quinta-feira, 6 de setembro de 2012

LANDRÉ 14

- MEDITATION DE LA VUE PENETRANTE
Ayant ainsi développé la stabilité sereine, le Bodhisattva qui a acquis la félicité de la concentration de l'esprit sur un seul point, doit s'efforcer ensuite à la méthode de production de la vue pénétrante, sagesse discriminante. En effet, ceci constitue le coeur de toutes les instructions énoncées dans les écrits du Puissant (Bouddha). Il est dit dans le sPyod 'Jug:
"C'est en vue de la sagesse que le Puissant a énoncé toutes ces étapes. En conséquence, celui qui désire apaiser toutes les souffrances, produira la sagesse."
Si l'on est dépourvu de l'intelligence permettant de distinguer parfaitement les dharmas (les phénomènes), et quelque soit l'effort que l'on applique à la méditation de la vacuité ou à la pratique des moyens efficients tels que le don, etc..., on demeurera incapable d'extirper à sa racine la pulsion nuisible de l'attachement à l'égo. Il est dit dans le mDo sDud pa (Sancayagatha Sutra):
"Des millions d'hommes aveugles, ignorant tous le chemin, et sans guide, ne sauraient atteindre la cité. Si l'on est dépourvu de sagesse, les cinq autres Perfections étant alors comme dépourvues d'yeux, ne peuvent sans guide procurer l'éveil."
Il est dit dans le Chos mNgon pa mDzod:
"Si l'on ne distingue pas parfaitement tous les phénomènes, on est alors dépourvu des moyens nécessaires pour supprimer les mauvaises pulsions. Ce faisant, on doit errer dans cet océan de l'existence mondaine. C'est pourquoi le maître (le Bouddha) a enseigné la sagesse."
De la même manière, si l'on médite sur la vision de la vacuité et qu'elle ne soit pas accompagnée d'une large habileté dans la méthode, il est possible qu'on obtienne le seul éveil des Auditeurs ou des Bouddhas Solitaires, mais on n'obtiendra pas plus. Il est dit dans le mDo sDud pa:
"La seule sagesse sans méthode (= sans compassion), fait tomber chez les Auditeurs."
Le Sutra de 'Jam dPal rNam par 'Phrul pa'i mDo (Manjusri vikurvana sutra) dit aussi:
"C'est là l'oeuvre du démon si, comprenant la vacuité de chacun des divers phénomènes, on abandonne les êtres vivants. C'est aussi l'oeuvre du démon si, malgré la parfaite analyse de la sagesse, on reste attaché à l'objet de la grande compassion (= les êtres vivants)."
Le maître Saraha dit:
"La seule vacuité abandonnant la compassion n'est pas le chemin excellent. Et si l'on ne développe que la compassion, comment pouvoir se libérer de la roue de l'existence?"
De la même manière, la seule vacuité dépourvue de la réalisation de l'irréalité des deux types de "soi", de même que le seul pouvoir de stabilité de l'esprit dépourvu de la sagesse discriminante, ne permettent pas de trancher à sa racine la croyance en un soi et ne permettent donc pas de se libérer de la roue de l'existence. Il est dit dans le Ting Nge 'Dzin rGyal po:
 
 

"Bien que les êtres mondains méditent sur la vacuité, ils ne peuvent supprimer l'attachement (à la réalité) des objets. Au contraire, ce faisant, ils contribueront au renforcement des mauvaises pulsions, tout comme la méditation en Samadhi par Lhag sPyod (Udraka)."
Bien que Lhag sPyod méditât en Samadhi durant douze années, il finit pourtant par renaître sous la forme d'un chat. Le sPyod 'Jug dit aussi:
"Bien que (la conceptualisation) puisse cesser (un certain temps), elle renaît si l'esprit est dépourvu de (la réalisation) de la vacuité, comme dans le cas de l'esprit établi dans l'équanimité libre de perception. C'est pour cela qu'il faut méditer la vacuité."
Ainsi, afin d'obtenir la bouddhéité, la sagesse est comme la flèche, la compassion est comme l'arc et la personne habile à la méthode qui les met en action, est comme l'archer habile. La présence de ces trois éléments ensemble est indispensable à cette réalisation ultime.
"Ayant grâce à la sagesse, dissipé toute attirance vers un soi, l'être empli d'amour refuse l'apaisement (le Nirvana), par amour pour les êtres. Ainsi les êtres suprêmes, l'esprit sage et plein d'amour, en s'appuyant sur la méthode pour l'éveil, ne demeurent ni dans la roue de l'existence ni dans l'Au-delà de la Souffrance (Nirvana)." (rGyud bLa ma ou Uttara Tantra)
Il est également dit dans le bsLab bTus (Siksha samuccaya):
"Développer la vacuité avec la compassion pour fondement, est source de tout mérite pur."
Ainsi les êtres sages et avisés qui désirent leur propre bien, sans jamais se séparer de la méthode de la grande compassion, s'appliqueront aux moyens de faire naître la sagesse de la réalisation de l'irréalité des deux sortes de soi, sagesse qui est l'antidote à la souffrance ainsi qu'à sa cause.
"L'égoïsme, cause de la souffrance, prospère en raison de l'erreur au sujet du soi. Si l'on s'interroge sur la possibilité de s'en débarrasser, la meilleure méthode est la méditation de l'irréalité du soi." (sPyod 'Jug)
Afin d'affirmer et d'éclairer cela, nous évoquerons trois points: la reconnaissance de la clarté, l'établissement de l'esprit dans l'état libre de concepts extêmes et le développement de la certitude quant au caractère indicible.
