c) Les Avides Affectés Des Deux Sortes De Voiles
"Certains ont des flammes qui leur sortent par la bouche et ils avalent
la nourriture de sable brûlant qui y tombe. Ils frappent le visage
des autres, et ils boivent le pus qui s'échappe du goître
mûr à leur gorge." (bShes sPring)
Outre les souffrances énumérées plus haut, sitôt
qu'ils sont parvenus à avaler quelque vomissure, des flammes surgissent
alors de leur bouche et de leur nez, leur arrachant des cris de douleur.
Ils mangent du sable brûlant, se frappent les uns les autres pour
de la nourriture et mangent le pus qui s'échappe du goître
à leur gorge, en le prenant pour de la nourriture.
En outre, pour tous les Prétas, même la lune d'été
est chaude et le soleil d'hiver froid. Quand par hasard, ils parviennent
près d'un arbre portant des fruits ou près d'une rivière,
ceux-ci s'assèchent dès que le désir d'en jouir leur
vient à l'esprit.
"Chez les Prétas, même la lune est chaude en été
et le soleil froid en hiver. Les arbres perdent leurs fruits et les rivières
s'assèchent sous leur regard." (bShes sPring)
Quelle est la durée de vie chez les Prétas? Le texte du
mDzod dit:
"Un mois équivaut à un jour et ils vivent cinq cents ans."
Un mois humain équivaut donc à un jour chez les Prétas
et ils vivent cinq cents de leurs propres années, ce qui équivaut
à peu près à quinze mille années humaines.
Quelle est la cause principale conduisant à une renaissance chez
les Prétas? Elle est l'avarice due à un attachement excessif
aux objets de désir.
"Le Bouddha enseigne que ces diverses souffrances d'une saveur commune
subies par les Prétas, proviennent de l'avarice et de l'attachement
des êtres." (bShes sPring)
Comment y réfléchir en détail? "Hélas, tel
est le lieu où vivent les Prétas, telles sont leurs souffrances,
telle est la durée de leur vie. Moi qui maintenant supporte mal
la sensation de faim ou de soif même pendant une seule journée,
comment pourrais-je soutenir une telle souffrance si sous l'effet de mes
mauvais actes, je devais renaître au royaume de gShin rJe et subir
ce tourment? Je ne puis être sûr d'éviter une telle
renaissance. Au contraire, chaque jour qui passe et un nombre incalculable
de fois, je tombe sous l'emprise de l'attachement et de l'avarice qui en
sont la cause. Si je ne puis supporter cette souffrance, que ferais-je
alors? Pour l'éviter, il me faut absolument mettre en pratique le
saint Dharma authentique qui lui seul, me donne l'assurance d'échapper
à une telle perspective."
3) LA SOUFFRANCE CHEZ LES ANIMAUX
"Ceux qui rejettent les vertus conduisant à l'apaisement, doivent
chez les animaux, subir aussi toutes sortes de souffrances, comme de s'entretuer,
de se déchirer, de se frapper, de s'entredévorer, etc..."
(bShes sPring)
Il y a principalement trois sortes de royaumes animaux, ceux qui se
trouvent dans les océans extérieurs, ceux qui vivent dans
les ténèbres intercontinentales et ceux qui vivent dans les
domaines des états supérieurs.
a) Ceux qui vivent dans les océans extérieurs:
Il est dit qu'il en existe une infinité d'espèces et de
formes. Ils partagent une énorme stupidité et une ignorance
qui les écrase comme une montagne. Il y a la souffrance que causent
les monstres marins qui font une seule bouchée d'un grand nombre
de plus petits animaux; celle que causent un grand nombre de petits animaux
s'attaquant ensemble à un grand, en le transperçant et le
dévorant peu à peu; il y a la souffrance infligée
par les animaux comme les conques, aux crocodiles marins qu'elles transpercent
et déchirent, les Nagas (sorte d'être à l'apparence
de serpent) souffrent d'une pluie de sable brûlant et des attaques
des Garoudas (sorte d'aigle). Tous souffrent de la cruauté et de
mauvaises odeurs, de l'incertitude concernant leur habitat et leurs compagnons,
de la crainte à la rencontre d'ennemis et de prédateurs,
du froid en hiver et de la chaleur en été, de la chaleur
le jour et du froid la nuit, etc... et de bien d'autres tourments indescriptibles.
