2) Ils sont dépourvus de fruit:
Aucun de ces actes ne peut amener un fruit de bonheur ou de souffrance,
car ils sont justement nommés neutres. Le Seigneur Sakya Pandita
dit:
"Comme ils sont indifférents, ni (vertu ni faute), ils ne peuvent
produire ni (bon ni mauvais) résultat."
3) Les transformer en vertus:
de tels actes qui ne produisent pas de souffrance, pourraient être
dits bons; mais comme ils ne produisent pas non plus de bonheur, ce sont
des actes produits en vain. Avec habileté dans la méthode,
il convient donc de les transformer en vertus. Comment y parvenir? Le maître
mGon Po Byams Pa (Maitreya) conseille:
"Lorsque le Bodhisattva agit, il émet le souhait du bien d'autrui
qui s'accorde avec l'action demandée par le type d'objet que rencontrent
ses sens."
Ainsi, il faut dire les mots qui conviennent au type de perception induite
par les divers objets rencontrés par les organes sensoriels, et
ces mots doivent accompagner la pensée de la réalisation
du bien d'autrui, dans l'accomplissement vigilant de l'acte nécessaire.
On apprendra la manière correcte de procéder dans le commentaire
résumé au Sutra de sPyod Yul Yongs Su Dag Pa'i mDo, composé
par le maître Ye Shes sNying Po, et dans le texte de la Noble Voie
du Bodhisattva (rGyal Sras Lam bZang). Si l'on ne peut consulter ces textes,
on pourra pratiquer selon les conseils suivants.
Lorsque vous êtes chez vous, vous souhaiterez que tous les êtres
puissent être établis dans la cité de la libération;
lorsque vous êtes assis sur un siège, vous souhaiterez qu'ils
puissent jouir du siège de Dorjé (c'est à dire celui
de l'éveil); lorsque vous êtes couché, vous souhaiterez
qu'ils jouissent du corps de Dharma du Bouddha; lorsque vous êtes
debout, vous souhaiterez qu'ils jouissent du corps de la forme; lorsque
vous vous habillez, vous souhaiterez qu'ils puissent jouir de l'habit de
la modestie et de la pudeur; lorsque vous vous lavez, vous souhaiterez
que tous soient débarrassés des souillures des mauvaises
pulsions; lorsque vous prenez un repas, vous souhaiterez que tous obtiennent
la nourriture du Samadhi; lorsque vous sortez de chez vous, vous souhaiterez
que tous puissent se libérer de la cité du Samsara; lorsque
vous prenez une route, vous souhaiterez que tous obtiennent la voie des
êtres suprêmes; lorsque vous rencontrez quelqu'un, vous souhaiterez
que tous puissent rencontrer le Bouddha parfaitement accompli; lorsque
vous agissez, vous souhaiterez que tous puissent accomplir les deux objectifs
(le leur personnel et celui du bien d'autrui); lorsque vous entrez dans
la maison, vous souhaiterez que tous parviennent dans la cité de
la libération; lorsque vous arrivez quelque part, vous souhaiterez
que tous parviennent auprès du Bouddha. C'est ainsi que vous devez
vous efforcer de procéder en toutes circonstances. Le Sutra sDud
Pa dit:
"Demeurez toujours vigilants même dans l'acte de vous mouvoir,
de marcher, de vous coucher et de vous assoir."
Comment réfléchir à cela? Hélas, lorsque
viendra l'heure de ma mort, rien de mes richesses de cette vie en nourriture,
biens, amis, parents ou serviteurs, ne pourra m'accompagner. La seule chose
qui me suivra dans la mort sera les actes vertueux ou mauvais que j'aurai
accomplis. Parmi tous ces actes, les actes de non-vertu commis sous l'emprise
des trois poisons, sont tels que nous venons de les décrire. Tels
sont les trois actes non vertueux du corps, les quatre de la parole et
les trois actes non vertueux de l'esprit. Ainsi faut-il se les remémorer
en détail. Le fruit de la maturation de tels actes ne peut être
qu'une renaissance au sein des trois mauvais états d'existence,
à l'exclusion de toute autre direction. Le fruit de l'expérience
en accord avec sa cause, est une vie courte, la pauvreté, etc...
toutes sortes de souffrances et ce, même si l'on a repris naissance
dans l'un des états supérieurs. Le fruit en accord avec sa
cause en tant que tendance, est la cause de souffrances sans fin dans la
ronde des existences. Quant au fruit de la propriété, il
est une renaissance dans un endroit déplaisant et plein d'imperfection.
