B- LES IMMENSES BIENFAITS QUE PROCURE UNE TELLE INCARNATION
Il est bien certain que sous de nombreux aspects, il est très
difficile d'obtenir un corps humain avec toutes ces précieuses conditions,
mais quel est le profit que l'on peut en espérer? Si on réussit,
les bienfaits de cette existence humaine seront plus grands encore que
si l'on était entré en possession d'un joyau exauçant
les souhaits. Si on prie un tel joyau, il se peut qu'on obtienne quelque
réussite mondaine. Par contre, si on pratique le Dharma en tirant
profit d'une existence pourvue de toutes ces conditions favorables, on
peut dès lors, non seulement réussir dans tous les domaines
de cette vie, mais surtout, on peut espérer obtenir une renaissance
future dans les états supérieurs, ou bien le Nirvana (Au-delà
de la Souffrance) auquel aspire le véhicule inférieur, ou
bien même l'incomparable éveil.
"Celui qui l'obtient peut traverser l'océan des naissances successives
et semer la graine de vertu pour le sublime éveil. Ayant obtenu
cette incarnation humaine dont les qualités sont plus précieuses
encore que celles d'un joyau exauçant les souhaits, qui donc pourrait
envisager de la gaspiller?" (sLob sPring)
Le sPyod 'Jug dit aussi:
"Celui qui a obtenu cette opportunité de réaliser le sens
de la vie d'un homme..."
Le terme sanskrit désignant homme est Puruksha; il signifie pouvoir
ou force. Donc, le sens de la vie munie des conditions favorables, d'une
personne de moindre puissance, sera l'obtention d'une renaissance humaine
ou chez les dieux; pour une personne de force moyenne, il sera la libération,
et pour une personne de force supérieure, il sera le pouvoir d'obtenir
l'omniscience. Les autres incarnations n'ont-elles pas ce pouvoir? Elles
ne l'ont pas; en effet, de manière générale, les fautes
ou les vertus accomplies sous l'état humain ont plus de force. Parmi
l'état humain, celles des hommes du continent de Dzambuling (c'est
à dire notre terre) ont plus de poids car il s'agit là de
la terre de l'accumulation du karma. Et les actes qui ont le plus de force
sont ceux des humains pourvus de toutes les conditions favorables.
"La voie des humains à la grande force mentale, capables de
guider les autres êtres en s'appuyant sur le chemin des Sughatas,
n'est pas à la portée des dieux, ni des Nagas, des Yakshas,
des Gandharvas, des Détenteurs de la Connaissance, de Mi'am ci ou
de lTo 'Phyes." (sLob sPring)
En tant qu'incarnation permettant la pratique du saint Dharma, l'incarnation
humaine munie de toutes les conditions favorables est bien supérieure
à toute autre incarnation au sein des six états d'existence.
Lorsqu'on a obtenu cette précieuse incarnation humaine munie des
conditions favorables, qui est si difficile à obtenir et dont les
bienfaits peuvent être si grands, si on ne pratique pas alors véritablement
le saint Dharma, il n'est pas sûr du tout que l'on pourra de nouveau
obtenir une telle opportunité dans le futur.
"En vous appuyant sur ce vaisseau de l'incarnation humaine, traversez
donc le grand fleuve de la souffrance. Comme il sera difficile d'obtenir
à nouveau un tel vaisseau par la suite, ne vous endormez pas dans
votre ignorance!" (sPyod 'Jug)
Si l'on pense ne pas pratiquer véritablement le saint Dharma
dans la présente incarnation, mais au moins se contenter d'éviter
de commettre des fautes, et ce, dans l'espoir d'obtenir ensuite une nouvelle
incarnation humaine et de se mettre alors à la pratique, on se trompe
grandement. En effet, bien que maintenant l'on évite toute faute
importante, on ne peut être certain de ne pas avoir par le passé
dans tout le cycle de ses vies, accumulé des actes conduisant à
une renaissance ultérieure dans les enfers. Telle peut en effet
être la destinée pour la vie suivante. Comment pourrait-on
être sûr de renaître dans les états supérieurs?
Le même texte dit:
"Si une seule faute peut nous conduire dans les enfers de l'Infinie
Souffrance durant un éon, comment les fautes accumulées depuis
un temps immémorial au sein de la roue nous conduiraient-elles vers
les états heureux?"
Le Dharma qu'il convient de pratiquer doit être une pratique en
accord avec les paroles des Victorieux; ce ne doit pas être un Dharma
des apparences ou de la bouche seule avec le coeur n'aspirant qu'aux désirs
de cette vie. Un Dharma des apparences ne saurait nous assurer de trouver
plus tard les conditions favorables, et il ne nous assurerait même
pas une incarnation humaine. Si nous n'obtenons pas une telle incarnation,
aucune autre incarnation ne nous permettra de pratiquer les pures vertus,
et en conséquence, nous serons condamnés à endurer
la souffrance durant de longs cycles. Le sPyod 'Jug dit:
"Mes actes actuels ne m'assureront même pas une incarnation humaine.
Si je ne l'obtiens pas, ma destinée ne sera alors faite que de fautes,
elle sera sans vertu."
