1) L'ESPRIT D'EVEIL DU SOUHAIT
Il s'agit de l'esprit qui souhaite l'éveil parfait pour le bien
d'autrui. Le maître Byams pa déclare:
"Développer l'esprit d'éveil, c'est désirer la
parfaite bouddhéité pour le bien d'autrui."
Le développement de cet esprit d'éveil du souhait produit
d'innombrables bienfaits.
"Si la seule pensée que "puissent les maladies du cerveau affectant
les êtres vivants, disparaître", si cette seule pensée
pour le bien d'autrui, produit un mérite immense, que dire alors
(du bénéfice infini) apporté par le souhait de libérer
chaque être vivant du malheur et de permettre à chacun de
réaliser d'immenses qualités." (sPyod 'Jug)
Ainsi, la naissance d'un tel esprit du souhait de l'éveil est
extrêmement rare et à la fois porteuse d'infinis bienfaits.
Le même texte dit encore:
"Est-ce qu'un père ou une mère a jamais eu une telle pensée
bénéfique? Est-ce que les dieux, les ermites ou même
Brahma ont jamais eu une telle pensée? Si les êtres vivants
n'ont même jamais eu pour eux-mêmes une telle pensée,
ne serait-ce qu'en rêve, comment pourraient-ils bien l'avoir pour
autrui?"
Si l'on s'interroge maintenant sur la cause permettant la naissance
de l'esprit d'éveil, il s'agit de la grande compassion. Il est dit
dans le Byang Chub Sems dPa'i sDe sNod (Bodhisattva pitaka):
"C'est la grande compassion qui précède le fort désir
de l'éveil du Bodhisattva."
Si la cause de compassion n'existe pas, son fruit de l'esprit d'éveil
ne peut apparaître; comme la compassion elle-même a pour racine
l'amour, il convient de développer à la fois la compassion
et l'amour authentiques. Lorsqu'apparaît le désir que les
objets que l'on se représente, jouissent du bonheur et qu'ils soient
libres de la souffrance, il faut réfléchir de la manière
suivante: bien que ce soit mon devoir et mon plaisir d'établir les
êtres dans le bonheur et de les libérer de la souffrance,
pour le moment, malheureusement, je ne possède pas un tel pouvoir.
Les grands de ce monde qui me sont bien supérieurs, tels que Brahma
, Indra et les autres, ne l'ont pas non plus. Même les êtres
suprêmes tels que les Auditeurs et les Bouddhas Solitaires, n'ont
pas ce pouvoir. Seuls les Bouddhas Parfaitement Accomplis et omniscients
possèdent ce pouvoir. Car, en effet, les Bouddhas sont libres de
tout défaut dû à des fautes, et ils détiennent
toutes les qualités; ils ont le pouvoir de jouir de l'état
de la plus grande félicité et ils manifestent leur divine
activité et la compassion protégeant tous les êtres
sans exception des inconvénients de l'existence et de l'extinction.
Ils ont aussi le pouvoir de réaliser aisément tous les objectifs
immédiats et ultimes, si on les en supplie, et ils sont les seuls
à posséder un tel pouvoir. C'est c'est état que je
dois absolument obtenir. Si je l'obtiens, je m'efforcerai d'abord, comme
l'habile capitaine créant par enchantement une cité merveilleuse
sur une île au milieu de l'océan afin de permettre aux marchands
épuisés par le voyage de prendre du repos, d'établir
temporairement les êtres dans le Nirvana, en fonction de leurs trois
sortes d'aspirations et au moyen de celui des trois véhicules leur
convenant. Les soulageant ainsi de la souffrance de la roue de l'existence,
ils se purifieront peu à peu et finalement, je m'efforcerai de placer
tous les êtres vivants dans tous les univers, dans l'état
de Bouddha. Il faut ainsi développer sincèrement un tel esprit.
Il est dit que mettre en pratique l'esprit d'éveil du souhait
selon des instructions de visualisation, n'appartient qu'à cette
lignée.