Ainsi donc, ce qu'on appelle non-vertu n'est en fait qu'un autre nom pour
désigner le mal que l'on peut se faire à soi-même.
Mais ignorant de cela, j'ai accompli dans cette vie telle et telle non-vertu
dont je me souviens, et celles que j'ai accomplies et dont je ne me souviens
plus, sont innombrables. Celles que j'ai induit autrui à commettre
et les fautes d'autrui dont je me suis réjouies, sont aussi innombrables.
En outre, il est certain qu'au cours de toutes mes autres existences, ma
conscience a amassé toutes sortes d'innombrables tendances à
la non-vertu. Ainsi, ma destination ne peut être que celle des mauvais
états. Par le passé, comme un fou ignorant de tout cela,
je me suis ainsi fait tout ce mal. Hélas, mon esprit était-il
donc enveloppé de ténèbres, ou était-il sous
l'emprise du démon, ou était-il privé de toute conscience?
Que s'est-il donc passé?" Ainsi faut-il réfléchir
avec regret et lucidité. A partir de maintenant, je vais renoncer
à toute non-vertu importante et même à la plus petite
d'entre elles, dût-il pour cela m'en coûter la vie. En résumé,
jamais plus je ne commettrai de mauvaise action. Si, sous l'emprise de
l'ignorance, il m'arrivait d'en commettre, je m'efforcerai de la confesser
au plus vite sans laisser passer les jours.
De manière analogue, on réfléchit à ce que
sont les actes vertueux commis d'un esprit libre des trois poisons. Parmi
eux, telles sont les vertus du corps, de la parole et de l'esprit, et il
convient de les passer en revue. Le fruit de leur maturation est une renaissance
dans les états supérieurs; le fruit de l'expérience
en accord avec sa cause est une vie longue et toutes sortes de résultats
heureux dans les états supérieurs. Le fruit des tendances
en accord avec sa cause est une propension à la vertu dans tout
le cycle des existences et cette attitude est cause de bonheur. Quant au
fruit de la propriété, il est de jouir d'un environnement
plaisant. En résumé, ce qu'on appelle vertu n'est en fait
qu'un autre nom pour désigner le bien et le bonheur qu'on s'apporte
à soi-même. Les vertus que j'ai accomplies par le passé,
celles que j'ai incité autrui à accomplir et celles dont
je me suis réjoui qu'autrui les accomplisse, toutes ces vertus sont
bonnes, mais il me faut encore continuer à amasser, sans les dédaigner,
même les plus petites vertus et les accomplir humblement. Il faut
m'y appliquer sans retard et sans paresse. C'est immédiatement,
dans l'instant même que je dois m'y efforcer. Ainsi faut-il réfléchir
du fond du coeur.
De la même façon, ce qu'on appelle actes neutres, et qui
sont les actions de la vie quotidienne, telles que se mouvoir, marcher,
se coucher ou s'assoir, etc..., étant des actions dépourvues
de fruit mais néanmoins fatigantes, je dois aussi m'efforcer aux
moyens habiles de les transformer en vertus. En résumé, toutes
ces diverses souffrances que j'ai endurées depuis des existences
innombrables jusqu'à maintenant, ne sont dues qu'à une pratique
erronée concernant les fautes à rejeter et les vertus à
accomplir. Désormais, dans cette vie courte et sans certitude quant
à l'heure de ma mort, si je me laisse tomber sous l'emprise des
non-vertus et des actes neutres, je serai alors comme celui qui, d'un pays
empli de joyaux, ne rapporte que des plantes empoisonnées. Comme
il s'agit là du plus grand mal que je puisse m'infliger à
moi-même, je serai vigilant à toujours rejeter les non-vertus,
accomplir les vertus et transformer les actes neutres en vertus, évitant
ainsi de tomber sous l'emprise du démon. Je prierai pour que le
Lama et les trois joyaux omniscients m'aident dans cette tâche.