"Il sera difficile d'obtenir de nouveau les conditions favorables; il
est très difficile d'obtenir la venue d'un Bouddha; il est difficile
de renoncer au fleuve des pulsions négatives. Hélas, la souffrance
m'attend et pour longtemps!"
En bref, j'ai obtenu ce corps humain aux précieuses conditions,
si difficile à obtenir; j'ai rencontré la doctrine du Bouddha,
qu'il est si difficile de rencontrer; alors que maintenant, j'ai la possibilité
de mettre en pratique la voie profonde de l'essence de la doctrine, si
je ne donne pas un sens à mon obtention de ces conditions favorables,
c'est comme si, étant parvenu dans un pays plein de joyaux, j'en
revenais les mains vides. Il n'y a pas de plus grande erreur que je pourrais
commettre pour me tromper moi-même. Le sPyod 'Jug dit encore:
"Si, ayant obtenu de telles conditions favorables, je n'en profite pas
pour m'entraîner à la vertu, je ne pourrais pas me tromper
plus moi-même. Rien ne serait plus stupide que cela."
Comment réfléchir à tout cela? Hélas, depuis
un temps immémorial jusqu'à maintenant, je n'ai fait que
prendre et reprendre naissance dans la roue. Contre ma volonté,
j'ai dû endurer nombre de souffrances. Si je continue à ne
pas être capable de traverser ce grand océan de la roue, les
quatre grands fleuves de la naissance, de la vieillesse, de la maladie
et de la mort, m'attendent pour m'emporter. Je n'aurai plus alors la possibilité
de me libérer de la gueule du monstre des pulsions négatives.
Quoi qu'il arrive, il me faut me libérer de ce grand océan
de la souffrance au sein de la roue. Pour parvenir à l'autre rive
de l'océan de la roue, il me faut utiliser le vaisseau des conditions
favorables. Je connais maintenant la cause de l'obtention de ces conditions,
je sais quel en est le nombre, et quelle en est l'essence. De ces différents
points de vue et de bien d'autres encore, ces conditions sont difficiles
à obtenir. Les posséder est bien plus précieux encore
que posséder le joyau exauçant les souhaits. Si je réussis,
je pourrai aisément obtenir la libération et l'omniscience.
Une telle incarnation est bien supérieure à toute autre existence
au sein des six états. Moi qui, maintenant, ai pu obtenir à
peu près ce qu'on appelle ces conditions favorables, je m'en vais
les utiliser pour le bien durable de toutes mes existences futures. Je
vais m'efforcer de me libérer de l'océan de la roue, je vais
m'efforcer de saisir un bout de la voie de libération. Si maintenant
dans cette incarnation, je ne puis donner un sens à mon obtention
de ces conditions favorables, je ne suis même pas sûr d'obtenir
de nouveau une existence humaine. Je m'en vais donc m'efforcer de donner
tout leur sens à ces conditions favorables.
Voilà ce qu'il faut penser du fond du coeur et il faut prier
pour qu'un tel espoir se réalise.
C- LA REFLEXION QUANT AU CARACTERE EPHEMERE DES CONDITIONS OBTENUES
Un Sutra dit:
"Nobles moines, penser à l'impermanence est faire offrande aux
Bouddhas. Penser à l'impermanence est l'enseignement même
des Bouddhas. Penser à l'impermanence est la pensée bénie
des Bouddhas. Nobles moines, de toutes les empreintes, celles de l'éléphant
sont les meilleures (les plus grandes); de tous les sentiments, celui de
l'impermanence est le meilleur."
Ainsi, la pensée de l'impermanence apporte d'immenses bienfaits:
elle permet de contrôler le désir des objets, elle est l'aiguillon
de l'effort, elle est l'antidote à la souffrance et elle est l'alliée
permettant de comprendre la vacuité ultime.
Comment permet-elle le contrôle du désir des objets? Par
la méditation de l'impermanence, on comprend qu'on ne peut durablement
poser son esprit sur aucun objet extérieur ou intérieur et
ainsi, il n'y a rien que l'on vienne à désirer très
violemment.
Comment est-elle l'aiguillon de l'effort? Sachant que l'heure de la
mort demeure une incertitude, cette pensée est d'abord la cause
de l'entrée dans le Dharma. Plus tard, elle ramène sans cesse
l'esprit dans la direction du Dharma et, finalement, elle aide à
imprimer dans le continuum mental, le véritable Dharma bénéfique
à l'heure de la mort. Si on ne comprend pas l'impermanence, et même
si on pratique un Dharma des apparences, on demeure comme un laic ayant
indûment endossé des vêtements de moine. Si on ne comprend
pas l'impermanence, et bien qu'on se proclame pratiquant du Dharma, comme
tous les efforts sont dictés par l'espoir d'une récompense
dans cette vie, on est pris par l'aspiration envers les honneurs ou la
nourriture et les richesses. Tous les efforts dans l'étude, la réflexion
et la méditation, sont uniquement tournés dans la direction
d'une réussite mondaine. Si, au contraire, on comprend l'impermanence,
on est alors comme le bon coursier que le cavalier cravache et celui qui
n'avait pas le Dharma, entre dans la doctrine, le dernier des pratiquants
devient moyen, le moyen devient bon et le bon devient extrêmement
bon. L'extrêmement bon devient alors Bouddha.