Comment réfléchir à cela? Hélas, bien que
tous les êtres vivants qui ont été mon père
et ma mère, aspirent au bonheur, en raison de leur ignorance des
moyens d'obtenir ce bonheur, certains sont en proie maintenant à
toutes sortes de souffrances, tandis que d'autres accumulent en grande
quantité les actes de non-vertu, cause de futures souffrances. La
taie de l'ignorance les aveugle, ils sont privés de la cane du soutien
de la libération et la présence d'un maître de vertu,
qui est comme l'oeil pour l'aveugle, leur fait défaut. Ils s'éloignent
des états supérieurs et du chemin de la libération
et frôlent les abîmes des trois mauvais états. Quelle
pitié!"
Après avoir longuement réfléchi de cette manière,
on poursuit: "Compatir à leurs souffrances ne suffit pas; il me
faut les libérer de la souffrance et les établir dans le
bonheur. Mais je ne possède pas encore un tel pouvoir. Seuls les
Bouddhas Parfaitement Accomplis qui ont mené à leur terme
les deux objectifs (le personnel et celui d'autrui), possèdent ce
pouvoir. Un seul rayon de lumière émané du corps d'un
Bouddha a le pouvoir d'établir un nombre immense d'êtres vivants
dans l'Au-delà de la Souffrance et un seul de ses enseignements
a aussi le même pouvoir. En bref, voir un Bouddha, l'entendre, y
réfléchir et le toucher, soit directement soit indirectement,
permet de combler aisément les désirs des êtres et
seuls les Bouddhas détiennent un tel pouvoir. Comme je serais heureux
si je pouvais obtenir cet état de Bouddha parfait et omniscient,
pour le bien de tous ces êtres vivants qui ont été
ma mère. Je dois absolument m'efforcer d'obtenir l'état de
Bouddha parfaitement accompli.
Il faut ainsi méditer jusqu'au développement de ce désir,
comme un assoiffé désire de l'eau. Puis, du fond du coeur,
développer la pensée: "Après avoir obtenu la bouddhéité,
je commencerai par placer temporairement tous les êtres vivants dans
l'Au-delà de la Souffrance, au moyen des trois véhicules.
Purifiant ainsi peu à peu chacune des trois sortes d'êtres,
je les établirai ultimement dans l'état de Bouddha." Puis
l'on prie avec ferveur pour que le Lama et les trois joyaux qui savent,
nous aident dans cette oeuvre.
Dans les intervalles entre sessions, on se réjouira constamment
à l'idée d'obtenir l'état de Bouddha parfaitement
accompli, source d'innombrables et précieuses qualités, joyau
exauçant les désirs. Il est également important de
réciter chaque jour, six fois par vingt-quatre heures ou matin et
soir, la prière aux sept membres suivie du refuge et du développement
de l'esprit d'éveil du souhait et en application, tels qu'on les
trouve dans le texte du sPyod 'Jug. Ceci doit être fait chaque jour
sans faute.
2) L'ESPRIT D'EVEIL EN APPLICATION, A SAVOIR L'ENTRAINEMENT DANS LA
VOIE EN VUE DU FRUIT
Il s'agit de l'engagement dans l'action pour le bien d'autrui, en vue
du parfait éveil. Le sPyod 'Jug dit que la différence entre
le souhait et l'action (de l'esprit d'éveil) réside dans
le fait qu'il s'agit d'étapes successives:
"Comme l'on connaît la différence entre désirer
partir et partir réellement, de même le sage comprendra-t-il
la différence entre ces deux étapes."
Mû par une immense compassion ne pouvant supporter les souffrances
d'autrui, et alors que naît le désir d'obtenir le parfait
éveil pour leur bien, il ne faudra pas se décourager mais
au contraire mettre tous ses efforts à son obtention effective.
Le maître Byams pa dit:
"O Nobles Etres, porter sur sa tête le fardeau des êtres
vivants et marcher sans hâte, n'est pas beau; alors que moi-même
et autrui sommes liés par toutes sortes d'entraves, il est raisonnable
de développer des efforts encore cent fois plus grands."
Si l'on s'interroge maintenant sur la méthode pour réaliser
l'incomparable éveil, elle consiste dans le fait d'abandonner ses
propres objectifs égoistes et de se préoccuper d'accomplir
le bien d'autrui.
"Tout le bonheur pouvant exister dans le monde, provient du désir
du bonheur d'autrui; tout le malheur dans le monde provient du désir
de son propre bonheur égoiste. Il n'est nul besoin d'en dire plus:
regardez la différence entre l'être infantile ne se préoccupant
que de lui-même et le puissant (Bouddha) accomplissant le bien d'autrui."