En ce qui concerne les intervalles entre sessions, le sPyod 'Jug dit:
"Toujours faire l'examen du corps et de l'esprit, telle est en résumé
la caractéristique du maintien de la vigilance et de la lucidité."
Examinant sans cesse les actions de mes trois portes, si elles ont été
en accord avec le Dharma, je cultive un esprit de joie et en attribue le
bienfait à la bienveillance des joyaux. Je décide de faire
en sorte qu'il en soit ainsi dans tout le cycle de mes existences et consolide
mon action vertueuse. Si par contre, les non-vertus et les actes neutres
prédominent dans mon action, il faut alors prolonger la réflexion
et penser: C'est à cause de telles mauvaises pensées et conceptions
que par le passé, je n'ai pas pu me libérer du Samsara. Si
je continue encore à agir de la sorte, non seulement toute possibilité
de libération et d'omniscience m'échapperont mais encore
je ne pourrai même être certain d'obtenir une incarnation dans
les états supérieurs. Et dans cette vie, je serai certainement
l'objet de la risée des dieux et autres êtres mondains.
Si mon comportement immédiat apparaît comme noble et que
je semble m'efforcer diligemment envers une attitude religieuse, envers
l'étude et la réflexion, si une telle attitude est dictée
par la seule motivation de récompenses dans cette vie ou par le
seul souci de paraître aux yeux des autres, il s'agit là d'une
apparence de Dharma qui n'est pas vraiment capable de servir d'antidote
à mes mauvaises pulsions fondamentales. Quel bien peut alors me
faire le fait de paraître noble aux yeux d'autrui ou quel mal celui
de ne pas le paraître? Une pratique qui détruirait l'antidote
(aux mauvaises pulsions) ou la perte de la bonne attitude religieuse à
garder, sont comme un remède mal digéré qui se transforme
en poison. Si un tel Dharma de la bouche ou des apparences peut tromper
autrui car les êtres ordinaires sont en proie à l'ignorance,
il ne saurait en aucun cas demeurer caché des Bouddhas et Bodhisattvas
dont le regard est libre de tout voile. Ils me considéreront alors
avec déplaisir et le seul espoir stable de tout le cycle de mes
existences sera ainsi anéanti. Quelle plus grande misère
pourrait m'affliger?
"Les Bouddhas et les Bodhisattvas voient tout sans obstacle. Si l'on
pense demeurer sans cesse sous leur regard, il est plus aisé de
conserver pudeur, respect et crainte. Ce faisant, le souvenir du Bouddha
surgira encore et encore." (sPyod 'Jug)
De plus, s'il est nécessaire de consulter le médecin pour
guérir d'une petite maladie ordinaire, il va sans dire que pour
me guérir de cette maladie du karma et des mauvaises pulsions qui
me confine dans le lit du Samsara, me forçant ainsi à me
rouler de douleur sous l'effet des trois souffrances, il est indispensable
que j'obéisse aux prescriptions du Bouddha qui est le premier des
docteurs. Quel plus grand fou que moi si je ne suivais pas ses préceptes
concernant le bien à accomplir et le mal à rejeter?
"S'il faut écouter les conseils du médecin quand il s'agit
de guérir d'une petite maladie ordinaire, est-il besoin de dire
(qu'il faut aussi le faire) quand il s'agit de combattre la maladie sans
cesse renaissante des cent fautes dont celle du désir-attachement,
etc... Si l'un seul de ces maux peut anéantir tous les hommes dans
ce monde et que nulle part l'on ne parvienne à trouver un autre
remède (que le Dharma), l'esprit qui envisagerait de ne pas suivre
les conseils de l'omniscient médecin capables d'extirper la douleur,
serait celui du pire des ignorants et digne objet de blâme." (sPyod
'Jug)
En résumé, comme tout bonheur et toute souffrance dans
ce monde et les vies ultérieures, dépend de la pratique des
vertus ou des fautes antérieures, il est extrêmement important
de pratiquer en sachant reconnaître l'action juste à adopter
et la mauvaise à rejeter. Il est dit dans un Sutra:
"Les êtres qui naissent ici sont produits par le karma, expérimentent
une part de karma et sont propriétaires de leurs actes."