Comment la pensée de l'impermanence est-elle l'antidote à
la souffrance? Celui qui comprend que tous les composés sont impermanents
n'est même pas envahi par la crainte de la souffrance de la mort.
Que dire donc des plus petites souffrances? Il s'agit ainsi là du
moyen le plus efficace pour se libérer de la souffrance.
Comment cette pensée est-elle l'alliée pour la compréhension
de la vacuité ultime? En effet, si tous les phénomènes
existaient réellement de par leur nature propre, ils ne seraient
pas soumis au changement. Or, comme sous l'effet de diverses conditions
et actions, on les voit constamment se transformer, on comprend qu'ils
sont dépourvus de toute essence propre réelle. Le maître
Byams pa (Maitreya) dit:
"Le sens de l'impermanence est que rien n'existe; il est que tout ce
qui est né doit aussi se défaire."
Comment y réfléchir? Trois points seront évoqués:
en réfléchissant à la certitude de la mort, on abandonne
la saisie d'une permanence. Deuxièmement, en réfléchissant
à l'incertitude de l'heure de la mort, l'esprit ne se projette plus
si loin dans le futur et, troisièmement, en réfléchissant
sur l'absence de tout fruit positif si on ne pratique pas le Dharma, on
se met à pratiquer.
1) REFLECHIR A LA CERTITUDE DE LA MORT
La réflexion va être ici menée par la discussion
de trois points:
puisqu'après la naissance, il est impossible de demeurer pour
toujours en vie, on est soumis à la mort. Deuxièmement, comme
le corps est impermanent, il est soumis à la mort, et troisièmement
comme la vie est impermanente, elle est soumise à la mort.
a) Puisqu'après la naissance, il est impossible de demeurer pour
toujours en vie, on est soumis à la mort:
Tout d'abord, on se trompe en pensant bien certain qu'il faille pratiquer
le saint Dharma lorsqu'on a pu obtenir une incarnation humaine munie de
toutes les conditions favorables, mais qu'on peut le faire sans hâte
car on a tout le temps nécessaire devant soi. C'est en effet dès
maintenant et avec toute l'intensité requise, qu'il convient de
commencer la pratique. On ne peut se permettre de prendre son temps ou
de pratiquer de manière nonchalante, car la mort est certaine.
"C'est la mort qui se trouve au bout de toute naissance. Avez-vous déjà
vu, entendu dire ou douté que quelqu'un, que ce soit sur cette terre
ou dans les états supérieurs, puisse échapper à
la mort après être né?" (Mya Ngan bSal ba ou Shoka
vinodana)
En effet, personne ne peut prétendre avoir jamais vu quelqu'un
qui, une fois né dans ce monde, y demeure éternellement sans
jamais mourir. Personne n'a jamais non plus entendu rapporter un tel évènement
digne de foi et personne n'a jamais pu avoir aucun doute sur la certitude
de la mort. Il est donc certain que la mort attend tous les êtres
après leur naissance et elle viendra sûrement. C'est ainsi
que lorsqu'on est entré dans la matrice maternelle, et sans que
l'on ait la possibilité de prendre un autre chemin, on est aussi
entré sur la voie qui nous rapproche du maître de la mort.
Il est dit dans le sKyes Rabs (Jataka):
"Dans ce monde, le soir même de l'entrée dans la matrice,
et sans possibilité d'y échapper, on commence à se
rapprocher à toute vitesse du maître de la mort."
Afin de faire savoir aux êtres que si l'on naît, il faudra
aussi mourir, les êtres suprêmes qui ne sont plus soumis aux
naissances et aux morts sous l'effet d'un mauvais karma, montrent tous,
après leur naissance, l'apparence du trépas. Il est bien
certain que nous, qui sommes enchaînés par nos actes et nos
mauvaises pulsions, ne saurions échapper à ce sort.
"Si même les fils des Bouddhas, les Bouddhas Solitaires, les Bouddhas
Parfaits, les Auditeurs, si tous abandonnent leur corps, il va de soi que
les êtres ordinaires ne sauraient l'éviter." (Mya Ngan bSal
ba)
C'est ainsi que nulle part, il n'existe de lieu où l'on échappe
à la mort après être né, ni de région,
que ce soit sous la terre, sur la terre ou au-dessus d'elle, qui échappe
à l'emprise du maître de la mort.
Le même texte reprend:
"Même le plus puissant des ermites possédant les cinq perceptions
supranormales et pouvant voler haut dans le ciel, ne saurait trouver de
terre échappant à la mort."
Il est dit dans le sKyes Rabs:
"Où que l'on demeure, on ne saurait trouver un endroit qui ne
soit pas soumis à la mort. Il n'en existe pas dans le ciel, ni non
plus dans les profondeurs de l'océan, ni non plus dans aucune montagne."