- La reconnaissance de la clarté:
Tous les phénomènes extérieurs et intérieurs ne sont en fait que perceptions de l'esprit du sujet sous l'emprise de l'illusion, alors qu'il n'y a rien (en réalité). En fait, il n'y a pas la moindre substance de réalité. C'est ce dont il faut se convaincre. On pourrait faire l'objection suivante: "Il n'est pas vrai qu'ils soient irréels car les non-bouddhistes croient en l'existence d'un soi, auteur du bonheur et de la souffrance. En outre, cette existence d'un "soi" et d'un "sien" est communément acceptée par l'esprit inné de tous les êtres ordinaires." Il n'en est pourtant pas ainsi. S'il existait un soi qui soit l'objet saisi en tant que "moi", alors il faudrait se demander s'il s'agit là d'un nom, de mon corps ou de mon esprit. Il ne peut s'agir du premier de ces trois, car un nom est communément reconnu pour être une convention du langage, dépourvue de toute existence réelle. Il est dit dans un Sutra:
"Le nom est vide, n'étant (justement) qu'un nom. Les noms ne peuvent avoir de nom. Tous les dharmas (phénomènes) sont dépourvus de nom; pourtant, on en parle avec des noms."
Le corps n'est pas non plus le soi car si l'on en fait l'analyse, on ne le trouve (comme tel) nulle part. Il est dit dans le sPyod 'Jug:
"Le corps n'est ni les jambes, ni les mollets, ni les cuisses, ni la taille..... Ainsi, c'est par illusion et ignorance que l'esprit en vient faussement à prendre la main et les autres parties, pour le corps (lui-même). Il en va là comme d'une effigie que, sous l'effet d'un arrangement particulier de sa forme, on appellerait alors "homme".
Ainsi, si le corps lui-même est dépourvu d'existence, comment pourrait-il être le "soi"? Il est dit dans le même texte:
"Ni les dents, les cheveux ou les ongles, ne sont le "soi". Le "soi" n'est pas non plus les os ou le sang...."
L'esprit n'est pas non plus le "soi", car si l'on en fait l'analyse, on ne trouve nulle part d'esprit-en-soi. Le sPyod 'Jug dit:
"L'esprit ne demeure pas dans les organes, ni dans la forme ou le reste. Il ne demeure pas non plus entre eux. L'intérieur n'est pas l'esprit et l'extérieur ne l'est pas non plus. On ne peut non plus le trouver ailleurs."
Ainsi, si l'esprit lui-même n'existe pas, comment pourrait-il être le soi? Le même texte poursuit:
"Même les six consciences ne sont pas le soi... Ni l'esprit passé, ni l'esprit futur ne sont le soi, car ils n'existent pas. Et si l'on supposait que l'esprit présent soit le soi, de nouveau, ce dernier cesserait (d'exister) lorsque cet esprit disparaîtrait."
A ce sujet, il est dit aussi dans le Sutra de rGyal po 'Char Byed la gDams pa'i mDo:
"Le nom n'est pas le soi car ce n'est qu'une simple appellation. Le corps n'est pas le soi car la chair et les os ne sont qu'une collection d'éléments pareille à un mur extérieur. L'esprit n'est pas non plus le soi car il n'est pas un objet en soi."
Analysant et méditant de cette façon, il faut prendre conscience que ni le nom, ni le corps ni l'esprit ne sont le soi. Ce faisant, l'esprit les tenant pour le soi, disparaîtra.
Si le soi n'existe pas, quel est donc cet objet communément saisi en tant que "moi", par la pensée innée? Il ne s'agit là que de la conséquence de l'habitude de prendre cette collection des agrégats pour le "moi", et on considère ainsi sans raison un "moi", de même que l'on prend à tort une corde multicolore pour un serpent. Il n'existe donc pas de "moi"ou de "soi", objet de cette saisie. Ainsi, s'il n'y a pas de "soi", il ne peut non plus y avoir de "sien", et cette croyance en un "soi"et un "sien", racine de toutes les fautes, est donc une illusion. L'esprit investigateur qui obtient cette certitude, s'appliquera aux moyens pour éliminer cette vue d'un "soi". Le maître zLa ba (Chandrakirti) dit:
"Ayant compris que toutes les fautes des mauvaises pulsions apparaissaient à partir de la croyance dans les (composés) soumis à destruction, et ayant réalisé que le "soi" était l'objet (de cette vue), le yogui supprime (la croyance) en un soi."
Ainsi, tout comme il n'existe pas un "soi" des êtres, il faut, grâce aux écritures, à sa propre réflexion et grâce aux instructions de la lignée des Lamas, obtenir la certitude que n'existe pas non plus d'entité extérieure, objet (de la saisie sensorielle), et qui est ce que les deux groupes d'Auditeurs (Vaibhashika et Sautrantika) appellent le "soi des entités".
En ce qui concerne l'affirmation des écritures, il est dit dans le Sutra de 'Phags pa Sa bCu pa (Arya dashabhumi sutra):
"O, Fils des Bouddhas, les trois sphères ne sont qu'esprit."
Le Lang Kar gShegs pa (Lankavatara Sutra) dit:
"L'esprit troublé par les tendances mentales, croit en un objet de sa perception. Rien de tel n'existe et c'est l'esprit lui-même qui se trompe, croyant en une réalité extérieure."
Le Byang Chub Sems 'Grel (Bodhicitta vivarana) dit aussi:
"C'est sous forme d'un objet et d'un sujet que la conscience ressent les perceptions. A part la conscience, il n'existe aucune réalité extérieure."
Le Rigs pa Drug Cu pa (Yuktishashtika) dit:
"Les éléments et tout ce qui est enseigné (dans les traités) se résument dans la conscience. En comprenant cela, ils (ces objets extérieurs) disparaissent. Ne sont-ils donc pas faussement jugés?"