En effet, comme c'est le karma qui engendre un bon ou un mauvais état
de renaissance, il est dit ici que les êtres "sont produits par le
karma". Comme de vertus ou de fautes particulières, naissent les
bonheurs et souffrances particuliers correspondants, il est dit qu'ils
"expérimentent une part de karma". Comme c'est l'auteur des actes
qui devra goûter les fruits de ceux-ci, il est dit que les êtres
sont "propriétaires de leurs actes". Il est dit dans le Las brGya
Pa (Karma Shataka):
"Le Bouddha a dit que le bonheur ou la souffrance des êtres dépendait
de leurs actes. Ainsi les actes divers des êtres produisent-ils divers
états d'existence au sein desquels les vivants errent et se prennent
dans les filets du karma."
Si l'on s'interroge alors au sujet de certains qui, malgré les
mauvais actes qu'ils commettent, jouissent pourtant dans cette vie de grands
bonheurs, ils ne jouissent pas là des fruits des actes de la vie
présente mais bien des fruits d'actes vertueux accomplis dans leurs
vies antérieures, alors qu'ils devront subir les fruits des mauvais
actes de cette vie dans leurs existences futures. Quant au petit nombre
de ceux qui, bien que commettant de très lourdes fautes, semblent
pourtant jouir de plus grands bonheurs que la moyenne, c'est que le fruit
de l'expérience des vertus passées à goûter
dans des vies ultérieures, s'épuise dans le seul bonheur
de la vie présente sous l'effet des grandes fautes qu'ils commettent
maintenant. Il s'agit d'un signe annonçant que désormais
seule la souffrance sera leur lot. Un exemple l'illustrant est l'histoire
du royaume de Nyi'og. Il est dit que ce royaume était un royaume
mauvais. Après qu'une pluie de riz, d'orge et de pierres précieuses
fût chacune tombée durant une semaine, la pluie de sable qui
se déversa ensuite engloutit tout. De manière analogue, les
maladies ou autres malheurs affligeant ceux qui pratiquent la vertu, ne
sont pas les résultats des vertus de cette vie, mais plutôt
le reste des fruits de la maturation résultant des mauvais actes
commis dans des vies antérieures. Quant à ceux qui, bien
qu'accomplissant de grandes vertus, ont à endurer de plus grands
malheurs que la moyenne, c'est que sous l'effet de la force des vertus
qu'ils accomplissent maintenant, ils épuisent là dans cette
vie, toute la souffrance qu'autrement ils auraient eu à endurer
dans leurs existences futures en tant que fruit de l'expérience.
Il s'agit donc là du signe que désormais, ils ne devront
plus subir de souffrances. Il est dit dans le rDo rJe gCod pa (Vajracchedika):
"Rab 'Byor (Subhuti), (il peut arriver que) les nobles fils et les nobles
filles qui recueillent, mémorisent, maintiennent, lisent et incorporent
le sens de tels Sutras, souffrent grandement. Pourquoi en-est il ainsi?
Rab 'Byor, c'est que les mauvais actes qu'ils ont commis dans leurs vies
passées et qui les auraient conduits vers les mauvais états
de renaissance, s'épuisent dans les souffrances de cette vie. Les
mauvais actes passés sont ainsi purifiés et ils peuvent même
obtenir l'éveil des Bouddhas."
C'est ainsi que si de tels malheurs s'abattent sur ceux qui pratiquent
le Dharma du fond du coeur, il ne faudra pas penser que de telles choses
ne devraient pas arriver ni croire alors que la loi de rétribution
des actes n'est pas vraie. Au contraire, il convient de se sentir heureux
car il est dit dans le sPyod 'Jug:
"Si un homme promis à la mort s'en tire avec un bras coupé,
de quoi se plaindrait-il? Si la petite souffrance humaine peut empêcher
le fruit des enfers, n'est-elle pas désirable?"
Si, tout en gardant confiance dans la loi de rétribution des
actes, on agit de manière correcte en ce qui concerne les (fautes)
à rejeter et les (vertus) à accomplir, on peut être
sûr d'éviter les mauvaises renaissances. Le maître Aryadeva
dit:
"Celui qui possède la parfaite vue pure de ce monde, peut être
assuré de ne pas renaître dans les mauvais états durant
mille éons."
