nectars, c'est à dire les liquides vitaux. Il y a trois canaux principaux d'où se développent les autres lors de la formation du foetus et où ils se résorbent à la mort.
L'un des buts de la méditation tantrique est la concentration des souffles et des fluides dans le canal médian (tib. Ouma), provoquant ainsi l'expérience de la fusion de la félicité avec la vacuité, état naturel de l'esprit des Bouddhas.

CENTRES, CHAKRAS
Ce dernier mot est un mot sanskrit qui signifie roue (tib. Khorlo); dans le bouddhisme, ils sont habituellement au nombre de cinq: celui du sommet de la tête, de la gorge, du coeur, du nombril et du centre secret. Ils constituent les lieux de rencontre d'un noeud de canaux et les trois canaux principaux se trouvent en contact à chacun de ces centres. Certaines méditations visent à provoquer la félicité (cf. les quatre joies) dans la vacuité en relation avec ces centres.

CLAIRVOYANCE -voir SIDDHIS

CLARTE -Clarté spontanée des six consciences.
Etat de clarté spontanée du mental où les objets des domaines des six sens (les cinq + celui du mental) se présentent sans que le mental soit affecté d'une émotion perturbatrice ou d'une réaction quelconques.

COMPASSION
Il s'agit du désir de libérer autrui de la souffrance et de ses causes. Son objet est tous les êtres vivants en proie à la souffrance.

COMMUNAUTE
Il s'agit de la communauté (skt. Sangha) qui regroupe tous les fidèles ayant pris refuge dans les joyaux du bouddhisme.

CONSCIENCE
Dans la philosophie bouddhiste, la conscience est répartie en sept ou huit catégories selon ses fonctions qui regroupent tous les aspects de l'expérience ordinaire. Les cinq premières consciences: la vue, l'ouie, le goût, l'odorat et le toucher sont associées aux cinq sens tandis que l'organe du mental au contact des pensées constitue la sixième conscience. La perception d'un soi à l'origine des pulsions négatives est la septième conscience. La huitième est la conscience de base absolue à l'origine à la fois du Samsara et du Nirvana.

CORBEILLES
Les écritures du bouddhisme sont habituellement désignées par le terme "trois corbeilles", celle du Vinaya, de l'Abidharma et des Soutras (voir Kandjiour)







(LES QUATRE) CORPS (skt. KAYA)
L'obtention du grand éveil est conditionnée par la reconnaissance ou la réalisation des quatre corps qui sont quatre aspects de l'être. Ces corps ont pour nom sanskrit: le Nirmanakaya, le Sambhogakaya, le Dharmakaya et le Svabavakaya. Cet ordre de présentation correspond aux étapes de la méditation et à celles des quatre consécrations. On obtient le pouvoir sur la forme, puis sur la parole, puis sur l'esprit et sur la totalité.
-Le Nirmanakaya est l'être de manifestation dans le monde (tib. Tulkou). Son champ de manifestation est celui des êtres ordinaires, il révèle l'éveil et sa voie de diverses façons dans le but d'inspirer et de guider les êtres vers la libération du conditionnement existentiel de l'égo.
-Le Sambhogakaya, appelé Corps de Jouissance, se manifeste dans le champ pur de la nature du bonheur; il apparaît sous de multiples aspects tels l'expression de la compassion afin de communiquer l'éveil aux Bodhisattvas.
-Le Dharmakaya, Corps de Dharma ou Corps de la Vérité-en-soi, est semblable à l'espace et dépourvu de toute caractéristique; il est clarté-vacuité au-delà de toute conceptualisation et détermination logique, libre de toute limite et voile.
-Le Svabavakaya, Corps d'Essence Véritable, contient les trois précédents en affirmant leur inséparabilité.
Ces quatre corps sont présents dans chaque être, mais ils ne se révèlent au yogui que lors de la dissipation progressive de l'ignorance et des voiles au cours de la pratique de la voie.

DAKKINI, DAKKA -(tib. Khandro)
Ce sont des êtres célestes masculins et féminins, émanations des Bouddhas. Les Dakkinis jouent un rôle important dans les Tantras en personnifiant la sagesse de la connaissance transcendantale.



DEMON (skt. Mara, tib. bDud)
Il y en a quatre principaux, le démon des pulsions négatives, celui des agrégats, celui du maître de la mort et celui du "fils des dieux" (analogue à Cupidon).

DHARMA
Mot sanskrit qui, lorsqu'il est employé au singulier et généralement avec une majuscule dans les traductions françaises, représente principalement la doctrine bouddhique ou religion ou encore loi universelle.
Employé au pluriel et généralement sans majuscule, il renvoie à tous les phénomènes du monde sensible.
En français, contrairement au sanskrit et au tibétain, nous ne disposons pas malheureusement d'un terme capable à lui seul de recouvrir l'ensemble de ces acceptions.
Pourtant l'utilisation d'un mot unique en sanskrit et en tibétain n'est nullement fortuite. En effet, le Dharma est l'ensemble des prescriptions qui nous révèlent la vérité et les dharmas sont eux-mêmes le signe de cette vérité, étant manifestation claire pourtant dépourvue de toute existence propre et indépendante (ce qu'on exprime par "union de la clarté et de la vacuité).

Huit dharmas mondains sont évoqués qui caractérisent les êtres non religieux; ils sont décrits comme suit:
apprécier le gain, redouter les pertes;
apprécier la renommée, redouter la mauvaise réputation;
apprécier la louange, craindre le mépris et les critiques;
apprécier le bonheur, craindre la souffrance;

Concernant le Dharma, le canon des bouddhistes tibétains regroupe:
-Le Vinaya (discipline monastique, règles énoncées par le Bouddha à l'intention des moines)
-L'Abidharma (métaphysique)
-Les Sutras
-Les Tantras

DJIU DE KUNTOU
Collection générale de tous les Tantras, enseignement précieux et rarement transmis que détiennent quelques maîtres Sakyapas. La collection regroupe toutes les pratiques de tous les Tantras et leurs initiations dans un Mandala.

DISCIPLE
Dans le Vajrayana, le disciple est une personne qui se lie volontairement à un maître (skt. Guru, tib. Lama) en lui faisant voeu d'obéissance absolue.
Ce lien est fondé par l'initiation transmise par le maître au disciple et au cours de laquelle ce dernier prend un certain nombre d'engagements dont l'un des plus importants est celui d'obéissance et de dévotion au maître.
Il est dit que c'est en fonction de la manière dont le disciple considère son maître qu'il obtiendra les fruits de sa pratique. Ce n'est que s'il le considère à l'égal du Bouddha, qu'il pourra lui-même devenir Bouddha.

DIVINITE ou DEITE
Un grand nombre de déités sont vénérées dans le bouddhisme du Vajrayana. Elles sont toutes des manifestations de l'activité des Bouddhas, pouvant personnifier des vertus ou une action spécifique. Elles sont le support des pratiques de visualisation du Vajrayana.
Diverses catégories de déités apparaissent sous des formes plus ou moins souriantes ou terrifiantes. Certaines sont des "Protecteurs du Dharma" comme Mahakala, etc... dont le culte vise à écarter tous les obstacles qui pourraient affecter le Dharma et sa pratique.
D'autres sont des Yidams ou Déités Tutélaires comme Hévajra, Vajra Yogini, etc.. dont la pratique s'appuie sur des Tantras très développés, prescrivant souvent aux adeptes un culte exigeant visant au détachement de toutes certitudes et conditionnements dualistes dans un but de transformation spirituelle. On parle aussi de divinités de "richesse" dont la pratique vise à permettre l'aisance matérielle dans un but altruiste ou pour se consacrer plus facilement à la pratique, libre de tout souci matériel.

DIX DIRECTIONS
Il s'agit des quatre directions cardinales, des quatre directions intermédiaires, du zénith et du nadir.