En ce qui concerne la manière d'acquérir la certitude grâce à l'exercice de la réflexion, on réfléchira ainsi: "Ces apparences extérieures ne sont pas vraies car l'on perçoit une chose existante comme non existante, une chose non existante comme existante, une chose unique comme multiple, et une chose multiple comme unique."
Comment donc vérifier les deux premières assertions? Une personne malade de la bile ne verra pas la conque blanche habituellement perçue comme existante, mais percevra une conque jaune inexistante.
En ce qui concerne l'assertion qu'une chose unique est perçue comme multiple, le même objet perçu comme une étendue d'eau par les humains, sera perçu comme un socle de fer en fusion par les êtres des enfers chauds; les êtres des enfers froids y verront une plaine neigeuse, les Prétas verront une étendue de pus et de sang, certains animaux y verront un liquide à boire tandis que d'autres y verront leur habitat; les Antidieux (Asuras) y verront une armure, les dieux de la sphère du désir verront du nectar, ceux de la sphère méditative y verront le Samadhi. Les êtres de la sphère de l'espace y verront l'espace, tandis que ceux de la conscience y verront cette dernière. Les êtres des sphères du néant y verront le néant et ceux qui ne croient ni en la réalité ni en l'irréalité y verront un objet qui n'est ni existant ni non existant.
Le Suprême Thogs Med (Asanga) dit:
"Puisque en fonction de l'espèce à laquelle ils appartiennent, les Prétas, les animaux, les humains, les dieux, etc... voient de manière différente un objet unique, il faut considérer que celui-ci est en réalité non existant."
"Qui a créé ce socle de fer en fusion? D'où proviennent ces montagnes de feu? Le Puissant (Bouddha) a dit que toutes (ces visions) viennent d'un esprit ayant fait le mal." (sPyod 'Jug)
Le même texte poursuit:
"Les formes et tout ce que l'on tient pour réel, sont communément réputés exister, mais aucune sagesse authentique ne peut prouver leur existence. Ils sont faux comme l'impureté et le reste faussement réputé pureté, etc..."
Il advient aussi qu'une chose multiple soit perçue comme unique, car une collection d'atomes multiples est perçue comme objet unique. On peut demander: "Pour autant que l'objet unique n'existe pas, est-ce que des atomes indivisibles existent?" Ils n'existent pas non plus car si on les examine par l'analyse en plaçant un atome au milieu et en l'entourant de six atomes dans chacune des six directions, on ne peut plus parler d'atomes indivisibles. Il est dit à ce sujet dans le Nyi Shu pa (Vimshaka):
"Lorsque six atomes se lient entre eux, le plus petit atome comprend alors six constituants. Bien que chacun d'entre eux existe indépendamment, ils deviennent pourtant une masse ou une molécule. Si ces atomes ne pouvaient se lier, comment leur rassemblement existerait-il?"
La réalisation s'établit aussi grâce aux instructions. Dans toutes les instructions profondes laissées par la lignée des nobles érudits et sages de l'Inde et du Tibet, il est toujours dit que toutes les apparences extérieures, bien que n'existant pas, sont néanmoins perçues. On peut aussi comprendre cette vérité grâce à l'expérience, comme dans l'exemple suivant. Il est dit qu'un grand pratiquant de cet enseignement de la Voie incluant Son Fruit, eut un jour une sensation de soif du fait de son action sur les canaux et les vents (de son corps). Se rendant pour boire près d'une jatte d'eau, puis d'une source et enfin près du fleuve, il les trouva tous asséchés. Le doute se levant dans son esprit, il laissa sa robe sur l'autre rive et s'en retourna s'assoir sur son siège. Le lendemain, alors que sa sensation de soif s'était apaisée, il se rendit dans les mêmes lieux et dut constater que l'eau était bien là partout. Il dut même emprunter un bateau pour aller récupérer sa robe. .
Si l'on se demande alors comment il se fait qu'apparaissent toutes ces diverses perceptions, c'est en fait sous l'effet de la formation des tendances dans un esprit sous l'emprise de l'illusion, qu'elles apparaissent. Il en va comme des perceptions dans un rêve. Il est dit dans le Ting Nge 'Dzin rGyal po:

"Comme les gens qui, chez eux, rêvent qu'ils jouissent des objets de plaisir et qui, au réveil, se trouvent privés de ce plaisir, comprenant par là-même qu'il ne s'agissait que d'un rêve, de la même façon, toutes les choses qui sont vues, entendues, touchées ou connues, sont irréelles comme dans un rêve."
Si l'on objecte: "Quelque soit la force de ces tendances mentales, elles ne sauraient pourtant être aussi solides et durables." Pourtant, elles le sont. Il est dit dans le Sutra de 'Jam dPal rNam par 'Phrul pa'i mDo:
"Le Fils des dieux Padma rNam par Rol pa interrogea 'Jam dPal (Manjushri): "'Jam dPal, comment faut-il regarder ces apparences extérieures?" 'Jam dPal répondit: "Il faut les regarder comme provenant du pouvoir des tendances (impressions) mentales dans un esprit conceptualisateur." Le Fils des dieux poursuivit: "Comment est-il possible que des impressions mentales soient perçues sous une forme aussi solide et durable (que les apparences extérieures)?" 'Jam dPal répondit: "Elles sont pourtant perçues comme telles. Un exemple l'illustrant est ce cas d'un Brahmane de la ville de Varanasi, qui, se prenant pour un tigre, avait fait fuire les habitants apeurés sous l'emprise de la même illusion, vidant ainsi la ville de ses habitants."
Il est dit également dans le Tshad ma Rigs pa'i gTer:
"En fait, les apparences ne sont que le mental lui-même; elles n'ont pas de réalité extérieure. C'est en fonction de la plus ou moins grande solidité des impressions mentales que certains (objets) de la perception sont qualifiés de réels ou d'irréels."