Ici se termine l'instruction commune aux Auditeurs (Petit Véhicule)
et (aux Bodhisattvas).
CHAPITRE II
LES INSTRUCTIONS SUR LA VISION DE L'EXPERIENCE POUR PRODUIRE DE NOBLES
ASPIRATIONS
Le Traité dit: "La vision de l'expérience est pour le
yogui avec le samadhi."
Le sens de ces mots va être éclairé par les deux
points suivants: -la méditation jusqu'à ce que naissent dans
le continuum mental, les expériences communes(10) et -dès
maintenant, la méditation de la joie envers les expériences
non-communes qui vont naître dans la voie des Mantras (du Vajrayana).
I- MEDITATION JUSQU'A LA NAISSANCE DES EXPERIENCES COMMUNES
A ce sujet le Traité précise: "La vision de l'expérience
commune est pour le yogui commun avec le samadhi commun."
Le yogui commun est celui qui se contente de la seule pratique de la
voie commune avec celle des Paramitas. Le samadhi commun est celui de l'amour,
de la compassion et de l'esprit d'éveil. La vision de l'expérience
commune consiste dans la naissance d'un véritable désir de
réaliser le bien et le bonheur de tous les êtres de l'espace
infini, désir qui naît de la disparition du souci exclusif
de soi-même par la pratique de cette voie.
Quant à la méthode pour engendrer un tel désir,
elle est triple. Il s'agit de la méditation de l'amour qui est le
désir du bien d'autrui, de la méditation de la compassion
qui est le désir de soulager autrui de la souffrance et de la méditation
de l'esprit d'éveil qui désire l'état de Bouddha pour
le bien d'autrui.
A- MEDITATION DE L'AMOUR
Puisque la roue de l'existence est de la nature de la souffrance, on
peut se demander alors s'il ne faudrait pas, en la rejetant, aspirer à
l'espace de l'anéantissement de tous les agrégats, comme
le font les Auditeurs et les Bouddhas Solitaires, et passer dans le Nirvana
(Au-delà de la Souffrance) où toute souffrance s'éteint
comme le feu consumant la bonne bûche. Une telle vue est incorrecte.
Si l'on abandonnait tous ces êtres qui, depuis un temps immémorial,
m'ont servi de mère bienveillante, et que l'on aspire pour soi seul
au bonheur de l'apaisement, on serait comme celui qui, voyant sa mère
emportée dans un fleuve, ne fait rien pour l'aider alors qu'il possède
les moyens de le faire et se satisfait de rester bien au sec, l'esprit
en paix. Tout en étant soi-même honteux de ne pas répondre
à sa bienveillance, on deviendrait l'objet des risées d'autrui.
"Alors que nos proches paraissent submergés dans un océan
(de souffrances), ne serait-ce pas honteux de les abandonner derrière
soi sans les reconnaître comme tels sous l'effet des naissances et
des morts successives, et de s'efforcer à la libération pour
soi seul? Quel enfant, si indigne qu'il soit, pourrait avec plaisir abandonner
celle qui de son amour, l'a nourri de son sein alors qu'il était
un petit enfant impuissant, celle dont les efforts et l'amour ne lui ont
jamais été comptés?" (sLob sPring)
Le vénéré Grags pa rGyal mTshan dit aussi dans
ses Chants:
"Quel est le bénéfice à obtenir la libération
pour soi seul? Les êtres des trois sphères ont été
mes parents. Comment les abandonner au sein de la souffrance et gagner
le bonheur pour soi seul. Quelle honte!"