En résumé, soyez convaincus qu'à partir du moment
où vous avez dû renaître dans un corps sous l'effet
de votre karma et des mauvais actes passés, la destinée qui
vous attend ne peut être autre que la mort.
b) Il faut réfléchir que la mort vous attend car le corps
est dépourvu de tout fondement:
"Hélas, les composés sont impermanents. La naissance est
aussi annonciatrice de la mort. Né, il faut mourir. Mieux vaut donc
aspirer au bonheur de l'apaisement." (Tshoms ou Udana varga)
De manière générale, les objets composés
que causes et conditions amènent à l'existence, sont soumis
à l'impermanence et peuvent aussi se défaire en un éclair.
On ne peut donc durablement y reposer son esprit. En particulier, même
cet univers solide et dur de montagnes, de continents et d'océans,
issu de la force du karma collectif des êtres accumulé depuis
un temps extrêmement long, se consumera finalement un jour en une
langue de feu et sera réduit en poussière, le ciel devenant
vide. Il va donc de soi que mon corps très faible que même
les plus petites causes et conditions peuvent troubler, est destiné
à disparaître.
"Si même la terre, les montagnes, et l'océan doivent se
consumer sous la brûlure de sept soleils, et disparaître en
poussière, il va sans dire que la destruction attend le corps humain
si faible." (bShes sPring)
De plus, si même le corps de Dorjé (ou corps indestructible)
des Bouddhas orné de toutes les marques et qualités, et qui
prend forme à partir de l'accumulation sans limite du mérite,
si même ce corps montre l'apparence de l'impermanence, il en va certainement
de même pour notre corps sans fondement et producteur d'illusion
trompeuse.
"Si même le corps de Dorjé orné de toutes les marques
et qualités, est impermanent, il en va de même pour ce corps
semblable à la bulle d'eau et au "bois d'eau" (sorte de bambou dont
la floraison entraîne la mort) dénué d'essence." (Mya
Ngan bSal ba)
Ainsi, il vous faut penser avec force que ce corps sans fondement que
vous chérissez tant, un jour, sera brûlé par le feu
et transformé en poussière, ou bien jeté dans un cours
d'eau et dévoré par des animaux qui ne laisseront que des
déchets, ou bien desséché sous la chaleur du soleil,
ou bien détruit par un grouillement d'insectes, ou bien emporté
et dispersé par le vent, ou bien pourrissant sous terre en une boue
putride, ou bien dévoré par les animaux.
"Sachez que le sort final de ce corps sans fondement est d'être
réduit en poussière, jeté, desséché,
transformé en déchets, réduit en une boue putride
et dispersé." (bShes sPring)
c) Il faut réfléchir que la mort est certaine car la vie
est impermanente:
De manière générale, si on comprend que tous les
composés peuvent en un éclair être détruits
par l'impermanence, il est aisé d'admettre que la vie humaine aussi
est impermanente. Il est dit que la vie humaine s'écoule plus vite
que toutes les autres. Pour illustrer cela d'un exemple, le temps est fort
court que mettrait un homme très rapide pour attraper en plein vol
les flêches lancées dans les quatre directions par un archer
habile, et ce, avant qu'elles ne retombent sur le sol. Et bien, il est
dit que la vie des Prétas qui se déplacent sur la terre,
est plus courte. Plus courte encore est la vie des Prétas qui se
meuvent dans le ciel; plus courte encore est la course du char du soleil
et de la lune; plus courte est la vie des dieux puissants, et la vie humaine
s'écoule encore plus rapidement. Si la vie s'en va donc à
ce rythme chaque instant, quelle ne va pas être sa rapidité
à s'épuiser au cours des années, des mois, des jours
et des minutes. Tout le temps qui s'est écoulé depuis ma
naissance jusqu'à ce jour, depuis l'année dernière
jusqu'à cette année, depuis hier jusqu'à aujourd'hui,
est un temps qui raccourcit d'autant ma vie. La vie ne peut que diminuer
et rien ne contribue à l'allonger. La mort est donc une certitude
inévitable. Le sPyod 'Jug dit:
"Le jour ni la nuit ne peuvent cesser de s'écouler, et la vie
décroît continuellement. Rien ne pouvant contribuer à
la rallonger, comment donc pourrais-je échapper à la mort?"
Nous allons illustrer ce propos d'analogies: la vie humaine est comme
l'eau d'une cascade au flanc d'une montagne escarpée, elle est comme
le prisonnier attendant d'être tué, elle est comme le poisson
pris dans le filet et comme le bétail entré à l'abattoir.
L'eau qui coule d'une cascade sur le flanc d'une montagne escarpée
coule très rapidement, comme si l'eau venant après craignait
de ne pouvoir rattraper celle d'avant. De la même façon, la
vie s'écoule très rapidement, comme si le moment d'après
voulait rattraper celui d'avant, et la mort survient alors. Le rGya Cher
Rol pa dit:
"Les trois sphères sont impermanentes, pareilles aux nuages d'un
ciel d'automne, pareilles au spectacle de la danse de naissance et de mort
des êtres. La vie humaine est comme un éclair dans le ciel,
elle passe rapidement tout comme l'eau d'une cascade de montagne escarpée."
Il ne s'agit là que d'exemples de grande rapidité, mais
l'écoulement de la vie humaine est en fait, encore bien plus rapide.