b) Ceux qui habitent les ténèbres intercontinentales:
Outre les tourments décrits plus hauts, ils souffrent de l'obscurité
qui ne leur permet même pas de distinguer les mouvements de leurs
propres membres. Ils souffrent aussi de devoir se contenter pour seule
nourriture de ce qui passe dans leur immédiate proximité.
c) En ce qui concerne la troisième catégorie de ceux qui
vivent dans les états supérieurs:
Les animaux sauvages qui n'appartiennent à aucun maître,
souffrent pourtant de se voir chasser pour leurs perles, leurs poils, leurs
os, leur chair, leur peau, etc.., soit par d'autres animaux, soit encore
par des hommes ou des non-humains. Ceux qui ont un maître doivent
subir, en plus des souffrances décrites maintenant, le tourment
de devoir peiner à la tâche, de se faire enchaîner,
frapper et pour finir, tuer. Ils endurent ces souffrances et d'autres en
nombre infini.
"Certains se font tuer pour leurs perles, leurs fourrures, leurs os,
leur chair ou leur peau. D'autres, impuissants, sont attachés dans
des chaînes et des entraves et doivent peiner à la tâche
sous la crainte d'aiguillons métalliques." (bShes sPring)
Quelle est la durée de la vie dans ces royaumes?
"Certains vivent la durée d'un éon." (mDzod)
Bien que certains puissent vivre tout un éon, il en est d'autres
qui ne vivent qu'un très bref instant.
La cause principale productrice des tourments animaux est la complète
ignorance et le manque de discernement entre le bien et le mal. Il convient
donc de se tourner vers la lumière de la doctrine qui est l'antidote
de l'ignorance.
Comment réfléchir à cette situation? "Hélas,
je sais quels sont les lieux où vivent les animaux, je sais quelles
sont leurs souffrances, quelle est la durée de leur vie. Si maintenant,
même un seul jour, il m'est pénible de devoir me préoccuper
d'obtenir de quoi assurer ma subsistance, comment ferais-je pour supporter
la condition animale si mon mauvais karma m'y conduit? Je ne puis pourtant
être sûr d'échapper à une telle destinée
et au contraire, je ne cesse d'accumuler les actes sous l'emprise de l'ignorance,
qui est la cause d'une renaissance animale. Si un tel malheur s'abattait
sur moi et que je ne puisse le supporter, que se passerait-il alors? Je
dois à tout prix m'efforcer envers la pratique du saint Dharma,
seul capable de prévenir le malheur d'une telle renaissance."
B- LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT
La réflexion sur cette souffrance permet de rejeter l'attachement.
On se trompe si l'on estime certain de trouver la souffrance au rendez-vous
dans les trois mauvais états d'existence, mais que le bonheur au
contraire nous attend dans les trois états supérieurs.
"Tous les plaisirs sont éphémères, sans aucun caractère
de certitude, inconstants et changeants comme le rêve, comme le mirage,
comme la cité de l'illusion, comme l'éclair et les bulles."
(Sutra de rGya Cher Rol pa ou Lalitavistara Sutra)
Tout ce qui apparaît comme bonheur dans ce monde est éphémère,
inconstant, sujet au changement et producteur d'illusion trompeuse pour
celui qui se fait prendre.
Pour y réfléchir dans le détail, nous évoquerons
d'abord la douleur du changement en général, puis la douleur
du changement affectant l'humanité et enfin, la douleur du changement
affectant les dieux et anti-dieux.