DIX SECRETS (voir annexe après la Triple Ligne)

DOCTRINE-voir DHARMA
Le Bouddha a d'abord enseigné les quatre Nobles Vérités qui sont:
La noble vérité de la souffrance,
celle de la cause de la souffrance,
celle de la cessation de la souffrance,
celle du sentier octuple menant à la cessation de la souffrance.
Il a plus tard enseigné le Véhicule des Paramitas, puis les Tantras.

DORJE
Instrument du rituel associé à la cloche. Il symbolise le principe masculin, la grande méthode spirituelle qui est la compassion, activité de l'esprit des Bouddhas. Chaque détail du Dorjé représente un Bodhisattva. Il représente l'immuable et l'indestructible, détruisant lui-même tout ce qui semble inattaquable.
La cloche représente la sagesse, principe féminin qui est la connaissance de la vacuité des dharmas.



DORJE TCHANG (skt. Vajra Dhara)
Le Bouddha Dorjé Tchang est l'expression de l'ultime bouddhéité. Il personnifie l'éveil de la treizième Terre, la plus haute du Vajrayana.
Il est le symbole de la nature de Bouddha inhérente à chaque être vivant, nature de l'esprit indestructible car au-delà des préjugés dualistes. Dorjé Tchang est l'essence du Guru parfait, le reflet de la perfection spirituelle à la portée de chacun. On le représente généralement bleu foncé, avec ou sans consort, tenant dans ses deux bras croisés le Dorjé et la cloche, union de la méthode et de la sagesse.

DOUZE MEMBRES
Il s'agit de douze catégories dans lesquelles on a regroupé les paroles du Bouddha

DROUP THAP KUNTOU
Monumentale collection groupant toutes les Saddhanas, dont la compilation est l'oeuvre des maîtres Sakyapas.

DZAMBULING
Il s'agit du nom donné dans la cosmologie bouddhiste, au continent du Sud qui est l'un des quatre continents décrits. Par extension, ce nom s'applique à notre Terre.

ELEMENTS
Les cinq éléments sont la terre, l'eau, le feu, l'air et l'éther (espace céleste ou conscience).

ENGAGEMENT-voir TROIS VOEUX
L'engagement dans le Véhicule tantrique demande le respect de l'essence des voeux de chacun des trois véhicules qui forment la doctrine des Bouddhas:
1-S'abstenir de nuire à autrui en suivant les cinq préceptes (ne pas tuer, ne pas voler, ne pas se mal conduire sexuellement, ne pas mentir, ne pas consommer d'intoxicants).
2-Promettre de s'appliquer au bien d'autrui (voeux de Bodhisattva).
3-Respecter la nature profonde de bouddhéité dans chacun des êtres par le maintien des voeux tantriques (dont les quatorze engagements du Lien Sacré).

ENTRAINEMENT
Il y a trois entraînements ou disciplines principales dans lesquelles sont regroupés les enseignements du Bouddha. Il s'agit de la discipline de l'éthique, de la discipline du Samadhi (expérience de réalisation intérieure) et de celle de la connaissance.

ESPRIT
L'esprit dans sa nature profonde est clarté-vacuité, félicité-vacuité, c'est à dire l'essence même de la bouddhéité. Cette nature est obscurcie pour les êtres non libérés par des voiles qui sont là depuis un temps sans commencement: les voiles des pulsions négatives et les voiles de la connaissance. Par la poursuite d'une quête spirituelle authentique, ces voiles peuvent se purifier et la vraie nature de l'esprit, la bouddhéité se révèlera alors.

ESPRIT D'EVEIL-BODHICITTA
La Bodhicitta est la motivation essentielle des adeptes du Grand Véhicule. Elle exprime l'aspiration à atteindre l'état de Bouddha afin de pouvoir guider les êtres vers le même état; elle est aussi l'engagement personnel d'agir à l'exemple des Bodhisattvas et de mettre la voie en pratique.
D'un point de vue ultime, l'esprit d'éveil signifie la compréhension directe de la nature de vacuité de l'expérience sensible. L'esprit d'éveil est le don de soi sans réserves pour le bien de tous les êtres. Son développement ne peut pleinement s'effectuer que si les qualités préalables de l'amour et de la compassion ont été correctement produites.

FELICITE
L'expérience de la réalisation spirituelle ne peut dissocier la vacuité de son sceau de félicité. Certaines pratiques visent à la naissance dans le détachement, de la félicité (telles que les quatre joies associées aux quatre centres ou Chakras) afin de s'entraîner à la reconnaître comme vraie nature de l'esprit.

FOI
La foi joue un grand rôle dans le bouddhisme tout comme dans les autres religions. Elle est la graine sans laquelle nulle moisson ne porterait de fruit. Chacun peut et doit s'efforcer de l'affermir. Elle est triple:
-foi de l'amour pour les vertus des Bouddhas et des autres guides, tels que le Lama, le Dharma, etc...
-foi venant du désir de parvenir soi-même au même état de réalisation que ces guides suprêmes.
-foi de la confiance en la réalisation si l'on suit les commandements et les prescriptions des Bouddhas.
Dans le Vajrayana, la foi envers le Lama vu comme le Bouddha même, est essentielle pour l'obtention des réalisations.

GANDHARVAS "Mangeurs d'odeurs"
C'est le nom que l'on donne aux êtres dans le Bardo car ils se nourrissent d'odeurs. Il s'agit aussi d'un nom qui désigne une catégorie de dieux de la sphère du désir.

HEVAJRA-(tib. Tchié Dorjé)
Déité tutélaire ou Yidam très important et très pratiqué dans la tradition Sakyapa. Il s'agit d'une manifestation des Bouddhas dont la pratique s'appuie sur des Tantras de classe supérieure. L'un des principaux artisans de la diffusion de ces enseignements fut le Mahasiddha Birwapa (ou Virupa) qui en transmit directement la lignée totale à Satchen Kunga Nyingpo, le premier des cinq Lamas fondateurs de l'école Sakyapa.

HINAYANA voir MAHAYANA

INDIFFERENCIATION DU SAMSARA ET DU NIRVANA
Ces deux termes sanskrits paraissent de prime abord désigner deux réalités opposées.
Le Samsara ou roue de l'existence est le monde de ceux qui sont soumis à la réincarnation en fonction des tendances de leur karma, dans l'une des trois sphères d'existence où nul n'échappe à la souffrance.
Le Nirvana désigne le havre de paix et de félicité de ceux qui sont parvenus à se libérer de la roue.
Pourtant, ces deux termes apparemment opposés ne désignent que les deux facettes d'une même réalité: le sage voit le Nirvana là où l'ignorant ne trouve que le Samsara. Il n'y a donc nul Nirvana hors du Samsara et nul Samsara hors du Nirvana. Il n'y a pas un mauvais Samsara qu'il faille s'efforcer de rejeter tandis qu'on chercherait ailleurs un bon Nirvana.
Telle est la vision profonde de réalisation qu'on appelle la non-différenciation du Samsara et du Nirvana, ou encore Mahamudra, Grand Sceau, Grand Achèvement, Dzotchen, etc...

INITIATION, CONSECRATION, TRANSMISSION DE POUVOIR (tib. Ong Kur)
Le rituel d'initiation dans le Vajrayana est la transmission par le Lama du pouvoir de méditer avec succès, une voie spirituelle particulière prenant une déité spécifique pour support.
Le rituel dépose dans le disciple le germe de la réalisation et provoque sa maturation spirituelle. L'initiation tantrique fonde le lien indissoluble qui unira désormais maître et disciple, qui doivent tous deux posséder les qualifications requises.
Pour le disciple, les principales de ces qualités sont la foi, la compassion et l'aspiration à la libération en vue du bien d'autrui.
Quant au maître, il lui faut réunir un grand nombre de qualités: foi, compassion, détenir la lignée de transmission des enseignements, en avoir accompli les retraites prescrites, être habile au rituel, etc...
Dans toute initiation, il y a engagement d'obéissance et de foi du disciple envers le Lama ainsi qu'envers la foi bouddhiste du Grand Véhicule.
Les initiations dites "grandes" avec support de Mandala, prescrivent toutes le respect des quatorze voeux racine tantriques. La seule pratique de garder fidèlement sa foi et tous ses engagements conduira à l'obtention certaine de la bouddhéité au terme de seize renaissances successives.
Si, en plus, on met la voie de méditation en pratique, les résultats pourront être beaucoup plus rapides.
Les rituels développés comprennent quatre consécrations successives donnant le pouvoir sur des voies de méditation particulières et produisant chacune une purification et un fruit respectifs, l'ensemble apportant la réalisation de l'ultime bouddhéité.