Si ces objets extérieurs sont dépourvus de réalité, l'esprit qui les perçoit comme réels, est-il au moins lui, réel comme le pense l'école des Sakaravadin (Tib. rNam bDen pa)? Il ne l'est pas non plus. Comme l'a dit le maître dByig gNyen (Vasubandhu):
"S'il n'y a pas d'objet à saisir, il n'y a pas non plus de sujet le saisissant."
Chos Kyi Grags pa (Dharmakirti) dit également:
"Ni l'expérience d'une conscience sans objet, ni celle d'un objet sans conscience, ne sont possibles. Il faut donc en déduire que ces deux éléments ne sont pas différents."
"En bref, comprenez que tout comme il n'existe pas d'objet à connaître, il n'y a pas non plus d'esprit." ('Jug pa)
Du fait même qu'il n'y a pas d'objet à saisir, il ne peut y avoir d'esprit le connaissant. La raison en est que sujet et objet sont mutuellement dépendants et cette dépendance mutuelle est la raison même de leur irréalité (ultime). Il est dit dans le 'Jug pa:
"Les êtres saints proclament que toute existence mutuellement interdépendante, est en fait dépourvue de réalité."
Ainsi, il faut comprendre que c'est sous l'effet d'une habitude de la perception dualiste, acquise depuis un temps immémorial, que l'on en vient à cette perception d'un objet et d'un sujet, là où en fait, il n'y a rien de tel.
C'est donc cette conscience vide des deux sujet et objet, cette conscience qui ne connaît et n'éclaire qu'elle-même, pareille à une sphère de cristal transparente, que le puissant yogui (Birwapa) nomme clarté, caractéristique de l'esprit. Dans les enseignements appartenant à la dernière mise en mouvement de la Roue de la Loi par le Bouddha, on l'appelle aussi espace du Dharma (skt. Dharmadhatu).
"Cet espace éternel est le substrat de tous les phénomènes. C'est parce qu'il existe qu'apparaissent êtres vivants et Nirvana." (Chos mNgon pa'i mDo ou Abidharma sutra)
Le mDo sDe rGyan dit aussi:
"L'esprit ayant compris que rien n'existait en dehors de l'esprit, réalise ensuite que l'esprit également est irréel. Le sage, ayant compris l'inexistence des deux, demeure alors dans l'Espace du Dharma libre de ces concepts."
L'Espace du Dharma se dit Dharmadhatu en sanscrit. Le terme Dhatu a plusieurs sens; il peut signifier "cause" ou "espace" ou "sphère". Ici, il a le sens de cause. Il s'agit de la part de clarté cognitive de la conscience qui est la cause de l'apparition de tous les dharmas (phénomènes) du Samsara et du Nirvana. Et c'est la "conscience substrat universel" (tib. Kun gZhi'i rNam par Shes pa ou skt. Alaya Vijnyana). Le rDo rJe Gur (Vajrapanjara) dit à ce sujet:
"L'espace du Dharma est apaisement suprême; on l'appelle le très précieux esprit. Il dispense tous les fruits désirés et est la nature propre de l'esprit-même."
Cet espace du Dharma est aussi connu en tant que claire lumière de la nature propre de l'esprit.
"Quant à l'esprit, il n'existe pas d'esprit, mais la nature propre de l'esprit est claire lumière." (brGyad sTong pa ou Ashtasahashrika Prajnyaparamita Sutra)
Si l'on connaît la nature propre de l'esprit, on connaît aussi la nature propre de tous les dharmas du Samsara et du Nirvana. Il est dit dans le rNam sNang mNgon Byang (Vairocana abhisambodhi):
"Les Victorieux proclament que le Samadhi de tous les Bouddhas est la vacuité. Celui-ci ne s'obtient que par la connaissance complète de l'esprit, et pas autrement."
Le dKon mChog sPrin (Ratna megha sutra) dit:
"L'esprit précède tous les phénomènes. Si l'on connaît totalement l'esprit, on connaît aussi complètement tous les phénomènes."
Le Doha mDzod (Doha kosha) dit:
"L'esprit seul est la semence de toute chose. Je me prosterne devant l'esprit d'où proviennent et l'existence et le Nirvana, qui dispense tous les fruits désirés, pareil au joyau exauçant les souhaits."
Sachant donc que c'est mon propre esprit ne connaissant et n'éclairant que lui-même, qui est la racine de tous les bonheurs et de toutes les souffrances du Nirvana et du Samsara, je ne dois jamais me séparer de la certitude que toutes ces diverses apparences d'objet et de sujet, apparues du fait d'un esprit sous le pouvoir de l'illusion, sont de par leur nature propre, dénuées de toute réalité. Demeurant dans cette réalisation, il faut longuement contempler le rayonnement propre de la claire apparence de l'esprit cognitif. Si apparaissent des pensées, il faut les détruire au fur et à mesure de leur apparition et redoubler l'acuité de l'esprit cognitif dans la clarté. On ressentira alors l'expérience particulière de la clarté de l'esprit et le résultat sera la naissance d'une vigilance et attention particulièrement claires.
Les étapes de la méditation sur la vérité ultime sont partagées jusqu'ici avec l'école du Yogacarya (tib. rNal 'Byor sPyod pa). Il est dit dans le Ye Shes sNying po kun las bTus (Jnyanasara Samuccaya):
"L'océan des traités des Paramitas (Mahayana) des Yogacarya proclame l'existence ultime d'une conscience libre de sujet et d'objet."