(sPyod 'Jug)
Ainsi, la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas libérés
plus tôt de la roue de l'existence et avons dû en conséquence
endurer toutes sortes de souffrances, est que nous avons abandonné
les êtres qui ont été notre mère et que, d'un
esprit ne chérissant que notre propre personne, nous ne nous sommes
préoccupés que de nous-mêmes. Croyant depuis un temps
immémorial à un "moi" et à un "soi" là où
il n'y avait ni "moi" ni "soi", on s'est uniquement chéri et préoccupé
de soi-même, et dans ce but, on en est venu à commettre toutes
sortes de non-vertus nuisant à autrui. Ainsi, on a dû ensuite
endurer toutes sortes de souffrances au sein de la roue de l'existence.
"O mon esprit, ne désirant que ton propre bien, d'innombrables
éons se sont ainsi passés; malgré toutes ces épreuves,
tu n'as trouvé que la souffrance." (sPyod 'Jug)
Considérant donc ce souci exclusif de soi-même comme l'ennemi
à abattre, il convient de s'entraîner à tourner l'action
de ses trois portes vers la réalisation du bien d'autrui.
Trois points vont être évoqués, regardant la manière
de mettre ceci en pratique: la méditation de l'identité entre
soi et autrui, la méditation de l'échange et l'entraînement
à ce comportement.
a) La méditation de l'identité entre soi et autrui:
Ceux qui, au départ, se sentent incapables de méditer
l'échange, s'entraîneront tout d'abord seulement à
la méditation de l'identité entre soi et autrui. Il s'agit
là du moyen habile capable d'amener progressivement l'esprit à
la méditation de l'échange. Le même texte poursuit:
"Entraînez vous d'abord avec diligence à méditer
sur l'identité entre vous-même et autrui. Puisque bonheur
et souffrance sont les mêmes pour tous, vous pourrez ainsi vous soucier
d'autrui comme vous le faites de vous-même."
En ce qui concerne la signification des termes "identité entre
soi et autrui", ils impliquent que de même que je désire le
bonheur, les autres êtres également le désirent; je
dois donc être l'ami les aidant à obtenir le bonheur. De même
que je déteste la souffrance, les autres êtres également
la détestent; je dois donc être l'ami leur permettant de se
libérer de la souffrance. Le texte du sPyod 'Jug dit:
"Puisque moi-même et tous les autres êtres désirons
également le bonheur, qu'ai-je donc de si spécial? Pourquoi
ne devrais-je me préoccuper que de mon seul bonheur? Puisque nous
sommes pareils à refuser la souffrance, qu'ai-je donc de si spécial?
Pourquoi me protéger seul et non pas les autres?"
Si l'on pense qu'il convient que ce soit les autres êtres qui
se protègent contre les souffrances qui les affectent et que je
dois, moi, me préoccuper de me protéger contre celles qui
m'affectent moi-même, ce raisonnement est comparable à celui
qui estimerait que la main n'a pas à extirper l'épine blessant
le pied, car en effet, il convient qu'aucun autre que celui endurant la
douleur (le pied) ne vienne soulager cette souffrance. Le même texte
poursuit:
"(S'il faut) que l'on se protège soi-même, alors la main
n'a rien à faire de la douleur du pied."
Pourtant, si l'on insiste en prétendant que les deux situations
ne sont pas identiques car le pied m'appartient tandis que les êtres
sont étrangers, le raisonnement n'est pas juste. En effet, ce pied
que j'appelle mien provient en fait du sang et de la semence de mon père
et de ma mère, et c'est sous l'effet de l'habitude que j'en suis
venu à le considérer comme mien. Si je considère les
êtres vivants comme mes êtres vivants, sous l'effet de l'habitude
aussi, j'en viendrai vraiment à les considérer comme tels.
Le sPyod 'Jug poursuit:
"Tout comme tu en viens à considérer comme tien ce qui
est en fait issu du sang et de la semence d'autrui, habitue toi à
considérer les autres de la même manière."