Elle est comme le prisonnier attendant d'être tué: comme
un condamné à mort attendant son exécution, que viennent
saisir les bourreaux et que chaque pas qu'il fait alors rapproche de sa
mort, chaque année, chaque mois, chaque jour, chaque minute qui
passe, nous rapproche de la mort. Il est dit dans le Tshoms:
"La vie humaine ressemble au pas du prisonnier qui le rapproche sans
cesse de sa mort."
Elle est comme le poisson pris dans un filet: tous les poissons qui
se font prendre dans les filets que tirent les pêcheurs sur de grandes
étendues, se font tuer l'un après l'autre, sans qu'aucun
n'en réchappe. De la même manière, nous naissons dans
l'eau de la roue, et pénétrons dans le filet des renaissances
jeté par les pêcheurs des mauvaises pulsions. Parvenant jusqu'à
la bouche du maître de la Mort, la seule issue est la mort. Le sPyod
'Jug dit:
"Pris dans le filet jeté par les pêcheurs des mauvaises
pulsions, et parvenant à la bouche du maître de la Mort, comment
continuer à ignorer (celle-ci)?"
La vie humaine est pareille à la condition du bétail mené
à l'abattoir: lorsque les animaux destinés à l'abattage,
pénètrent dans cette enceinte sans autre issue possible,
et bien qu'ils voient leurs compagnons se faire tuer l'un après
l'autre, les survivants ne semblent penser à rien d'autre qu'à
se frapper ou à manger. Pourtant, finalement, ils se font tous tuer
les uns après les autres jusqu'au dernier. De la même manière,
nous naissons dans l'abattoir des naissances et nous ne cessons de voir
nos proches et nos bien-aimés se faire tuer par les bourreaux du
maître de la mort. Pourtant, nous ne considérons pas que le
même sort nous attend, et nous intéressons à ce qu'ils
(nos proches) laissent derrière eux dont nous puissions jouir, poursuivant
dans l'insouciance toutes nos activités comme de boire, nous nourrir
ou dormir, etc... Finalement, les bourreaux du maître de la mort
nous détruisent de manière soudaine. Le sPyod 'Jug dit:
"Ne voyez-vous donc pas comme tous vos proches se font tuer les uns
après les autres? Vous qui dormez sous le regard du maître
de la mort, vous êtes pareils aux buffles devant le boucher, dont
toutes les issues sont bloquées. Comment pouvez-vous prendre plaisir
à manger et à dormir?"
Comment réfléchir à cela? Hélas, je n'ai
pas le pouvoir de demeurer longtemps dans ce monde et la mort est un sort
inévitable. Dans ce monde, tous ceux qui sont nés sont également
morts, tous ceux qui vivent maintenant vont mourir et tous ceux qui naissent
maintenant devront aussi mourir. Pourquoi donc serais-je le seul à
échapper à ce sort? Si le Bouddha qui n'est pas soumis aux
naissances et aux morts sous l'effet de mauvais actes, et qui est la lumière
de ce monde, montre lui-même l'apparence du passage dans l'Au-Delà
de la Souffrance, et si les êtres suprêmes eux-mêmes
abandonnent leurs corps de maturation karmique en exemple pour autrui,
comment pourrais-je avoir la certitude de ne pas mourir, moi qui suis enchaîné
par les mauvais actes? En outre, tous ces éléments solides
et fermes de l'univers, tels que les montagnes, les continents et les océans,
apparus de l'immense diversité des actes des êtres, disparaîtront
un jour sans laisser de trace, réduits en poussière. Si même
le corps de Dorjé orné des marques et des qualités
(des Bouddhas), issu de la réunion de centaines de mérites,
n'est pas permanent, comment mon corps dépourvu de fondement, creux
et sans substance le serait-il? Ainsi, ce corps impermanent que je tiens
pour permanent, ce corps dépourvu de fondement que je tiens pour
substantiel, un jour, sera consumé par le feu et réduit en
cendres, ou bien jeté dans un cours d'eau et dévoré
par les poissons ou autres carnivores; il sera placé au pied d'un
mur et desséché, ou bien dévoré par les insectes
qui laisseront une enveloppe vide; enterré sous terre et transformé
en une boue putride, ou bien exposé dans un cimetière et
dévoré par les oiseaux et les bêtes fauves. Hélas,
le moment viendra inévitablement, ce moment qui apparaît pour
tous, où l'impermanence essentielle du corps se révélera.
Si en réfléchissant ainsi, la conviction de l'impermanence
et de la mort n'apparaît toujours pas, il faudra alors poursuivre
la réflexion de la manière suivante: Me voilà maintenant
avec un corps libre de maladie ou de souffrance morale, entouré
de tous mes proches et de mes amis, jouissant d'une bonne nourriture, d'habits
et d'un logement, prêt à m'installer pour longtemps dans cette
vie et ne parlant que de cette perspective. Bien que je ne pense pas à
la mort, elle viendra pourtant sans prévenir et anéantira
soudainement toutes les préoccupations de cette vie, me forçant
à tout laisser derrière moi. Mes proches ne pourront plus
me voir, et je ne pourrai même plus les entendre, car nous serons
séparés définitivement. Il est certain que viendra
ce moment où je devrai m'en aller, seul, vers un lieu inconnu, solitaire
et effrayant. Maintenant, au soir de ma vie, il me faut prendre la mort
en sérieuse considération et pratiquer le pur Dharma qui
me servira au moment ultime et qui s'imprimera dans mon continuum mental.