(QUATRE) JOIES-voir FELICITE, QUATRE CENTRES, YOGA
Fruit de l'expérimentation de la voie en rapport avec les quatre centres.

JOYAUX voir REFUGE

KANDJIOUR
Le Kandjiour composé de cent huit volumes, constitue avec le Tandjiour qui en compte deux cent cinquante-trois et qui est l'exégèse des textes sacrés, le canon bouddhiste.
Le Kandjiour est la collection complète qui regroupe tous les enseignements du Bouddha. Il comprend les écrits sur:
-Le Vinaya: règles monastiques et éthiques
-Les Sutras: enseignements du Bouddha concernant la voie
-L'Abidharma: métaphysique, psychologie et philosophie
-Les Tantras: instructions rituelles et de mise en pratique de la méditation de la voie.

KARMA
Mot sanskrit désignant la loi universelle de rétribution des actes qui conduit les êtres à des renaissances plus ou moins heureuses dans les divers états d'existence selon leurs mérites respectifs. Les critères de détermination du caractère positif ou négatif d'un acte sont fonction de la motivation vertueuse ou non (inspirée par l'intention du bien d'autrui ou son contraire) qui guide cet acte.
Dans le bouddhisme, tout ce que l'on fait, dit ou pense, constitue le germe d'un développement qui déterminera un fruit à plus ou moins long terme, d'où la nécessité d'apprendre à discipliner ses trois portes si l'on désire obtenir la bouddhéité.

KHATCHE-voir PARADIS

KLESHA (tib. Nyon Mong pa)
Dispositions ou pulsions négatives. Trois pulsions (ou poisons) fondamentaux troublent l'esprit sous l'emprise des concepts dualistes; ce sont: le désir-convoitise, la haine-agressivité et l'ignorance. De ces trois pulsions fondamentales naissent respectivement l'avarice, la jalousie et l'orgueil. Elles sont déterminées par la saisie dualiste d'un égo qui empêche la reconnaissance de la vraie nature de l'esprit.

KHAM
Grande province à l'est du Tibet.

LAMA-voir Initiation, Dorjé Tchang, Disciple
Mot tibétain traduction du sanskrit Guru qui signifie Maître ou guide spirituel. C'était au Tibet un mot dont l'usage était réservé sauf rare exception, aux dignitaires réincarnés (Tulkous) chefs de monastères. A ne jamais confondre avec moine (toujours astreint au célibat). Les Lamas quant à eux, pouvaient être des moines ou des Lamas mariés. De nos jours, sous l'effet de l'ignorance des coutumes tibétaines, cette appellation s'applique indistinctement à l'ensemble des moines. Les Tibétains réfugiés eux-mêmes l'emploient de plus en plus fréquemment dans ce sens, au risque de confusions.

LAMA RACINE- voir LIGNEE DE TRANSMISSION
Il s'agit pour chacun du Lama qui transmet les initiations et les instructions de méditation et que l'on doit alors considérer comme son Lama racine. C'est le Lama envers lequel on est tenu de respecter les voeux du Samaya. Les Lamas de la lignée sont les détenteurs successifs de la lignée dont est issu le Lama racine et leur succession remonte jusqu'au Bouddha primordial à l'origine des enseignements transmis par le Lama. Cette notion de lignée de transmission ininterrompue est très importante dans le Vajrayana.
LAMDRE
"La voie et son fruit" constitue un cycle d'enseignements basés sur le Tantra d'Hévajra (tib. Tchié Dorjé) que le grand Siddha Birwapa contribua à diffuser. Ces enseignements expliquent dans un système cohérent, toutes les voies et les étapes avec leurs fruits respectifs, jusqu'à l'état de Bouddha. Ils sont aujourd'hui principalement transmis par l'école Sakyapa.







LIBERATION
La libération (tib. Tharpa) est un terme général qui signifie libération de la souffrance, mais il n'est pas la description d'une étape spirituelle précise.
L'au-delà ou transcendance de la souffrance (tib. Nya Nguène Le Ndépa et skt. Nirvana) est un terme dont la compréhension précise nécessite la connaissance du contexte dans lequel il est employé.
S'agissant de l'idéal spirituel suprême du Petit Véhicule, ce terme signifie l'extinction des désirs ou extinction du moi.
Pour les adeptes du Grand Véhicule et du Vajrayana, il signifiera la libération du cycle des renaissances déterminées par le karma, mais non pas l'ultime bouddhéité qui suppose la réalisation de l'indifférenciation du Samsara et du Nirvana.
La bouddhéité ou transcendance sans demeure (tib. Minépar Nya Nguène Lé Ndépa) désigne l'état d'un Bouddha qui, en raison de sa réalisation de la vacuité, ne demeure pas dans le Samsara et qui, en raison de sa compassion, ne demeure pas non plus dans la transcendance de la souffrance, comme le font au contraire les Auditeurs et les Pratyéka Bouddhas. Il s'agit là de l'ultime bouddhéité.

LIENS SUPPORTS
Chaîne de cause à effet ou encore causes interdépendantes; c'est le principe de production de tous les dharmas qui sont dénués d'existence-en-soi ou d'existence propre et indépendante, mais qui, au contraire, naissent en s'appuyant sur diverses causes et conditions.

LIGNEE DE TRANSMISSION
Le Lama racine représente le dernier chainon d'une lignée de maîtres qui, à travers le temps, le relie de manière ininterrompue au Bouddha Shakyamouni ou encore au Bouddha Dorjé Tchang. Cette lignée de transmission permet la réception des enseignements dans leur intégralité ainsi que leur validation, tant par la source que par le succès de leur mise en application par un grand nombre de saints détenteurs. De plus, les Lamas de la lignée sont pour le disciple, une source d'inspiration et de confiance sans cesse renouvelées.

MADHYAMIKA
Ce terme signifie "la voie du milieu". Il représente une grande tradition philosophique du bouddhisme du Mahayana, qui fut exposée en détail par le grand Nagarjuna, et qui adopte une position moyenne entre deux vues extrêmes.
Le Madhyamika est une réponse aux questions essentielles concernant l'existence ou la non-existence des choses (c'est à dire des phénomènes) et également celle des êtres. Nagarjuna démontre leur erreur à ceux qui tranchent par l'affirmative ou la négative.
Il énonce que c'est une erreur d'affirmer l'existence, la non-existence, les deux à la fois ou leur contraire, car cette position s'appuie sur la réalité d'un égo.
Du fait que le Bouddha ait enseigné la vacuité des apparences, il n'y a nulle part de substance, d'essence ou de substrat ontologique; dès lors, le problème disparait de lui-même puisqu'il ne peut plus y avoir de référence à un égo.

MAHAYANA
Ce terme est l'équivalent sanskrit pour "Grand Véhicule". On le dit grand car il peut conduire tous les êtres sans exception vers la libération de la souffrance, par opposition avec le Hinayana ou "Petit Véhicule" qui ne permet que la libération du seul pratiquant, spécialement s'il est moine.
Le Mahayana comprend deux systèmes distincts:
-Le véhicule de la cause ou Paramitayana dans lequel le pratiquant doit s'efforcer durant un nombre incalculable de vies, au développement de la cause de l'éveil qu'est l'accumulation des vertus ou Paramitas dans la pensée d'éveil.
-Le Vajrayana ou véhicule du fruit ainsi nommé car dès le départ, grâce à l'initiation, le méditant pratique dans la perception de son identité fondamentale avec le Bouddha même. Ceci explique la possibilité d'une réalisation rapidement obtenue, c'est à dire en une seule vie.