"Tout comme sous l'effet de l'habitude à l'égard de ce
corps dépourvu d'un moi, j'en suis venu à le considérer
comme mon moi, si je m'habitue à considérer les autres êtres
de la même manière, pourquoi le sentiment du moi ne naîtrait-il
pas à leur égard?" (sPyod 'Jug)
En bref, moi-même et les autres êtres sommes semblables
en ce que tous, nous désirons le bonheur et refusons la souffrance;
en conséquence, il convient de rejeter tous les actes à l'encontre
d'autrui, tels que les comportements faisant obstacle à l'accomplissement
de leurs désirs et ceux visant à leur faire du mal. Il faut
au contraire, avec un pur esprit de générosité, s'efforcer
de soulager leurs souffrances et réaliser leur bonheur.
"Je dissiperai la souffrance d'autrui car, étant souffrance,
elle m'affecte également. Je m'efforcerai de faire le bien d'autrui
car, comme ils sont des êtres vivants, ils me sont (aussi chers)
que mon propre corps." (sPyod 'Jug)
Si je pense que, malgré ma promesse de libérer autrui
de la souffrance et de l'établir dans le bonheur, je n'ai pas le
pouvoir d'obtenir un tel résultat, le débutant, bien qu'en
effet il n'ait pas un tel pouvoir, devra pourtant s'efforcer du fond du
coeur, de ne jamais se séparer d'une telle pensée. S'efforçant
d'abord d'accomplir le bien d'autrui comme le lui permettent ses capacités,
peu à peu, il deviendra capable de réaliser ce même
objectif de façon très étendue. Le maître kLu
sGrub a dit:
"Même si vos actions pour le bien d'autrui manquent de force,
conservez-en pourtant toujours le désir. Celui qui en a la pensée
réussira à agir dans ce sens."
Comment réfléchir à cela? Après avoir développé
la prière du refuge, on poursuit par la pensée suivante:
"Je dois obtenir le précieux état de Bouddha parfaitement
accompli pour le bien de tous les êtres vivants de l'espace infini,
qui ont un jour été ma mère. Dans ce but, je m'efforcerai
à la pratique de la voie profonde."
On peut aussi préférer réciter trois fois les
paroles suivantes, tout en réfléchissant à leur sens:
"Afin de libérer de l'existence les êtres qui ont été
ma mère, je dois obtenir l'état de Bouddha parfaitement accompli.
Dans ce but, je mettrai en pratique le profond yoga de la voie des Bouddhas.
Hélas, bien que j'aspire et me réjouisse à l'obtention
du grand et incomparable éveil pour le bien de tous les êtres
vivants, je ne pourrai pourtant devenir un Bouddha avant d'avoir réussi
à maîtriser l'attachement au moi et avant que tous les actes
de mes trois portes ne soient dirigés vers la réalisation
du bien d'autrui. Ainsi, je vais d'abord rejeter ce souci exclusif de moi-même
qui est la source de mon malheur et de mes échecs et je m'en vais
demeurer fermement dans la seule voie foulée par les fils des Bouddhas,
qui est la méthode de la motivation de toutes les actions par le
bien d'autrui. En outre, de même que j'aspire au bonheur, tous ceux
que l'on nomme êtres vivants, y aspirent également. A partir
de maintenant donc, je vais aider tous les êtres vivants à
obtenir le bonheur et ses causes. Puisque comme moi-même, tout ce
que l'on nomme être vivant, déteste la souffrance, à
partir de maintenant, je vais aider tous les êtres vivants à
se libérer de la souffrance et de ses causes.
Réfléchissant longuement de cette manière, on
produit une pensée se réjouissant réellement à
cette perspective.
b) Méditation de l'échange:
Celui qui désire rapidement obtenir la bouddhéité,
devra s'appliquer à la méditation de l'esprit d'éveil
de l'échange entre soi et autrui.
"Celui qui désire rapidement protéger autrui et soi-même
s'engagera dans ce saint secret de l'échange entre soi et autrui."
(sPyod 'Jug)
Mais la seule pensée de l'identité entre soi et autrui
ne suffit pas à réaliser l'éveil. Le même texte
poursuit:
"Si l'on n'échange pas parfaitement son bonheur avec la souffrance
d'autrui, on ne peut devenir Bouddha et on ne peut jouir du bonheur dans
la roue de l'existence."