Que le Lama et les trois joyaux qui savent, puissent faire qu'il en soit
ainsi. Il convient de prier de cette façon de tout son coeur.
Dans les intervalles entre les sessions de méditation, on pourra
réfléchir au sens énoncé dans le Sutra de l'Instruction
au Roi (rGyal po la gDams pa'i mDo ou Rajavavadaka Sutra), et qui est le
suivant:
Lorsqu'au milieu de ses proches et de son entourage, on est engagé
dans une conversation plaisante, il est bon de se rappeler ceci: maintenant,
me voilà avec mes proches et mes amis bien-aimés, mais viendra
inévitablement le jour où je serai définitivement
séparé d'eux.
De la même manière, en prenant un repas, on se dira: me
voilà en train de manger toutes sortes de nourritures délicieuses,
mais viendra inévitablement le jour où plus aucune boisson
ni nourriture ne me plairont et où plus aucune alimentation ni aucun
remède ne m'aideront, et il me faudra mourir.
En revêtant de beaux habits, on pense: me voilà maintenant
vêtu de ces beaux atours, mais viendra inévitablement le jour
où je me retrouverai enveloppé d'une mauvaise étoffe
malodorante et où je serai jeté au loin.
En chevauchant une belle monture, on réfléchit: me voilà
maintenant sur ce beau coursier, mais viendra inévitablement le
jour où un triste croque-mort m'emportera.
Assis sur un siège confortable et plaisant, on se dit: me voilà
maintenant assis sur ce coussin confortable et plaisant, mais viendra inévitablement
le jour où je serai jeté dans un trou sombre.
C'est ainsi qu'il convient de méditer de toutes sortes de façons,
jusqu'à la naissance de l'intime conviction que la mort nous attend.
2) REFLECHISSEZ A L'INCERTITUDE DE L'HEURE DE LA MORT AFIN QUE L'ESPRIT
NE SE PROJETTE PLUS SI LOIN DANS LE FUTUR
Trois aspects vont être évoqués: comme la vie n'a
pas de durée définie, l'heure de la mort demeure incertaine;
comme les conditions provoquant la mort sont nombreuses, l'heure de celle-ci
reste incertaine; comme les conditions favorisant la vie sont rares, l'heure
de la mort demeure incertaine.
a) Comme la vie n'a pas de durée définie, l'heure de la
mort demeure incertaine:
Tout en réfléchissant à la mort sous ses différents
aspects, certains se trouvent sûrs de la venue ultime de la mort
au terme de plusieurs années, mais ils pensent pouvoir se consacrer
à réaliser leurs objectifs de cette vie durant la première
partie de celle-ci, tandis qu'ils en dédieraient la dernière
partie au Dharma. Certains pensent accumuler des provisions pendant l'année
présente, puis ensuite, se mettre à la pratique du Dharma.
Pourtant, on ne peut être sûr que tout se passera selon ses
plans, et on ne sait pas ce qui viendra en premier, de la partie finale
de la vie ou de l'existence suivante. On ne sait pas si on verra l'année
prochaine avant la vie suivante. De la même manière, on demeure
ignorant de ce qui adviendra d'abord, de la vie suivante ou du mois suivant,
ou même de la vie suivante ou du jour suivant. Il est dit dans le
Tshoms:
"On ne peut avoir l'assurance que demain viendra avant la vie suivante.
Il vaut donc mieux se préparer à la vie suivante qu'au seul
lendemain."
A ce sujet, il est dit dans le mDzod:
"Ici, la durée de la vie est incertaine; elle peut être
de dix ans ou beaucoup plus longue."
Bien que la vie humaine ait une durée définie dans les
trois autres continents, la vie des hommes du continent de Dzambuling (continent
généralement assimilé à notre terre) n'a aucune
durée précise. Certains meurent après une courte vie
dans la matrice maternelle, d'autres meurent sitôt nés ou
sitôt qu'ils parviennent à se traîner sur le sol, ou
dès qu'ils savent marcher, ou à peine entrés dans
l'âge adulte, tandis que d'autres meurent la vieillesse atteinte.
Le Tshoms dit:
"Certains meurent au sein de la matrice, d'autres à peine nés,
ou sachant à peine se traîner, ou alors qu'ils savent déjà
marcher; certains meurent vieux et d'autres, jeunes. Certains meurent en
pleine force de l'âge. Ils tombent un à un, comme un fruit
mûr."
Ainsi, je ne puis absolument pas être sûr que ma vie s'épuisant
aujourd'hui, je ne m'en vais pas mourir ce soir.