On peut alors se demander: C'est peut-être vrai mais comme nul
autre être ne m'est plus précieux que moi-même, ne convient-il
pas mieux de me consacrer à ma propre libération de la roue
de l'existence, alors que je dispose maintenant peut-être de la seule
vie munie de toutes les conditions favorables à la pratique? Cette
pensée non plus n'est pas correcte car, en effet, l'éveil
des Auditeurs et des Bouddhas Solitaires ne permet pas même le parfait
accomplissement des vertus personnelles de l'abandon (du mal) et de la
réalisation intérieure. Il ne permet pas non plus un grand
accomplissement du bien d'autrui. De même qu'il est difficile de
corriger les défauts d'une mauvaise fabrication, de même (cet
état) retarde l'avènement du parfait éveil. Les êtres
sages feront bien de ne pas aspirer à un tel état car si
l'on rejetait la possibilité de tirer le meilleur bénéfice
de ces conditions favorables et que l'on aspire à la voie inférieure,
on pourrait se compter parmi les plus ignorants et stupides de tous. Si
l'on pense maintenant qu'il est difficile de mettre en pratique la voie
du Grand Véhicule, il faut savoir que d'une part celle du Petit
Véhicule n'est pas beaucoup plus facile et, d'autre part, la voie
du Grand Véhicule, en fait, n'est pas difficile. En effet, il s'agit
d'un véhicule qu'il est aisé de conduire et où il
est facile de s'engager. Tous les êtres vivants sont des amis dans
la pratique de la voie; en effet, les êtres privés de bonheur
sont les amis qui m'aident à faire naître l'amour, ceux qui
sont dans la souffrance m'aident à faire naître la compassion,
les pauvres sont ceux qui m'aident à pratiquer le don, et les êtres
méchants sont les amis qui m'aident à développer la
patience. Ainsi, tout comme les Bouddhas sont ceux qui montrent la voie,
les êtres vivants sont les amis favorisant la réalisation
de l'éveil; en conséquence, je leur dois le même respect
et les mêmes honneurs qu'aux Bouddhas.
"Si les êtres vivants et les Victorieux (épithète
qualifiant les Bouddhas) sont égaux en ce qu'ils permettent la réalisation
du Dharma des Bouddhas, pourquoi ne devrait-on pas aux premiers le même
respect qu'aux Bouddhas?" (sPyod 'Jug)
En conséquence, il convient d'aimer les êtres vivants comme
une mère aime ses enfants et de méditer du fond de son coeur,
l'amour qui désire leur bonheur à tous.
Quels sont les bienfaits de la méditation de l'amour? Il est
dit que le bénéfice de la méditation d'un seul moment
d'amour envers les êtres vivants est plus grand encore que celui
qu'il y aurait à emplir d'offrandes les milliards de paradis des
Bouddhas et de renouveler cette offrande chaque jour. Il est dit dans le
Sutra de zla ba sGron Ma (Candradipa sutra):
"L'offrande chaque jour renouvelée envers les Bouddhas, de milliards
de paradis emplis d'objets d'offrande, ne saurait égaler la valeur
de l'esprit d'amour."
La raison en est que tout bien ou tout mal fait à l'égard
d'un être vivant est bien ou mal fait à l'égard d'un
Bouddha, elle est aussi que les êtres vivants sont les protégés
des Bouddhas et que les êtres vivants, de leur nature propre, ont
la bouddhéité pour essence.
"S'ils sont heureux, tous les Puissants (les Bouddhas) aussi sont heureux;
si on leur nuit, on nuit aussi aux Bouddhas... Même si une foule
d'êtres me frappait sur la tête et cherchait à me tuer,
je ne répondrai pas. Que le Seigneur du monde (épithète
qualifiant en général Tchenrezi) se réjouisse! Il
ne fait aucun doute que les Compatissants tiennent tous les êtres
pour leurs. Ceux-là même que l'on voit sous l'apparence d'êtres
vivants ont pour véritable nature celle du Seigneur (Bouddha). Comment
ne pas les honorer?" (sPyod 'Jug)
En ce qui concerne l'essence de l'amour, il s'agit, en se représentant
les êtres, de souhaiter qu'ils puissent toujours jouir du bonheur
et de ses causes. Le maître zLa ba déclare:
"S'efforcer d'accomplir le bien des êtres est ce qu'on appelle
le grand amour."
En ce qui concerne la méditation de l'amour, il faudra d'abord
le développer envers ceux à l'égard desquels il naît
aisément, c'est à dire à l'égard de ses proches.
Il faudra ensuite le développer envers ceux à l'égard
desquels il naît difficilement, c'est à dire à l'égard
de ses ennemis. Finalement, on méditera l'amour à l'égard
de tous les êtres vivants.