- L'établissement de l'esprit dans l'état libre de concepts extrêmes
Il n'est pas exact que, comme le croit l'une des branches de l'école Yogacarya appelée rNam rDzun pa en tibétain, cette conscience libre de sujet et d'objet existe réellement. En effet, puisque les deux objets qu'elle réfute, à savoir le sujet et l'objet, sont dénués d'existence réelle, la conscience libre des deux qui les réfute est en conséquence elle-même dénuée de réalité. Si elle existait, qui aurait conscience de son existence? On pourrait penser que l'expérience de son existence suffise à prouver sa réalité mais la conscience ne peut être à la fois en même temps sujet connaisseur et objet connu, tout comme la lame de l'épée ne peut elle-même se trancher ou la flamme d'une lampe elle-même s'éclairer. Le sPyod 'Jug dit à ce sujet:
"L'esprit est comme le tranchant de l'épée qui ne peut se trancher lui-même."
Il est aussi dit:
"La lampe ne peut s'éclairer car les ténèbres ne l'obscurcissent pas."
Le 'Jug pa dit aussi:
"Pour autant qu'il existe une entité dépendant d'une (condition) autre (qu'elle même), telle que la vacuité des deux, objet à saisir et sujet saisissant, qui donc pourrait avoir connaissance de son existence? On ne peut considérer qu'un objet qu'on ne peut saisir, existe vraiment. L'expérience seule ne peut suffire à prouver la réalité de son objet."
Ainsi, comme l'esprit passé s'est éteint, un objet éteint ne peut exister, comme l'esprit futur n'est pas encore né, il est inexistant et ce qui n'est pas né est également dépourvu de réalité. Quant à l'esprit présent, il n'a ni couleur ni forme propre, il ne demeure ni à l'intérieur ni à l'extérieur du corps et quelques soient les efforts mis à sa recherche, on ne le trouve pas. Il est donc dénué d'existence réelle.
Au sujet de l'esprit dépourvu de couleur ou de forme propre, il est dit dans le rNam sNang mNgon Byang:
"Maître du Secret, l'esprit n'a pas été vu par les Bouddhas, ils ne le voient pas et ne le verront jamais. L'esprit n'est pas bleu, ni jaune, ni rouge, ni blanc ni orange, ni de la couleur du verre (transparent). Il n'est ni court, ni long, ni rond, ni carré. Il n'est ni lumière, ni ténèbres. Il n'est ni homme ni femme, ni hermaphrodite. maître du Secret, l'esprit n'est pas de la nature de la sphère du désir, il n'est pas non plus de la nature de la sphère de la forme, ni de celle de la sphère sans forme. Il ne demeure ni à l'intérieur ni à l'extérieur du corps."
Il est dit dans le Sutra de 'Od Srungs kyis Zhus pa'i mDo (Kashyapa parivarta sutra):
"'Od Srungs, même si l'on cherche partout l'esprit, on ne le trouvera pas. Ce que l'on ne peut trouver est donc imperceptible (inexistant). Ce qui n'est pas perceptible n'existe ni dans le passé, ni dans le futur, ni dans le présent. Ce qui n'existe ni dans le passé, ni dans le futur, ni dans le présent, est donc totalement passé hors des trois temps."
Le Sutra de 'Phags pa gZungs kyi rGyal po (Arya dharani raja nama sutra) dit:
"Devaputra! Tous les phénomènes ne sont que l'esprit et on ne peut montrer l'esprit. L'esprit est sans barrières, sans forme et on ne peut le discerner. Même si l'on recherche l'esprit en recherchant sa vérité propre, on ne le trouve pas. Cet esprit que l'on recherche ainsi partout (sans succès) est donc imperceptible. Etant imperceptible, il faut donc aussi regarder tous les phénomènes comme étant imperceptibles."
Si l'on demande maintenant comment, recherchant partout l'esprit, il se fait qu'on ne le trouve pas, c'est qu'il n'est jamais né. Si l'esprit était né, de quoi serait-il issu? Naîtrait-il de sa cause éteinte ou de sa cause non éteinte? Il ne peut être né d'une cause éteinte. Car ce qui est éteint étant par nature inexistant, une entité ne peut naître d'une non-entité. Il n'est pas non plus né d'une cause non éteinte, car si un fruit naissait d'une cause non éteinte, alors la cause et le fruit seraient existants simultanément. Ainsi, l'esprit est tout d'abord dépourvu d'une cause de naissance; ce faisant, il ne peut donc avoir d'essence propre dans laquelle il demeurerait ensuite, et finalement donc, il est aussi dénué du résultat de l'extinction. Ainsi, l'esprit qui est libre de naissance, de cessation et de demeure propre, est pareil à l'espace. rJe bTsun Rin po che dit dans ses Chants:
"Comment l'esprit dépourvu d'abord de naissance, pourrait-il avoir une demeure (essence) propre et une cessation? Le penser comme dépourvu d'une naissance et d'une cessation, étant encore une pensée conceptuelle, rejetez la. Rejetez aussi le rejet car il s'agit encore d'une pensée conceptuelle."
Si l'on demande alors si l'inexistence de l'esprit est donc la vérité, il faut comprendre que, du fait même qu'on n'a pu établir l'existence de l'esprit, son inexistence qui est à l'opposé, ne peut non plus être établie. Il est dit dans le sPyod 'Jug:
"Lorsque l'on dit d'une entité "qu'elle n'existe pas", et que cette entité demeure imperceptible quand on l'examine, comment donc une telle entité inexistante dépourvue de support, pourrait-elle demeurer devant l'esprit?"
Ainsi, comme l'existence et la non-existence sont toutes deux contradictoires, l'esprit ne peut à la fois exister et ne pas exister. Comme l'esprit n'est pas ces deux à la fois, il n'est pas non plus ni existant ni non-existant, deux conditions qui viennent d'être réfutées. Ainsi, l'esprit est libre des quatre concepts extrêmes.