"Vous ne pouvez même pas demeurer dans la tranquillité
mentale venant de l'assurance de ne pas mourir aujourd'hui. Par contre,
il est certain que le jour de votre mort va venir." (sPyod 'Jug)
b) Comme les conditions provoquant la mort sont nombreuses, l'heure
de la mort demeure incertaine:
En effet, le corps se trouve facilement privé de vie. Le maître
de la Mort est sans pitié et, finalement, les causes de mort telles
que les maladies ou les attaques des esprits nuisibles (Tib.gDons, sorte
d'être nuisible à l'origine de maladies ou d'attaques subites),
sont nombreuses. En raison de tout cela, l'heure de la mort est incertaine.
Le corps se trouve facilement privé de vie: même s'il lui
reste un certain capital de vie, il n'est pourtant pas sûr de pouvoir
en jouir dans son intégralité. En effet, les obstacles s'opposant
à la vie sont nombreux et variés et le corps se trouve facilement
privé de vie. Il est semblable par exemple, à la flamme d'une
lampe à beurre dans le vent. Bien que la flamme soit capable de
brûler jusqu'à ce que le beurre et la mêche soient entièrement
consumés, sous l'effet du vent qui l'empêche de brûler,
elle peut s'éteindre soudainement. Le sLob sPring dit:
"Comme la langue de feu de la lampe à beurre, soufflée
par un vent violent, il n'est même pas sûr que cette vie dure
un moment."
Si on pense à la facilité avec laquelle le corps peut
se trouver privé de vie, on se sent émerveillé de
pouvoir se réveiller au sortir du sommeil, et de pouvoir inspirer
après avoir expiré. Il est dit dans le bShes sPring:
"La vie est confrontée à de nombreux obstacles, comme
la flamme de la lampe à beurre dans le vent. Si elle est plus éphémère
encore que la bulle d'eau, quel miracle que d'inspirer après avoir
expiré, ou se réveiller au sortir du sommeil!"
Deuxièmement, comme le maître de la mort est sans pitié,
l'heure de la mort reste incertaine: le maître de la mort, pris de
compassion à mon égard, ne va sûrement pas penser laisser
vivre ce cher malheureux qui n'a pas terminé tout son travail; il
ne va pas penser lui accorder encore un peu de temps parce qu'il n'est
pas malade, il ne va pas avoir de telles pensées. Au contraire,
comme le chasseur poursuivant sa proie, il n'a d'autre pensée que
de tuer au plus vite. Le sPyod 'Jug dit:
"On ne peut faire confiance au maître de la mort, qui ne se préoccupera
pas de savoir si vous avez ou non fini. Malade ou pas, on ne peut être
sûr de cette vie qui peut soudainement s'éteindre."
Troisièmement, comme les obstacles tels que les maladies ou les
attaques de esprits nuisibles sont nombreux, l'heure de la mort reste incertaine:
on meurt sous l'effet du bouleversement des éléments extérieurs
et intérieurs, on meurt sous les attaques d'esprits malins qui vous
nuisent, et on meurt sous l'effet des perturbations causées par
d'autres esprits nuisibles tels que les dieux mâles ou autres.
En ce qui concerne les éléments extérieurs, on
peut mourir enseveli sous terre à la suite d'un mouvement de terrain,
ou emporté par les eaux, ou brûlé par le feu, ou encore
poussé dans un précipice par le vent.
Quant aux éléments intérieurs, les maladies du
phlegme dues à la terre, les maladies de froid dues à l'eau,
les maladies de fièvres dues au feu et les maladies comme celle
de "l'air dans le coeur" etc..., dues à l'air, toutes peuvent causer
la mort.
Quant aux attaques d'esprits malins, il existe quatre-vingt mille sortes
d'esprits malins cherchant sans cesse à nuire, et qui peuvent ravir
le souffle des êtres, leur éclat et leur rayonnement.
Les esprits nuisibles tels que les dieux mâles et autres, peuvent
parfois être bénéfiques si on leur plaît, mais
si on leur déplaît, ils sont plus de trois cent soixante espèces
à pouvoir nuire et provoquer de nombreuses morts.
Autrement, on meurt dans les querelles avec des ennemis, on meurt trompé
par ses proches, on meurt de nourriture impropre, de remèdes néfastes,
on meurt étouffé par ses vêtements, sous la vengeance
de serviteurs, on meurt frappé par des bêtes domestiques ou
dévoré par des bêtes fauves. Bien qu'on se chérisse
personnellement plus que tout au monde, certains pourtant provoquent eux-mêmes
leur propre mort, en se transperçant d'une lame ou en se jetant
dans le vide.
En bref, il n'existe aucun être ou aucun objet extérieur
ou intérieur dont on puisse être sûr qu'un jour, il
ne causera pas notre mort. En effet, ils ont déjà provoqué
la mort d'autres êtres et je ne saurais donc être sûr
qu'ils ne provoqueront pas la mienne.
c) Comme les conditions favorisant la vie sont rares, l'heure de la
mort demeure incertaine:
Certains penseront qu'il existe au contraire un grand nombre de moyens
favorisant la vie, tels que des rituels, des remèdes, des aliments
etc... Quelquefois, il est vrai que de tels moyens peuvent éviter
une mort précoce, lorsque tous les éléments de celle-ci
ne sont pas réunis, c'est à dire lorsque l'un des trois ou
deux des trois éléments - la vie, le karma et le mérite
- ne sont pas totalement épuisés. Lorsque ces trois éléments
se trouvent épuisés et que l'heure a sonné, aucun
de ces moyens ne peut plus rien contre la mort et il se trouve au contraire
des situations où ils viennent même à provoquer celle-ci.