MAHAMUDRA-voir INDIFFERENCIATION DU SAMSARA-NIRVANA
C'est un terme sanskrit qui signifie "Grand Sceau" et qui désigne l'ultime étape de la vision profonde dans le Vajrayana, à savoir la réalisation de la nature ultime de l'esprit.

MANDALA
Diagramme mystique d'énergie dans lequel les déités ou leurs emblèmes sont disposés en cercle. Il représente symboliquement les diverses étapes que le disciple doit franchir afin de parvenir à la réalisation de l'ultime bouddhéité. On se sert du Mandala pour la transmission des initiations et la pratique de rites tantriques.
Il peut aussi s'agir d'une offrande dans laquelle le disciple offre en méditation au Lama et aux Bouddhas, un univers idéalisé.

MANTRA
Se décompose en MAN pour Manas qui signifie en sanskrit le mental et en TRA qui veut dire "protège" ou "garde".
Mantra est donc ce qui garde le mental, le protégeant de toute intrusion des pensées ou émotions perturbatrices et étrangères à la méditation. Le mantra est aussi la parole de la déité ou son essence sur le plan verbal ou vibratoire. Chaque déité a un ou plusieurs mantras qui lui correspondent. Ce sont des paroles énoncées par les Bouddhas et qui en détiennent les bénédictions. Les mantras sont très utilisés dans le Vajrayana qu'on appelle aussi plus fréquemment Mantrayana ou "Véhicule des Mantras secrets".

MARA-voir DEMONS

MERITE-voir ACCUMULATION
Le mérite est ce qui résulte de la pratique des actes vertueux.

MI'AMCI
sorte d'être céleste ayant pris l'apparence humaine

MOINE
Les adeptes du bouddhisme se répartissent en plusieurs catégories selon les voeux qu'ils ont pris.
Les fidèles laïques (tib. Gué Nyen, skt. Upasaka) ont au moins le voeu du refuge et peut-être un ou plusieurs des autres cinq préceptes qui interdisent le meurtre, le vol, l'inconduite sexuelle, le mensonge et l'absorption d'intoxicants.
Les novices (tib. Guétsul) sont astreints au célibat et à la chasteté en respectant un ensemble de dix voeux.
Les moines pleinement ordonnés (tib. Guélong, skt. Bhiksu) astreints aussi à la chasteté, respectent eux, un code de discipline énoncé dans le Vinaya par le Bouddha lui-même et comprenant 253 voeux divers réglant dans les moindres détails, l'attitude, le comportement, les vêtements, la démarche, la nourriture, etc... des moines.

MUDRA
Geste, sceau ou parèdre, ce terme désigne généralement un geste symbolique de la main accompagnant la pratique de la visualisation d'une déité, pendant le rituel.
Mudra désigne aussi l'épouse spirituelle qui sert de support aux pratiques de réalisation dans les Tantras.
Le "Mudra flamboyant" est le geste qui commande à la déité invoquée de se souvenir du lien sacré qui l'unit à l'initié pratiquant et, en respect de ce lien, de venir se manifester à lui.

NAGA
Divinités-serpents gardiennes des océans et du monde souterrain, ainsi que de trésors et de certains enseignements secrets.

NECTAR-voir CANAUX, SOUFFLES, NECTARS (tib. Dutsi)
Désigne une substance support de félicité ou de pouvoirs spirituels (immortalité, jeunesse éternelle, etc...) C'est aussi le support matérialisé sous forme d'une substance liquide, de l'esprit des Bouddhas qui a le pouvoir de transmettre l'initiation.

NEDJIN
Désigne une sorte de gardien à l'aspect terrible chargé de veiller au respect de la Doctrine.

NIRVANA-voir LIBERATION

NGOR
Une des trois écoles de la tradition Sakyapa, dont Son Eminence Ngor Ewam Phendé Rinpoché est l'un des chefs. Son centre principal était au Tibet, la grande université monastique de Ngor Ewam Tcheuden.

OBJETS DE BON PRESAGE
Plusieurs séries d'objets ou d'emblèmes sont devenus dans le bouddhisme, des objets de bon présage en souvenir des bénédictions qui leur furent accordées par le Boudddha.

ORNEMENTS D'OS
Les six ornements d'os sont une parure d'ossements humains qui ornent certaines déités tantriques.





OUVERTURE DE BRAHMA
Il s'agit d'une ouverture au sommet de la tête correspondant à la fontanelle.

PANDITA
Un Pandita est un érudit dans les cinq domaines principaux et secondaires de la connaissance traditionnelle indienne.
A) -L'art de la médecine
-celui des sons
-le Dharma (connaissance intérieure)
-la dialectique
-l'art religieux

B) -l'astrologie
-la poésie
-l'usage des périphrases et autres circonlocutions
-l'art de la composition harmonieuse
-les arts appliqués

PARAMITAS
Ce sont les six vertus parfaites du Paramitayana, véhicule de la cause du Mahayana:
-la vertu du don
-la vertu de la conduite éthique
-la patience
-l'énergie
-la méditation
-la sagesse.



PARADIS
Un grand nombre de paradis aux noms différents et correspondant souvent à la résidence d'un Bouddha particulier sont évoqués dans les textes. Y renaissent les êtres ayant échappé à la transmigration sous l'effet du karma. Recevant les enseignements directement des Bouddhas qui y président, ils foulent eux aussi les différents degrés de réalisation. Le paradis de Khatché est un nom tibétain qui, sans désigner un paradis particulier lié à un Bouddha défini, en évoque le caractère général de jouissance de la vacuité.

PATSE
Unité de mesure.

PRATIEKA-BOUDDHA-voir AUDITEUR

PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT ET DE RESORPTION
voir UNION DES PHASES

POISONS-voir KLESHA

POUVOIRS-voir SIDDHIS

PRASANGHIKA
Ecole se rattachant à la philosophie du Madyamika

PRETA (tib.Yida qui signifie "esprit avide")
Les Yidas désignent, parmi les six états d'existence, celui d'êtres avides en proie à une faim et une soif incessantes qu'ils ne peuvent jamais satisfaire. La renaissance dans cet état est induite par une forte propension à l'avarice.

PRINCIPE CONSCIENT (tib. NAMSHE)
La faculté de conscience, résultant de l'intégration de tous les éléments fournis par l'expérience sensible, émotionnelle et de comportement et la construction de la mémoire. C'est le principe de conscience qui influence les actes en pensée, parole et action et subit aussi les résultats positifs ou négatifs de ces actes dans les multiples renaissances au sein de la roue de l'existence. Dans son essence purifiée libre de toute action et réaction, il est l'esprit même des Bouddhas.

PROTECTEUR (tib. TCHEU TCHIONG)
Les Protecteurs du Dharma sont une catégorie de déités dont les rituels visent à détruire pour le pratiquant, toutes forces adverses internes et externes qui viendraient à menacer soit sa propre pratique spirituelle, soit celle d'autrui ou le Dharma en général.
Ces déités sont liées aux Bouddhas par leur serment de défendre en toutes circonstances le Dharma et ses pratiquants. Elles présentent un aspect peu avenant et terrible afin de faire reculer les êtres nuisibles que seule une telle apparence permet de dompter.

REALISATION-voir INDIFFERENCIATION DU SAMSARA-NIRVANA
La suprême réalisation consiste dans la compréhension qu'il n'y a pas un mauvais Samsara à rejeter ni un bon Nirvana à obtenir, mais qu'ils ne sont que les deux facettes dont l'union est indissoluble, de l'état primordial et naturel de l'esprit. Il n'existe donc ni "maux" de la roue à rejeter, ni béatitude d'une soi-disant libération à laquelle aspirer.
La réalisation est le résultat d'un cheminement qui permet la disparition des voiles des pulsions négatives et de la connaissance conceptuelle, où tout ce qui devait être purifié et développé a été purifié et développé. Les ténèbres de l'ignorance dissipées ont permis le développement de l'intelligence et de la connaissance par la pratique de la vertu et de la sagesse.