1) LA DOULEUR DU CHANGEMENT EN GÉNÉRAL
Même la condition d'Indra, le roi des dieux, est impermanente,
car il se peut qu'il doive finalement revenir sur la terre. Même
la condition de souverain universel chez les hommes est instable car un
jour, peut-être renaitra-t-il comme humble serviteur dans la roue
de l'existence. Même la condition du grand Brahma est instable et
il peut renaître dans l'enfer de l'Infinie Souffrance. Il ne sert
à rien de renaître comme fils des dieux, sous forme de déité
solaire ou lunaire, car un jour, il se peut que l'on doive renaître
dans les ténèbres intercontinentales. Quelque soit donc la
condition enviable et heureuse obtenue dans les états supérieurs,
on ne peut y arrêter son esprit car elle est essentiellement instable.
"Même Indra, digne des louanges et des prières du monde,
peut retomber sur terre sous l'effet de son karma. Même le souverain
universel peut redevenir un humble serviteur au sein de la roue..."
Bien que l'on obtienne la grande félicité de la satisfaction
des désirs chez les dieux ou la félicité libre d'attachement
de Brahma, à nouveau il faudra (peut-être) endurer les tourments
incessants et brûler comme une bûche dans l'enfer de l'Infinie
Souffrance. Même la lune et le soleil qui éclairent, de la
lumière de leur propre corps, l'univers tout entier, peuvent un
jour renaître dans de profondes ténèbres où
ils ne distingueront même pas leurs propres mains." (bShes sPring)
"Si on réfléchit à la souffrance du changement,
on comprend qu'Indra peut redevenir un être ordinaire, que le souverain
universel peut redevenir serviteur, que le soleil et la lune peuvent devenir
ténèbres. Bien que les êtres ordinaires croient à
la vérité de ces paroles parce qu'elles sont paroles (des
Bouddhas), ils ne peuvent eux-mêmes directement en constater le caractère
fondé. Qu'ils regardent donc dans leur expérience du changement
humain!" (Chants de rJe bTsun Rinpoche)
2) LA SOUFFRANCE DU CHANGEMENT CHEZ LES HUMAINS
"Ecartez-vous avec tristesse de la roue car elle est la source de toutes
sortes de souffrances, telles que la séparation d'avec les objets
désirés, la mort, la maladie, la vieillesse, etc... Ecoutez
quels sont ces maux. Les pères deviennent des fils, les mères
des épouses, les ennemis de chers amis, et le contraire également.
Il n'y a aucun caractère de stabilité dans la roue de l'existence."
(bShes sPring)
"Les hommes entourés trouvent la solitude, les tyrans ne sont
plus obéis, les riches deviennent pauvres, et ainsi de suite à
l'infini." (Chants de rJe bTsun Rinpoche Grags pa rGyal mTshan)
Si on examine la condition humaine, on la trouve sujette à tous
les changements énumérés. Si on regarde tout près
de soi, ses proches, ses voisins et ses compatriotes, on constate qu'aucun
ne reste dans la même condition qu'avant et que nul n'échappe
à la souffrance du changement. En outre, chacun est soumis, impuissant,
aux mouvements des quatre grands fleuves de la naissance, de la vieillesse,
de la maladie et de la mort, et en souffre. La naissance est souffrance
de devoir passer au travers d'un étroit passage, la vieillesse est
souffrance de la perte de la jeunesse, la maladie est souffrance de la
perte de l'état de santé et la mort est souffrance de la
perte de la vie.
a) La souffrance de la naissance
La naissance est la racine de toutes les souffrances et comme elle est
elle-même le fruit de la loi de l'origine (de l'existence ou de la
souffrance), elle est aussi souffrance de par sa nature propre. Si l'on
considère la naissance dans une matrice, elle est affectée
de toutes sortes de souffrances comme la sensation suffocante de mauvaises
odeurs lorsqu'on y pénètre, la sensation d'être écrasé
lorsque la mère se nourrit, la sensation de tomber dans un abîme
lorsqu'elle se lève ou s'assoit, la sensation de chaleur ou de froid
lorsqu'elle prend une nourriture trop chaude ou trop froide. Lors de la
naissance proprement dite, on ressent la souffrance d'être tiré
dans un trou et sitôt la naissance, on souffre comme si l'on tombait
au milieu d'épines.