Comment expliquer cela? Comme tous les êtres vivants ont été
depuis un temps sans commencement ma mère dévouée,
ils m'ont par le passé comblé de leurs bienfaits et maintenant
encore, la réalisation de l'incomparable éveil dépendant
des êtres vivants, ils me sont toujours d'un grand bienfait. Il convient
donc que j'aspire et me réjouisse de prendre sur moi la souffrance
de tous les êtres vivants avec sa cause, et de leur donner mon propre
bonheur et mes vertus. Si, dans un désir contraire, on inflige des
souffrances à autrui afin d'assurer son propre bonheur, comment
pourrait-on espérer atteindre l'état de Bouddha? On ne pourrait
alors se libérer de la roue de l'existence et l'on devrait y endurer
toutes sortes de souffrances.
"En désirant sa propre supériorité, on s'attire
les mauvais états, la solitude et la bêtise; en reportant
ce même désir sur autrui, on obtiendra le bonheur des états
supérieurs. Si je me sers d'autrui pour mes propres fins, je me
retrouverai un jour dans une position inférieure de serviteur ou
autre; si je me mets au service des autres, je deviendrai un jour seigneur
ou autre." (sPyod 'Jug)
Si l'on ne maîtrise pas immédiatement cet immense souci
exclusif de soi-même, grâce à une forte vigilance, comment
pourrait-on envisager d'obtenir libération et omniscience? On ne
pourrait même pas réussir à réaliser les objectifs
de cette vie. Quelles que soient les personnes à qui l'on ait à
faire, que ce soit des instructeurs, des amis ou des proches, le temps
se passe à des disputes sur le rang, le siège, la nourriture
et finalement, sur des questions de supériorité ou d'infériorité.
Toute la durée de cette vie humaine, aucun de mes désirs
ne se réalisera et au contraire, toutes sortes de malheurs m'arriveront,
sans que personne ne vienne me consoler. En bref, toute infortune ayant
pour source ce souci exclusif de soi-même, il faut le considérer
comme un ennemi et lui attribuer toutes les fautes d'autrui, parvenant
ainsi à détruire cet ennemi redoutable. Comme tous les bienfaits
et bonheurs surviennent en s'appuyant sur les êtres vivants, il faut
donc les regarder comme ses proches. Si l'on acquiert le désir de
donner tout son bonheur et ses vertus aux êtres vivants qui ont été
mon père et ma mère, alors toutes les vertus que l'on accomplira,
comme celle de garder la discipline éthique ou la triple activité
de l'étude, de la réflexion et de la méditation, etc...
deviendront cause de l'éveil. S'il en était autrement, et
quelles que soient les qualités d'érudition, de discipline
et de noblesse que l'on s'enorgueillisse de posséder, et même
si l'on s'efforçait réellement à la vertu, un tel
Dharma ne pouvant servir d'antidote au souci exclusif de soi-même,
ne permettrait pas de se détacher de la roue de l'existence. C'est
pourquoi il est très important que les pratiquants du Dharma connaissent
ce point.
Si l'on pense maintenant que prenant sur soi la souffrance d'autrui,
on ne va pas pouvoir en supporter le fardeau et par conséquent,
on sera incapable de pratiquer cette méditation de l'échange
entre soi et autrui, on est dans l'erreur. En effet, c'est le pouvoir de
cet esprit du bien qui médite de cette façon, qui va permettre
d'apaiser la souffrance d'autrui, mais cette même souffrance ne va
pas grandir en moi. Non seulement, elle ne va pas grandir mais sous l'effet
de l'habitude d'une telle méditation, on va pouvoir se débarrasser
de ce souci exclusif de soi-même. On deviendra ainsi capable, si
le bien d'autrui est en jeu, de donner sans même y penser, sa tête,
ses jambes ou ses bras, c'est à dire d'accomplir peu à peu
les actions d'un Bodhisattva, vastes comme l'océan. Ce faisant,
on obtiendra l'état de Bouddha parfaitement accompli.
"Ainsi il convient de s'engager totalement dans l'action en vue du bien
d'autrui. Comme les paroles du puissant sont véridiques, on constatera
plus tard les qualités obtenues. (sPyod 'Jug)
Comme le Bouddha parfaitement accompli ne ment jamais, c'est l'accomplissement
du bien d'autrui qui permet d'accomplir son propre bien. Ainsi, il faut
penser que j'ai bien trop tardé à méditer cet esprit
d'éveil de l'échange entre moi et autrui, et que si je l'avais
médité plus tôt, je serais maintenant devenu Bouddha
et ne jouirais plus que du bonheur sans devoir endurer les souffrances
qui m'affligent encore. Appliquez-vous donc à cette méditation.