"Les causes de mort sont nombreuses, les causes de vie existent à
peine et quelquefois, elles provoquent même la mort. Mieux vaut donc
toujours pratiquer le Dharma." (Rin Chen Phreng ba ou Ratnavali)
Quelques uns qui espèrent vivre encore, penseront: "maintenant,
je suis jeune, sans maladie et jouissant d'une bonne alimentation ainsi
que de bons vêtements, etc... Aucun ennemi ni esprit malin ne cherche
à me nuire, je ne vais donc pas mourir si vite." Mais la jeunesse
ne peut vaincre la mort, car on voit des nouveaux nés mourir avant
des vieillards courbés marchant avec une canne. Il est dit dans
le Tshoms:
"De tous les nombreux êtres qu'on voit le matin, certains ne seront
plus là le soir. De tous les nombreux êtres qu'on voit le
soir, certains ne seront plus là le matin suivant. Beaucoup d'hommes
et de femmes dans la force de l'âge, viennent à mourir. Comment
donc penser que la jeunesse puisse constituer l'assurance de demeurer en
vie?"
La bonne santé ne peut non plus vaincre la mort car on voit des
êtres en bonne santé mourir soudainement avant d'autres qui
sont malades depuis des années.
La possession de conditions favorables telles qu'une bonne alimentation
ou de bons vêtements, etc... ne peut non plus vaincre la mort. En
effet, on voit des riches possédant tout le nécessaire en
fait de nourriture et de richesse, mourir avant des miséreux qui
doivent, le matin, chercher leur nourriture du matin, et, le soir, se préoccuper
d'obtenir celle du soir.
L'absence d'ennemis ne peut non plus vaincre la mort, car l'on en voit
qui ignorent même le sens du mot ennemi, mourir avant d'autres entourés
d'ennemis dans toutes les directions.
L'absence d'attaque de la part d'esprits malins ou d'esprits nuisibles,
ne peut non plus vaincre la mort. En effet, on voit beaucoup d'êtres
dont l'équilibre mental est normal, mourir avant d'autres dont tous
les actes sont mauvais du fait d'une conscience perturbée et confuse
en proie à l'attaque d'esprits nuisibles. Le sPyod 'Jug dit:
"Bien que ce jour, je sois libre de maladie, que j'aie nourriture et
que je sois libre de toute attaque nuisible, chaque moment de cette vie
est une illusion trompeuse, et ce corps n'est qu'une image éphémère."
Ainsi, si toutes ces conditions ne parviennent pas à vaincre
la mort pour autrui, je n'ai aucune raison de penser qu'elles le pourraient
pour moi. Si je regarde les choses en détail, je n'ai même
aucune certitude de ne pas mourir ce soir, et ni moi ni autrui n'avons
aucune raison crédible, pour demeurer l'esprit en paix.
Comment réfléchir à tout cela? "Hélas, depuis
l'heure de ma naissance jusqu'à maintenant, je me suis laissé
distraire durant toutes ces années, et maintenant, voici que je
me suis rapproché de l'heure de ma mort. Nous autres, hommes du
Dzambuling, n'avons aucune certitude sur la durée de notre vie.
Bien qu'il puisse me rester quelque temps à vivre, il y a aussi
beaucoup de morts avant l'heure. Nombreuses sont les conditions faisant
obstacle à la vie et ce corps se trouve facilement privé
de vie. Le maître de la mort qui est le principal fauteur d'obstacle
à la vie, est sans pitié et il n'existe aucun lieu libre
de ces obstacles où il soit possible de se réfugier. Chacun
de ces obstacles peut à lui seul provoquer la mort et je ne suis
pas du tout sûr de ne pas me trouver confronté à de
telles circonstances. Ainsi, il n'y a aucun moyen de savoir si je vais
mourir aujourd'hui ou demain, et si je meurs maintenant, je n'ai encore
pratiqué aucun Dharma qui puisse me servir à l'heure de la
mort. Hélas, que va-t-il m'arriver lorsque sonnera celle-ci? A partir
d'aujourd'hui, dans cette partie finale de ma vie et alors que je ne connais
pas l'heure de ma mort, je vais laisser derrière moi tous ces objectifs
mondains dépourvus de fondement et vais désormais m'engager
dans la pratique du saint Dharma seul utile à l'heure de la mort.
Puissent le Lama et les trois joyaux qui savent, faire que le Dharma utile
à la mort s'imprègne dans mon continuum mental."
Ainsi faut-il comme précédemment réfléchir
et prier. Dans les intervalles entre sessions, il faut éviter de
tomber sous l'emprise des préoccupations liées aux activités
du jour ou du lendemain, mais au contraire, s'efforcer de garder constamment
une intense vigilance et toujours agir et penser comme si l'on devait mourir
aujourd'hui. Ainsi s'efforcera-t-on à la vertu.
quinta-feira, 26 de julho de 2012
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