"Etant entré dans l'enfer de la matrice, on suffoque sous l'effet
de terribles odeurs insupportables et on est plongé dans les profondes
ténèbres d'un lieu étroit. Il faut endurer la douleur
de devoir sans cesse demeurer le corps plié." (sLob sPring)
b) La souffrance de la vieillesse
"La vieillesse change une jolie forme en vilaine forme; en vieillissant,
on perd ses forces, sa vigueur et son rayonnement; la vieillesse fait perdre
la bonne mine et elle fait mourir. La vieillesse enlève le bonheur
et produit la souffrance." (rGya Cher Rol pa)
Comment agit la vieillesse sur une forme agréable? Elle la change,
la fait se plier et se tordre, elle blanchit les cheveux et rend chauve.
Comment se produit la perte de la force? En perdant sa force physique,
on devient incapable de tout effort. Il faut s'appuyer sur un support pour
se lever ou s'assoir. La voix perd aussi sa vigueur et se met à
chevroter. Le discours que l'on marmonne perd sa clarté. L'esprit,
en perdant ses forces, ne trouve plus plaisir à rien, on oublie
aussitôt ce qui vient d'être dit ou d'être fait. On se
trompe et fait des erreurs en tout, l'esprit confus.
On perd tout rayonnement: dans le passé, on était l'objet
des louanges d'autrui et de leur respect mais maintenant on devient un
objet de ridicule même pour les enfants. Nos propres enfants nous
méprisent et toute l'autorité passée nous quitte.
Le corps perd sa chaleur naturelle et le palais ne trouve plus de saveur
agréable. La parole que l'on prononce ne trouve plus d'auditeurs
pour y croire. On en vient à souhaiter la mort.
Comment se manifeste la perte de la bonne mine? Perdant peu à
peu l'éclat du corps, il prend une teinte bleutée ou se met
à pâlir; la bouche et le nez aussi pâlissent.
Comment la vieillesse entraîne-t-elle la mort? La vieillesse est
la première des maladies mortelles. En nous écrasant, elle
entraîne aussi avec elle toutes sortes d'autres maladies. La nourriture
consommée ne peut être digérée. Respirant péniblement,
la parole devient hachée et rauque. Parce que toute chose composée
doit se défaire à son heure, on meurt même sans avoir
de maladie particulière. Telle est la nature de cette longue vie
à laquelle les êtres mondains aspirent tant et qu'ils tiennent
pour le plus grand des bonheurs.
c) La souffrance de la maladie
Cette souffrance est aisément perceptible puisque c'est en tant
que telle qu'est ressentie la maladie. Il est recommandé cependant
d'examiner soigneusement la maladie lorsqu'elle apparaît pour soi
ou pour autrui, afin de développer le détachement de l'existence.
De manière commune, la maladie se manifeste par une douleur difficilement
supportable, par la douleur d'examens ou de traitements brutaux, par la
souffrance de devoir avaler des remèdes amers, par celle de ne pouvoir
consommer ou boire ce que l'on désire, par celle de devoir au contraire
faire ce qu'on ne désire pas. Il y a la souffrance de ne pas supporter
la nourriture, quelle qu'elle soit, la souffrance, si on a passé
le jour, de craindre ne pouvoir passer la nuit et le contraire, la souffrance
à la crainte de ne pas guérir, la souffrance à la
crainte de mourir, la souffrance à l'idée que ses richesses
s'épuisent, la souffrance à l'idée que médecins
et infirmiers vont vous abandonner, etc....