Le sPyod 'Jug dit encore:
"Si tu avais agi ainsi beaucoup plus tôt, le parfait accomplissement
de la bouddhéité serait tien et les conditions présentes
d'infortune n'existeraient pas."
A ce moment de la transmission de l'enseignement, il sera bon de rapporter
quelques histoires des vies antérieures du Bouddha comme lorsqu'il
était conducteur de charrette dans les enfers ou les récits
de la fille de mZa' bo, etc...
En ce qui concerne la mise en pratique, le même texte explique:
"Afin de soulager ma propre peine ainsi que les douleurs d'autrui, je
dois me donner aux autres et considérer autrui comme s'il s'agissait
de moi-même."
Me représentant tout d'abord ma propre mère, je réfléchis
de la manière suivante: Ma mère m'a protégé
du malheur et m'a comblé de nombreux bienfaits; il me faut donc
moi aussi la protéger de ce malheur et lui rendre ses bienfaits.
Qu'est-ce qui fait du mal à ma mère? C'est la souffrance
qu'elle endure actuellement et les causes de celle-ci qui continueront
à lui nuire au cours de ses existences. Je vais donc les prendre
sur moi toutes les deux.
On imagine alors que la souffrance de ma mère et sa cause se
reportent toutes deux sans exception sur moi et on développe la
joie à cette perspective. Ce faisant, je pense avoir extirpé
à sa racine le souci exclusif de moi-même.
On poursuit: Ce qui ferait le bien de ma mère serait de jouir
actuellement du bonheur et des vertus qui sont la cause de la persistance
du bonheur. Je vais donc les lui donner;
Je m'imagine donnant à ma mère tout mon bonheur et toutes
mes vertus, sans me soucier de mes désirs propres, son corps et
son esprit jouissent alors aussitôt du bonheur, et désormais,
elle possède la vertu cause de son bonheur futur. On développe
un esprit de joie à cette perspective.
Il faut ensuite méditer de la même façon à
l'égard des autres êtres vivants.
Comment y réfléchir? Me représentant tout d'abord
ma mère actuelle, je pense: Hélas, ma mère qui m'est
toute dévouée et qui m'aime tant, m'a donné ce corps
particulièrement approprié à la réalisation
de l'éveil; elle m'a protégé de toutes sortes de malheurs
et de craintes tout en me comblant de bienfaits innombrables. Ce n'est
pas seulement dans cette vie qu'elle a agi ainsi, mais dans toutes les
nombreuses autres où, m'ayant servi de mère, elle m'a pareillement
comblé de ses bontés. Quelle pitié que de la voir
maintenant errer au sein de la roue de l'existence, malgré son dévouement
inlassable à mon égard. Je vais donc m'efforcer d'obtenir
l'état de Bouddha parfaitement accompli et omniscient pour le bien
de ma mère. Si je ne suis pas plus tôt devenu Bouddha, c'est
que j'ai abandonné le souci de ma mère dévouée
et que je me suis exclusivement préoccupé de moi-même.
Désormais dans cette courte vie, je vais maîtriser ce féroce
souci exclusif de moi-même, et rejeter toute action pour son service
et sa puissance. C'est par le Dharma que je m'en vais répondre aux
bontés de ma mère. Comme c'est la souffrance et sa cause,
qui lui nuisent, je vais les prendre toutes deux sur moi.
Tout en prononçant les paroles: "puissent toute la souffrance
de ma mère dévouée ainsi que ses causes de non-vertu,
porter fruit en moi!" on imagine que cette souffrance ainsi que sa cause
se détachent d'elle sous forme de lambeaux noirs, comme l'action
du rasoir détachant le cuir (d'une dépouille animale), et
qu'elle s'absorbe au centre de mon coeur. Il faut longuement méditer
avec joie dans cette perspective. J'imagine que cette pratique fait disparaître
entièrement du sein de mon continuum mental, l'illusion de ce féroce
souci exclusif de soi-même, pareille à l'illusion prenant
une corde rayée pour un serpent. Il disparaît ainsi arraché
à sa racine.