REFUGE
Le refuge est l'engagement initial du bouddhiste commun à toutes les écoles.
Le pratiquant cherche un refuge infaillible contre toutes les souffrances de l'existence qui l'assaillent personnellement ou dans lesquelles il voit les autres se débattre en vain. Il se détourne de tout refuge illusoire en des puissants de ce monde dont la protection ne saurait être parfaite. Il se tourne vers les seuls qui puissent le mener au-delà de la souffrance, c'est à dire les trois joyaux, les trois "Rares et Sublimes" qui sont:
-les Bouddhas
-le Dharma
-la Sangha ou Communauté de tous les fidèles.
S'il choisit l'illustre voie du Vajrayana, il comprendra que son Lama racine est le prisme indispensable au travers duquel il pourra recevoir les bénédictions des Bouddhas et il prendra d'abord refuge en lui. Il se remettra ainsi lui-même dans toutes circonstances heureuses ou malheureuses de sa vie, entre les mains du Lama, du Bouddha, du Dharma et de la Sangha, confiant en leur compassion pour le guider infailliblement.

REINCARNATION, RENAISSANCE ET EMANATION
Il peut y avoir deux manières de se réincarner ou de renaître: celle des êtres ordinaires en vertu du karma ou celle des Lamas (Tulkous) qui se réincarnent volontairement par compassion.

.ROUE DE LA VIE-voir TROIS SPHERES ET SAMSARA

SADDHANA (tib. Droup thap "Méthode pour réaliser")
Texte résumant l'ensemble des étapes d'une pratique conduisant à la réalisation. Les saddhanas sont de longueur très variable. Elles s'appuient sur la pratique de méditation d'une déité en particulier.

SAGESSE
Le mot français correspond à deux mots tibétains et sanskrits bien distincts.
Il y a YESHE (skt. JNANA) qui est plutôt une sagesse intuitive directe et qui correspondrait à peu près au mot gnose. Elle est l'apanage de la réalisation spirituelle qui révèle la connaissance de la vérité ultime et primordiale.
Et il y a SHERAP (skt. PRAJNA) que l'on emploie pour désigner une faculté d'intelligence analytique pouvant se déployer dans des savoir-faire divers mondains ou qui peut être, à son plus haut niveau, la perception, la connaissance directe de l'essence même de vacuité de toutes choses, transcendant leur apparence et le dualisme sujet-objet.

SAMADHI
Etat de méditation profonde dans lequel l'esprit demeure stable, concentré sur un objet unique, par exemple le Samadhi de l'amour.

SAMAYA-voir VOEUX, ENGAGEMENTS
Voeux du lien sacré qui lie le disciple au maître et, à travers lui, à la divinité d'initiation. Le respect de ces voeux conditionne l'obtention de la bouddhéité tandis que leur rupture provoque de très néfastes conséquences karmiques.

SAMSARA ou ROUE DE L'EXISTENCE
L'ignorance des êtres les amène à croire à la réalité d'un égo. Cette saisie d'un égo amène un attachement à celui-ci d'où naissent continuellement les flots des pulsions négatives liées aux trois poisons. Ces pulsions négatives induisent des penchants ou tendances karmiques qui conduisent à expérimenter sans cesse des existences différentes et variées dans la roue de l'existence. Tant que dure l'ignorance, on tourne sans fin dans cette ronde des renaissances humaines et non-humaines tout en éprouvant la souffrance. Le Samsara se répartit en trois sphères et six états d'existence. Parmi ces trois sphères, on distingue celle du désir, celle de la forme subtile et la sphère du sans-forme. Les six états d'existence sont: les enfers où vivent des êtres torturés, les royaumes des esprits avides où l'on endure sans cesse faim et soif inextinguibles; le monde des animaux est accablé par l'obscurité mentale, la crainte et la souffrance de l'exploitation de sa force, de sa chair, de sa peau, etc...
Le monde des dieux vit dans l'insouciance et les plaisirs qui malheureusement doivent cesser un jour, causant d'infinies souffrances;
le monde des demi-dieux jaloux des richesses dont jouissent les dieux et qui sont sans cesse engagés dans des batailles avec eux qu'ils perdent toujours;
le monde des humains qui souffrent de l'impermanence et d'autres maux.

SANGHA
C'est l'assemblée de ceux qui enseignent et pratiquent le Dharma. La constitution de la Sangha diverge selon les véhicules. Dans le Vajrayana, il convient d'y inclure tous ceux qui ont pris refuge avant soi-même.

SENS PROFOND-voir INDIFFERENCIATION DU SAMSARA-NIRVANA

SIDDHAS
Ce nom, dérivé de Siddhi qui signifie pouvoir ou réalisation, qualifie les grands sages qui ont obtenu les réalisations.

SIDDHIS-POUVOIRS
Ces pouvoirs, fruits de la méditation sont de deux sortes: ordinaires tels que les différents pouvoirs mondains et suprêmes tels que l'obtention de l'état de Bouddha.
Aux Siddhis ordinaires se rapportent certaines facultés supranormales telles que la clairvoyance, la claire audience, télépathie, lévitation...
Ces pouvoirs peuvent être atteints chez des êtres accomplis ayant obtenu un certain degré de réalisation spirituelle; on les trouve aussi chez d'autres qui ne sont pas dans ce cas mais qui ont développé certaines formes de concentration et certaines pratiques particulières. Ces pouvoirs ne sont pas toujours le signe d'une réalisation spirituelle; on ne doit ni les cultiver particulièrement ni les extérioriser, sauf en des occasions exceptionnelles.
Le suprême accomplissement demeure dans l'indifférenciation du Samsara et du Nirvana ou Mahamoudra, la treizième terre de Dorjé Tchang.
Ainsi, les Siddhas avaient des pouvoirs et des capacités surnaturels qui résultaient de leur pratique de la voie.

SILWAI TSAL
"Parc de fraîcheur"; c'est un cimetière devenu lieu de pélerinage, situé non loin de Bodhgaya.

LES SIX SENS-voir CONSCIENCE
Le sixième sens est celui du mental ayant les pensées pour objet. SIX

STUPA
C'est un monument généralement destiné à contenir des reliques de Bouddhas ou de grands saints. Il en existe huit formes différentes qui symbolisent l'éveil des Bouddhas.

SHRAVAKA-voir ARHAT ou AUDITEUR

SUGATA
Epithète attribuée aux Bouddhas, qui signifie "Celui qui va dans le bonheur".

SUTRA
Ce sont les discours du Bouddha. Tous ces discours sont regroupés dans une Corbeille, celle des Sutras, accompagnant le Vinaya, l'Abidharma et les Tantras dans le Kandjiour ou collection sacrée en tibétain d'environ une centaine de volumes de toutes les paroles des Bouddhas.



TANDJIOUR
Collection sacrée réunissant l'ensemble des traductions des commentaires des Sutras et des Tantras, écrits par les maîtres indiens. De plus, on y trouve des théories et des pratiques tardives en accord avec le Dharma. Il est constitué de plus de deux cents volumes.

TANTRA
Le mot en lui-même signifie "réseau"; il s'agit d'un ensemble de textes établissant un réseau de correspondances symboliques entre l'univers extérieur et l'intérieur, ou encore entre les déités et les êtres vivants ordinaires, c'est à dire non-libérés. Les Tantras enseignent une voie rapide vers la libération; ils sont, pour cette raison et d'autres, particulièrement appropriés à notre âge sombre. Ils s'appuient sur la purification des énergies et leur transmutation. Les Tantras sont des manuels de pratique rituelle, de yoga et d'identification du constituant individuel au cosmos, au sens profond de réalité suprême.
Il existe quatre classes de Tantras:
les Kriya Tantras, s'appuyant sur le rituel et des modes extérieurs de purification pour l'accumulation de mérite.
Les Carya Tantras contiennent des instructions rituelles et des pratiques de développement de l'esprit.
Les Yoga Tantras contiennent plus d'instructions sur le sens intérieur pour les pratiques de méditation.
Les Anuttara Yoga Tantras s'adressent aux pratiquants aux plus vives facultés. Ils sont uniquement tournés vers le sens intérieur des pratiques et la nature de l'esprit.