"Ces êtres qui souffrent de centaines de maladies, sont comme
des Prétas humains." (sLob sPring)
d) La souffrance de la mort
Comme l'annonce le texte du sPyod 'Jug:
"Vous n'avez pas encore commencé ceci et vous êtes occupé
à faire autre chose quand subitement le maître de la Mort
s'annonce et détruit d'un coup tous vos espoirs. Le visage enflé
de douleur, les yeux rougis et les larmes ruisselant sur leur visage, vos
proches perdent espoir et vous affrontez la face des messagers de gShin
rJe. Pensant à toutes vos fautes, vous vous affligez. Terrifié
en entendant le son des enfers, vous souillez votre corps d'excréments
et perdez l'esprit. Que faire alors?"
Vous ne vous êtes jamais préparé qu'à la
perspective de vous installer dans cette vie pour longtemps et vous n'avez
jamais songé que la mort viendrait. Lorsque la maladie mortelle
vous frappe, aucune prière ou aucun rituel ne peuvent vous aider,
les remèdes et traitements demeurent sans effet. Vous savez votre
mort certaine mais vous refusez cette pensée. Vous cherchez en vain
un moyen d'y échapper et les messagers de gShin rJe vous effraient.
Vous vous rappelez toutes les fautes commises, la douleur de la maladie
vous étreint. C'est la dernière fois que vous êtes
couché dans ce lit, la dernière fois que vos proches vous
entourent, la dernière fois que vous parlez, c'est la dernière
bouchée de nourriture que vous avalez à la cuillère,
la dernière goutte d'eau que vous buvez. Vous ne pouvez plus rester
dans la maison que vous avez construite, ne pouvez emporter aucune de vos
richesses avec vous, ne pouvez emmener aucun des êtres aimés
avec vous. Bien que dans l'ignorance de votre prochaine destination, vous
devez pourtant tout laisser derrière vous et vous diriger tout seul
vers une terre inconnue et solitaire. Telles sont quelques unes des souffrances
infinies de la mort.
C'est ainsi que nul homme n'échappe aux souffrances causées
par le changement et les quatre grands fleuves de la naissance, la vieillesse,
la maladie et la mort.
"La maladie vient, détruisant l'état de santé;
la vieillesse vient, détruisant la jeunesse; l'affaiblissement vient,
détruisant toute réussite; la mort vient, détruisant
la vie." (Sutra)
Il y a aussi la souffrance de ne pouvoir conserver ses richesses. Préoccupé
par ce souci, le jour, on ne peut se détendre un moment et la nuit,
on ne peut dormir. Si on les perd, alors il faut se faire le serviteur
d'autrui. Tous les autres sont considérés comme des ennemis.
Plus que tout autre, on se méfie de ses chefs et de ses proches
car ils vous dépouillent de ces richesses par autorité ou
par ruse. On peut même perdre sa vie pour sauver ses richesses. Telles
sont quelques unes parmi beaucoup d'autres, des souffrances subies dans
cette situation.
Ceux qui sont privés de richesses souffrent vainement pour en
obtenir. Les pauvres n'ont pas de quoi manger le petit déjeuner
le matin et le soir, ils sont aussi dépourvus. Les étoiles
sont leur coiffe et le givre leur tient lieu de souliers, leurs mollets
sont leurs seuls coursiers et ils sont impuissants comme des animaux à
qui l'on a passé un anneau dans le nez. Leurs mollets servent de
pâture aux chiens tandis que leur visage est offert aux hommes. Bien
qu'ils mendient, supplient ou s'efforcent de diverses manières,
ils ne trouvent rien à manger le jour, et la nuit, n'ont rien pour
se couvrir. Même si au prix de grands efforts, ils parviennent à
amasser quelque bien, ils n'ont pas le loisir d'en profiter car ils le
perdent au profit des collecteurs de taxes ou le dépensent dans
les services de transport qu'ils doivent rendre aux puissants.
Il y a aussi la souffrance ou la crainte de rencontrer un ennemi détesté,
la souffrance ou la crainte d'être séparé d'un proche
ou d'un ami aimé, la souffrance de ne pas voir se réaliser
ses espoirs. Les grands souffrent plus de douleurs morales et les petits,
plus de douleurs physiques. Il y a la souffrance de la difficulté
à contrôler le grossier esprit humain, la souffrance de se
voir rejeter par ses proches si l'on se rapproche de ses ennemis et la
souffrance de se voir attaquer par l'ennemi si l'on s'entend avec ses proches,
etc... toutes sortes de souffrances indicibles.