"Les sages ne tiennent pas l'existence de la conscience comme la vérité ultime. Etant privée de nature propre singulière ou multiple, elle est comme une fleur dans le ciel. Elle n'est pas existante, ni non-existante, ni à la fois existante et non-existante, ni à la fois non-existante et non-inexistante. (La vérité ultime de l'esprit) est donc libre de ces quatre concepts extrêmes. C'est ainsi que l'école du Madhyamika (école du Milieu) la voit au milieu (des extrêmes)." (Ye Shes sNying po kun las bTus pa ou Jnyanasara Samuccaya)
Ainsi, cette vacuité des quatre concepts extrêmes regardant l'esprit, n'est pas vacuité artificiellement fabriquée par le mental, mais elle est la vraie nature authentique et primordiale de l'esprit.
Sans jamais se séparer de la sagesse qui reconnaît cette vacuité de toute conceptualisation, il convient de demeurer avec vigilance mais détendu, dans l'état où même cette sagesse discriminante n'apparaît pas (comme sujet ou objet conceptuel), état dépourvu de toute représentation, qui est claire lumière, libre de toute conceptualisation et où aucune essence substantielle (de l'esprit) n'existe. Ceci constitue l'instruction permettant de supprimer la conceptualisation qui s'attache à saisir des caractéristiques.
"Lorsque ni entité ni non-entité ne demeurent devant le mental, alors, comme il n'a pas d'autre forme (possible), (l'esprit) sans représentation, atteint la paix." (sPyod 'Jug)
Demeurant longuement dans cette méditation sans torpeur ni indiscipline, la méditation est (un état) libre de perception, pareil à l'espace. Le résultat d'une telle méditation est la naissance d'une expérience intérieure de connaissance de tous les phénomènes comme étant à la fois apparences et vacuité, semblables à une illusion.
- Le développement de la certitude quant au caractère indicible
Il n'est pas non plus adéquat de tenir cette nature propre de l'esprit libre des quatre concepts extrêmes, comme la vérité primordiale et ultime. En effet, puisqu'aucun des quatre concepts extrêmes réfutés n'a de réalité, ce qu'on appelle "vide des quatre concepts extrêmes" ne peut non plus avoir de réalité. Ainsi, ce qu'on appelle "le milieu libre d'extrêmes" ne peut non plus être exprimé. Il est donc au-delà de tout domaine du langage ou de la conception. Le Ting Nge 'Dzin rGyal po dit:
"Ce que l'on connaît comme "existence" ou "non-existence" sont des concepts extrêmes, tout comme "propre" et "malpropre". En conséquence, le sage, rejetant chacun de ces deux extrêmes, ne doit pas non plus demeurer dans le "milieu".
rJe bTsun Rin po che dit aussi dans ses Chants:
"Ce qu'on appelle "libre d'extrêmes" est au-delà du domaine de l'exprimable. Des mots tels que Milieu (Madhyamika), Seulement l'Esprit (Cittamatra) ou autres termes, sont encore du ressort de la manifestation, tandis que se les représenter à l'esprit ressort de la conceptualisation."
Il poursuit ensuite:
"Lorsqu'on n'a pas perçu intérieurement la vérité naturelle primordiale et ultime, et que l'on n'a pas de pratique de l'instruction concernant l'absence de saisie, tout ce que l'on pense devient saisie conceptuelle. Même si l'on pense à l'absence de saisie, cette pensée est encore du ressort de la saisie conceptuelle. Il faut comprendre que l'union de la vacuité et de la continuelle clarté (de l'esprit) est la vérité ultime."
Ayant ainsi d'abord tranché tous les doutes et les erreurs grâce à l'étude et à la réflexion, lorsqu'on se met ensuite à la pratique de la méditation, il faut, tout en demeurant au sein de l'incessante clarté de la cognition, établir sans distraction l'esprit dans la reconnaissance de l'inexistence d'un objet à méditer et d'un sujet méditant, sur la certitude qu'on ne peut exprimer la nature propre de l'esprit comme étant libre de toute conceptualisation, ou n'étant pas libre de conceptualisation. Il n'y a rien à réfuter par la réfutation, rien à accomplir par la pratique, rien à rejeter par l'abandon, il n'y a pas d'antidotes sur lesquelles prendre appui, pas de Samsara à abandonner ou de Nirvana à obtenir, pas d'attente à l'égard des Bouddhas ni de crainte à l'égard des démons. Toutes les conceptualisations telles celles concernant une conduite à adopter et à rejeter, réfutation et assertion, attente et crainte, existence et non-existence, vacuité et non-vacuité, etc..., ne sont que des noms, que des signes, ne sont que convention, que discours, sont inconsistantes, sans fondement, pures depuis toujours , vides depuis toujours, libres depuis toujours, au-delà de tous les domaines du langage, de la pensée et de l'exprimable. Le maître Byams pa et le Suprême Klu sGrub (Maitreya et Nagarjuna) disent:
"Ici, il n'y a rien à dissiper ni rien non plus à ajouter. Contemplez avec pureté cette pureté parfaite. Si vous voyez cette pureté parfaite, vous êtes libéré."
Le Seigneur Sakya Pandita dit aussi:
"La vérité ultime des entités est libre d'existence, d'inexistence ou de toute autre caractéristique. Rien de tel qu'une méditation avec un objet à méditer et un sujet méditant, etc..., n'existe. Comme il n'existe aucune essence propre de l'esprit, comment pourrait-il exister une description de cette essence? Comme elle transcende tout le domaine des mots, rien ne peut donc l'exprimer."
Tout ceci se trouve confirmé dans les précieux Sutras. Il est dit dans le Sutra de Yab Sras mJal ba'i mDo (Pitaputra samagama sutra):
"Comme dans la vérité ultime, il n'y a aucun phénomène qui puisse être perçu, il n'y a rien non plus à décrire. Autrement dit, il n'y a que des noms, des signes, des conventions, des expressions, des descriptions, mais en vérité ultime, aucun phénomène n'existe."