TERRES
Niveaux de réalisation spirituelle sur la voie. La première terre est le premier stade de la perfection. On compte dix terres dans le Mahayana et treize dans le Mantrayana qui représente la quintessence des enseignements bouddhistes.



THILE-voir CANAUX, SOUFFLES, NECTARS
Goutte de fluide vital, nectar vital.

TORMA
Il s'agit le plus souvent d'une offrande, très ornée et colorée. Elle est faite d'un mélange de beurre et de farine d'orge que l'on offre aux déités invoquées au cours du rituel. La Torma est alors comme une nourriture dont la forme et les couleurs sont censées plaire particulièrement à tel ou tel type de déité.
Dans d'autres rites, comme l'initiation, elle peut aussi être la forme symbolique de la déité même. Par son intermédiaire, le Lama transfère au disciple protection et sécurité contre les forces adverses.

TROIS MILLE
L'univers des Trois Mille est ainsi nommé car on le dit constitué de trois fois mille univers (ce qui signifie en fait une infinité d'univers). Le premier Mille comprend mille univers de base, le deuxième Mille regroupe mille amas du premier Mille et le troisième Mille, mille amas du deuxième Mille.

TROIS POISONS
Ce sont les trois pulsions négatives fondamentales du désir-passion, de la haine-aversion et de l'ignorance. Ces trois pulsions sont les motivations profondes conduisant à l'accumulation de mauvais actes en action, parole et pensée qui enferment à leur tour dans la prison de la roue de l'existence et ses mauvais états de renaissance.

TROIS PORTES
Elles sont constituées par le corps, la parole et l'esprit.

TROIS SPHERES
Elles sont celles du désir, de la forme subtile et du sans-forme. La sphère du désir, la plus grossière, inclut les six états d'existence qui sont dominés par le désir.
Puis, avec l'extinction des plus grossiers désirs, vient le monde de la forme subtile où demeurent divers êtres célestes.
Les formes même n'existent plus dans la sphère du sans-forme où demeurent de purs esprits. Il ne faut pas confondre les habitants de ces paradis mondains avec les paradis des Bouddhas où la réalisation est acquise.
Tous les êtres dans les trois sphères sont soumis à la réincarnation selon leur karma au sein de la roue de l'existence.

TROIS TEMPS
Le passé, le présent et le futur.

TUMO
Pratique de yoga destinée à faire naître une intense chaleur interne liée à la félicité.

UNION DES PHASES DE DEVELOPPEMENT ET DE RESORPTION
Il s'agit des deux phases essentielles du processus de méditation. Tout d'abord, le processus de développement où le disciple par son identification à la déité de pratique, acquiert les vertus mêmes de celle-ci.
Après avoir purifié sa forme ordinaire, il purifie aussi l'attachement à toute forme aussi pure soit-elle dans le processus de résorption où toute manifestation se résorbe dans la vacuité qui la fonde.
Méditer dans l'union de ces deux phases est une caractéristique du bouddhisme Tantrique.
Dans les techniques de méditation du processus de développement-résorption, le méditant procède à la transmutation du monde sensible dans ses trois manifestations: physique, verbale et mentale; celui-ci devient la propre activité physique, verbale et mentale de la divinité pratiquée.
Cette divinité dont l'essence d'union de clarté-vacuité n'est jamais perdue de vue, s'absorbe ultimement dans la vacuité.

UNION DE LA METHODE ET DE LA SAGESSE
L'union de ces deux éléments, respectivement symbolisés par le Dorjé et la cloche, signifie l'union de la grande compassion et de la sagesse qui est connaissance de la vacuité; elle est indispensable à l'obtention de la bouddhéité.

VACUITE (tib. Tong pa Nyi, skt. Shunyata)
La vacuité est la nature ultime de tous êtres et toutes choses. Elle n'est pas le néant mais signifie ce qui est vide de toute caractéristique propre, vide de tout en-soi propre et indépendant. Ce terme équivaut donc à dire que tout phénomène vient à l'existence en prenant appui sur un enchaînement de causes et de conditions extérieures au phénomène lui-même. Les bouddhistes souscrivent à la formule de la physique "rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme". Rien n'existe donc en soi. L'expérience spirituelle authentique de la réalisation de la vacuité s'accompagne toujours de l'expérience de la lumière et de la félicité.

VAGUES DE DONS
Traduction littérale et évocatrice du mot tibétain "Tchin Lap" qu'on rend aussi par "bénédiction".

VAJRAYANA-voir MAHAYANA, VOEUX, INITIATION, DOCTRINE

VEHICULE (grand et petit)-voir DOCTRINE
Le Hinayana est le véhicule des Auditeurs et des Pratiéka-Bouddhas. On l'appelle aussi véhicule inférieur à cause de la motivation de libération personnelle et de pratique spirituelle tournée sur soi-même.
Le grand véhicule est le Mahayana qui inclut la pratique des six Paramitas ainsi que le Vajrayana. Le qualificatif de "grand" est justifié par la motivation du pratiquant qui aspire à la bouddhéité pour le bien de tous les êtres.

VERITE (LES QUATRE NOBLES)-voir DOCTRINE, DHARMA
Ce fut le premier cycle d'enseignements du Bouddha Shakyamouni qui fut donné à Sarnath et qui diagnostique le caractère de souffrance inhérent à l'existence ordinaire conditionnée, en donnant les moyens de s'en libérer.
Il y a d'abord l'universalité de la souffrance à laquelle nul n'échappe.
Le désir qui voile notre esprit et le rend confus, en est l'origine indiscutable.
La possibilité de s'en libérer constitue la cessation de la souffrance qui est le résultat du "Noble Sentier Octuple" qui exprime la règle à appliquer dans l'existence afin de se libérer de la souffrance et atteindre le Nirvana.

VERTU
Tout acte en pensée, parole ou action qui est motivée par le bien d'autrui. Dix vertus principales sont énumérées: s'abstenir de tuer, de voler, d'inconduite sexuelle, du mensonge, de la calomnie-médisance, de paroles blessantes, de paroles vaines, de convoitise, de méchanceté et de vues fausses. Ces dix vertus font l'objet d'une prise de voeux.

VISION DE LA VERITE
La vision pénétrante est la faculté de discernement et d'analyse des dharmas ou objets de connaissance. Elle s'épanouit à partir du stade de la stabilité sereine de l'esprit qui lui en permet l'investigation et la reconnaissance.
La vérité absolue est la reconnaissance de l'indifférenciation du Samsara et du Nirvana, alors que la vérité relative se rapporte à la perception des apparences des êtres non-réalisés. Cette dernière, qui guide vers la vérité absolue, est aussi appelée vérité "qui guide les êtres" (tib. Trang Dène), car ceux-ci, plongés dans l'ignorance et l'illusion, ont besoin d'une purification pour accéder à l'ultime connaissance, laquelle est possible grâce à la vérité relative du chemin de la pratique et de la vertu.
En conclusion, l'esprit de tous les êtres en vérité absolue, est Bouddha, mais pour le reconnaître, il est nécessaire de s'engager dans la pratique de la voie qui constitue la vérité relative.