Ce qui ferait le bien de ma mère serait la possession du bonheur
et de ses causes. En conséquence, je vais lui donner tout mon bonheur
et mes vertus. Dans cette pensée, on prononce les paroles: "Puissent
tout le bonheur de mon continuum mental et sa cause de vertu, porter fruit
en ma mère!
J'imagine alors que tous mes bonheurs et vertus sortent de mon coeur
comme un lever de soleil et sont transférés sur ma mère.
Alors qu'elle en jouit, elle se sent immédiatement heureuse et,
comme elle réunit toutes les conditions favorables à la pratique
du Dharma , je médite qu'elle accroit ainsi sa vertu et devient
capable d'obtenir l'état de Bouddha. Je réfléchis
longuement à ce que serait ma joie si ceci se produisait. Ayant
ainsi longuement médité du fond du coeur sur ces deux pratiques
du don (de son bonheur) et de la prise sur soi (du malheur d'autrui), lorsque
la visualisation acquiert une certaine clarté, il faudra répéter
les paroles suivantes tout en gardant constamment une visualisation très
claire: "Puisse la souffrance des êtres qui ont été
ma mère porter fruit en moi; puisse ma vertu procurer le bonheur
à tous ces êtres!" La première moitié de ces
paroles se réfère à la prise sur soi (de la souffrance)
tandis que la deuxième partie se réfère au don (de
son bonheur).
Puis, du fond du coeur, j'émets la pensée suivante: "Après
que ma mère jouisse ainsi du bonheur et de sa cause et qu'elle soit
libérée de la souffrance et de sa cause, puisse-t-elle rapidement
obtenir l'état de Bouddha."
On étend ensuite cette méditation d'abord à son
propre père et aux autres proches, puis aux autres êtres dans
les six états d'existence en méditant séparément
pour chacun des six groupes et on se sent ému de compassion à
la pensée que, contrairement à leurs désirs, ils doivent
endurer toutes ces souffrances. Comme tout à l'heure, je penserai
donc que pour leur bien, il me faut obtenir l'état de Bouddha parfaitement
accompli et omniscient. J'accomplirai à leur égard la visualisation
du don et de la prise sur soi. Finalement, on réfléchira
longuement avec compassion, que bien qu'en vérité ultime,
les êtres vivants, bénéficiaires de la pratique de
l'échange entre soi et autrui, l'acteur de la pratique, c'est à
dire soi-même, et l'objet de l'échange, c'est à dire
le bonheur et la souffrance, avec ce souci exclusif de soi-même,
bien que ces trois là soient dépourvus de toute réalité
ultime, sous l'effet d'un esprit plongé dans l'illusion de la vérité
relative, on a pourtant le malheur d'en expérimenter la vision dénuée
d'essence. On pensera alors qu'il faut rapidement obtenir l'état
de Bouddha parfaitement accompli et omniscient, pour le bien de tous ces
êtres. Puis l'on dédiera le bienfait de cette vertu.
Dans toutes les activités, également, il me faudra penser
à garder l'esprit d'éveil dans lequel autrui m'est plus cher
que moi-même et le renforcer en l'exprimant de la manière
suivante: "Puissent toutes les souffrances des êtres mûrir
sur moi; puisse ma vertu leur procurer à tous le bonheur!" Je m'efforcerai
à ce que tous les actes de mes trois portes soient bénéfiques
aux autres. Lorsque naîtra un esprit uniquement préoccupé
de mon bien propre, je devrai penser au sens des paroles du sPyod 'Jug,
afin d'éviter de tomber sous le pouvoir de l'égoïsme:
"Voilà celui qui t'a fait du mal des centaines et des milliers
de fois au sein de la roue de l'existence; te remémorant maintenant
qu'il est ton ennemi, emploie toi à vaincre la pensée de
ton bien égoïste."
A certaines occasions, lorsque le corps tombera malade ou que l'esprit
sera affligé de souffrances insupportables, on pourra réfléchir
de la manière suivante, afin de transformer ces souffrances pour
qu'elles deviennent bénéfiques à la pratique: "Il
y a de par le monde beaucoup d'êtres qui sont comme moi, malades
ou qui souffrent terriblement. Quelle pitié que de les voir ainsi
souffrir contrairement à tous leurs désirs. Puissent toutes
ces souffrances porter leurs fruits dans ma souffrance actuelle." On méditera
donc de la même manière que précédemment indiqué.