Le Sutra de Byang Chub Sems dPa'i sDe sNod kyi mDo (Bodhisattva pitaka sutra) dit:
"Ne saisir ni ne rejeter aucun phénomène permet de ne demeurer au-dedans d'aucun phénomène. Lorsqu'on ne demeure au-dedans d'aucun phénomène, on n'est à l'origine de rien et on ne détruit rien. Lorsqu'on n'est à l'origine de rien et que l'on ne détruit rien, on échappe alors totalement à la naissance, à la vieillesse, à la maladie, à la mort, au chagrin, aux lamentations, à la souffrance, à l'insatisfaction de l'esprit et à son agitation."
Il est dit aussi dans les Sutras de la Prajnyaparamita:
"C'est l'activité conceptualisatrice de l'esprit qui engage dans la sphère du désir, de la forme et du sans-forme. Si l'esprit ne forme aucun concept, on n'est engagé nulle part."
Il est dit aussi plus loin:
"Puisque l'éveil n'a pas d'objet défini perceptible, ce qu'on appelle éveil n'est donc qu'un nom. Puisque Bouddha n'a pas d'objet défini perceptible, Bouddha n'est donc qu'un nom. Le Bouddha parfaitement omniscient est dépourvu de nature propre. Ce qui est dépourvu de nature propre est indicible."
Si l'on demande alors comment donc on peut réaliser le bien d'autrui, puisque en vérité ultime, il n'existe pas d'êtres vivants, et que donc l'on ne saurait parler d'un bien des êtres à accomplir et d'un sujet l'accomplissant, le Sutra de Gang pos Zhus pa'i mDo (Purna paripriccha sutra) répond:
"Lorsque, demeurant dans le coeur de l'éveil, je suis devenu un Bouddha parfait dans l'incomparable et parfait éveil authentique, je n'ai perçu aucun être et je n'ai même pas perçu le nom "être vivant".
Les Sutras de la Prajnyaparamita poursuivent:
"Rab 'Byor (Subhuti)! Je ne perçois aucun être vivant. Cependant, les êtres vivants insubstantiels sont perçus comme substantiels. Accomplir leur bien n'est donc que pur discours conventionnel. Rien de tel n'existe en vérité ultime."
Lorsqu'on acquiert cette réalisation intérieure, même l'esprit qui saisit (la vérité ultime) comme simplement indicible, disparaît. Le sPyod 'Jug dit:
"En s'accoutumant à la tendance mentale à la vacuité, la tendance mentale (à saisir) des objets, s'efface. En s'accoutumant à ce que "rien du tout n'existe", même cette (notion de vacuité) disparaît."
Lorsqu'on médite dans cette connaissance, on obtient dans la méditation, l'expérience de clarté et de vacuité sans saisie. Le résultat d'une telle méditation est la naissance naturelle de la compassion à l'égard des êtres mondains dont l'esprit incline à la saisie. Extirpant ainsi à leur racine les deux sortes d'obscurcissements avec leurs impressions mentales, ceux qui désirent obtenir rapidement l'état d'omniscience, s'appliqueront à la méditation de la sagesse au sens de vacuité. Le même texte poursuit:
"La vacuité est l'antidote aux ténèbres des deux obscurcissements des pulsions négatives et des objets de savoir. Comment celui qui désire rapidement parvenir à l'omniscience pourrait-il ne pas méditer sur la vacuité?"
Afin de parvenir à la réalisation intérieure de la vacuité, il convient de s'entraîner aussi à la large accumulation du mérite. Autrement, la vacuité serait difficile à réaliser et même si l'on y parvenait, on risquerait fort de tomber dans les méprises sur la cessation affectant les Auditeurs, et autres. Le Sutra de mDo sDud pa dit à ce sujet:
"Aussi longtemps que l'on n'a pas accumulé suffisamment de racines vertueuses, on ne peut prétendre à la réalisation intérieure de la vacuité sacrée."
Le seigneur Sakya Pandita dit:
"Les Auditeurs méditent également sur la vacuité, mais le fruit qu'ils en obtiennent est la cessation."
Pratiquer sans jamais se séparer ni de la méthode (= compassion) ni de la sagesse, constitue le coeur de la voie du Grand Véhicule.
Comment mettre tout ceci en pratique? Dans un lieu isolé, on commencera tout d'abord par prendre refuge et prier avec ferveur le Lama et les trois joyaux. On médite ensuite longuement sur l'esprit d'éveil motivé par une grande compassion. Prenant ensuite appui sur l'objet de la méditation de la stabilité sereine, lorsque naît une certaine stabilité de l'esprit, on réfléchit de la manière suivante:
"L'esprit, dans sa nature propre primordiale, est claire lumière. Il est depuis toujours libre de tout concept extrême. Bien qu'il soit ainsi clarté et vacuité sans aucune partialité ou discrimination, ignorant de cette vérité, j'ai hélas pris le "moi" pour un "soi" réel, et je me suis ainsi enfoncé sans fin dans le Samsara. Là, ayant tenu pour vrai ces fausses apparences inconsistantes et creuses surgissant sous l'effet de l'accoutumance à l'égard des impressions mentales de l'illusion d'un objet et d'un sujet, comme un fou, je ne me suis occupé que de l'illusion et j'ai dû ainsi subir sans cesse toutes sortes de souffrances. Désormais, à partir de maintenant, prenant appui sur les instructions du saint Lama , je m'efforcerai de comprendre cet incomparable secret de l'esprit profond, qui est le coeur des quatre-vingt quatre mille articles de l'enseignement de tous les Tathagatas des trois temps. Je ne me laisserai plus tomber sous l'emprise du démon de l'attachement à la réalité des objets."