VOEUX-voir MOINE, VEHICULE
Les trois voeux qu'on peut aussi appeler les trois ordinations, n'existent qu'en relation avec les trois véhicules auxquels ils sont associés.
Dans le Hinayana où l'on prend le voeu de libération personnelle, on insiste sur l'observance d'une parfaite éthique. L'essence de ce type de voeu est reprise dans le Vinaya ou code monastique et est centrée sur le respect des cinq préceptes qui sont: ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir d'inconduite sexuelle, ne pas mentir, ne pas consommer d'intoxicants; le principe essentiel est ici de s'abstenir de tout mal fait à autrui.
Dans le Mahayana, on prend les voeux de Bodhisattva qui sont fondés sur la compassion et la Bodhicitta.
Indépendamment des voeux de la libération personnelle qui doivent toujours dans le Petit Véhicule, être maintenus quelles que soient les circonstances, les voeux de Bodhisattva sont l'engagement devant les Bouddhas, d'aider les êtres à parvenir à cet état. Cette conscience doit être maintenue durant tout le cours de la pratique. Si l'on abandonne ou perd courage, les voeux sont brisés. Ils peuvent être repris, si l'on aspire toujours à la libération. Le principe essentiel de ces voeux est l'engagement envers le bien d'autrui.
Dans le Vajrayana, on prend les voeux proprement tantriques. Dans cette voie qui regroupe les êtres très motivés par la compassion envers autrui, le yogui s'identifie avec la déité qu'il doit réaliser. Celle-ci rassemble toutes les qualités et caractéristiques des Bouddhas et son initiation ne peut être conférée que par un Lama que l'on doit voir comme l'égal de la déité, car ceci est l'essence même des voeux du Vajrayana. Le maintien des voeux tantriques réclame l'assurance d'une vision pure à l'égard du monde et du Lama.
Il est dit que le véhicule tantrique concentre l'essence des trois voeux et donc l'essence de tous les véhicules bouddhistes, car l'initiation exige l'engagement du respect de l'ensemble des trois voeux.

YIDAM-voir DIVINITE, TANTRA
Le Yidam ou déité tutélaire est une émanation de l'esprit des Bouddhas. Le pouvoir de cette déité ainsi que la possibilité d'obtenir la réalisation en s'appuyant sur sa pratique, est conféré lors de l'initiation par le Lama. Le nom de déité tutélaire est justifié par le lien qui attache l'esprit de l'initié à la déité, car c'est sous sa tutelle qu'il réalisera sa nature de Bouddha. Chaque être a sa particularité, chaque Yidam manifeste la nature de Bouddha au travers d'un de leurs multiples aspects. La méditation sur les Yidams et sur les yogas qui leur sont associés, est l'un des moyens adroits utilisés par le Vajrayana pour accéder rapidement à la libération. De cette manière, on se libère du Samsara en usant justement des moyens qui y enchaînent; l'esprit est voué à la pratique du Yidam par l'engagement du yogui de méditer son corps, sa parole et son esprit comme pareils à ceux du Yidam.
De cette manière, les trois portes du pratiquant se trouvent progressivement transmuées au travers de la pratique des yogas liés aux quatre consécrations, en les trois portes des Bouddhas dont le disciple réalise les quatre corps grâce à l'influence spirituelle du Yidam dont l'essence est le Lama, manifestation présente de tous les Bouddhas.

YOGA
Ce mot est un terme sanskrit qui exprime l'idée de "relier".
Dans le Bouddhisme, il désigne toute pratique visant une expérience spirituelle qui relie au sens ultime de toute chose. Toute pratique religieuse accomplie par le corps, la parole ou l'esprit, peut donc être appelée yoga. On parle de yogas mentaux, physiques, ou de la récitation.

YOGA DU LAMA ou GURU YOGA
Le Bouddha a enseigné à de multiples reprises, que dans les temps futurs dits "de dégénérescence", il prendrait la forme du Lama (skt. Guru). Il faudra donc honorer ce dernier comme tel.
Ainsi doit apparaître la finalité du Guru yoga: pour réaliser le Mahamoudra, il faut parvenir à l'union de son esprit avec celui du Lama, qui est l'essence concentrant tous les autres Lamas de la lignée et la divinité Yidam. La dévotion au Lama est l'un des voeux principaux de l'initiation: elle doit se manifester dans les pensées, les paroles et les actes; le plus important est de développer la ferme conviction que le Lama est le Bouddha Dorjé Tchang lui-même. Ne voir que des qualités dans son Lama est la meilleure façon de les obtenir soi-même.
Au contraire, si l'on pense percevoir des insuffisances ou des fautes, aucune réalisation ne pourra être obtenue.

































TABLE DES MATIERES





PREFACE 2
INTRODUCTION GENERALE 10
LA FOI 14
LE REFUGE 20
I- LA CAUSE DU REFUGE 20
II- L'OBJET DU REFUGE 21
III-COMMENT PRENDRE REFUGE? 22
IV- LES BIENFAITS DE LA PRISE DE REFUGE 26
V- LES REGLES DU REFUGE 27
L'ENSEIGNEMENT PRINCIPAL 31
CHAPITRE I

LES INSTRUCTIONS CONCERNANT LA VISION IMPURE AFIN DE PRODUIRE LE RENONCEMENT AU MONDE
32
I - LES INSTRUCTIONS CONCERNANT LES MAUX LIÉS AU SAMSARA, AFIN DE PRODUIRE LE RENONCEMENT
32
A- LA SOUFFRANCE DES SOUFFRANCES
34
1) LA SOUFFRANCE DES ENFERS
34
a) Les Enfers Froids 34
b) Les Enfers Chauds 39
c) Les Enfers Avoisinants et Autres 45
2) LA SOUFFRANCE DES PRETAS
50
a) Les Avides Affectés de Voiles Extérieurs 51
b) Les Avides Affectés de Voiles Intérieurs 52
c) Les Avides Affectés Des Deux Sortes De Voiles 52
3) LA SOUFFRANCE CHEZ LES ANIMAUX
54
a) Ceux qui vivent dans les océans extérieurs: 54
b) Ceux qui habitent les ténèbres intercontinentales: 55
c) En ce qui concerne la troisième catégorie de ceux qui vivent dans les états supérieurs: 55
B- LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT 56
1) LA DOULEUR DU CHANGEMENT EN GÉNÉRAL 57
2) LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT CHEZ LES HUMAINS 58
a) La souffrance de la naissance 59
b) La souffrance de la vieillesse 60
c) La souffrance de la maladie 61
d) La souffrance de la mort 61
3) LA SOUFFRANCE DES DIEUX ET DES ANTI-DIEUX 64
C- LA SOUFFRANCE DES PRODUCTIONS MENTALES 68
1) LA SOUFFRANCE DU CARACTERE INACHEVÉ DE L'ACTION 69
2) LA SOUFFRANCE DE L'INASSOUVISSEMENT DU DÉSIR
70
3) LA SOUFFRANCE DE DEVOIR SANS RELACHE SUBIR LA RONDE DES NAISSANCES ET DES MORTS 73
II- LES INSTRUCTIONS SUR LA DIFFICULTE D'OBTENIR UN CORPS MUNI DE TOUTES LES CONDITIONS FAVORABLES 78
A- LA REFLEXION SUR LA DIFFICULTÉ D'OBTENIR UNE INCARNATION HUMAINE FAVORABLE 79
1) Difficulté du point de vue de sa cause 79
2) Du point de vue de son nombre aussi, cette précieuse incarnation est difficile à obtenir: 80
3) Comment réfléchir que cette incarnation est difficile à obtenir du point de vue de son essence propre? 82
B- LES IMMENSES BIENFAITS QUE PROCURE UNE TELLE INCARNATION 88
C- LA REFLEXION QUANT AU CARACTERE EPHEMERE DES CONDITIONS OBTENUES
92
1) REFLECHIR A LA CERTITUDE DE LA MORT 94
a) Puisqu'après la naissance, il est impossible de demeurer pour toujours en vie, on est soumis à la mort: 95
b) Il faut réfléchir que la mort vous attend car le corps est dépourvu de tout fondement: 97
c) Il faut réfléchir que la mort est certaine car la vie est impermanente: 98
2) REFLECHISSEZ A L'INCERTITUDE DE L'HEURE DE LA MORT AFIN QUE L'ESPRIT NE SE PROJETTE PLUS SI LOIN DANS LE FUTUR 104
a) Comme la vie n'a pas de durée définie, l'heure de la mort demeure incertaine: 104
b) Comme les conditions provoquant la mort sont nombreuses, l'heure de la mort demeure incertaine:
105
c) Comme les conditions favorisant la vie sont rares, l'heure de la mort demeure incertaine: 108
3) REFLEXION SUR L'ABSENCE DE TOUT FRUIT POSITIF SI L'ON NE PRATIQUE PAS LE SAINT DHARMA
111
a) lorsque s'annonce vraiment l'heure de la mort, aucune possession mondaine de nourriture, de richesse, de bien, etc... aussi auspicieuse soit-elle, n'est utile:
112
b) les proches et l'entourage, même en nombre, ne sont d'aucune utilité à l'heure de la mort: 112
c) la puissance et l'autorité, de même que tout autre accomplissement habituellement recherché et apprécié dans ce monde, ne sont d'aucune utilité. 113
III- INSTRUCTION SUR LES ACTES VERTUEUX ET NON VERTUEUX AVEC LEURS FRUITS RESPECTIFS AFIN DE CLARIFIER LA CONDUITE A TENIR OU A REJETER 119
A- PRODUIRE LE DESIR DE REJETER LA NON-VERTU PAR L'EXAMEN DES FRUITS QU'ELLE ENGENDRE 121
1) Les actes non vertueux 121
2) Comment réfléchir aux fruits de ces actes?
123
a) Le fruit de la maturation 124
b) Le fruit en accord avec sa cause est double: 124
c) Quant au fruit de la propriété, il est dit qu'il mûrit et porte ses fruits dans le monde extérieur où l'on naît et l'on vit. 126
3) Comment éviter ces actes? 126
B- PRODUIRE LE DESIR DE PRATIQUER LA VERTU PAR L'EXAMEN DES FRUITS QU'ELLE ENGENDRE 129
1) Les actes vertueux 130
2) Les fruits qu'ils engendrent: 130
3) Comment réfléchir à leur accomplissement?
132
C- TRANSFORMER LES ACTES NEUTRES EN VERTUS PAR LA REFLEXION 140
1) Ce qu'ils sont: 140
2) Ils sont dépourvus de fruit: 141
3) Les transformer en vertus: 141
CHAPITRE II