1) MEDITATION DE L'AMOUR ENVERS LES PROCHES
Il convient de le méditer d'abord à l'égard de
sa propre mère, puis d'y associer ses autres proches et d'y associer
les êtres ordinaires.
a) A l'égard de sa propre mère
Cette méditation comprend trois étapes: penser à
sa mère, se remémorer ses attentions et développer
le désir de lui rendre les bienfaits qu'elle a prodigués.
- Penser à sa mère: il s'agit de se représenter
sa mère, qu'elle soit morte ou vivante, dans l'aspect de son visage,
de ses mains, de son teint etc... et de se remémorer comme elle
m'aimait et de quelle façon elle me chérissait. Il faut penser
avec force qu'il s'agit là de ma mère aimante.
- Se remémorer ses attentions: elles sont principalement de trois
sortes, le don de la vie et du corps, le don d'une éducation permettant
de reconnaître la bonne attitude à suivre et la mauvaise à
rejeter, et son dévouement inlassable pour mon bien, au prix de
grandes difficultés.
En ce qui concerne le don du corps: elle m'a porté neuf mois
entiers en son sein. Elle s'est souciée d'adopter une alimentation
et un mode de vie qui me soit bénéfique, et de rejeter toute
mauvaise alimentation ou mauvaises habitudes. Elle m'a apporté ce
grand bienfait d'une vie dotée de toutes les conditions favorables
à la pratique.
Quant au don de ma vie: après la naissance, mon corps était
incapable de se nourrir, ma parole incapable de communiquer et mon esprit
était incapable de reconnaître l'attitude à suivre
ou à rejeter. J'étais comme un long ver nu et elle m'a protégé
de son amour, m'évitant ainsi de mourir. Elle m'a regardé
avec amour, m'a appelé de noms agréables, m'a soulevé
de ses cinq doigts, m'a nourri de sa bouche, a nettoyé de ses mains
les souillures de mon corps, m'a réchauffé de la chaleur
du sien, m'a nourri de son doux lait, m'a gardé des dangers du feu,
de l'eau et des précipices, m'a protégé des atteintes
de la chaleur et du froid. N'osant me quitter une seconde, elle m'a chéri
comme un morceau de son propre coeur tombé à l'extérieur.
Telles furent ses bontés.
Elle m'a aussi fait le don d'une éducation me permettant de reconnaître
la bonne attitude à suivre et la mauvaise à rejeter: elle
m'a appris ce qui était bon à manger et à boire pour
moi, alors que je l'ignorais, m'a appris à me mouvoir et à
me tenir, à parler et à m'exprimer alors que je l'ignorais,
m'a enseigné le sens de tous les mots dans leurs détails
et m'a inculqué toutes sortes de bonnes habitudes à suivre
tout en m'enseignant quelles étaient les mauvaises à éviter.
Quant aux difficultés endurées, elle a souffert de la
crainte que je tombe malade tout en s'oubliant complètement elle-même,
elle a craint pour ma vie, elle a craint que je ne puisse égaler
les autres; elle a fait faire des divinations à mon intention, des
calculs astrologiques, a fait appeler le médecin et a fait réciter
toutes sortes de prières pour mon bien. Pour moi, elle s'est privée
de repos le jour et de sommeil la nuit et a travaillé si dur que
ses mains et ses pieds se sont crevassés. Elle s'est privée
de nourriture pour moi, a refusé d'en donner aux autres dans le
même but, s'est privée de la jouissance de ses biens dans
cette vie et n'a rien osé dépenser pour sa vie future de
tout ce qu'elle avait comme nourriture, comme biens et comme richesse.
Elle a tout dépensé sans compter pour mon bien et elle n'a
pas agi ainsi contre sa volonté mais selon son propre désir.
Si elle avait eu le pouvoir de le faire, le don de la royauté universelle
même ne lui aurait pas semblé trop grand à me faire.
Elle s'est sans cesse préoccupée de mon bonheur. Je n'ai
été absent d'aucune de ses pensées ni d'aucune de
ses méditations et elle m'a toujours chéri plus qu'elle-même.