En résumé, les six sortes de souffrances affectant les
divers états d'existence, sont éprouvées dans l'état
humain.
3) LA SOUFFRANCE DES DIEUX ET DES ANTI-DIEUX
L'état d'anti-dieu n'est pas non plus un état heureux.
"Les anti-dieux détestent naturellement la richesse des dieux
et endurent une immense souffrance morale. Bien qu'intelligents, ils ne
voient pas la vérité à cause du voile de leurs obscurcissements."
(bShes sPring)
Les anti-dieux, sous l'empire de la jalousie qu'ils éprouvent
naturellement à l'égard des richesses que possèdent
les dieux, portent toujours armes et armure, sont toujours prêts
à se quereller, à se battre et à en découdre
avec les dieux. Ni leur corps, ni leur esprit ne trouvent un instant de
repos. Malgré tous ces efforts, les dieux dont le mérite
est bien plus grand, sortent toujours vainqueurs. Ils leur tranchent le
corps, leur infligeant aussi une immense souffrance morale. Lorsqu'ils
finissent par mourir, le fruit des mauvais actes qu'ils ont commis sous
l'empire de la haine et de la jalousie, les conduit à la douleur
d'une renaissance dans les mauvais états.
Quant aux dieux de la sphère du désir, lorsqu'apparaissent
pour eux les cinq signes de la mort et les cinq signes de l'approche de
celle-ci, la souffrance morale qu'ils endurent est infiniment plus grande
encore que la souffrance physique subie dans les enfers.
"Même dans les états supérieurs chez les dieux jouissant
d'une grande félicité, la douleur à l'approche de
la mort est plus grande que celle (des enfers). C'est pourquoi les personnes
bien avisées ne doivent pas aspirer aux états supérieurs
éphémères." (bShes sPring)
Quels sont les cinq signes de la mort?
Le même texte les décrit ainsi:
"Les couleurs corporelles se dégradent, on ne trouve plus son
siège plaisant, les colliers de fleurs se fanent, les vêtements
prennent une mauvaise odeur et le corps est touché d'une transpiration
inconnue jusque là. Tels sont les cinq signes indiquant la mort
dans les états supérieurs."
Les cinq signes de l'approche de la mort sont les suivants:
"La luminosité du corps diminue, lors des bains, l'eau colle
au corps, les vêtements et les ornements émettent des sons
déplaisants, les yeux cillent et bien que d'une nature remuante,
ils s'attachent à un seul endroit." (Sutra de Drang Srong rGyas
pas Zhus pa ou Rishivyasa Paripriccha Sutra)
A la manifestation de ces signes, les amis, dégoûtés,
et même les proches vous rejettent. Ils vous lancent de loin une
fleur mais n'osent s'approcher. A cet instant, on comprend alors que la
mort est proche et on fait l'examen de ses trois vies (la précédente,
la présente et la prochaine). Parce que, dans le passé et
sous l'empire d'une forte attirance envers les objets de plaisir, on s'est
laissé aller à en jouir sans souci du lendemain, on comprend
que l'on va maintenant renaître dans les mauvais états et
on tressaille de douleur comme le poisson qui bondit de douleur lorsqu'il
est jeté sur du sable chaud. On meurt alors et on renaît dans
les mauvais états où il faut subir toutes sortes de tourments.
"La douleur qu'éprouvent les dieux lors de la mort est plus de
seize fois supérieure à celle qu'endurent les êtres
dans l'enfer de l'Infinie Souffrance." (Dran pa Nyer gZhag)
Le Sutra continue:
"Hélas, ô chars et bosquets,
Hélas, ô paisibles cours d'eau,
Hélas, ô dieux bien-aimés! "
Se lamentant ainsi, ils tombent vers les abîmes."