LES INSTRUCTIONS SUR LA VISION DE L'EXPERIENCE POUR PRODUIRE DE NOBLES ASPIRATIONS
150
I- MEDITATION JUSQU'A LA NAISSANCE DES EXPERIENCES COMMUNES 150
A- MEDITATION DE L'AMOUR 151
1) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS LES PROCHES 154
a) A l'égard de sa propre mère 154
b) Associer les autres proches à cette méditation 158
c) Associer tous les êtres ordinaires à cette méditation 158
2) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS LES ENNEMIS 159
3) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS TOUS LES ETRES VIVANTS 160
B- MEDITATION DE LA COMPASSION, DESIR DE LIBERER AUTRUI DE LA SOUFFRANCE
165
1) LA COMPASSION QUI SE REPRESENTE LES ETRES VIVANTS 166
2) LA COMPASSION QUI VOIT SON OBJET DANS LE DHARMA 168
3) LA COMPASSION SANS OBJET DE REPRESENTATION 169
C- MEDITATION DE L'ESPRIT D'EVEIL, OU DESIR DE L'ETAT DE BOUDDHA POUR LE BIEN DES ETRES 172
1) L'ESPRIT D'EVEIL DU SOUHAIT 176
2) L'ESPRIT D'EVEIL EN APPLICATION, A SAVOIR L'ENTRAINEMENT DANS LA VOIE EN VUE DU FRUIT 180
a) La méditation de l'identité entre soi et autrui: 182
b) Méditation de l'échange: 186
c) L'entraînement à ce comportement:
195
- L'entraînement à la conduite générale d'un Bodhisattva:
195
- L'entraînement dans les six Paramitas, afin de développer sa propre maturité spirituelle:
196
- L'entraînement dans les quatre étapes du rassemblement, dans le but de faire mûrir autrui: 200
3) L'ESPRIT D'EVEIL DU SENS ULTIME, UNION INDISSOCIABLE DE LA STABILITE SEREINE ET DE LA VUE PENETRANTE 203
a) Son essence véritable 203
b) Les méthodes pour faire naître l'esprit d'éveil dans le continuum mental:
204
c) Mise en application de ces méthodes:
205
- LA STABILITE SEREINE
205
- MEDITATION DE LA VUE PENETRANTE 220
- MEDITATION DANS L'UNION DE LA STABILITE SEREINE ET DE LA VUE PENETRANTE 247
II- MEDITATION SUR L'INTIME CONVICTION DE LA NAISSANCE D'UNE EXPERIENCE EXTRAORDINAIRE (dans la voie du Vajrayana)
249
CHAPITRE III
LES INSTRUCTIONS SUR LA VISION PURE VISANT A PRODUIRE UNE GRANDE JOIE 254
I- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DU CORPS 254
II- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DE LA PAROLE 255
III- LA ROUE ORNEMENTALE DES INEPUISABLES QUALITES DE L'ESPRIT 256
COLOPHON 259
GLOSSAIRE 262





















Imprimerie Durand
9 rue du Maréchal Leclerc - BP 69 - 28600 Luisant
Achevé d'imprimer Juillet 1998
Dépôt légal Juillet 1998
1. Il s'agit ici d'un hommage au maître spirituel, tel qu'on le trouve en préambule de tous les textes tibétains.
2. Victorieux est une épithète qualifiant habituellement les Bouddhas.
3. Cette strophe évoque les trois types de visions qui sont l'objet de ce texte et en donne une brève définition. Il y a la vision impure, la vision de l'expérience méditative et la vision pure.
4. Les textes rapportent qu'après avoir atteint la réalisation, Birwapa devint un yogui errant à travers l'Inde.Il convertit un grand nombre d'êtres à la pure doctrine du Bouddha. Il s'arrêta un jour dans une taverne, commandant qu'on lui apporte toute la bière que l'on pouvait y trouver; ayant tout bu, il traça une ligne sur le sol à la limite de l'ombre et de la lumière, et déclara au tavernier qu'il le paierait lorsque le soleil aurait franchi cette limite. Mais durant plusieurs jours, le soleil demeura immobile dans le ciel. Birwapa ne relâcha la course du soleil que lorsque les habitants promirent de se convertir au bouddhisme. On explique qu'un tel "miracle" extérieur est le reflet de la maîtrise intérieure que possédait Birwapa sur la circulation de ses souffles et énergies.
5. Les Trois Corbeilles sont les trois divisions principales des écritures bouddhistes. Il s'agit de l'Abidharma, des Sutras et du Vinaya.
6. Il s'agit du traité à la source du développement des enseignements du Lamdré.
7. A ceux de nos lecteurs qui seraient choqués de cette remarque apparemment sexiste, il convient de rappeler que la plupart des Sutras dont sont extraites ces citations, sont des discours du Bouddha adressé à des moines. La chasteté étant un de leurs voeux principaux, un grand nombre de textes les invite à rejeter le désir des femmes. Comme toujours dans la doctrine bouddhiste, il est essentiel de comprendre le contexte des enseignements et l'auditoire visé car on trouve souvent la transmission de vérités dites "relatives" par contraste avec les textes visant l'énoncé de la vérité "absolue". C'est ici bien sûr le désir et l'attachement qui sont déclarés mauvais et non les femmes en tant que telles, que d'autres textes bouddhistes louent en tant que symboles de la Sagesse ultime.
8. Ces cinq actes de "portée illimitée" sont: le parricide, le matricide, tuer un Arahat ou être réalisé, provoquer un schisme dans la communauté bouddhiste et enfin détruire afin de nuire les supports matériels dans lesquels résident les Bouddhas, tels que les statues ou autre.
9. Il est fait ici allusion à l'histoire d'un lièvre qui affolé par le bruit d'une branche d'arbre cinglée d'avant en arrière par le courant d'une rivière près de lui, s'était enfui en faisant courir auprès de tous les animaux rencontrés, la rumeur d'une menace terrifiante qui s'était ainsi amplifiée sans raison jusqu'à ce qu'un lion, le symbole de la bravoure, aille vérifier lui-même la source du bruit et rétablisse la sérénité de tous.
10. Par "communes", il est fait référence aux expériences communes à tous les pratiquants des divers "véhicules" bouddhistes.

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