De la même façon, je penserai avec compassion aux êtres
des enfers qui, contrairement à tous leurs désirs, doivent
endurer ces terribles souffrances d'un froid et d'une chaleur extrêmes.
Comme tout à l'heure, je souhaiterai: "Puissent toutes leurs souffrances
de froid et de chaleur porter leurs fruits dans ma souffrance actuelle!"
De manière analogue, on pratiquera avec force la visualisation
de la prise sur soi et du don, à l'égard de chacun des six
états d'existence. On pensera ainsi: "Si mon corps n'avait pas eu
cette maladie ou si mon esprit n'avait pas ressenti cette souffrance, j'aurais
continué à me laisser distraire par les actes et les préoccupations
de cette seule vie. Fou d'orgueil et d'arrogance, je n'aurais ressenti
aucune lassitude de l'existence dans la roue et je ne me serais pas occupé
du bien et du mal à suivre ou à rejeter. C'est cette maladie
et cette souffrance qui me poussent maintenant à me tourner vers
les lieux de refuge et vers le Dharma, qui m'incitent au dégoût
(du monde) et à sa lassitude, et qui me permettent de faire mûrir
ici de nombreux actes qui auraient autrement porté leurs fruits
dans la souffrance des enfers lors d'existences futures. Si l'on procède
de cette manière, même la maladie ou la souffrance peuvent
devenir une voie pour l'éveil.
"Autrement, les vertus de la souffrance sont la naissance d'un esprit
que le monde chagrine et par là-même, l'anéantissement
de l'orgueil. Elle fait naître la compassion à l'égard
des êtres au sein de la roue de l'existence, fait éviter le
mal et aimer la vertu." (sPyod 'Jug)
Si l'on est en proie à l'attaque d'esprits nuisibles (gDon),
on méditera de la façon suivante: "Cet esprit m'a servi de
mère durant nombre de mes existences au cours desquelles il m'a
comblé de ses bienfaits et protégé du malheur. Encore
maintenant, alors que mon corps, ma parole et mon esprit oublient la vertu
sous l'emprise de la distraction, c'est lui qui incite mes trois portes
à se tourner vers la vertu, continuant ainsi à me manifester
ses bontés. Pourtant, sous l'emprise de l'ignorance, je le considère
comme un ennemi et ceci n'est pas bien. Désormais, je m'en vais
répondre à ses bienfaits par le saint Dharma. Ce qui lui
serait bénéfique serait la jouissance du bonheur et de sa
cause, ainsi que la délivrance de la souffrance et de sa cause.
Puisse donc sa souffrance avec sa cause porter fruit en moi!" Ce faisant,
même l'attaque d'un esprit nuisible peut contribuer à l'éveil.
"En se voyant soi-même comme plein de fautes et autrui comme un
océan de qualités, on méditera sur le total abandon
(du souci exclusif) de soi-même et sur la prise (du souci) d'autrui."
(sPyod 'Jug)
Si survient le souvenir insupportable du mal causé par autrui
tel qu'un ennemi ou autre, comme on l'a dit tout à l'heure lors
de la méditation de l'amour et de la compassion, il faudra penser
que celui qui me fait du mal maintenant, a été ma mère
dans nombre de mes existences et m'a ainsi comblé de ses bontés.
Encore maintenant, il m'est une aide pour vaincre la vanité et l'orgueil.
Il m'est donc bénéfique. Dans le désir de répondre
à ses bienfaits, il faudra méditer cette double pratique
de la prise sur soi et du don. On peut aussi réfléchir que
cet ennemi comme cet esprit nuisible, ayant été ma mère
durant de nombreuses existences, m'ont comblé de leurs bienfaits
et protégé du malheur. Quelle pitié que de les voir
maintenant me faire du mal, sous l'emprise de l'illusion. C'est dans ces
dispositions d'esprit que l'on doit pratiquer la prise sur soi et le don.
Ce faisant, les mauvaises conditions elles-même deviennent une voie
vers l'éveil. Le même texte dit encore:
"Ainsi, (cet ennemi) est comme un trésor apparaissant sans effort
dans ma maison; comme il m'aide dans la pratique de la voie du Bodhisattva,
je dois l'aimer."
quinta-feira, 6 de setembro de 2012
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