Telles ont été ses bontés. En outre, et alors qu'il
est rare d'entendre même le nom des trois joyaux au sein de la roue
de l'existence, c'est elle qui m'a donné l'occasion de pratiquer
le saint Dharma qui est le moyen permettant toujours d'aller de bonheur
en bonheur, et de jouir du bonheur dans son corps dans cette vie, du bonheur
dans son esprit dans l'état intermédiaire et d'un chemin
aisé et heureux dans les vies ultérieures. En plus, il n'y
a pas que dans cette vie qu'elle m'a servi de mère, mais elle l'a
été à plusieurs reprises tout au long de mes existences,
me comblant alors des mêmes bontés que celles que nous venons
de décrire. C'est à de multiples reprises aussi que, né
dans une famille très pauvre, elle a mendié pour moi nourriture
et vêtements. Plusieurs fois né dans une famille de pêcheurs
ou de bouchers, elle m'a nourri de nourritures mal obtenues. Plusieurs
fois rené comme animal, elle est morte afin de me protéger
du même sort. Si l'on amassait tout le lait bu à son sein,
la quantité égalerait le volume de liquide contenu dans le
grand océan. Elle a aussi été mon père de multiples
fois, me fournissant nourriture, richesses et biens. Elle a été
mes frères et soeurs et mes proches de multiples fois et m'a aimé
de tout son coeur et les larmes qu'elle a versées lors de nos séparations
empliraient le même volume que le grand océan. C'est ainsi
qu'un éon entier ne suffirait pas à énumérer
toutes les bontés qu'elle m'a manifestées. Même si
j'emplissais tout l'univers avec de l'or et que je le lui donne, cela ne
suffirait pas à la payer de ses bontés. Il est dit:
"Le lait que j'ai bu du sein de celle qui m'a servi de mère (de
multiples fois) dépasse même la quantité d'eau contenue
dans les quatre océans. Les dons de chevaux et d'éléphants
reçus de ceux qui ont été mon père, dépasseraient
même la hauteur du royaume de Brahma. Et il en est de même
des autres êtres."
Il convient maintenant de développer le désir de lui rendre
les bienfaits qu'elle m'a prodigués: Si je ne rends pas à
ma mère les bienfaits innombrables qu'elle m'a prodigués,
je serai le plus indigne des hommes. Je dois donc m'efforcer de lui rendre
ses bienfaits et ses bontés. Quel serait le plus grand bienfait
pour ma mère? Ce serait qu'elle puisse jouir du bonheur et de ses
causes. Or, maintenant, elle s'en trouve privée. Il me faut donc
avoir cette pensée associée à un désir, qui
est celui que ma mère puisse jouir du bonheur et de ses causes.
Puis il faut développer la pensée associée à
la production d'une résolution qui est celle de tout faire pour
l'établir dans cet état (de bonheur). Et enfin, il faut produire
la pensée associée à la prière qu'il en soit
ainsi. Il faut donc méditer sur ces trois aspects selon ce qui m'est
le plus désirable. Finalement, je penserai que ce pouvoir d'établir
ma mère dans le bonheur et dans ses causes, je ne le possède
pas; seuls le Lama et les trois joyaux le détiennent. De même
qu'une mère infirme devra crier à l'aide pour sauver son
fils emporté par les eaux, de même, il faudra prier le Lama
et les trois joyaux omniscients afin que ma mère puisse enfin posséder
le bonheur et ses causes. Méditant ainsi, un amour authentique pour
ma mère se développera.
b) Associer les autres proches à cette méditation
On se représente progressivement son père et ses autres
proches dont les bienfaits à mon égard furent importants.
Passant en revue chacune de leurs bontés dans cette vie, on pense
qu'ils m'ont aussi été bénéfiques dans nombre
de mes autres vies en me servant de parents. Je me souviens de toutes les
fois où ils m'ont protégé du malheur. Comme précédemment,
je développe le désir de leur rendre leurs bienfaits et je
médite jusqu'à ce que le même amour que pour ma mère
se développe à leur égard.
c) Associer tous les êtres ordinaires à cette méditation
On se représente maintenant ses voisins et tous ceux avec lesquels
on a eu des relations de nourriture et de richesse et on pense en détail
aux occasions où ils m'ont rendu service. Puis, comme précédemment,
on se représente qu'ils ont été mes parents dans nombre
de mes existences et m'ont accordé leurs bienfaits à de multiples
reprises.
quinta-feira, 6 de setembro de 2012
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