En ce qui concerne les dieux de la sphère de la Forme et de la
sphère du Sans-forme, ils n'ont pas à endurer une telle souffrance.
Cependant, comme un oiseau qui sitôt pris son envol retomberait à
terre, les bienfaits de leurs vertus mondaines viennent à expirer.
Alors, à cause d'un esprit trompé par des vues fausses, ils
tombent plus bas. Renaissant dans les mauvais états, ils doivent
y endurer de terribles tourments.
"Si ceux qui quittent les royaumes des dieux à leur mort, ont
épuisé toutes leurs vertus karmiques, ils devront alors renaître,
impuissants, chez les animaux, les Prétas ou les enfers." (bShes
sPring)
On pourra alors s'interroger: N'est-il pas dit que les dieux des sphères
supérieures jouissent du Samadhi de l'apaisement? Quelle peut donc
être la cause les conduisant à une renaissance dans les mauvais
états? Bien que ces dieux demeurent longuement dans ce Samadhi qu'ils
prennent pour la libération ou le chemin de la libération,
il arrive un moment où expire le bienfait de ce Samadhi. Au sortir
de cet état, ils s'interrogent: "J'ai passé toutes ces années
totalement absorbé dans ce Samadhi. Malgré cela, si je n'ai
pu échapper aux trois Sphères, c'est que ce qu'on appelle
libération du monde n'est qu'un mensonge." La vue fausse qui aveugle
alors leur esprit détruit toutes leurs racines de vertu et les conduit
à une renaissance dans les mauvais états.
"Les êtres aveuglés par l'ignorance, qui tournent le dos
à ta doctrine, même s'ils ont atteint les sommets de l'existence,
retomberont dans les souffrances de celle-ci." (Lan mi Lon par bStod pa)
"Même s'il agit et pratique correctement, celui qui entretient
des vues fausses en récoltera abondamment les fruits." (bShes sPring)
Comment réfléchir en détail à ceci? Hélas,
j'ai tenu les états supérieurs comme des lieux de grand bonheur
et j'ai aspiré à ces états. Quelle stupide erreur
due à un défaut d'examen sérieux. Cette apparence
de bonheur ne dure qu'un court instant. Il est essentiellement sujet au
changement, inconsistant et dépourvu de tout fondement durable.
Il n'est que trompeuse apparence. N'ai-je pas été plus fou
que les fous de croire vraiment à la réalité d'un
tel bonheur et de m'efforcer, au prix de grands efforts afin d'y parvenir,
de me conformer aux pratiques d'acceptation (de la vertu) et de rejet (du
mal) concernant ces illusions? Je comprends maintenant quelles sont les
conditions que doivent affronter les plus grands parmi tous les royaumes
supérieurs, tels que Brahma, Indra, le souverain universel, le soleil,
la lune, etc... Je sais ce que doivent vivre même les plus heureux
parmi les hommes, qu'aucun n'échappe aux souffrances de la naissance,
de la vieillesse, de la maladie et de la mort, telles que nous les avons
décrites. Je sais les tourments endurés par ceux qui sont
dans la misère, les craintes de rencontrer (un ennemi), d'être
séparé (d'un ami) ou de ne pouvoir réaliser ses souhaits.
Je connais les conditions affectant la vie chez les anti-dieux, les dieux
du désir, de la forme et du sans-forme. Hélas, quel est l'homme
avisé qui pourrait aspirer à un tel semblant de bonheur dans
la roue? L'univers des états supérieurs est en réalité
semblable au pays des Ogres, qui amène la destruction pour quiconque
y aspire et s'y attache. Il convient d'en écarter tout désir
de son esprit, comme l'oiseau qui se détache à jamais de
la forêt brûlée par le feu, ou le canard qui évite
le lac pris dans les glaces. Du fond du coeur, je dois maintenant me consacrer
à la pratique du saint Dharma capable de me libérer de la
roue de l'existence.
terça-feira, 24 de julho de 2012
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