Dans une discipline rigoureuse du corps et de l'esprit, et dans le maintien d'une expérience de joie libre de tout examen, je réfléchirai que le sentiment de "moi" ou de "mien" à l'égard de cette collection d'agrégats aspirant à la survie, n'est qu'illusion. En effet, si ce qu'on appelle un "soi" existait, serait-il le nom, le corps ou l'esprit? Comme le nom n'est qu'une simple appellation aléatoire, il ne peut être le soi. Le corps quant à lui, n'étant simplement qu'un nom donné à la collection d'agrégats de chair, de sang et d'autres, ne peut non plus être le soi. Et le soi ne demeure nulle part à l'extérieur ni à l'intérieur du corps depuis le sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds. Quant à l'esprit, l'esprit passé a cessé d'être, l'esprit futur n'est pas encore né; quant à l'esprit présent, comme il cesse d'exister aussitôt, il ne saurait non plus être le soi. C'est ainsi que ce que l'on appelle le "soi" n'est qu'illusion dépourvue de tout fondement. C'est ainsi qu'il faut réfléchir souvent.
De même, toutes ces apparences extérieures de montagnes, de maisons, de villages, etc... ne sont aucunement l'oeuvre d'un créateur extérieur tel que le hasard, Vishnou (ou Dieu), ni non plus l'oeuvre des quatre éléments ou des atomes... Ce n'est qu'en prenant appui sur son propre esprit trompé par les impressions mentales du Samsara, que, sous le pouvoir de l'illusion, ces choses sont perçues alors qu'elles n'existent pas. Il convient de réfléchir longuement afin d'obtenir la ferme conviction, qu'il en est en fait comme d'un rêve où l'on croit percevoir des villes, des chevaux, des éléphants et autres choses.
Ainsi donc, comme ces apparences que l'on tient pour des objets sont pareilles aux apparences dans le rêve, la conscience qui les saisit est comme l'esprit au moment du rêve qui expérimente ces perceptions, c'est à dire qu'elle est dépourvue de toute existence réelle. En conséquence, tous les phénomènes du ressort de la perception dualiste d'un sujet et d'un objet ne sont que phénomènes trompeurs, mensongers et simple illusion. Dans cette pensée, on dirige l'esprit vers l'intérieur. Et on contemple longuement le rayonnement propre de la conscience présente libérée des voiles obscurcissants du sujet et de l'objet. Lorsque naît l'expérience de la clarté, il faut alors procéder à l'examen suivant: recherchant tout d'abord d'où naît cette claire conscience, on ne trouve aucune cause à sa naissance. Elle est donc pure vacuité libre de naissance. A l'étape suivante, lorsqu'on recherche dans quelle demeure réside son essence propre, on ne la trouve ni à l'extérieur, ni à l'intérieur du corps, ni entre les deux. On ne lui trouve ni couleur ni forme propre. Comme malgré toutes ces recherches, on ne trouve rien, on en conclut qu'elle ne demeure nulle part et qu'elle est transparente vacuité. Finalement, lorsqu'on recherche un objet dans lequel elle s'éteindrait, on ne trouve aucune résultante de son extinction. On en conclut alors qu'elle est libre de cessation, félicité.
Etant ainsi libre des trois éléments d'une cause, d'un fruit et d'une essence propre, elle est vacuité libre de toute nature propre. Dans cette vacuité, elle est aussi expérimentée comme clarté dont le propre rayonnement ne s'éteint jamais dans aucun objet résultant. Au sein de cette clarté, rien n'existe et au sein de la vacuité, la clarté de la conscience ne s'interrompt jamais dans aucun objet résultant. Elle est donc clarté et vacuité en même temps, sans saisie. Elle est libre de tout concept extrême la limitant, sans définition préférentielle, sans rien pour l'exprimer, et impensable. A l'intérieur de cet état, on garde l'esprit libre même du concept d'inexprimable. Lorsque naissent des pensées conceptuelles, il ne faut pas les laisser suivre leur cours mais il convient de les détruire dès leur apparition et de rétablir l'esprit dans l'absence de saisie. Tout d'abord, il faut maintenir l'esprit avec discipline, puis le relâcher ensuite, et enfin, le laisser placé sans attente ni crainte.
En bref, sans se laisser jamais distraire de la claire et vide conscience sans saisie, il convient de laisser l'esprit placé sans recherche à l'intérieur de l'état où il n'y a aucun objet à méditer. Il faut s'efforcer intensément de cette manière par périodes courtes et répétées. Il faut éviter de ne plus s'intéresser à la méditation et toujours quitter la séance en bons termes avec elle.
A la fin de la séance et avant de quitter la posture de méditation, il convient de penser avec compassion à tous ces êtres qui ont été ma mère et qui ne vivent que dans l'illusion, tout attachés qu'ils sont par les liens serrés du soi, du sujet et de l'objet, ignorant la nature propre de tous les phénomènes pour être libre de concept extrême, de définition préférentielle, inexprimable, impensable, sans fondement, sans racine, pareille à l'espace. Pour le bien de tous ces êtres, il me faut absolument parvenir à l'état de Bouddha accompli et omniscient qui est la réalisation de l'esprit même comme libre de tout concept extrême le limitant. Dans cette pensée, on dédie le mérite acquis.
Dans les intervalles entre séances également, il convient tout en récitant des vers appropriés tels que "Les magiciens créent des formes illusoires...", de ne jamais se départir de la connaissance que toutes les apparences ne sont qu'apparences-vacuité, semblables à l'illusion. Et c'est dans cette connaissance qu'il faut s'efforcer à l'accomplissement du bien d'autrui.

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